jeudi 10 février 2011

Huineng, Houei-neng ou Eno (6e patriarche)


Huìnéng (Eno en japonais), (638-713) fut le sixième patriarche du chan en Chine. Il naît dans l'extrême sud de la Chine et devient très tôt orphelin. Après avoir entendu le Sūtra du Diamant, il se rend au monastère du mont de la prune jaune et est assigné dans la cuisine, où il demeure six mois.

Un jour, Shénxiù, moine érudit et assistant du patriarche, écrit un poème sur un mur :
"Mon corps est l'arbre de l'éveil,
Mon esprit est le corps du miroir.
De tout temps je m'efforce de les essuyer,
Pour qu'ils ne soient pas couverts de poussière."


Illettré, Huineng se fait lire le poème, et puis il y répond par ces vers:
"L'éveil n'est en effet pas un arbre,
Le miroir n'est pas non plus un corps.
La nature de bouddha est toujours immaculée.
Où trouverait-on de la poussière ? " .


Ayant vu cela, Hongren, le cinquième patriarche du chan, convoque Huineng pour lui transmettre sa robe, et puis lui demande de fuir à cause des jalousies.
Huineng fuit dans le sud de la Chine et se cache pendant quinze ans au milieu d'un groupe de chasseurs. En 677, il se rend dans le temple de Faxing où deux moines sont en train de se disputer, l'un dit que c'est le drapeau qui bouge, l'autre dit que c'est le vent. Alors Huineng leur dit que ce qui bouge n'est ni le drapeau ni le vent, mais c'est en effet leur propre esprit. C'est à ce temple qu'il est devenu moine et maître du dharma. Il fondera par la suite son propre monastère, le Baolinsi.

Huineng est traditionnellement considéré comme le fondateur du chan subitiste, dit « chan du sud » (...)

On lui attribue le célèbre Sūtra de l’Estrade. Pour lui, la méthode n'est ni subite ni graduelle : « C'est l'homme qui est plus ou moins vif, plus ou moins obtus ».

Source du texte : wikipedia


Bibliographie :
- Le soutra de l'estrade du don de la loi, traduction et commentaire de Françoise Morel. Éd. La Table Ronde, 2001.
- Le Soûtra de l'Estrade du Sixième Patriarche Houei-neng par Fa-hai ; traduction et commentaire de Patrick Carré. Ed. Seuil, collection Points Sagesses.
- Discours et sermons de Houei-neng, sixième patriarche Zen ; traduction et introduction de Lucien Houlné, Albin Michel, Spiritualités vivantes.
- Le Sutra de l'Estrade (extraits) dans Tch'an, zen, racines et floraisons. Ed. Hermes. 

Etudes générales : 
voir sous Bibliographie Bodhidharma.


Gens de bonne connaissance,
Dans cette porte de la Doctrine, s’asseoir en contemplation a pour principe de ne s’attacher ni à l’esprit ni au vide et d’être simplement immobile et silencieux.
Certains parlent d’observer l’esprit, mais le principe même de l’esprit est insensé et, comme ce qui est insensé est chimérique, il n’y a rien à observer.
Quant à parler d’observer le vide, la nature des êtres est fondamentalement pur vide, et c’est à cause de pensées insensées que la réalité est obscurcie et cachée. Quand toutes les pensées insensées sont abandonnées, la nature est fondamentalement vide.
Ne pas voir que votre nature est fondamentalement vide fait que s’élève, dans le cœur, l’intention d’observer la vacuité et qu’ainsi naît la chimère vacuité. Cette chimère ne reposant sur rien, on sait que ceux qui l’observent sont des fous.
Le vide n’a ni forme ni caractère.
Ceux qui s’établissent dans le caractère vide, qui prétendent que cela est méritoire, et qui professent de telles vues fausses font obstacle à la spontanéité fondamentale de leur nature et sont prisonniers du concept vacuité.
Pratiquer l’immobilité, c’est ne pas voir continuellement les fautes et les erreurs de tout un chacun. C’est ça, la nature immobile.
Les êtres égarés forcent leur corps à l’immobilité mais, dès qu’ils ouvrent la bouche, c’est pour parler des autres en bien ou en mal : ils tournent le dos à la Grande Voie.
L’observation, soit de l’esprit, soit de la vacuité, fait barrage à la Grande Voie des causes et conditions.
Extrait de : Le soûtra de l’estrade du don de la loi. Trad. de Françoise Morel.


