vendredi 10 avril 2015

Savons-nous protéger nos enfants ?



Savons-nous protéger nos enfants (Canal+, Spécial investigation, 2015)

Manque de soins, enfermements, coups, viols, chaque année, en France, de nombreux enfants meurent de maltraitance. Combien ? Il n'existe pas de chiffre officiel, mais une estimation circule dans les milieux de l'aide à la famille : une centaine par an. Cent décès d'enfants chaque année, suite aux mauvais traitements de leurs parents ! Un tous les trois jours ! [Chiffre largement sous évalué, selon les Associations de protection de l'enfance il faudrait parler de 2 à 3 enfants par jour]
Comment est-ce possible dans un pays comme la France, doté d'un système d'aide à la famille structuré. 138.000 travailleurs sociaux surveillent les abus et 350 juges des Enfants les condamnent. Malgré ce dispositif, des situations dramatiques échappent régulièrement à la vigilance des organismes de contrôle et de protection. A chaque fait-divers tragique, l'opinion s'émeut. Comment expliquer ces « ratages » ? Faut-il réformer notre système d'aide à l'enfance ?
Source : Canal+




Enfants en souffrance... la honte ! (France, 2014)

Enquête sur l'Aide Sociale à l'Enfance et cet univers opaque où la loi du silence règne. Pendant deux ans, les journalistes Alexandra Riguet et Pauline Legrand ont cherché à comprendre ce système et ses problèmes. En 2011, plus de 7,5 milliards d'euros de l'argent des contribuables ont servi à cette structure. Mais les drames et les faits divers se multiplient : un directeur d'association touchant notamment plus de 9000 euros de salaire, en plus des milliers d'euros de frais personnels pris sur le budget de fonctionnement, ou encore un pédophile, déjà condamné, engagé comme veilleur de nuit d'un foyer hébergeant des mineurs. Les manques et l'inexistence de contrôles des établissements ou des familles chargés de cette protection de l'enfance restent nombreux.
Source : France5




SOS Enfants maltraités (France 5, Enquête de santé, 2012)

En France, la maltraitance des enfants se heurte encore à un tabou. Mal repérée et mal prise en charge, elle est à l’origine de nombreux drames qui pourraient être évités. Interrogeant spécialistes et professionnels de la petite enfance, Marie Bonhommet mène l’enquête dans Motus et Bouche cousue. Après la diffusion de son documentaire, Marina Carrère d’Encausse, Michel Cymes et Benoît Thevenet ouvrent le débat.

A l’abri des regards, dans le huis clos des familles, se nouent les pires tragédies. Si plus personne n’ignore qu’en France une femme meurt tous les deux jours sous les coups de son conjoint, aucun chiffre, aucune enquête ne vient ­préciser combien d’enfants sont victimes de maltraitance. Les dernières estimations disponibles, qui datent de 2006, ­faisaient état de 19 000 enfants maltraités chaque année. Depuis, plus rien, « motus et bouche cousue ». Seules statistiques récentes, celles fournies sur le site ­Internet de l’Ordre national des médecins : la maltraitance concernerait entre 40 000 et 50 000 mineurs et serait responsable du décès de 700 à 800 mineurs tous les ans. Mis en avant régulièrement par les médias dans la rubrique « faits divers », les récits des calvaires endurés par une poignée de petits martyrs, privés de soins, battus ou victimes d’abus sexuels, ne sont que les arbres exposés d’une forêt invisible.

Des petites victimes difficiles à repérer
A la toute-puissance d’adultes indignes, dont les violences demeurent impunies, ne répond bien trop souvent qu’une ­longue chaîne d’impuissances et de dysfonctionnements. Depuis la mort d’Enzo, 2 ans, Salim, son père, veut comprendre. ­Comprendre pourquoi, malgré la suspicion de maltraitance signalée au procureur par le pédiatre qui l’a examiné et ses dix jours d’hospitalisation, son fils a été rendu à sa mère. Comprendre pourquoi nul n’a pu le soustraire aux coups mortels portés par un beau-père maître-chien, résolu à le « dresser » comme ses bêtes : « J’en veux à mon ex-compagne, qui l’a laissé mourir à petit feu et n’a rien dit, explique Salim. J’en veux beaucoup aussi à la justice qui n’a pas su protéger mon fils, car c’était son devoir. J’ai un sentiment de colère contre tous ceux qui ont vu Enzo triste, malheureux, et qui n’ont rien fait. » Diagnostiquer la maltraitance infligée à un enfant est une tâche complexe, d’abord parce que les mots pour dire sa souffrance lui manquent. Ensuite, parce que décrypter des lésions suspectes « nécessite une expertise que peu de médecins possèdent en France », souligne ­Caroline ­Rey-Salmon, pédiatre-légiste et chef de l’unité médico-judiciaire de ­l’Hôtel-Dieu (AP-HP). Si, désormais, l’observation d’un syndrome du « bébé secoué », dont les séquelles peuvent être dramatiques, oblige le praticien à ­transmettre un signalement à la justice, tous les petits bouts amenés aux urgences par un parent paniqué ne sont pas, loin de là, identifiés comme des victimes potentielles.

