vendredi 1 mai 2015

Les nouveaux loups de Wall Street



Les nouveaux loups de Wall Street (Canal+, 2015)

Construit à la manière d'une enquête policière, ce docu explique les rouages de ce système invisible qui repose sur des algorithmes et des flux immatériels.
Nous sommes le 6 mai 2010. Il est 14h42’44’’, heure du Dow Jones, quand les cours de la Bourse se met à chuter d’un seul coup, sans explication rationnelle. Les traders s’affolent devant cette chute vertigineuse et incompréhensible qui touche tous les marchés financiers. Seule solution trouvée pour lutter contre l'emballement collectif : tout éteindre durant cinq secondes. Lorsque les serveurs redémarrent quelques instants plus tard, les cours reprennent une vie normale. En moins de dix minutes, les cours ont plongé de 1 000 milliards de dollars. A l’époque, on accuse une mauvaise manipulation humaine, une confusion entre milliers et milliards d'ordres à passer. Il n’en est rien : il s’agissait bien d’un «flash crash», un krach boursier provoqué par un bug des algorithmes qui régissent désormais le trading à haute fréquence.

Cet épisode inquiétant est au cœur du documentaire les Nouveaux Loups de Wall Street, d'Ivan Macaux et Ali Baddou. Un film très réussi – à l’esthétique parfois proche du générique de True Detective – qui réussit à faire comprendre, de manière simple, les rouages de ce système invisible qui repose sur des algorithmes et des flux immatériels. Construit à la manière d’une enquête policière, le documentaire envoie Ali Baddou sur les traces de ceux qui pensent le trading à haute fréquence, ceux qui en profitent largement et ceux qui essayent de le contenir pour en limiter les effets néfastes.

Car ces pratiques ne font que truquer les marchés financiers. Elle ne créent pas de valeurs, se contentant de chercher à être plus rapides que les concurrents pour se poser en intermédiaires. Le trading à haute fréquence consiste à passer les ordres avant les autres en les court-circuitant, pour ensuite les revendre aussitôt. Les entreprises qui le pratiquent se conservent pas les actions qu’elles achètent, elles ne les gardent que quelques secondes, en gagnant peu sur chaque transaction. Mais comme elles en réalisent des dizaines, des centaines de millions par jour, les gains peuvent être colossaux. Et les petits génies en mathématiques sont désormais recrutés par les plus grandes entreprises en la matière pour imaginer les algorithmes les plus malins. Ou les plus pervers au choix. Ce qui rend compliquée la tâche des autorités chargées de surveiller ou de réguler les marchés.

Auparavant, le nerf de la guerre était l’information, désormais c’est la vitesse: en une minute aujourd’hui, ce sont 21 millions de transactions qui sont réalisées. Le principal outil de ces traders nouvelle génération : les réseaux à l’heure où les marchés ont remplacé les hommes. La rapidité du réseau est un tel enjeu qu’une ligne privée a été installée entre les bourses de New York et Chicago. Un investissement colossal pour 1 200 kilomètres de fibres mais essentiel quand gagner quelques millièmes de secondes peut faire gagner ou perdre des centaines de millions de dollars. Un réseau d’ondes radio encore plus rapide a été mis en place entre Francfort et Londres. Mais cette course à la vitesse risque de nous mener vers un nouveau crash. Et cette fois, débrancher les serveurs ne suffira peut-être pas.
Source : Libération

Voir aussi les pages : Trading Haute Fréquence

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