lundi 16 novembre 2015

Malaise dans la sidération



Les Nouveaux chemins de la connaissance par Adèle Van Reeth
Emission spéciale ; malaise dans la sidération 16.11.2015
Avec
Michel Terestchenko, philosophe, maître de conférences à l'université de Reims
Patrice Maniglier, philosophe et maître de conférences en Philosophie et Arts du Spectacle à l'Université Paris Ouest- Nanterre La défense
Gérôme Truc, sociologue, ATER au Département de sciences sociales de l'ENS Cachan, chercheur associé au CEMS - Institut Marcel Mauss (CNRS/EHESS).

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Dominique de Villepin, (BFMTV, 12 septembre 2014)
"L'Etat islamique, Daech, comme le disent les anglo-saxons, c'est l'enfant monstrueux de l'inconstance, et de l'arrogance de la politique occidentale. (...)" 



Dominique de Villepin (France 2, Ce Soir ou Jamais, La France en guerre ?, 26 septembre 2014)
"Ayons conscience que cet ennemi, Daesh, nous l'avons en grande partie enfanté, de guerre en guerre, (...) Nous alimentons la surenchère. "


Dominique de Villepin : "Faire croire que nous sommes en guerre est un piège"
Par Elizabeth Martichoux, le 15 novembre 2015

L'ancien locataire de Matignon et du quai d'Orsay appelle à bien peser ses mots et se refuse à parler de guerre. Pour lui, adopter cette rhétorique, c'est donner raison à l'ennemi.
Après les attentats qui ont endeuillé la France le 13 novembre, le président et le premier ministre ont parlé de "guerre" contre Daesh. Mais pour Dominique de Villepin, adopter un discours martial est une erreur. "Le piège qui nous est tendu c’est de faire croire que nous sommes en guerre. Le fait d’utiliser des grenades, des kalachnikovs, des munitions, ne constitue pas une armée. Une guerre c’est deux États qui se confrontent", explique l'ancien Premier ministre et ministre de l'Intérieur.
"La vérité, c’est qu’ils veulent nous diviser et pousser le pays à la guerre civile. Eux, ils veulent nous détruire. Je souhaite qu’on tire les leçons de l’expérience. Les choses ne font que s’aggraver, on n’a gagné aucune de ces guerres. Ce n’est pas à nous d’engager le combat avec nos armées là-bas. Cette approche de 'guerre' contre le terrorisme n’est pas la bonne", a martelé Dominique de Villepin, qui appelle à la retenue. "Nous sommes dans une période où les mots doivent avoir du sens", explique l'ancien ministre de l'Intérieur.
Source : RTL
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«Hollande est entouré de faucons de guerre»
Par Joëlle Meskens, le 16 novembre 2015 - TdG

Le président français est-il un chef de guerre ? Le journaliste David Revault d’Allonnes publie «Les guerres du président».
  
David Revault d’Allonnes vient de publier Les guerres du président (Editions du Seuil). Un livre saisissant qui décode la mutation «martiale» de François Hollande. L’auteur, journaliste au Monde, aura été l’un des moins surpris par la gestion des attaques par le chef de l’Etat français ce week-end.


François Hollande n’est pas tout à coup devenu un chef de guerre vendredi soir?

Pas du tout. C’est une dynamique qui s’est installée pratiquement depuis le début du quinquennat. Le premier épisode a été la guerre au Mali, avec l’opération Serval, en janvier 2013. François Hollande a découvert qu’il avait d’une part un combat à mener contre le djihadisme et que d’autre part il disposait d’un instrument qui fonctionnait: l’armée. C’est dès ce moment qu’il s’est installé dans la posture de chef de guerre.

Il se forge une légitimité?

Curieusement, sur les autres terrains de la politique nationale, de la politique économique et sociale, il essuyait beaucoup d’échecs; là, il a trouvé un terrain qui lui permet d’être crédible et d’agir avec efficacité. Ensuite, après le Mali, il y a eu beaucoup d’autres épisodes: la Syrie, avec la tentative de frappes contre Bachar el-Assad qui n’ont finalement pas eu lieu, puis les frappes contre l’Etat islamique en Irak puis en Syrie. Et puis bien sûr il y a eu la lutte contre le terrorisme intérieur. Ce n’est qu’à la fin de 2013 que la filière française du djihad est entrée dans le radar des autorités!

