vendredi 6 mars 2015

Lanceurs d'alerte au FIFDH

«Obama veut terrasser les lanceurs d’alerte»
Interview de Thomas Drake, ancien employé de la NSA qui a révélé le programme d'écoutes, et Jesselyn Radak, l'avocate d'Edward Snowden.
Par Andrés Allemand, le 5 mars 2015 - Tribune de Genève

Thomas Drake a un petit job chez Apple. Son poste de cadre supérieur à la NSA, l’Agence nationale de la sécurité aux Etats-Unis, il l’a perdu quand il a fourni à la presse, fin 2005, des preuves que l’Etat espionnait les simples citoyens. Résultat: sa vie a été détruite, ses économies envolées. Jesselyn Radack, elle, était jusqu’en 2002 «conseillère éthique» au Département de la justice. Mais sa hiérarchie n’a pas apprécié qu’elle dénonce l’absence d’avocat lors de l’interrogatoire du «taliban américain» John Walker Lindh. A présent, elle assure la défense de lanceurs d’alertes, dont Edward Snowden. Vendredi soir à Genève ils participent à un débat du Festival international du film sur les droits humains (FIFDH), à 20 h 30 à la salle Pitoëff.

Dans l’Histoire des Etats-Unis, seulement dix citoyens ont été inculpés d’espionnage après des fuites de documents officiels vers la presse. Sept l’ont été sous Barack Obama. Est-ce donc devenu pire qu’avant ?

Jesselyn Radack: Obama aime parler de transparence. A son arrivée à la Maison-Blanche, il louait les lanceurs d’alerte. Depuis, son administration n’a fait que les réprimer. Pour les réduire au silence, cacher ce qui dérange. Il y a bien le Whistleblower Act, loi censée protéger depuis 1989 quiconque dénonce les violations de la Constitution. A deux exceptions près: il ne peut être question ni de sécurité nationale ni des services secrets. Une sacrée brèche! Obama s’y est engouffré, déclarant la «guerre aux lanceurs d’alerte», comme disent les médias. Selon le New York Times, il y a plus d’obstacles à la liberté d’expression que sous Nixon (ndlr: tombé en 1974 suite au Watergate). Dénoncer une dérive, c’est être rayé de la fonction publique, passer pour un traître, se voir poursuivi par la Justice, se ruiner en frais d’avocat et ne plus trouver d’emploi.

Vraiment, la présidence actuelle ne fait pas mieux que Bush?

Thomas Drake: C’est sous Bush, après le 11 septembre 2001, que tout a changé. La sécurité a soudain eu la primauté, même par rapport à la Constitution. A la NSA, un supérieur hiérarchique m’a affirmé sans sourciller que «la fin justifie les moyens» et que la violation de la sphère privée est «légale» puisqu’elle a été avalisée par «l’autorité exécutive carrément». Bref, le gouvernement s'est placé au-dessus des lois.

J.R.: Bush a autorisé ces dérives, mais Obama les a normalisées. Suspects torturés, citoyens espionnés, guerre des drones… Un million de personnes aux Etats-Unis avait accès à ces infos classées top secret avant de devenir de grands scandales. Les quelques patriotes qui ont donné l’alerte au FBI, à la NSA, dans l’armée ou au Département de la justice, ont été poursuivis sous l’Espionage Act, adopté pour lutter contre les agents adverses… à la fin de la Première Guerre mondiale!

Rien n’a donc été fait pour améliorer la situation?

J.R.: Si Obama voulait vraiment en finir avec fuites, il réformerait le Whistleblower Act, abolissant les exceptions et adoptant des sanctions contre quiconque se vengerait des lanceurs d’alerte. Au contraire, il renforce la culture du secret, qui fait naître davantage de dénonciations…

T.D.: Comme Snowden, j’avais des documents prouvant que l’Etat espionne ses citoyens. A l’époque, je les ai fournis aux investigateurs internes de la NSA et à la commission parlementaire surveillant les services secrets. Sans résultat. Cela n’a pas échappé à Snowden, qui les a fournis aux médias…

Envers et contre tout, il y a encore des lanceurs d’alerte. Comment l’expliquer ?

J.R.: Le courage, c’est contagieux. Edward Snowden dit avoir été inspiré par Thomas Drake. D’autres à l’avenir diront qu’ils ont été inspirés par Snowden. Chacun a sa ligne rouge. Nous tolérons bien des choses, mais seulement jusqu’à un certain point. Ensuite de quoi, cela devient tout simplement insupportable.
Source : TdG




Thomas Drake et Jesselyn Radack - FIFDH, Geneva


Lanceurs d'alerte, coupables ou héros ? 
Par Isabelle Gattiker

Qu’est-il arrivé à l’homme de la National Security Agency (NSA) qui a dénoncé le waterboarding ? A quelles conséquences s’exposent celles et ceux qui dénoncent des illégalités du gouvernement américain ? A quels dilemmes terribles entre loyauté et conscience font face ceux qui parlent ?
Autant de questions posées par ce documentaire qui nous plonge dans l’intimité de trois whistleblowers : l’avocate Jesselyn Radack et l’ancien analyste de la CIA John Kiriakou, qui ont dénoncé les méthodes de torture lors des interrogatoires menés par l’armée américaine et la CIA, ainsi que l’ancien agent Thomas Drake, qui a rendu publiques les écoutes illégales de la NSA.
Ils ont tous trois refusé d’être les complices d’illégalités commises en toute connaissance de cause par le gouvernement ou l’armée américaine. Harcelés par la justice, humiliés par les médias, attaqués dans leur vie personnelle, ruinés financièrement, les protagonistes de ce film sont les victimes directes d’une virulente campagne de répression des dissidents sous couvert de sécurité nationale. Comme le dit John Kiriakou : « je ne suis plus sûr de qui sont les gentils, et qui sont les méchants » (I’m not sure anymore who the good guys are).
Un film-enquête majeur qui résonne comme un puissant signal d’alarme.
ompétition OMCT

FILM ET DEBAT (06 mars / 20h30 / Grande Salle - Pitoëff)
James Spione, Silenced (USA, 2014)
Co-présenté avec l'Organisation Mondiale contre la Torture (OMCT) et Reporters sans frontières (RSF)
Dick Marty, vice-président de l’OMCT, ancien procureur général du Tessin, auteur du rapport du Conseil de l’Europe sur les prisons secrètes de la CIA
Paul Coppin, chargé de la coordination du Comité juridique de RSF
Suivi d’une discussion avec les protagonistes du film :
Jesselyn Radack, whistleblower, avocate, ancienne juriste au Département américain de la justice
Thomas Drake, whistleblower, ancien cadre supérieur de la NSA
John Kiriakou, whistleblower, ancien analyste de la CIA, condamné à 30 mois de prison (par Skype)
Modération: Xavier Colin, journaliste RTS
Source : FIFDH / Programme
Pour voir le débat en live : FIFDH




Interview de Edward Snowden (FIFDH, 05.03.2015)
"J'aimerai beaucoup retourner dans un endroit comme la Suisse. Certains de mes meilleurs souvenirs sont à Genève. La Suisse serait une excellente option politique. De par sa neutralité historique, du fait de son rôle dans le passé. Cela permettait à la Suisse de poliment affirmer sa neutralité, d'affirmer que le droit compte, que les lois comptent. En même temps, elle ne pourrait pas être accusée d'entreprendre des activités anti-américaines. Ce serait quelque chose d'acceptable pour les Etats-Unis, malgré ce qu'ils affirmeraient publiquement"  


Edward Snowden «skype» avec Genève 

Le lanceur d'alerte s'est adressé jeudi soir au public du FIFDH, à Genève, par vidéoconférence. Il se verrait bien réfugié politique au bout du lac
Par Cathy Macherel, le 6 mars 2015 - Tribune de Genève
 
Edward Snowden, l'ex-agent de la NSA qui a révélé le vaste système de surveillance électronique des citoyens mis en place par les Etats-Unis, a pris la parole jeudi soir dans le cadre du Festival du film et forum international sur les droits humains, à Genève. A travers Skype, il s'est adressé au public venu suivre la diffusion de «Citizenfour», le documentaire de Laura Poitras traitant de ces révélations et récemment primé aux Oscars.

Depuis la Russie, qui lui a offert un asile temporaire, il est revenu sur les motivations qui l'ont poussé à dénoncer les activités d'espionnage des citoyens mis en place par son pays. «Cette surveillance globale et intrusive n'a jamais permis de stopper une seule attaque terroriste», a relevé le lanceur d'alerte, qui estime que depuis les révélations, l'administration Obama a fait bien peu de choses pour stopper les activités illégales de la NSA, l'Agence nationale de sécurité américaine. «Or ce que les citoyens aimeraient entendre, c'est qu'on ne refera plus ce type d'erreur.»

