vendredi 27 janvier 2012

Marie de la Trinité ou Paule de Mulatier



Née à Lyon, en 1903, Paule de Mulatier (Marie de la Trinité) entre chez les Dominicaines missionnaires des campagnes en 1930. Elle y devient rapidement assistante générale et maîtresse des novices. Dix ans après, elle doit se soumettre aux soins de nombreux psychiatres – dont Jacques Lacan pendant quatre ans – et subir les traitements les plus violents. Guérie, elle manifeste des dons exceptionnels à l’hôpital Vaugirard à Paris, ou elle exerce dans le cadre des consultations de médecine psychosomatique, puis elle rejoint le sein de sa congrégation, avant d’adopter une forme de vie semi-érémitique à Flavigny (Côte-d’Or). Elle meurt en 1980.
Source du texte : Ed. du Cerf
Autre biographie : Marie de la Trinitéwikipedia


Bibliographie :
- Consens à n'être rien, Carnets 1936-1942, Éditions Arfuyen, 2002
- Entre dans ma Gloire, Carnets 1942-1946, Éditions Arfuyen, 2003
- Le Petit Livre des grâces, Éditions Arfuyen, 2003
- De l'angoisse à la paix, Éditions Arfuyen, 2003
- Paule dite Marie : Une femme cachée, Éditions Arfuyen, 2004
- Je te veux auprès de moi (Agenda 1927-1930), Éditions Arfuyen, 2005
- Frère Dominique : Le cœur au large ! (1952), Cerf, 2006
- Le Silence de Joseph, préface du P. Dominique Sterckx, carme déchaux, Éditions Arfuyen, 2007
- Les Grandes Grâces, Carnets 1 (11 août 1929 — 2 février 1942), Cerf, 2009
- Revêtir le sacerdoce, Carnets 2 (2 février 1942 — 8 juillet 1942), Cerf, 2011
Etudes :
Collectif, sous la dir. de Eric de Clermont-Tonnerre, Marie de la Trinité : Lectures d'une expérience et d'une oeuvre, Ed. du Cerf, 2003.
Collectif, sous la dir. de Eric de Clermont-Tonnerre, Marie de la Trinité : Union à Dieu et filialité, mystique et épreuve, Ed. du Cerf, 2010.
Christiane Sanson, Marie de la Trinité : De l'angoisse à la paix, Cerf, 2003
Site dédié (avec de nombreux documents) : Marie de la Trinité



11-12 août 1929. 

(...) Sœur Saint Didier partit je crois vers 10 h 30. Il ne restait plus dans la chapelle que Mère Saint Jean et moi - elle était au fond - j’étais à gauche.
Je m’étendis par terre les bras en croix - il faisait froid sur les carreaux - j’étais mince, je sentais tous mes os, de la tempe aux pieds je méditais sur la mort : « Bientôt il n’y aura plus que cela de moi mon Dieu je vous donne tout faites tout ce que vous voudrez, prenez moi selon votre bon plaisir - donnez moi de m’oublier, de me perdre, de disparaître totalement en vous ».

Ce qui se passa ensuite est bien plus difficile à dire - parce que ce ne fut pas mon opération mais celle de Dieu en moi - plus divin qu’humain. Il n'y eut, mon Père, ni parole, ni idée exprimée humainement, ni image. Il n’y eut rien qui puisse être perçu par les sens - ni pensée qui soit l’effet d’un raisonnement quelconque, ni spéculation, ni théorie, rien de ce dont on se sert pour l’exercice naturel des facultés. Les mots jurent avec ce que je veux essayer d’exprimer parce qu’ils sont restreints et limités (...)
Je ne sais combien de temps cela dura, ni comment il se fit autre chose - ici, je devrais me taire, car ce n’est pas moi qui peux dire cela ne vient pas de moi, mais de Dieu et c’est selon son mode à Lui (...) et évoquent forcément des pensées, des réalités que l’intelligence ne peut saisir qu’à sa manière humaine.

Comment vous dire, mon Père ?
Je fus comme immergée en Dieu et il me sembla qu'Il m’absorbait en sa Déité - et que, restant moi, je n’opérais cependant plus par moi même mais par Lui - je me trouvais à la fois dans une immobilité et une activité suprême (si vous voulez m’interroger sur ce que je veux signifier par là j’essaierai de répondre aussi clairement que possible). Alors, comment dire et que dire ? Je connus la Déité de Dieu je connus son Être pas l’idée de Déité ni l’idée d’Être, mais la Déité, l’Être. Je vis, non parce que je pouvais voir, mais parce qu’il me donnait de voir et il n’y avait pas de distance de moi qui voyais à ce que je voyais. Je crois que c’est plus exact d’exprimer ainsi plutôt que de dire que je voyais en moi et me voyais en lui. En sa Déité et son Être je vis sa perfection, sa gloire et son ineffable béatitude, je fus plongée, roulée dans cette béatitude je reçus quelque expérience de la vie éternelle. Je connus et je vis dans la simplicité de son Être - sa majesté - et c’est indicible et inaccessible à l’intelligence humaine. 