Vous dites que François Hollande a «trouvé» là un moyen de se révéler. Ce n’était pas sa nature?

Il s’était toujours désintéressé des affaires diplomatiques, des affaires militaires, de la sécurité, du terrorisme. Ce n’était pas des choses auxquelles il s’intéressait spontanément. Sa tasse de thé, c’était les opérations électorales, les campagnes, la conduite du PS.

Il a trouvé cela comme un moyen d’exister politiquement?

Ce serait lui faire un mauvais procès. Ce n’est pas lui qui déclenche la guerre au Mali ex nihilo, ce n’est pas lui qui décide d’attaquer l’Etat islamique en Irak puis en Syrie. Ce sont les événements qui l’amènent à durcir les lois sur le renseignement, à faire appel à l’armée après les attentats. Tout cela, c’est la situation qui le lui impose. Comme vendredi. Mais en tout cas, ce n’était pas du tout inscrit depuis le départ dans les gènes du hollandisme. François Hollande est quelqu’un d’ordinaire très prudent, qui n’aime pas la confrontation ou le rapport de force, qui est très modéré dans l’expression. Or là, sur ces questions, il devient très offensif dans le discours et même très guerrier. Son champ lexical ressemble au discours de George Bush. Il parle de «guerre de civilisation». Quand il reçoit les trois héros de l’attentat déjoué contre le Thalys, il parle du «bien contre le mal».

Au-delà de la situation, c’est aussi son entourage qui le pousse dans cette voie?

Très clairement. Il a autour de lui ses faucons. D’abord le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian. Au début du quinquennat, il n’était pas du tout amené à devenir un des piliers. C’était un ministre qui cultivait l’image d’un «provincial», fidèle mais pas très «bankable» politiquement, à l’inverse d’un Valls ou d’un Macron. Et c’est lui qui est devenu l’un des piliers du quinquennat. D’abord parce qu’il a été très efficace dans les opérations. Ensuite, parce que la multiplication des opérations extérieures et l’accroissement du risque intérieur en ont fait l’un des piliers.

Le tournant de son quinquennat?

Le véritable tournant du quinquennat de Hollande, ce n’est pas sa conversion au «libéralisme». Il a toujours été social-libéral. Le vrai tournant, c’est le tournant sécuritaro-militaire. Valls a réhabilité la police auprès de la gauche, puis avec Le Drian, il l’a fait avec la guerre. Sans oublier Laurent Fabius, qui lui aussi est un faucon. Des diplomates l’appellent le «Dick Cheney» de la politique française eu égard à sa position sur l’Iran, sur la Syrie. Il est bien plus dur que les Américains. Finalement, tous ces faucons du président sont bien plus proches des néoconservateurs américains des années 2000 que des sociaux-démocrates historiques du PS. C’est là, le vrai tournant. C’est pour cela que François Hollande n’est pas pris au dépourvu.

Dans le commandement militaire aussi on retrouve des faucons?

Vous avez le général Benoît Puga, chef d’état-major particulier de François Hollande, qui était déjà celui de Nicolas Sarkozy, qu’il a conservé et qui était la courroie de transmission avec les armées.

Hollande se révèle martial mais tout en se montrant dans la compassion…

Là non plus, rien de nouveau. On est dans le même registre qu’après les attentats de janvier, mais puissance dix. On a recours à l’armée, on a donné les pleins pouvoirs aux services de renseignements (même si ce n’est pas un «Patriot Act», c’est tout de même de cet ordre-là).

Ce durcissement de sa politique déporte François Hollande sur sa droite. Mais l’union nationale aura pourtant du mal à se faire. Un paradoxe?