Des pouvoirs publics impuissants
La parole du parent prime encore trop souvent sur les soupçons du personnel médical ou des spécialistes en charge de la protection de la petite enfance. Pour Martine Brousse, déléguée générale de l’association La Voix de l’enfant, les choses doivent changer : « On maintient des enfants dans leur famille au nom du lien du sang, relève-t-elle. (…) Ce que La Voix de l’enfant demande, c’est que l’on respecte les parents mais que, lorsqu’il y a un doute, lorsqu’il y a maltraitance, la priorité soit donnée à l’enfant. » Pointant la lenteur du calendrier judiciaire tout autant que le manque de moyens dévolus aux travailleurs sociaux, les professionnels interrogés par Marie Bonhommet ne cachent pas leurs attentes d’une ­mobilisation de tous les acteurs concernés. Du chemin reste à parcourir. Elaborée pour remettre à plat l’organisation de la protection de l’enfance en donnant des responsabilités accrues aux services sociaux départementaux, la loi de mars 2007 est, elle aussi, en souffrance : le fonds de 150 millions d’euros prévu pour sa mise en œuvre n’a, quatre ans plus tard, toujours pas été débloqué.
Source : France5




Paul Arcand, Les voleurs d'enfance (Québec, 2005).

Il n'y a pas de téléthon sur la maltraitance des enfants. Pourtant, chaque année, 25 000 signalements sont retenus par la DPJ. Des enfants battus, des enfants abusés sexuellement, des enfants négligés, des enfants abandonnés. 40% des bébés qui meurent au Québec décèdent à cause de la violence de leurs parents. L'agresseur est rarement un inconnu. Il tourne autour de sa victime et se sert de son autorité ou de son charme pour assouvir ses instincts. Et puis, il y a ceux qui le savent et qui se taisent. Aujourd'hui, 30 000 enfants sont pris en charge par l'État qui, il y a plus de 25 ans, adoptait une loi pour protéger ceux et celles trop longtemps oubliés. Les voleurs d'enfance, c'est le côté noir de l'humain, la violence et la perversion. Les voleurs d'enfance, c'est le combat des victimes contre le silence et la manipulation. Les voleurs d'enfance, c'est la façon dont l'État intervient au nom de la protection des enfants. Les voleurs d'enfance, c'est un film qui montre les blessures cachées et le silence complice qui malheureusement font partie de notre société contemporaine.
Source : Radio Canada

* * *

Protection des enfants en France
2 ENFANTS MEURENT CHAQUE JOUR EN FRANCE - État des lieux et perspectives
mars 2015 - Innoncence en Danger

Nous pensons que l’enfance et sa protection sont des causes dont l’importance est viscérale pour notre grand pays. Pourquoi ?

Tout d’abord, parce que l’action publique a pour ambition de bâtir pour l’avenir et, donc, pour ses enfants. Nous considérons par conséquent que l’enfance et la jeunesse doivent être les bénéficiaires principales de toutes actions. Ensuite, bien que les grandes politiques de protection de l’Enfance de l’après-guerre aient posé les bases d’indéniables progrès, les droits fondamentaux de centaines de milliers d’enfants, en France, ne sont pas respectés ni garantis, encore à ce jour.

Des maltraitances de tous types sont tous les jours perpétrées à leur encontre, dans le secret des familles le plus souvent, au sein des institutions ou ailleurs. Les gouvernements successifs de ces dernières années ont laissé s’installer à ce sujet d’importantes lacunes – qui relèvent d’une responsabilité politique et collective – dans la détection des enfants en danger, la prévention, la protection et le soin des enfants exposés à des dangers fondamentaux.

