Source du texte : Evene
Autres biographies : Musée d'Orsay / wikipedia
Oeuvres voir : wikipedia
En ligne : wikisource / poemeweb / litterature audio (mp3)
Auguste Renoir, Stephane Mallarmé
Je viens de passer une année effrayante : ma pensée s’est pensée, et est arrivée à une conception pure. Tout ce que, par contre-coup, mon être a souffert, pendant cette longue agonie, est inénarrable, mais, heureusement, je suis parfaitement mort, et la région le plus impure où mon esprit puisse s’aventurer est l’éternité, mon esprit, ce solitaire habituel de sa propre pureté, que n’obscurcit plus même le reflet du temps.
Malheureusement, j’en suis arrivé là par une horrible sensibilité, et il est temps que je l’enveloppe d’une indifférence extérieure, qui remplacera pour moi la force perdue. J’en suis, après une synthèse suprême, à cette lente acquisition de la force - incapable tu le vois de me distraire. Mais combien plus je l’étais, il y a plusieurs mois, d’abord dans ma lutte terrible avec ce vieux et méchant plumage, terrassé, heureusement, Dieu. Mais comme cette lutte s’est passée sur son aile osseuse, qui, par une agonie plus vigoureuse que je ne l’eusse soupçonné chez lui m’avait emporté dans des ténèbres, je tombai, victorieux, éperdument et infiniment - jusqu’à ce qu’enfin je me sois revu un jour devant ma glace de Venise, tel que je m’étais oublié plusieurs mois auparavant.
J’avoue, du reste, mais à toi seul, que j’ai encore besoin, tant ont été grandes les avaries de mon triomphe, de me regarder dans cette glace pour penser, et que si elle n’était pas devant la table où je t’écris cette lettre, je redeviendrais le néant. C’est t’apprendre que je suis maintenant impersonnel, et non plus Stéphane que tu as connu, - mais une aptitude qu’à l’univers spirituel à se voir et à se développer, à travers ce qui fut moi.
Fragile comme est mon apparition terrestre, je ne puis subir que les développements absolument nécessaires pour que l’univers retrouve, en ce moi, son identité.
Extrait de : Stéphane Mallarmé, Correspondance. Lettres sur la poésie, Gallimard-folio, 1995, pp. 342-343.
Source : 3e Millénaire / morphosis
* * *
William Turner, Tempête
Brise marine
La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres.
Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres
D’être parmi l’écume inconnue et les cieux !
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
Ne retiendra ce coeur qui dans la mer se trempe
O nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
Je partirai ! Steamer balançant ta mâture,
Lève l’ancre pour une exotique nature !
Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,
Croit encore à l’adieu suprême des mouchoirs !
Et, peut-être, les mâts, invitant les orages
Sont-ils de ceux qu’un vent penche sur les naufrages
Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots…
Mais, ô mon coeur, entends le chant des matelots !
* * *
Prose (pour des Esseintes)
Hyperbole ! de ma mémoire
Triomphalement ne sais-tu
Te lever, aujourd'hui grimoire
Dans un livre de fer vêtu :
Car j'installe, par la science,
L'hymne des coeurs spirituels
En l'oeuvre de ma patience,
Atlas, herbiers et rituels.
Nous promenions notre visage
(Nous fûmes deux, je le maintiens)
Sur maints charmes de paysage,
O soeur, y comparant les tiens.
L'ère d'autorité se trouble
Lorsque, sans nul motif, on dit
De ce midi que notre double
Inconscience approfondit
Que, sol des cent iris, son site
Ils savent s'il a bien été,
Ne porte pas de nom que cite
L'or de la trompette d'Été.
Oui, dans une île que l'air charge
De vue et non de visions
Toute fleur s'étalait plus large
Sans que nous en devisions.
Telles, immenses, que chacune
Ordinairement se para
D'un lucide contour, lacune,
Qui des jardins la sépara.
Gloire du long désir, Idées
Tout en moi s'exaltait de voir
La famille des iridées
Surgir à ce nouveau devoir.
Mais cette soeur sensée et tendre
Ne porta son regard plus loin
Que sourire, et comme à l'entendre
J'occupe mon antique soin.
Oh! sache l'Esprit de litige,
À cette heure où nous nous taisons,
Que de lis multiples la tige
Grandissait trop pour nos raisons
Et non comme pleure la rive
Quand son jeu monotone ment
À vouloir que l'ampleur arrive
Parmi mon jeune étonnement
D'ouïr tout le ciel et la carte
Sans fin attestés sur mes pas
Par le flot même qui s'écarte,
Que ce pays n'exista pas.
L'enfant abdique son extase
Et docte déjà par chemins
Elle dit le mot : Anastase !
Né pour d'éternels parchemins,
Avant qu'un sépulcre ne rie
Sous aucun climat, son aïeul,
De porter ce nom: Pulchérie !
Caché par le trop grand glaïeul.
Hyperbole ! de ma mémoire
Triomphalement ne sais-tu
Te lever, aujourd'hui grimoire
Dans un livre de fer vêtu :
Car j'installe, par la science,
L'hymne des coeurs spirituels
En l'oeuvre de ma patience,
Atlas, herbiers et rituels.
Nous promenions notre visage
(Nous fûmes deux, je le maintiens)
Sur maints charmes de paysage,
O soeur, y comparant les tiens.
L'ère d'autorité se trouble
Lorsque, sans nul motif, on dit
De ce midi que notre double
Inconscience approfondit
Que, sol des cent iris, son site
Ils savent s'il a bien été,
Ne porte pas de nom que cite
L'or de la trompette d'Été.
Oui, dans une île que l'air charge
De vue et non de visions
Toute fleur s'étalait plus large
Sans que nous en devisions.
Telles, immenses, que chacune
Ordinairement se para
D'un lucide contour, lacune,
Qui des jardins la sépara.
Gloire du long désir, Idées
Tout en moi s'exaltait de voir
La famille des iridées
Surgir à ce nouveau devoir.
Mais cette soeur sensée et tendre
Ne porta son regard plus loin
Que sourire, et comme à l'entendre
J'occupe mon antique soin.
Oh! sache l'Esprit de litige,
À cette heure où nous nous taisons,
Que de lis multiples la tige
Grandissait trop pour nos raisons
Et non comme pleure la rive
Quand son jeu monotone ment
À vouloir que l'ampleur arrive
Parmi mon jeune étonnement
D'ouïr tout le ciel et la carte
Sans fin attestés sur mes pas
Par le flot même qui s'écarte,
Que ce pays n'exista pas.
L'enfant abdique son extase
Et docte déjà par chemins
Elle dit le mot : Anastase !
Né pour d'éternels parchemins,
Avant qu'un sépulcre ne rie
Sous aucun climat, son aïeul,
De porter ce nom: Pulchérie !
Caché par le trop grand glaïeul.
Extraits de : Stéphane Mallarmé, Poésies, Ed. Gallimard, 1992.
Commande sur Amazon : Poésies
Commande sur Amazon : Poésies
* * *
Merleau-Ponty à propos du langage de Mallarmé
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire