mercredi 7 mars 2012

Niffari ou Muhammad ibn Abd-al-Jabbar al-Hasan al-Niffari

Muhammad ibn Abd-al-Jabbar al-Hasan al-Niffari serait mort en l'an 354 de l'Hégire (965 après J.-C.), soit une quarantaine d'années après Husayn ibn Mansur Hallaj, le martyr du soufisme.
Son surnom lui serait venu du nom du village de Al-Niffar, dans la région de Kufa en Irak.
Il a laissé deux ouvrages : Al-Mawaqif (Les stations) et Al-Muhatabat (Les adresses).
Hormis ces maigres données biographiques et ces deux livres, on ne connaît à peu près rien de Niffari, comme si cet homme, conscient d'avoir à redouter un sort semblable à celui de Hallaj, avait préféré vivre caché et inconnu de son époque.
Pendant plus d'un siècle et demi après sa mort, Niffari semble avoir été complètement ignoré.
Ce n'est qu'au sixième siècle de l'Hégire que l'on trouve son nom ainsi que des passages de ses livres cités par le grand savant et mystique Ibn-Arabi.
Au septième siècle, Afif al-Din Tilmisani commente les Mawaqif dans un ouvrage intitulé Sharh al-Mawaqif (Interprétation des Mawaqif).
Al-Sharani, historien et théologien du dixième siècle, déclare ne connaître le nom de Niffari que par hasard.
Source du texte : Arfuyen 


Bibliographie (en français) :
- Les Haltes, Ed. Fata Morgana, 1995, Actes Sud, 2007.
- Stations, Ed. Arfuyen
- Le Livres des Sations, Ed. Eclats, 2002.


Station de la doctrine et du retournement de soi
Il m'arrêta et me dit : Tu n'es ni proche ni lointain, ni absent ni présent, ni vivant ni mort. Ecoute ma volonté : Si je te nomme, ne te nomme pas. Si je te pare, ne te pare pas. Ne te souviens pas de moi, si tu te souviens de moi je te ferai oublier mon souvenir. Il me dévoila le visage de toutes choses, et je les vis s'attachant à son visage. Et je vis le dos de toutes choses s'attachant à son commandement et son interdiction.
Il me dit : Regarde mon visage. Et je regardai. Il dit : Il n'y a rien d'autre que moi. Et je dis : Il n'y a rien d'autre que toi.
Il me dit : Regarde ton visage. Et je regardai. Il dit : Il n'y a rien d'autre que toi. Et je dis : il n'y a rien d'autre que moi. Il dit : Sors d'ici, tu est le docte. Je sortis m'enfoncer dans la doctrine, et je parvins au point du retournement. Usant de la doctrine, je me retournai et vins à lui. Il me dit : Je ne regarde pas ce qui est composé.

Station Voici que tu pars
Il m'arrêta entre ses mains et me dit : vois-tu un autre que moi ? Non, répondis-je. Il dit : Regarde-moi. Je le regardai, abaissant et élevant les plateaux de la balance et, seul, régissant toutes choses.
Il me dit : Tu ne me vois qu'entre mes main. Voici que tu pars voir un autre que moi, et tu ne me vois pas. Si tu vois cet autre, ne le repousse pas. Garde ma volonté. Si tu la perds, tu seras infidèle. Si cet autre te dit Moi, crois-le car je l'ai cru. S'il te dit Lui, récuse-le car je l'ai récusé.

Station d'une mer
Il m'arrêta dans une mer, sans la nommer, et me dit : Je ne la nomme pas. Car tu es mien et non pas sien. Si je te fais connaître un autre que moi, tu es le plus ignorant des ignorants. L'existence tout entière est un autre que moi. Ce qui appelle à moi et non pas à soi, cela est mien. Si tu y réponds, je te châtierai et n'accepterai pas ce que tu apportes. Je ne puis me passer de toi, mon besoin est tout entier de toi. Demande-moi le pain et la chemise, et je me réjouirai. Assieds-toi auprès de moi, et je serai tes délices et nul que moi ne te délectera. Regarde-moi, je ne regarde rien que toi. Si tu m'apportes tout cela et si je te disque tout cela est juste, alors tu n'es pas mien, et je ne suis pas tien.
Extrait de : Stations
Source du texte : Arfuyen


