samedi 14 novembre 2015

Attaques sur Paris

Pensées aux victimes parisiennes, à leurs proches, ...





Carmen Grilo (soeur de Joaquin), extrait du spectacle "Grilo" (Paris, 17 octobre 2015)

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Pierre Conesa, ancien haut fonctionnaire du Ministère de la Défense, Attaques sur Paris (le 14 novembre 2015)



Marc Trévidic, ancien juge anti terroriste, "L'Etat islamique est un ennemi déclaré trop puissant" (le 14 novembre 2015)



“La France est en guerre” – ben oui, depuis longtemps, crétins…
Par Olivier Berruyer, le 14 novembre 2015 - Les Crises

Je suis évidemment envahi de tristesse ce soir, évidemment, avec une pensée pour les dizaines de victimes.
On a encore droit aux désormais classiques scènes hallucinantes sur les chaines “d’information”, vecteur principal de la diffusion de la terreur en France – scènes qui devraient entraîner la saisie immédiate de la carte de presse des journalistes concernés.
Mention spéciale pour le journaliste ayant hurlé ce soir “La France est en guerre” - ce qu’on confirme facilement, vu qu’on bombarde depuis des années bon nombre de pays (Afghanistan, Libye, Mali, Syrie…), et qu’on y mène nombre d’opérations clandestines.
On est en guerre ? Eh oui, vu que c’est nous qui l’avons déclarée…



Mais bon, c’est vrai que “la guerre” ne commence que lorsqu’il y a des morts en France, jamais quand on tue des personnes (qui sont en fait des “non-personnes”) à l’étranger – mêmes victimes innocentes collatérales. Par chance un autre crétin sur i-télé a même hurlé qu’Obama était “le chef du monde libre”, on croit rêver devant tant de bêtise. Je vous laisse lire le billet précédent sur le rôle de la CIA en Syrie.

Ils sont quand même incroyables ces islamistes syriens : on les bombarde depuis 1 ans, et ils osent réagir…

On notera aussi que, au XXIe siècle, la France est “en guerre” quand elle est attaquée par une multitude de 8 personnes avec des fusils ? Ce qui montre la fragilité de nos sociétés. 250 000 morts en Syrie, à cause de nos politiques occidentales délirantes pour mémoire… Combien dorment encore, chez nous, ou caché dans les masses de réfugiés ?

Pour tout vous dire, je suis particulièrement ému car j’étais dans un bistrot des Halles à Paris ce soir, pas si loin de République, que j’en suis parti à 22h15, que la dernière personne à qui j’ai parlé était un lecteur du blog croisé par hasard, qu’on a parlé géopolitique, Syrie, des dangers de notre politique extérieure, et que, véridique, mes derniers mots avec lui ont été à propos du terrorisme, lui disant “il y a un truc qui m’étonne et me réjouit toujours, c’est qu’il n’est pas encore venu à l’esprit des terroristes d’envoyer 20 ou 50 combattants avec juste une kalachnikov tirer régulièrement dans la foule, un terroriste tous les jours, on se retrouverait sous un régime totalitaire en France en quelques semaines.” Vous imaginez donc ma frayeur et mon émotion quelques minutes après…

Vous imaginez aussi enfin mon immense colère contre, certes les assassins (Hollande les a assurés de notre détermination à les combattre – le fait qu’ils soient dispersés façon puzzle devant cependant limiter leur frayeur…), mais également contre nos dirigeants, qui reviennent comme d’habitude la mine triste sur l’air du “Quelle horreur, mais pourquoi nous attaque-t-on, bien sûr on n’a rien fait de mal…”. Surtout que cela fait désormais des mois qu’on parle ici de la Syrie et des dangers générés.