Edward Snowden a répété jeudi soir son désir de rentrer un jour chez lui dans des conditions qui lui garantissent un traitement juste, permettant un débat serein sur ces questions. «A ce jour, la seule garantie que j'ai, c'est qu'ils ne vont pas m'exécuter», a-t-il lancé en riant. «Mais la question, ce n'est pas de savoir ce qu'ils vont faire de moi, mais ce qu'ils vont faire de nous», a-t-il relevé, soulignant l'importance de se battre, partout, pour la garantie des libertés individuelles. «Je suis un patriote. Mais être un patriote, cela ne veut pas dire être d'accord avec ce que le gouvernement fait; car les gouvernements se trompent souvent. Aimer son pays, c'est se lever pour dénoncer l'Etat lorsqu'il viole les lois. Car on ne peut pas laisser se créer des super-Etats qui jouent avec des lois différentes de celles auxquelles sont soumis les citoyens.»

A défaut de rentrer dans son pays natal, où vivent sa famille et ses amis, qui lui manquent, Snowden envisagerait volontiers un refuge à Genève, encore faut-il qu'on le lui permette, a-t-il dit en réponse à une question de Darius Rochebin, le journaliste de la RTS qui animait le débat. Une ville qu'il connaît bien puisqu'il y a exercé, un temps, des activités pour le compte des renseignements américains. Selon lui, même s'il n'a évidemment plus d'informations de l'intérieur, Genève figure bien sûr toujours au centre des activités d'espionnage des Etats-Unis, du fait de sa position internationale et du nombre d'organisations qui y sont actives.
Source : TdG




Laura Poitras, Citizenfour Trailer (2014)



Le Journal de la culture par Zoé Sfez, Benoît Lagane
Laura Poitras (réalisatrice de Citizenfour) : «Je voulais faire comprendre les sacrifices de Snowden» 04.03.2015




Cybersurveillance : il faut agir
Par Isabelle Gattiker

La vie privée est garantie par la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Convention européenne des droits de l’homme et de nombreux autres instruments du droit international.
Or, les révélations fracassantes d’Edward Snowden, en juin 2013, ont braqué les projecteurs sur l’ampleur de la surveillance à travers le monde, et la manière dont de nombreux Etats violent quotidiennement ce droit fondamental.
Par ailleurs, les nouvelles technologies permettent des formes de surveillance d’une portée inédite, en termes de stockage, de collecte, d’exploitation (big data) et de portée. Chaque citoyen est donc entièrement « lisible » dans quasiment tous les aspects de sa vie quotidienne.
Tout aussi dangereux, de plus en plus de sociétés privées s’immiscent dans ce gigantesque marché des données personnelles. Les données collectées sur chacun.e d’entre nous peuvent donc potentiellement être revendues partout sur la planète.
Dans ce contexte inédit, il est urgent que les gouvernements mettent en place des mécanismes juridiques et politiques efficaces qui protègent à la fois leurs citoyens et ceux d’autres pays susceptibles d’être surveillés. Il est tout aussi essentiel que nous apprenions toutes et tous à nous protéger, à connaître et à revendiquer nos droits fondamentaux.
Le débat sera porté par l’extraordinaire documentaire Citizenfour, nominé aux Oscars, dans lequel la journaliste et réalisatrice américaine Laura Poitras a filmé en huit-clos Edward Snowden, dans sa chambre d’hôtel à Hong Kong, alors qu’éclate le
scandale et qu’il tire les premières leçons de ses révélations.

FILM ET DEBAT (05 mars / 20h30 / Salle Théâtre Pitoëff)
Laura Poitras, Citizenfour (USA, 2014)
Co-présenté avec Amnesty International
Intervention en direct d'Edward Snowden par vidéoconférence
Ewen MacAskill, Correspondant au Guardian, rubrique
défense et sécurité, protagoniste du film CITIZENFOUR
Hubertus Knabe, Historien, spécialiste de l’histoire de la Stasi, directeur scientifique du mémorial de Berlin-Hohenschönhausen
Sherif ElSayed-Ali, Directeur adjoint chargé des questions internationales, Amnesty International
Modérateur: Darius Rochebin, journaliste pour la RTS
Source : FIFDH / Programme
Pour voir le débat en live : FIFDH



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