Ce sont des problématiques qui sont essentielles, non seulement à nos yeux, mais aussi à ceux de millions de personnes en France (en particulier, les associations, les parents ou proches d’enfants victimes, les adultes ayant été victimes et toutes les personnes sensibles à ce sujet dont nous devrions tous faire partie).

Apporter l’éducation, la culture et le bien-être économique sont des aboutissements de l’engagement de nos politiques. Mais la santé psychologique, affective et physique des enfants sont les conditions premières de l’épanouissement de l’individu futur adulte dans la société.

L’engagement de la France sur un plan global ne doit pas oublier ce pilier essentiel, et le corps politique et la société doivent intégrer profondément dans leurs actions la protection et le respect de l’enfant.

Les maltraitances sur enfants en France : un fléau quotidien et sous-estimé.

En 2011, l’Observatoire Décentralisé de l’Action Sociale (ODAS) a rapporté 98 000 cas d’enfants en danger, dont 18 000 cas de maltraitances. Précisons qu’il ne s’agit que des situations ayant fait l’objet d’un repérage par les services sociaux : ce chiffre est donc sous-estimé.
Parallèlement, il est reconnu que la plus grande part des situations de maltraitances n’est jamais révélée ou détectée, y compris dans les pays occidentaux (OMS, 2006).
Des pays comme la Suisse ou le Canada pratiquent – au-delà du recensement des cas signalés aux institutions – des « enquêtes de victimation » qui utilisent un échantillon large de population représentative, et qui établissent des chiffres bien supérieurs : cela les amène donc à développer plus solidement et de façon plus appropriée leur politique de protection de l’Enfance.
Selon les estimations les plus courantes (Association l’Enfant Bleu, Enfance Maltraitée, 2012), deux enfants décèdent chaque jour en France des suites de maltraitances et les infanticides de nourrissons représentent 3,8% du total des homicides commis chaque année sur le sol national (cela, alors que les enfants de moins d’un an ne constituent que 1,2% de la population française ; Inserm, 2008).La Haute Autorité de Santé (HAS) estime de son côté que le nombre de syndromes du bébé secoué – résultant parfois de l’épuisement nerveux des parents – à environ 200 par an, tout en précisant que ce chiffre est nécessairement sous-évalué.

Toutefois, la plupart des autres maltraitances n’ont pas de conséquences immédiatement mortelles, ni ne causent de blessures physiques visibles ou durables, bien qu’elles aient d’importantes conséquences (Unicef, 2006).En fait, 20% au moins des enfants semblent avoir fait l’objet – à un moment ou un autre - de violence physique notable de la part d’un adulte proche (OMS 2010 ; Trocmé, 2005), et une proportion non négligeable d’entre eux subit des violences régulières ; ce constat concerne également les pays occidentaux dont la France. Par ailleurs, il est connu que ces maltraitances sont souvent accompagnées de violences psychologiques qui sont également dommageables aux enfants (Unicef, 2006).

En ce qui concerne les abus sexuels sur enfants, pénétratifs ou non, les taux observés varient entre7 à 36% des femmes et 3 à 29% des hommes (la variation est due aux différences de méthodes employées et aux définitions retenues) qui admettent avoir été victimes de violences sexuelles durant l’enfance (Unicef, 2006) : globalement les recherches les plus sérieuses indiquent qu’environ 10% des enfants, filles et garçons confondus en sont victimes avant l’âge de 18 ans (Rapport Unicef, page 40, chapitre « Pays industrialisés », septembre 2009 ; Organisation Mondiale de la Santé, Aide Mémoire n°150, 2010). La HAS estime elle que prés de 2 millions d’adultes en France ont été victimes d’inceste durant leur enfance. Toujours en France, les statistiques judiciaires montrent que les mineurs représentent 55% de l’ensemble des victimes de viols rapportés à la Justice et de 63% des victimes d’agressions sexuelles (Inserm, 2008).