Rassurez vous : Cazeneuve ne démissionnera probablement pas (il a finalement réussi à protéger les Franciliens aussi bien qu’il a protégé les journalistes de Charlie Hebdo, il pourra continuer – et oui, un autre n’aurait pas fait mieux, mais on serait ici au moins dans le symbole), Fabius non plus (“Al-Nostra, bon boulot sur le terrain”, “il faut armer l’opposition syrienne”, ), et on nous demandera de nous rassembler derrière François Hollande, qu’une commission d’enquête parlementaire n’ennuiera probablement pas quant à ses livraisons d’armes en Syrie pour combattre Assad – qui ne nous a jamais rien fait, lui… – et qui se retrouvent chez les islamistes. Combien de centaines, de milliers de Syriens tués par des armes françaises ? Qui sème le vent… Voilà ce qui se passe quand on passe d’une diplomatie classique basée sur nos intérêts à une diplomatie “des valeurs”, comme le rappelait Kissinger dans cet article (“Le traité de Westphalie a été fondé sur la nécessité de parvenir à un arrangement avec l’autre, pas sur une sorte de moralité supérieure. Les nations indépendantes ont décidé de ne pas intervenir dans les affaires des autres États. Ils ont créé un équilibre des forces qui nous manque aujourd’hui.”) ou Todd dans celui-ci (“Il est inquiétant pour l’anthropologue que je suis de voir les relations internationales sortir d’une logique rationnelle et réaliste pour rentrer dans des confrontations de moeurs dignes de sociétés primitives.”).



Laurent Fabius , "El Nosra fait du bon travail"

“Au cours des cinq dernières années au moins, l’Arabie saoudite, le Qatar, les Émirats arabes unis, la Jordanie et la Turquie ont tous apporté un soutien financier et militaire considérable à des réseaux militants islamistes liés à al-Qaïda qui ont engendré l’« État islamique » que nous connaissons aujourd’hui. Ce soutien a été apporté dans le cadre d’une campagne anti-Assad de plus en plus intense dirigée par les États-Unis.” [Nafeez Ahmed, journaliste britannique à The Guardian et à la BBC] – (Source : Middleeasteye.net)

“Question : Personne n’évoque le lien entre l’idéologie de ces organisations terroristes et celles diffusées par l’Arabie saoudite et le Qatar… Réponse : A. C. Effectivement, pourtant ce n’est pas faute de le répéter: ce que nous appelons « salafisme », en arabe, cela s’appelle « wahhabisme». Et là nous sommes à contre-emploi de manière systématique et dans toutes les situations d’affrontement militaire, puisqu’au Moyen-Orient, au Sahel, en Somalie, au Nigeria, etc., nous sommes alliés avec ceux qui sponsorisent depuis trente ans le phénomène terroriste.” [Alain Chouet, ancien chef du service de renseignements de sécurité à la DGSE] (Source : L’Humanité)

“Le Qatar a financé le Front Al-Nosra (ou Nosra) jusqu’à la scission intervenue en avril 2013. L’organisation, rattachée à Al-Qaïda, est pourtant inscrite sur la liste terroriste des Etats-Unis depuis le 20 novembre 2012 et la déclaration d’Hillary Clinton. Après la scission en avril 2013 – autrement dit la séparation entre Nosra dirigé par le syrien Al-Joulani et l’Etat islamique (EI) conduit par l’irakien al-Baghdadi – le Qatar a choisi de soutenir l’EI contrairement à l’Arabie Saoudite qui continue de financer Nosra.” [Fabrice Balanche, maître de conférences à l’Université Lyon 2 et directeur du Groupe de Recherches et d’Etudes sur la Méditerranée et le Moyen-Orient  à la Maison de l’Orient] (Source : Challenges)

“Le calcul de l’Occident a été celui d’une chute rapide de Bachar al Assad et pour cet unique objectif, nous n’avons pas hésité à confier la sous-traitance du conflit à certains pays du Golfe, Qatar et Arabie Saoudite en tête. [...] La France soutenait les « opposants » et les laissait financer par les pays du Golfe, Arabie saoudite et Qatar en tête, pays qui ont soigneusement acheté une partie des élites françaises, empêchant ainsi tout débat sur la question. Cette alliance contre nature, court-termiste, est à l’origine d’une des plus grandes erreurs stratégiques de ces dernières années.” [Frédéric Pichon, chercheur associé à l’Equipe Monde Arabe Méditerranée de l’Université François Rabelais (Tours)] (Source : Les-Crises.fr)



Oh, j’imagine aussi qu’on nous demandera de manifester ce dimanche ou un autre contre le terrorisme – bon courage, ça a été super efficace la dernière fois.