Je ne sais pas comment je connus - que alors Dieu était en moi. C’est lui qui opérait en moi - qui m’habilitait à sa connaissance. Je reçus là la connaissance de la paternité divine, de Dieu et de Dieu Père. Je vis l’âme humaine : je la vis en Dieu - comment dire ? L’idée que Dieu a de l’âme humaine - idée qui est vie en Dieu et qui est la suprême réalité de l'âme, réalité par laquelle est l’âme. Je vis ce qu'est l’âme en Dieu. Je ne vis pas telle âme, la mienne ou une autre, mais l’âme - et cela s’appliquait à toute âme. Je la vis en sa perfection telle qu’elle est en l’idée de Dieu, telle qu’elle a son être en Dieu. Je vis l’amour de Dieu pour l’âme - et son aptitude à être unie à Dieu : c’est là sa fin. Je vis l’amour du Père pour l’âme, je l’éprouvai, j’y entrai : pas dans l’amour de l’âme pour Dieu, mais dans l’ineffable, l’inexprimable inconnaissable amour de Dieu pour l’âme. 
Tout ce que j’écris là, je l’expérimentais, et c'est en l’expérimentant que je le connaissais et c’était par l’âme, par le centre de moi même, de mon être, et de ce centre cela se répandait et découlait en tout moi-même. Je vis l’ordre naturel et l’ordre surnaturel, l’ordre naturel à Dieu, l’ordre naturel au créée, l'ordre surnaturel. Je le vis et connu l’âme en sa vie naturelle, je la vis et la connus en sa vie surnaturelle, en ses opérations naturelles et ses opérations surnaturelles. Je vis tout ce qui touche à l’âme (…)
Tout je le voyais dans la lumière divine et le connaissais en cette lumière de l’être de Dieu : je voyais bien plus Dieu que ces choses (...) je ne voyais bien l’âme que parce que je voyais Dieu. Je vis l’âme pour Dieu (…) je vis l’œuvre d’amour de Dieu dans l’âme (…) je vis le péché et ce qu’il est dans l’âme, il faut savoir ce qu'est l’âme de Dieu pour connaître ce qu’est le péché (…) je vis que Dieu se veut à lui-même d’être la béatitude de l’âme, qu’il lui donne en participation sa propre béatitude et j’entrai en cette béatitude qui est la vie éternelle. Pour goûter à cette béatitude, il faut goûter à Dieu qui est cette béatitude : et je reçus ce don. (...) 


Je vis le don que Dieu veut faire de Lui-même à l’âme - dès cette terre - et qu’elle est faite pour être unie à Dieu. Je gémis et je dis : « Mon Dieu qu'est-ce pour moi de connaître votre béatitude, votre Déité et votre Être si je ne puis en avoir part. Mon Dieu comment vous unissez-vous à l’âme ? » je demandai et redemandait (...)

Ce fut minuit. Mère Saint Jean quitta son prie Dieu et vint me relever car je n’avais pas bougé. J’étais prosternée à terre, en croix. Je ne voulais pas parler parce que c’était le silence, ni rien demander pour la perfection de l’obéissance. Je dis : « Mon Dieu si vous voulez vous montrer encore et me répondre, permettez que je reste. » Je regardai Mère Saint Jean, m’étant mise à genoux, elle me dit tout bas : « jusqu'à minuit et demi ! » je me prosternai de nouveau. Alors, aussitôt, je reçus la connaissance du Fils (…) je vis le mystère de l’Incarnation je le vis en Dieu, en sa réalité en Dieu. (...)
Je ne vis pas l’humanité du Christ comme des Saints l’ont vue de leurs yeux : je vis cette humanité en la pensée et l’amour du Père en l’union au Verbe - il n’y avait ni forme ni image. (...) 
Je vis que tout l’amour du Père pour toutes les âmes n’est rien en face de son amour pour l’âme et à minuit et demi je quittai la chapelle, j’allais dans ma chambre, au pavillon. Je m’assis au pied de la petite croix suspendue au mur, et je restai là jusqu'au matin. À 5 heures et demie je m’étendis un moment sur le lit, pour me lever ensuite à 6 heures. J’essayai de me redire à moi-même, c’est impossible : je n’étais plus que moi - mais ce n’était plus la même.
Extrait de : Le petit livre des grâce.
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Source (et suite) du texte : ermitage ouvaton