(...) 
Tous les champs de Bouddha sont absolument identiques au vide. 
La nature merveilleuses des mondaines est foncièrement vide et ne contient aucun dharma que l'on puisse obtenir. Il en est de même de la nature propre qui est véritablement vacuité. 
Amis éclairés, lorsque vous m'entendez parler du vide, n'allez pas attraper le vide. La chose capitale est de ne pas attraper le vide. Si vous restez assis immobiles avec le coeur vide, vous attrapez le vide sans distinction. 
Amis éclairés, le vide de l'univers peut contenir les dix milles variétés de forme et d'apparences, le soleil, la lune, les étoiles, les constellations, les montagnes et les rivières, la terre entière, les sources et les fontaines, les rapides et les torrents, les herbes, les arbres, les bois et les forêts, les bons et les méchants, les dharma bons et mauvais, les cieux et les enfers, tous les océans, tous les monts Sumeru : tout cela est au milieu du vide. 
La vacuité de la nature des mondains est identique. 
Amis éclairés, la nature propre peut contenir toutes choses, telle est sa grandeur. Comme toutes choses sont contenues dans la nature propre, que l'on perçoive le bien et le mal en tous les être sans répulsion ni attachement, sans contamination, et le coeur, pareil à l'espace, est dit "grand", c'est pourquoi on l'appelle "maha". 
Amis éclairés, les ignorants ont la parole à la bouche mais les sages pratiquent avec le coeur. Il y a aussi des ignorants qui, assis en méditation le coeur vide, ne pensent à rien et se prétendent "grands". Il est inutile de discuter avec cette engeance à cause de ses vues hérétiques. 
Amis éclairés, le coeur a une grande et vaste capacité et il pénètre complètement le Domaine absolu. Que l'on ait recours à lui et tout est immédiatement clair et net dans le moindre détail, telle est son action. Il connait tout. Tout est immédiatement un. Un est immédiatement tout. Il va et il vient spontanément. Son essence est libre de toute obstruction. La prajna, c'est cela. 
Amis éclairés, toute la sagesse de la prajna provient, naît entièrement de notre nature propre et non du dehors. Ne vous y trompez pas. On l'appelle l'acte même de la vraie nature. Une vérité est toute la vérité. La capacité du coeur concerne la grande affaire et non de menues pratiques. Ne parlez pas du vide jusqu'au coucher du soleil si le coeur ne s'y adonne pas également. Ce serait vous comporter comme des roturiers qui se qualifient de rois et ne le seront jamais. Ces gens-là ne sont pas mes disciples. (...)
Extrait de : Prajna, la sapience, chap. II, sutra de l'estrade dans Tch'an, zen, racines et floraison.


(...) 
Pratiquez la droiture et ne vous attachez à aucun dharma. Les ignorants s’attachent aux signes du Dharma, ils s'emparent du samadhi d'un seul acte. Ils prétendent qu'il faut rester assis sans bouger en oubliant tout et sans qu'aucune pensée ne se lève dans le coeur. Faire cette interprétation, c'est supprimer toute sensation, c'est une des causes d'obstacle sur la Voie.

(...) La non-pensée, c'est être sans pensée dans la pensée même. 
Extrait de : Absoption et Sapience, chap. IV, sutra de l'Estrade dans Tch'an, zen, racines et floraison. Ed. Hermès. 


(...) Cinquièmement, le parfum de la connaissance direct de la libération.
Quand votre coeur est arrivé à n'avoir aucun attachement, à ne penser ni au bien ni au mal, il ne faut absolument pas sombrer dans le vide ni rester dans ce calme. Il faut immédiatement élargir votre savoir et votre écoute afin de connaitre votre coeur foncier et de pénétrer à fond le Principe du Buddha. Soyez accueillants à tous sans notion de moi ni d'autrui et vous atteindrez l'Eveil et votre vraie nature indemne de changement., C'est là ce que l'on appelle le parfum de la connaissance directe de la libération. 
Amis éclairés, ces parfums s'élèvent de l'intime de chacun comme une fumée d'encens. Ne les cherchez pas hors de vous. 
Extrait de : Les parfums du corps du dharma, chap. 6, Sutra de l'Estrade dans Tch'an, zen, racine et floraisons. Ed. Hermès. 


(...) Aucun nom ne peut nommer ce qu'est la nature propre. La nature non-duelle est la nature réelle. Sur elle sont établies toutes les Portes du Dharma. Elle devrait être réalisée dès la parole du maitre entendue.
Extrait de : Sur la Non-dualité, chap. VIII, Sutra de l'Estrade, dans Tch'an, zen, racine et floraison. Ed. Hermès. 


La lumière et l'absence de lumière, l'homme ordinaire les voit comme étant deux, mais pour ceux qui ont franchi les filets de l'illusion les deux ont la même nature. Cette nature non-duelle est la nature réelle. La Nature réelle ne diminue pas avec les gens qui demeurent dans l'ignorance et chez ceux qui excellent dans la sainteté elle n'augmente pas. Elle n'est pas troublée chez ceux qui demeurent parmi les passions et chez ceux qui pratiquent l’absorption, elle n'est pas apaisée. Elle n'est ni permanente ni non permanente. Elle ne va ni ne vient. Elle n'est ni à l'intérieur ni à l'extérieur ni non plus au milieu. Elle ne naît ni ne meurt. Nature réelle et signes distinctifs sont l'Ainsité. Elle demeure constante sans changement. On l'appelle Réalité ultime (Tao).
Extrait de : Sur la Non-dualité, chap. IX, Sutra de l'Estrade, dans Tch'an, zen, racine et floraison. Ed. Hermès. 


Le grand maître dit :
« Gens de bonne connaissance, Pratiquer chez soi est possible ! Il n'est pas nécessaire d'être dans un monastère. Être dans un monastère et ne pas pratiquer, c'est être comme des gens de l'Ouest qui auraient l'esprit mauvais, alors que, si vous pratiquez chez vous, vous êtes comme des gens de l'Est qui pratiqueraient à la perfection. Avoir la volonté de pratiquer le pur vide à la maison, c'est être déjà dans les Terres pures de l'Ouest. »
Le préfet demanda :
« Vénérable, j'aimerais que vous nous indiquiez les points essentiels de la pratique chez soi. »
Le grand maître dit :
« Gens de bonne connaissance, Hui Neng a composé une stance incomparable destinée tant aux moines qu'aux laïcs. Sachez-la tous entièrement par cœur, mettez-la en pratique, et nous serons toujours ensemble.

Voici la stance :
Pénétrer la Doctrine jusqu'à en pénétrer l'esprit est semblable au rayonnement du soleil dans l'immensité vide de l'espace. Ne réfléchir qu'à ce que transmet la Doctrine de l'École subite assure la sortie du monde par la destruction des fausses doctrines.
L'enseignement n'est ni subit ni graduel. Illusion ou intelligence claire dépendent de la lenteur ou de la vivacité de l'esprit. L'étude de la Doctrine de l'École subite ne peut être menée à bien par les sots.
L'enseignement requiert des milliers de moyens, mais toutes leurs divergences convergent vers l'unité. Dans l'antre de vos obscures et secrètes passions, d'un ordinaire instant naîtra le soleil de la bonté.
Les vues fausses sont causes de passions et de souillures que la vue juste fait disparaître. Mais comprendre vraiment que faux et juste sont des notions inutiles, c'est atteindre le pur vide sans reste.
La Bodhi est fondamentalement pur vide. Tout ce qui s'élève dans l'esprit est chimère. La vide nature est au centre de ces chimères. Seule la droiture chasse les trois obstacles.
Il n'y a absolument aucun empêchement à pratiquer la Voie en restant dans le monde : voir constamment ses propres manquements est être en accord avec la Voie.
Chaque genre d'être a sa propre Voie. Adhérez à la Voie, ne la cherchez pas. Chercher la Voie, c'est ne pas la voir! Croire avoir atteint le sommet, c'est retomber dans les passions ! Si vous voulez voir la Voie réelle, pratiquez le Juste Sentier, c'est la Voie. Si vous n'avez pas l'esprit droit, vous avancerez dans les ténèbres sans la voir.
Si vous pratiquez vraiment la Voie, vous ne verrez pas de faute en ce monde. Voir des sujets de critique en ce monde témoigne que l'on est soi-même critiquable !
Des critiques des autres, c'est le moi qui est responsable. De ces critiques, émises par le moi, on est naturellement coupable. Ce n'est que par la suppression de tout esprit de critique que seront totalement détruits les souillures, les passions, et les vains bavardages.
Si l'on veut réformer les sots, il faut s'en donner les moyens et faire en sorte qu'ils n'aient plus de doute : ainsi apparaîtra la Bodhi !
La raison d'être du Dharma est de ce monde, et c'est dans ce monde qu'est la sortie du monde. Ne quittez pas le monde pour en chercher la sortie à l'extérieur !
Les vues fausses sont de ce monde, la vue juste en est la sortie, mais sachez bien que vues fausses ou vues justes doivent toutes deux disparaître.
Cela, seul, est l'enseignement de l'École subite, aussi nommée Grand Véhicule. L'illusion dure d'innombrables kalpas, l'intelligence claire survient en un kshana (instant).
Extrait de : Le soutra de l'estrade du don de la loi (36), trad. François Morel
Source du texte : Omalpha


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