Qui es-tu et qui suis-je ?
Il m'arrêta et me dit : "Qui es-tu et Qui suis-je ?"
Et je vis le soleil, la lune, les étoiles et toutes les lumières.
Il me dit : "Il n'est resté dans le courant de mon océan nulle lumière que tu n'aies vu".
Et vers moi vint toute chose jusqu'à ce qu'il n'en reste aucune, et chacune d'elle m'embrassa entre les yeux, me salua et se tint dans l'ombre.
Il me dit : "Tu me connais et je ne te connais pas."
Et je le vis tout entier s'attacher à mon vêtement et ne pas s'attacher à moi.
Et il me dit : "Celle-ci est mon observance".
S'inclina mon vêtement, mais je ne m'inclinai pas; et lorsque s'est incliné mon vêtement, il me dit : "Qui suis-je ?"
Alors le soleil et la lune s'obscurcirent, les étoiles s'abîmèrent, les lumières s'évanouirent, et les ténèbres ensevelirent toutes les choses excepté lui; mes yeux ne virent plus, mes oreilles n'entendirent plus, et s'éteignit ma sensibilité, et toute chose énonça : "Dieu est le plus grand".
Et toute chose vint vers moi, une lance à la main, et il me dit : "Sauve-toi".
Je répondis : "Où fuir ?"
Il me dit : "Précipite-toi dans les ténèbres".
Je m'y précipitais et je m'aperçus moi-même.
Il me dit : "Tu ne percevras jamais un autre que toi et tu ne quitteras jamais les ténèbres. Mais si je t'en exclus, je te montrerai à toi et tu me verras. Et quand tu me verras, tu seras le plus lointain des lointains."

La station de la proximité

Il m'arrêta dans la proximité et me dit : De moi aucune chose n'est ni éloignée ni proche d'une autre, sinon dans la modalité de sa fixation par moi dans la proximité et l'éloignement.
Il me dit : L'éloignement tu le connais par la proximité, et la proximité tu la connais par l'existence : et je suis celui que la proximité ne quête pas, et que l'existence n'atteint pas.
Il me dit : La plus infime des sciences de la proximité est que tu constates les traces de mon regard en toute chose, de sorte que prévale sa maîtrise sur la connaissance que tu en as.
Il me dit : La proximité que tu connais comparée à celle que je connais est semblable à ta connaissance comparée à la mienne.
Il me dit : Tu n'as connu ni mon éloignement, ni ma proximité, pas plus que tu n'as connu mon attribution comme je l'ai connue.
Il me dit : Je suis le proche, mais pas comme proximité d'une chose à une autre ; et je suis le lointain, mais pas comme éloignement d'une chose à une autre.
Il me dit : Ta proximité n'est pas mon éloignement, et ton éloignement n'est pas ta proximité : et je suis le proche/lointain d'une proximité qui est l'éloignement et d'un éloignement qui est la proximité.
Il me dit : La proximité que tu connais est distance, et l'éloignement que tu connais est distance : et je suis le proche/lointain sans distance.
Il me dit : Je suis plus proche de la langue qu'elle ne l'est de sa propre Parole quand elle articule. Celui qui me contemple n'évoque pas, et celui qui m'évoque ne me contemple pas.
Il me dit : Si ce que le contemplateur/évocateur contemple n'est pas une vérité, il se voile par ce qu'il évoque.
Il me dit : Tout évocateur n'est pas contemplateur : mais tout contemplateur est un évocateur.
Il me dit : Je me suis fait connaître à toi, et tu ne m'as pas reconnu : cela est éloignement. Ton cœur m'a vu et ne m'a pas reconnu : cela est éloignement.
Il me dit : Tu me trouves et ne me trouves pas : cela est l'éloignement. Tu me décris et ne me saisis pas dans mon attribution : cela est l'éloignement. Tu écoutes le message que je te destine comme s'il venait de ton cœur alors qu'il vient de moi: cela est l'éloignement. Tu te vois, alors que je suis plus proche de toi que ta propre vision: c'est cela l'éloignement.
Extrait de : Le livre des Stations
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Source du texte : jepoeme


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