Jeudi 6 août 1942.
Transfiguration – « Comme il parlait encore, voici qu’une nuée lumineuse les couvrit de son ombre. » Mt 17, 5 – « et ils furent saisis de peur en entrant dans la nuée. » Lc 9, 34.
Dans la Transfiguration, le sacerdoce est signifié par le vêtement, parce qu’il s’adapte à toute la nature telle qu’elle est, et revêt sa forme, tout en lui imprimant la sienne. Il revêt sa forme naturelle, et lui imprime sa forme spirituelle – car la nature humaine se trouve revêtue des propriétés du sacerdoce, ainsi que toute son activité. La gloire, l’adoration, la louange, l’action de grâces, sont activité sacerdotale. Ce qui est don de Filiation, c’est la vue directe, dans le face à face qui pénètre la substance même (…)
C’est rareté que les âmes jouissent par expérience du don de Filiation, qui est le seul dont on leur parle et qui n’est à l’aise, pour ses développements, que dans une âme pleinement purifiée et référée de façon permanente, par le don de sacerdoce. Il semble que si les âmes étaient mieux instruites du sacerdoce réel, plus grand serait le nombre de celles qui seraient élevées aux expériences de la Filiation. Ce n’est pas le don de Dieu qui est fait avec parcimonie (c’est impossible au Père d’être parcimonieux), mais c’est par suite de l’insuffisante préparation des âmes, qui ne sont pas adaptées à la Filiation ; et c’est là très précisément l’œuvre du sacerdoce réel. (...)

C’est une nudité substantielle que le sacerdoce réfère au Père - et qui se sait participante de la Filiation : de là lui vient son audace ! Pour moi, je suis un comble de nudité; car, selon la nature, je suis la pauvreté même – et la surabondance des grâces n’a trouvé en moi qu’une stérilité obstinée !
Et l’âme se dispose aux lumières par l’aveu de son obscurité, de son ignorance et de ses ténèbres par incapacité, non à recevoir la lumière, mais à en produire d’elle-même la moindre étincelle – elle s’avoue aussi, devant le Père, incapable de saisir et de retenir la lumière, comme de la faire fructifier, s’Il ne lui en fait la grâce. Car c’est par passivité et par aveu de ce qu’elle est (= par où elle se présente selon la vérité qu’elle est – et il y a alors relation, au plan vérité, entre elle et le Fils : bien que l’Un soit à un bout de la vérité, et elle à l’autre, au plus infime !) – plus que par activité et tendance, effort vers ce qu’elle n’a pas, que l’âme attire le Père et se dispose à Lui – ou seulement à ses opérations en elle, selon qu’il Lui plaît.
Pour moi, tout à l’heure, dans cette expérience de Paternité active en moi, j’avais l’impression que le Père se servait de moi comme pour se mirer en moi : je ne puis m’exprimer autrement – un moment après je trouvai, dans l’Office, ces paroles du Capitule de Sexte : « Nos autem, revelata facie, gloriam Domini speculantes ◊ Reflétant, visage découvert, la gloire du Seigneur » 2 Co 3, 18.
L’union au Père suppose une purification poussée à l’extrême, consommée – et comme cette union peut toujours progresser durant la vie mortelle, il faut que toujours progresse cette purification. C’est une purification qui doit croître par l’effet d’adoration, plus que par expiation – par activité sacerdotale de gloire, plus que par activité sacerdotale de la terre selon qu'elle y est expiation, réparation, restauration et justification – parce que, comme il s’agit d’union, il convient que l’activité sacerdotale soit le plus directement ordonnée au Père, comme cela a lieu dans son activité de gloire; activité de gloire qui est du reste, à sa manière, très mortifiante et purifiante pour la nature. (…)
L’Esprit Saint ne dit rien, parce qu’aucune Personne ne procède de Lui – cependant, ce que dit le Père ou le Fils, n’est perçu par l’âme que grâce à son Étreinte, par laquelle elle se trouve unie à qui lui parle – c’est pourquoi on dit de l’Esprit Saint qu’Il dispense les dons : parce qu’Il donne à l’âme de les recevoir.
« Je suis, en toi, chez Moi. Ne te lasse pas de travailler pour ma Gloire, et Je ne Me lasserai pas de te rassasier de Moi-même. »
Vu que l’état religieux est état sacerdotal par excellence, plus encore que l’état de victime, d’holocauste. 

Carnet 14, p. 1239/738 à 1247/743
Source (et suite) du texte : mariedelatrinité


Intervention de Christiane Schmidt au Centre d'Etude du Saulchoir :







Frère Eric de Clermont-Tonnerre :







Kristel Jeannot, psychanalyste :







Source des vidéos : Centre d'Etude du Saulchoir




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