Il convient également de ne pas oublier que, si le problème du travail des enfants concerne essentiellement les pays en voie de développement, des problèmes divers existent en France, commel’emploi de mineurs dans des activités à risque telles que celle des pompiers volontaires (on peut se référer au décès de Yann Siméoni, âgé de 16 ans, durant une intervention) ou bien l’emploi d’acteurs mineurs présentés nus dans des fictions grand public. La condition des enfants de certaines communautés du voyage est aussi alarmante, alors que l’on observe qu’un nombre important, parfois en bas âge, participent à la mendicité dans le froid, sont déscolarisés ou bien sont conduits au vol et sont ainsi exposés à de multiples risques, réduits à un statut d’enfants de « seconde zone ».

Au-delà de ces chiffres et de ces constats, il ne faut pas oublier que les enfants sont tous des victimes particulièrement vulnérables dans la mesure où ils sont complètement dépendants de leur entourage familial et affectif (Unicef, 2006).

Les conséquences : un problème de santé publique de 1er ordre

• Les conséquences des maltraitances à caractère sexuel ou physique observées par les recherches montrent que la santé psychologique de nombreux enfants, et des adultes qu’ils deviennent, est dramatiquement altérée (Stevenson, 1999 ; Moeller et al.,1993) : ainsi, les répercussions les plus fréquemment rapportées sont – entre autres – l’anorexie et la boulimie, la dépression, les tentatives de suicide et le suicide (Kaplan et al., 1997), les troubles post-traumatiques (Avery et al.,2000 ; Widom, 1999), les addictions (alcool, drogues, …) (Browne et al., 1998), les comportements à risque, l’échec scolaire, les grossesses non désirées, la délinquance, les automutilations, la vulnérabilité affective, la propension à commettre des violences ou à en subir notamment dans le cadre conjugal, le tabagisme, une mauvaise insertion sociale, etc. Les enfants souffrent donc non seulement au moment des maltraitances mais, également et souvent, durant toute leur vie d’adulte : pour exemple, les abus sexuels multiplient par quatre la probabilité de graves troubles de la personnalité à l’âge adulte (Johnson, Cohne et collaborateurs, 1999). On peut imaginer l’importance des répercussions sociales de ces abus.

• Ces aspects psychologiques qui perdurent souvent toute la vie favorisent indirectement les troubles de la santé physique (Moeller et al., 1993). On compte parmi eux les pathologies cardiaques, les maladies des poumons et du foie, l’obésité, le cancer et les infections sexuellement transmissibles dont les fréquences sont associées aux antécédents de maltraitances qui sont, donc, des causes importantes d’infirmité (OMS, 2006 , Unicef 2006).

• La maltraitance des enfants a un coût économique et social majeur : il est lié notamment aux hospitalisations, au traitement des troubles psychiques, aux interventions des services de protection de l’enfance, aux frais de Justice et aux dépenses de santé à plus long terme, à la perte de productivité individuelle (OMS, 2010). Aux États-Unis, les coûts directs et indirects des maltraitances sur enfants est estimé à la somme de 94 milliards de dollars par an (soit 1% du PIB) (OMS, « Guide sur la prévention de la maltraitance des enfants : intervenir et produire des données », 2006). Si ces chiffres étaient transposables proportionnellement à la population française, le même coût pourrait être de 14,5 milliards d’euros par an : dans la situation actuelle du pays où la Cour des comptes estimait que les économies à produire pour le budget de l’État étaient de 30 milliards d’euros pour l’année 2012, ces données paraissent à prendre en compte sérieusement.

Le déficit de prévention, de détection et de soin concernant l’enfance maltraitée en France

• La prévention et l’information en direction des enfants et du grand public sont largement déficitaires si l’on considère l’ampleur du phénomène. Si le bien-fondé d’autres campagnes de prévention est définitivement incontestable, la comparaison démontre facilement de profondes carences : pour exemple, la lutte contre le Sida et celle contres les violences faîtes aux femmes font l’objet d’efforts continus et justifiés d’information du grand public, mais la fréquence des abus sexuels sur enfants est approximativement vingt fois supérieure à la prévalence du VIH dans la population française (0,4%) et le nombre de décès d’enfants par maltraitance quatre fois supérieur à celui des décès de femmes subissant des violences dans le couple (2 enfants par jour versus 1 femme tous les deux jours environ) ; or, les maltraitances sur enfant ne font pas l’objet des mêmes campagnes de prévention et des mêmes moyens mis en œuvre pour celles-ci.