Les médias continueront à en faire comme d’habitude des tonnes dans l’émotion, dans le “Revivez minute par minute cette soirée d’horreur“, dans le “oh, il ‘y a aucun équivalent dans l’histoire, dans le monde, etc”, dans le “oh, le monde est solidaire avec nous c’est beau”, alors que le double de morts dans l’avion russe il y a deux semaines a été présenté a minima, qu’Obama n’y a pas vu une atteinte contre toute l’humanité, et où je n’ai vu naitre aucune mobilisation #JeSuisRusse, pas plus que #JeSuisLibanais avant-hier… #Non-Personnes…

On nous enjoindra la sacro-sainte “soupe à l’union nationale” – qui visera à blanchir tout le personnel politique – chuut, ne posez surtout pas de questions, ne demandez pas des comptes, union on a dit.

On se drapera du lin blanc de notre innocence, de notre éternelle “inculpabilité” – meuh non, aucun Syrien n’est mort en raison des actions de notre gouvernement bien sûr, il ne pense qu’à notre sécurité…



On hurlera aux moyens policiers en plus – après tout, il faut juste empêcher des assaillants armés en voiture de tirer sur des gens – trop facile.

On espionnera évidemment encore plus les citoyens – ça marche bien, la preuve.

On ne rappellera pas qu’il n’y a évidemment presque rien à faire pour empêcher des terroristes déterminés à agir dans ces conditions assez “simples”. Et que la bonne solution est plutôt d’empêcher ces hommes de devenir terroristes, et pour cela il faut avoir des politiques étrangères honorables et humaines. On notera que, “étrangement”, les terroristes ne visent jamais la Suisse ou la Hongrie…



Bref SURTOUT on ne demandera aucun compte à nos dirigeants qui ont pour tâche d’assurer notre sécurité directement et surtout indirectement (politique étrangère) – ni responsables, ni coupables, on verra même leur cote de popularité monter, comme d’habitude…



Enfin, mention spéciale aux gouvernements de l’Arabie Saoudite, du Qatar, de la Turquie, et à la CIA, qui financent et soutiennent les islamistes en Syrie : on vous méprise, allez au diable !

Tout comme nos dirigeants que vous achetez, qui préfèrent faire des communiqués hallucinants avec vous (pour demander à la Russie d’arrêter de bombarder Al-Qaïda !), plutôt que de vous combattre…




EDIT  P.S. la revendication de Daesh (à “l’imbécile de France”…)



Source : Les Crises

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«Les civils sont devenus les cibles. Le pire est à venir !»
Par Xavier Alonso, le 14 novembre 2015 - TdG

Louis Caprioli, ex-DST, spécialiste du terrorisme analyse les attentats comme des faits de guerre. Il rejoint le chef de l’Etat François Hollande: le jihad a déclaré la guerre à la France

Ancien sous-directeur chargé de la lutte contre le terrorisme à la Direction de la surveillance du territoire (DST), Louis Caprioli est un spécialiste des réseaux terroristes. Il est désormais conseiller dans une entreprise de sécurité de sécurité Geos. Dès le lendemain des attentats de janvier contre Charlie Hebdo, il avait été très pessimiste: «La question, c’est qu’elle est la prochaine cible?» La réponse est tombée hier soir. Interview de Louis Caprioli.

Au-delà de l’horreur de ces attentats, qu’est-ce qui vous a frappé dans le mode opératoire?
Louis Caprioli: C’était avant tout des kamikazes qui voulaient mourir en martyres. Ils étaient motivés – ils l’ont prouvé – et bien coordonnés avec deux grands objectifs: Le Stade de France et le Bataclan dans cette région des 10e et 11e arrondissements de Paris.

