Sans doute, à leur place, aurais-je pu écrire le chiffre 4, en faisant appel à ma mémoire, et chacun, comparant le résultat lu au sien, n'aurait pas manquer d'approuver - mais sans grand enthousiaste, en raison de la facilité de la chose.
Mais suffit-il de faire appel à un souvenir commun (ici une table d'addition) pour pouvoir dire que l'on sait une chose ?
A la fin de son roman 1984, Georges Orwell fait précisément écrire à son héros :
2+2=... (dans la version française, le blanc est remplacer par le chiffre 5). Montrant par là que bien souvent nous nous satisfaisons de vérités proposées, voir imposées, par notre entourage ou par la société.
Pour autant 2+2=4 ne relève pas de la décision d'un pouvoir politique, mais découle logiquement d'un système arithmétique, en l’occurrence à la fois décimal et positionnel. La précision est importante car dans un système d'un autre type le résultat aurait été différent, semblant juste ou faux mais étant absurde.
Dans un système binaire, par exemple, la proposition arithmétique n' a pas de sens, puisqu'il n'existe que deux valeurs, à savoir 0 et 1. Et si à la place on se permet (1+1)+(1+1) on aura un résultat autre : (1+1)+(1+1) = 100.
En effet, en base deux : 1+1=10, 10+1=11, 11+1=100, 101+1=110, 110+1=111, 111+1=1000 (et ainsi de suite).
Ce résultat est donc faux dans un système décimal, et juste dans un système binaire. En fait l'ambivalence provient d'une confusion. Car on aurait tout aussi bien pu choisir deux autres signes (que le 0 et le 1) pour représenter les valeurs binaires. Autrement dit non seulement le résultat est différent mais les unités additionnées, ceci expliquant cela.
Peut-on maintenant faire une transposition ?
Si une formule arithmétique, ou une équation mathématique, est tributaire d'un système arithmétique, ou mathématique, qui lui donne sens, n'en va-t-il pas de même pour une proposition par rapport au langage dans lequel elle s'exprime et au domaine sur quoi elle prétend discourir (ou encore à la ou aux personnes à qui elle s'adresse) ?
Toute vérité (objet de penser ou de dire) n'était-elle pas alors relative ? Le fait de comprendre une vérité n'implique-t-il pas de la comprendre relativement à un ensemble de conditions qui lui donne sens ? En ce cas une proposition ne sera comprise véritablement qu'en pouvant l'appréhender comme étant vraie et comme étant fausse (et comme n'étant plus une proposition mais un non sens).
Cette relativité du discours n'est pas pour autant un relativisme. Car les conditions qui vont déterminer la valeur de vérité (vrai ou faux) d'une proposition ne sont pas équivalentes les unes aux autres. Leur pertinence n'est jamais la même. Par exemple la vérité de la formule citée précédemment (2+2=4) est plus immédiate que sa fausseté, ou son non sens, pour nous, occidentaux du 21e siècle, parce que nous évoluons dans un système décimal positionnel.
Le fait qu'une vérité soient relative (à un langage, un contexte, un point de vue, un système de référence, ...) n'implique pas l'absence de quelque chose d'autre, qui échappe à toute relativité, mais seulement l'incapacité du langage à le définir, le caractériser ou le décrire.
C'est peut-être tout le contraire.
Paradoxalement voir cela (cette relativité du discours) c'est s'ouvrir à la vérité du langage. Considérant que son rôle n'est pas tant de nous donner matière à accumulation (de savoirs ou opinions) que de nous montrer une direction.
Le langage pourra alors nous montrer simplement ce qu'il s'est révélé incapable de nous dire explicitement : l’indicible ou l'ineffable, l'inconcevable ou l'impensable.
Quand le sage montre la lune, l'imbécile regarde le doigt |
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