• La réalisation d’une prévention des maltraitances au sein des établissements scolaires, elle, n’a actuellement aucun caractère systématique et obligatoire. Elle est effectuée à la demande ou au bon vouloir du chef d’établissement (quand bon vouloir il y a) et avec son autorisation, ce qui est un frein naturel à cette démarche. De même, lorsque ce type de prévention est réalisé, elle l’est le plus souvent à l’aide d’une cassette VHS canadienne (« Mon corps, c’est mon corps ») datant de plus de vingt cinq ans, obsolète sur le plan pédagogique.

• Les professionnels de santé, les médecins, les psychologues ou un certain nombre de travailleurs sociaux ne reçoivent pas de formation de base systématique et conséquente concernant la détection ou la prévention des maltraitances. Il en résulte une incompréhension de certaines problématiques et une faiblesse du pouvoir de détection et d’action.

• Les médecins libéraux ne sont pas inclus dans un réseau systématique de détection des maltraitances, ceux-ci sont pourtant situés en première ligne parmi les acteurs en position de détecter les maltraitances physiques et sexuelles (Tours, A. & Gerbouin-Rérolle, P., Inserm, 2008, « Enfants maltraités. Les chiffres et leurs bases juridiques en France. »). Par ailleurs, plusieurs cas d’espèces montrent que des médecins qui signalent des maltraitances sont encore exposés à des risques judiciaires et disciplinaires qui sont un obstacle aux signalements.

• Le 119 « Allô, Enfance Maltraitée », mis en avant dans le domaine de la détection, est une avancée importante. Toutefois, un très grand nombre des enfants agressés sexuellement, par exemple, ont moins de 9 ans (Snatem, 2001) et leurs agresseurs sont majoritairement des proches : il est évident que ce dispositif n’est pas accessible à la majorité des enfants et doit être complété par d’autres modes de détections plus actifs. En particulier, l’implication et la responsabilisation des témoins de maltraitances est essentielle et devrait être visée par toute campagne de prévention.

• Il existe des lacunes de communication entre les services sociaux de différentes localités, notamment lorsque les familles concernées changent de secteur administratif, ce qui amène dans certains cas à l’abandon du suivi d’enfants en danger (on peut prendre pour exemple le cas médiatisé de la petite Marina, décédée suites à des maltraitances ayant fait l’objet de multiples signalements entre 2006 et 2009, mais qui n’ont pas abouti faute de coordination des services concernés).

• La prise en charge des enfants maltraités pose souvent problème : les professionnels et services adaptés manquent de moyens, de compétences et de disponibilité. Pour exemple, l’institut de victimologie de Paris a vu son service « enfants » fermé durant deux ans par manque de moyens et n’a pu l’ouvrir à nouveau que grâce à des dotations privées. Parallèlement, les thérapies adoptées dans de nombreux services de santé à destination des enfants n’ont pas fait l’objet d’évaluations validées par la recherche, alors que de telles thérapies existent.

• Le traitement des disparitions d’enfants posent assez souvent problème : il est assez fréquent que les services de police fassent l’hypothèse d’une fugue et ne procèdent pas à des recherches actives et rapides. Or, l’expérience montre que le fait qu’une disparition soit volontaire, même pour des adolescents presque majeurs, expose tout de même le mineur à des dangers spécifiques et importants.

Des propositions pour une enfance protégée

Il est possible de s’inspirer des principales recommandations formulées par les Nations Unies, notamment : privilégier la prévention et en faire une priorité, réaliser des campagnes d’information publique concernant la violence à l’encontre des enfants, améliorer les aptitudes de tous ceux qui travaillent avec et pour les enfants, s’attaquer aux aspects sexuels de la violence à l’encontre des enfants, élaborer et appliquer des mécanismes systématiques de collecte de données et de recherche (Unicef, 2006). Nous proposons de mettre en place de toute urgence :

• Des campagnes nationales de prévention et d’information de grande ampleur destinées aux parents et au grand public, et une responsabilisation des témoins directs ou indirects de maltraitances concernant le devoir de signalement et de protection (tel que cela est fait pour les campagnes de prévention routière, dans lesquelles la responsabilisation de l’entourage du conducteur est encouragée).

• Une sensibilisation systématique à destination des enfants au sein des écoles de la République, qui facilite à la fois la prévention, la révélation et la détection des situations.

