La Grande table (2ème partie) par Caroline Broué
Ce que nous enseigne la torture 17.12.2014
avec Catherine Perret auteure de L'Enseignement de la Torture
La torture était beaucoup plus brutale que la CIA ne l’a admis
Par Jean-Cosme Delaloye (09.12.2014)
Un rapport du Sénat accable les services secrets pour les «techniques d’interrogatoires renforcées» utilisées entre 2001 et 2009.
La CIA est à genoux. Dianne Feinstein, sénatrice démocrate de 81 ans, a en effet mis K.-O. mardi les services secrets américains, dans un discours prononcé à la publication d’un rapport accablant sur les tortures infligées à des personnes détenues après les attentats du 11 septembre 2001. L’élue californienne a fustigé la brutalité des agents de la Central Intelligence Agency (CIA). Elle a affirmé que le programme d’interrogatoires musclés était une «tache» dans l’histoire des Etats-Unis. Elle a contredit l’agence fédérale en affirmant que la torture pratiquée sur 39 suspects n’a pas été «efficace». Elle a accusé les services secrets d’avoir menti à la Maison-Blanche et au Congrès, leur donnant des «informations erronées» sur ces interrogatoires. Elle a enfin déclaré que le programme était mal géré et beaucoup plus brutal que ce que la CIA voulait bien admettre.
La parlementaire, qui dirige la commission du Sénat sur les Services secrets, a mentionné à plusieurs reprises le cas d’Abou Zoubeida, ancien cadre d’Al-Qaida capturé au Pakistan en 2002. Les agents de la CIA lui ont notamment fait subir des simulations de noyade. Le rapport décrit alors comment il a «toussé, vomi» pendant plus de deux heures lors de la première application de ces «techniques d’interrogatoire renforcées».
Abus et privations
Le résumé en 524 pages (car le rapport complet compte 6000 pages et restera classé top secret) dresse une longue liste de sévices qu’ont dû subir certains détenus de la guerre contre la terreur, déclenchée par le président George W. Bush en 2001. Il parle notamment de nourriture forcée par voie rectale, de privation de sommeil pendant 180 heures, de bains glacés, de menaces d’abus sexuels et de mort.
Ce rapport a été rendu public après de longues négociations entre la commission du Sénat, la Maison-Blanche et la CIA. Les enquêteurs ont épluché plus de 6,3 millions de pages de documents depuis mars 2009. Ce programme d’interrogatoires renforcé avait été approuvé par l’administration Bush mais stoppé par Barack Obama à son arrivée à la Maison-Blanche au début 2009. Le président américain, qui a validé la publication du résumé du rapport, a affirmé que les méthodes employées par la CIA pour faire parler des détenus au lendemain du 11 septembre, «ne correspondaient pas aux valeurs» des Etats-Unis et qu’elles n’avaient pas aidé Washington dans la lutte antiterroriste.
John Brennan, le directeur de la CIA, a reconnu dans un communiqué que les services secrets avaient fait des «erreurs» avec leur programme d’«interrogatoires renforcés». Il a néanmoins réaffirmé que certaines informations obtenues grâce à ces méthodes ont permis d’empêcher des attaques terroristes, contrairement à ce qu’affirme le rapport.
Bras de fer politique
Dianne Feinstein a fait publier le rapport avant que les républicains ne prennent le contrôle du Sénat en janvier, car elle craignait qu’ils ne décident de le «classer». Richard Burr, le Sénateur conservateur de Caroline du Nord qui succédera à Feinstein, a d’ailleurs sévèrement critiqué la démarche. «La seule raison pourrait être d’embarrasser George Bush», a-t-il affirmé.
John McCain, par contre, s’est désolidarisé de ses collègues de parti. Le sénateur républicain de l’Arizona, qui avait été torturé pendant la guerre du Vietnam, a soutenu la démarche de Dianne Feinstein. «Nous avons beaucoup abandonné (ndlr: de principes) dans l’attente que la torture nous rendrait plus sûrs», a-t-il martelé dans un discours au Sénat. Mais en fin de compte, «l’information la plus importante dans notre chasse à Ben Laden a été obtenue grâce à des méthodes d’interrogatoires conventionnelles.»
Source : TdG
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire