1) L'incitation au crime.
La « liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » (art. 4 de la Déclaration des droits de l'homme), le terme de nuisance est susceptible d'interprétation, on peut néanmoins s'entendre a minima sur le fait de porter atteinte à l'intégrité physique ou/et psychique des personnes. Autrement dit, on pourra déterrer une première borne à la liberté d'expression dans l'incitation au crime - au sens juridique du terme, donc pas seulement au meurtre. A noter qu'il s'agit d'une incitation à un passage à l'acte et non à un sentiment (comme la haine).
2) L'indigence de ce qui est exprimé.
On peut distinguer une diversité de formes d'expression (écrit, dessin, etc.) et de contenus, avec dans tous les cas la présence de ce que l'on pourrait nommer une information. Celle-ci pourra alors alimenter une réflexion ou/et une contemplation (intellectuelle ou/et artistique), et s'accompagner d'une émotion, c'est selon. Elle devra alors être pertinente et dans sa forme et dans son contenu : une démonstration mathématique, par exemple, sera indifférente à l'ajout d'un morceau de musique ou de formules sans rapport avec le problème à résoudre.
En résumé je serais tenté de borner la liberté d'expression à la fois par l'incitation au crime et par l'indigence de ce qui est exprimé, en laissant la première au main de la justice et la seconde à l'appréciation de l'auteur. Habituellement on s'arrête avant la première borne - puisque les législations européennes réprimandent l'incitation à la haine ou à la discrimination, ce qui pose le problème de l'intention et le risque d'une mésinterprétation - sans même voir la seconde.
Pour en revenir à l'actualité. Deux exemples de caricature : la couverture du numéro spécial Mahomet débordé par les intégristes critique une certaine interprétation de l'Islam, par contre Mahomet : une étoile est née ne comporte aucun rapport avec l'actualité (on peut y voir une remise en cause de la fonction prophétique mais d'une manière pornographique). Ce dernier dessin est sans intérêt et pourra être perçu comme insultant par les musulmans.
Donc "Je suis Charlie" comme "Je suis Dieudo" (si Dieudo avait été victime) non pour défendre ce que Charlie Hebdo a publié mais pour la défense de la liberté d'expression car le dépassement des limites est affaire de justice (première borne) ou de protestation (seconde), non d’exécution.
Voir aussi la page : Pour la liberté d'expression / La République des censeurs (Jean Bricmont) / Première dérive sécuritaire ? Ou liberté d'expression sélective ? / Nous sommes tous [...] (Noam Chomsky)
Chappatte (2012)
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