Vous en déduisez quoi?
C’est préoccupant pour la suite. Cela me fait penser à l’année 1954, la Toussaint rouge quand a commencé une guerre qui ne disait pas son nom, la guerre d’Algérie. Aujourd’hui, c’est cela: la communauté des djihadistes est en guerre contre la France.

Selon vous, le pire est à venir?
Le pire ne cesse d’arriver. Nous étions déjà choqués en 1995 lors des attentats (ndlr: huit attentats en tout) qui avaient fait huit morts et des centaines de blessés. Avec Merah et les attaques de Charlie Hebdo et de l’Hypercasher début 2015, il y avait encore eu une gradation. Mais désormais, les civils sont devenus les cibles. Nous sommes dans une guerre qui implique, et c’est nouveau, des milliers d’individus qui sont sur notre propre territoire et qui composent les réseaux djihadistes. La guerre sera difficile à gagner mais tant que nous n’aurons pas éradiqué Daech (ndlr: l’état islamique), nous ne réglerons rien. Il faudra aussi demander des comptes aux alliés objectifs du discours salafiste dans le monde: l’Arabie saoudite et le Qatar.

A vous entendre, le fait que les victimes ne soient ni journalistes, ni caricaturistes, ni juifs fait entrer le conflit dans une logique différente?
Oui. Désormais c’est la France, et tout ce qui peut représenter la France, qui sont menacées. C’est d’ailleurs le paradoxe de la réponse sécuritaire de janvier dernier. En protégeant certaines personnes – les journalistes et la communauté juive – on a rendu les autres plus vulnérables.

A quoi sert justement d’avoir décrété l’état d’urgence?
L’état d’urgence est une limitation des libertés individuelles. Elle permet notamment d’assigner à résidence des individus et de procéder à des perquisitions dès que nous avons des soupçons. C’est un moment symbolique fort dans cette lutte. Car la France ne peut pas mettre un pays entier sous surveillance mais elle peut aller contrôler de manière plus active. Reste à savoir si nous oserons neutraliser un maximum d’individus en lançant une opération du type chrysanthème (ndlr: En 1993, Charles Pasqua avait organisé une véritable rafle dans les milieux islamistes algériens).

Quel rôle d’amplification de la menace ont joué les frappes contre l’Etat islamique en Syrie décidées en septembre?
Les Etats-Unis et le Royaume-Uni aussi frappent en Syrie. Mais il est vrai la France est devenue le symbole que les djihadistes veulent combattre. Notre passé colonial, le fait que nous soyons engagés au Sahel, en Irak et désormais en Syrie motive plus particulièrement une population française d’origine maghrébine. Elle veut se venger de la France.

La France a-t-elle les moyens de mener cette guerre, hors sol comme sur son territoire?
Non, nous manquons de moyens. Mais la France n’a pas d’autre perspective que de mener cette guerre contre les djihadistes au Sahel, en Syrie, en Irak et en France. Sinon, ils nous frapperont encore plus fort. Il faut agir au cœur du mal. Maintenant, les messages de soutien des autres pays affluent, mais il faut davantage. Car eux aussi sont en guerre même s’ils n’en ont pas envie de faire la guerre.

Revenons à la sécurité en France et à Paris. N’est-ce pas étonnant que des hommes, lourdement armés et avec des bombonnes de gaz, ont traversé Paris sans souci. A quoi sert Vigipirate?

Vigipirate ne sert pas à grand-chose. Surtout face à des gens qui ont la volonté d’aller jusqu’à la mort. Nous devrons trouver d’autres solutions pour sécuriser la société civile. Les CRS sont saturés. Les policiers sont saturés. Mobiliser 7000 soldats pour surveiller de manière statique des points stratégiques est une erreur. Les soldats doivent combattre. Nous en avons besoin sur les terrains d’engagements et non plantés sur les trottoirs parisiens.