• Une formation adaptée pour les professionnels de l’enfance, de l’éducation et de la santé afin de favoriser la détection et l’accompagnement des situations de danger et de maltraitance.

• Des enquêtes de moralités pour les professionnels au contact des enfants, comme on en réalise pour certains corps de fonctionnaires.

• L’inclusion des médecins dans un réseau-conseil de détection permettant de protéger juridiquement ceux-ci et de les accompagner en cas de signalement.

• Un plan de prévention auprès des familles renforçant et dépassant l’action actuelle des services de protection maternelle et infantile, à destination des futurs ou des jeunes parents incluant un soutien systématique aux parents à risques et des visites familiales à domicile étendues et renforcées.

• Des crèches d’urgence permettant aux pères et aux mères de déposer leur enfant pour une courte durée, et un contact des parents avec une équipe pluridisciplinaire, lorsqu’ils sont débordés par leur rôle parental, ainsi que des crèches de week-end destinées aux nouveaux parents et incluant un soutien à la parentalité : la réduction précoce du stress parental favorisera la réduction des syndromes de bébés secoués et le développement des maltraitances ultérieures. Pour lutter contre les cas dramatiques d’infanticide, des dispositifs innovants expérimentés à l’étranger (« boîte à bébé » en Allemagne) pourraient être pris en considération.

• Le soutien et le développement de la recherche concernant les maltraitances et les moyens de lutter contre elles, ainsi que des enseignements universitaires spécifiques.

• Une coordination accrue, obligatoire et facilitée entre les différents services(éducation, services sociaux et services de santé) concernés par les situations préoccupantes, y compris entre les différents territoires administratifs et pour éviter les pertes de suivis qui sont dramatiques pour les enfants.

• Le soutien et le développement des services spécialisés dans le soin précoce des victimes mineures de maltraitances, l’étude, l’évaluation et la diffusion par les institutions compétentes (HAS, Inserm) des outils thérapeutiques les mieux adaptés, fondés scientifiquement et efficaces afin de limiter au maximum les conséquences à moyen et long terme des maltraitances.

• Une amélioration de la prise en considération des disparitions d’enfants ou d’adolescents par les services de polices afin que les mineurs soient extraits rapidement d’une situation qui implique des risques graves par sa nature même.

Un combat que nous devons tous soutenir et développer

Les enfants sont à la fois des victimes qui ne peuvent pas parler librement et des citoyens en devenir qui ne peuvent pas voter. Et ce n’est pourtant pas parce que les enfants ne peuvent pas voter que l’on ne doit pas leur accorder toute la considération qu’ils méritent.
Ces êtres fragiles sont le terreau de la République et de la société française. Aussi, nous considérons que la protection de l’enfance doit être une priorité dans la politique sociale, médicale, judiciaire.

Il s’agit d’apporter des réponses concrètes aux associations de protection de l’enfance et aux victimes elles-mêmes, mais aussi de forger une volonté publique pour protéger ces êtres vulnérables que sont les enfants.

Nous savons néanmoins que les obstacles ne tiennent pas tant à l’orientation politique de chacun (nous trouvons des hommes et des femmes de bonnes volontés dans la plupart des partis) qu’à la capacité des uns et des autres à regarder en face une situation aussi grave et ses conséquences sur les individus qui les subissent, à une prise de conscience non seulement collective mais aussi individuelle. Nous savons aussi « qu’il n’y a pas d’échec, il n’y a que des abandons »

Alors, il est grand temps de prendre à cœur ce fléau au sein de la société !

Nous aimerions conclure ce texte par ces deux citations, et qui ont un sens profond concernant cette cause et la volonté qui doit sous-tendre notre action tenace dans ce domaine et qui nous met face à nos responsabilités d’hommes et de femmes, et de citoyens engagés pour une société qui se doit de protéger les plus vulnérables :

« Le mot progrès n’aura aucun sens tant qu’il y aura un enfant malheureux. » – Albert Einstein

« Je m’attache à défendre les droits de l’enfant comme d’autres les droits de l’homme » – Jules Vallès

Vincent Caux, Psychologue, et Lucie Dimono
Source : Innocence en danger


Voir aussi la page : Violence et soins / Enfants maltraités, enfants oubliés / Enfants (tag)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...