Selon vous, le discours salafiste est la source du problème?
C’est du moins le centre du mal, car ce salafisme alimente le djihad. Et non, ces gens ne sont pas des fous! Ils sont au contraire extrêmement cohérents dans une doctrine fondée sur le Coran. C’est un texte qui a une autre portée que le marxisme ou même le nazisme. Aussi funestes que sont ces doctrines, elles ne sont que des idées. Là, nous touchons au sacré. Nous avons affaire à une religion, pratiquée par plus d’un milliard de personnes et qu’une minorité interprète, mal selon nous, mais qui motive leur guerre contre nous. (TDG)

Source : TdG

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Jacques Sapir : «Nous sommes en présence d’une action de type militaire»
14 nov. 2015

Le nombre de victimes aurait pu être plus important sans les mesures entreprises par les autorités françaises, a déclaré dans une interview à RT France l'économiste français, Jacques Sapir.

RT France : Comment des attentats d'une telle atrocité, avec la participation d’autant de personnes et avec l’utilisation d’autant d’armes, ont pu se passer en France ?

Jacques Sapir : Il faut savoir que dans toute société ouverte, dans toute société qui est à la fois développée et ouverte, ce genre d’attentat est malheureusement assez facile à organiser. Je ne dis pas qu’il peut être organisé tous les jours, mais sa préparation ne nécessite pas un effort d’organisation réellement surhumain. En fait, il y a assez peu de gens qui ont été impliqués dans cet attentat, on pense que du côté des terroristes, il y a probablement de 12 à 15 personnes. Certes, c’est beaucoup, à l’échelle des terroristes qu’il y avait en France où jusqu’à maintenant on était plutôt partis sur des nombres de deux ou trois dans chacune de ces opérations. Mais ce n’est pas non plus un nombre excessif, et surtout, ces terroristes n’ont pas utilisé d'armes si sophistiquées que cela. Ils ont agi de manière intelligente, en cherchant à frapper essentiellement là où il y avait beaucoup de gens rassemblés, que ce soit dans une salle de concert, le Bataclan, ou que ce soit en attaquant justement des terrasses de cafés, des terrasses de restaurants. Et il faut remarquer que quand ils ont tenté de s’en prendre au Stade de France, ils n’ont pas réussi et de fait, puisqu’il s’agissait de terroristes kamikazes, ils ont dû se faire exploser devant le stade, car la sécurité du stade les a empêchés d'y pénétrer.

RT France : Après les attentats contre Charlie Hebdo, après les attentats en Isère, il y a eu beaucoup de mesures qui ont été déployées – dont le plan Vigipirate qui était censé empêcher de nouveaux attentats –,  pourquoi ces mesures n’ont-elles pas été efficaces ? 

Jacques Sapir : Il y a plusieurs raisons à cela. La première raison c’est que, justement, après les attentats de janvier 2015, les attentats de Charlie Hebdo, et puis l’attaque du magasin Hyper Cacher par Coulibaly, les services de police et les services de renseignement recherchaient plutôt des gens qui étaient issus du banditisme, ce qui était le cas pour les frères Kouachi et pour Coulibaly, et qui agissaient de manière relativement isolée. Il s'agissait des «loups solitaires» et c’est plutôt dans cette direction-là que l’on recherche. Or là, visiblement ce n’est pas le cas, visiblement on est en présence d’une action de type militaire, certes, menée par un nombre relativement réduit d’individus, mais il y a une action de type militaire. Ça c’est la première raison.

La deuxième raison. C’est vrai qu’on peut dire que d’une certaine manière le plan Vigipirate n’a pas parfaitement fonctionné, mais il a quand même fonctionné. Et je reprends l’idée que, fondamentalement, si ces terroristes avaient pu se faire exploser dans les tribunes du Stade de France, on aurait pu avoir cent morts de plus. Or justement, parce que le plan Vigipirate est déployé, il y avait toute une série de contrôles, et les terroristes n’ont pas pu rentrer dans le stade. Donc, c’est vrai que la plan Vigipirate n’a pas pu empêcher de novueaux attentats, mais il a au moins permis de limiter les dégâts.

Après, il y a un troisième problème, qui est pourtant très concret : les services de renseignement, la Direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI), mais aussi la police, suivent plusieurs centaines d’individus. Et il est très difficile de savoir lesquels, parmi tous ces individus, sont en train de se radicaliser au point de passer la limite et devenir des terroristes, par rapport à ceux qui vont se contenter de tenir des propos qui peuvent être dangereux, mais qui n’iront pas au-delà. Cela pose le problème de l’interprétation de ces renseignements et là, très clairement, on peut dire que la France, le gouvernement, ont probablement pêché par un excès de confiance dans la capacité du renseignement, et ils ne se sont pas donnés l’ensemble des moyens, non pas pour retenir, mais pour exploiter tous ces renseignements. Autrement dit, on a probablement trop fait confiance à des dispositifs électroniques, les écoutes, la surveillance d’Internet et tout ce genre de choses, et on n’a pas mis assez de personnel humain compétant qui soit capable de suivre des individus et d’analyser leur évolution.

Il faut le savoir, cela demande beaucoup de monde, et c’est probablement là où l’effort suffisant n’a pas été fait.

RT France : Après les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis, une guerre au terrorisme a été déclarée, mais les attentats continuent. Comment peut-on lutter de manière efficace contre le terrorisme ?

Jacques Sapir : Pour lutter contre le terrorisme, il va falloir à la fois augmenter l’importance des opérations extérieures ; il va falloir changer en partie la politique étrangère du pays, c’est-à-dire, très concrètement, combattre Daesh. Les terroristes sont forts en Syrie et en Irak, ce sont les endroits où ils ont constitué leur soi-disant Etat Islamique, et c’est là où il faut aller les frapper. Et donc, de ce point de vue-là, il faudra que tous les pays qui combattent Daesh, des Américains aux Russes, s’entendent. La France devra aussi s’entendre à la fois avec les Américains, ce qu’elle fait déjà, mais aussi avec les Russes, pour savoir comment on peut combattre le plus efficacement possible le terrorisme. Donc ça, c’est un premier point.

Puis, il y a une deuxième dimension dans cette guerre contre le terrorisme, contre Daesh et contre un certain type de radicalisation. Il faut éviter de déclarer que l’on mène une guerre contre un ennemi que l’on n’est pas capable d’identifier. Et là, il faut identifier très précisément cet ennemi. Il faut dire que ce que l’on combat, c’est d’abord une organisation, Daesh, mais que c’est aussi le salafisme. En tous les cas, les éléments dont le salafisme, aujourd’hui présentent des risques graves de dérives terroristes et de dérives antirépublicaines, c’est-à-dire des gens qui considèrent qu’ils ne sont pas tenus par les lois de la République française. Ça c’est une définition qui permettra, à ce moment-là, de frapper de manière à la fois précise et de manière différenciée sur ces différents groupes.

Il y a donc bien nécessité de faire évoluer notre politique, de la renforcer, mais aussi peut-être de la spécialiser dans un certain nombre de domaines. Aujourd’hui, il est très clair que nous ne sommes pas dans le temps de la discussion, dans le temps de la polémique ; nous sommes dans le temps du deuil. Mais une fois que ce deuil aura été fait, il est très clair que le gouvernement devra rendre des comptes sur la politique qu’il a menée, qu’il s’agisse de la politique extérieure ou de la politique intérieure ; rendre des comptes d’abord pour expliquer ce qu’il a fait, car je ne dis pas que le gouvernement a fait uniquement des choses mauvaises. Je pense qu’il y a une partie de ces actions qui doivent être expliquées aux Français. Une partie de ces actions ont été efficaces, mais il doit aussi être prêt à écouter l’ensemble du débat pour faire évoluer sa politique dans le sens d’une plus grande efficacité. Et moi, ce que je crains un petit peu, c’est qu'à la sortie de cette période de deuil, le gouvernement d’une certaine manière se bloque sur l’idée «oui, nous avons fait au mieux et on ne peut pas faire mieux», car je pense que bien sûr le gouvernement cherchait à bien faire, mais il n’a pas nécessairement agi au mieux et on peut toujours chercher à améliorer une politique.

Source : RTFrance

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