Je ne crois pas que l’union nationale tiendra. Elle avait pas mal fonctionné après les attentats de janvier. Aujourd’hui, on sent qu’elle se fissure déjà. Les Républicains et le FN vont se dire qu’ils ont davantage intérêt à jouer la critique et l’offensive, sinon ils n’auront plus d’espace. C’est déjà un peu le cas pour Nicolas Sarkozy. L’élection présidentielle aura lieu dans un an et demi. Le terrorisme va être très clairement l’un des grands enjeux, avec la sécurité, les migrants, l’islam. Cela annonce une campagne d’une violence inouïe.

Source : TdG

David Revault d’Allonnes, «Les guerres du président», Editions du Seuil, 2015
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Etat d’urgence et souveraineté
Par Jacques Sapir, le 16 novembre 2015 - RussEurope

Les attentats qui ont endeuillés Paris le vendredi 13 novembre nous horrifient et nous révoltent. Certes, ce n’est pas la première fois que Paris est ainsi ensanglanté. Le souvenir de la tragédie qui s’était déroulée à la rédaction de Charlie-Hebdo et au magasin Hyper-Casher en janvier dernier est encore frais dans nos mémoires. Nous continuons d’en pleurer les morts. Mais, les carnages de ce 13 novembre marquent un saut qualitatif dans l’horreur et l’abjection. Le temps du deuil et du recueillement dû aux victimes et à leurs proches s’impose. Le temps de l’action viendra ensuite. Mais, il importe qu’il soit éclairé par le temps de la réflexion. Et, dans cette réflexion, émerge le problème que constitue la proclamation, par François Hollande, de l’état d’urgence.

Cette proclamation a des conséquences qui vont bien au-delà de ses implications pratiques. En décidant d’appliquer l’état d’urgence, tel qu’il est définit dans la loi depuis 1955[1], François Hollande a fait un geste dont il n’a probablement pas mesuré toutes les dimensions ni toute la portée. Il vient de donner raison à tous ceux qui défendent le principe de souveraineté.

Le retour de la souveraineté
Il nous faut donc constater qu’en décidant de décréter l’état d’urgence, le Président de la République a fait un acte de souverain. Il l’a fait en notre nom à tous, au nom du peuple français. Mais, ce faisant, en décidant à la fois DE l’état d’exception et de ce qu’il convient de faire DANS l’état d’exception, il a remis sur le devant de la scène politique la question de la souveraineté et ceci en contradiction même avec les discours qui sont tenus par les dirigeants de l’Union européenne[2] et par leurs théoriciens[3]. Il a, de plus, fait cette remise en scène de la souveraineté à un moment où l’Union européenne est dans un état critique. Les accords de Schengen sont, dans les faits, morts et l’on voit que convergent des crises à venir, que ce soit en Grèce, au Portugal, mais aussi en Grande-Bretagne (avec le référendum sur une possible sortie de l’UE) et en Espagne, où le problème de la Catalogne est dans toutes les têtes. Tel est le contexte très particulier de sa décision.

Il n’est pas sur qu’il ait eu conscience de la signification profonde de son action et il est probable qu’il croit toujours répondre à une simple urgence. Mais, sa décision a des implications qui la dépassent. Elle marque le retour en force de la notion de souveraineté.

On sait, en effet, que pour Carl Schmitt « Est souverain celui qui décide de la situation exceptionnelle »[4]. Cette définition est importante. Pourtant, il convient de s’arrêter aux mots. Emmanuel Tuchscherer fait alors justement remarquer que ceci « marque en effet le lien entre le monopole décisionnel, qui devient la marque essentielle de la souveraineté politique, et un ensemble de situations que résume le terme Ausnahmezustand, celui-ci qualifiant, derrière la généricité du terme « situation d’exception », ces cas limites que C. Schmitt énumère dans la suite du passage sans véritablement distinguer : « cas de nécessité » (Notfall), « état d’urgence » (Notstand), « circonstances exceptionnelles » (Ausnahmefall), bref les situations-types de l’extremus necessitatis casus qui commandent classiquement la suspension temporaire de l’ordre juridique ordinaire »[5]. Il est ici important de comprendre que cette suspension de «l’ordre juridique ordinaire » n’implique pas la suspension de tout ordre juridique. Bien au contraire. Le Droit ne cesse pas avec la situation exceptionnelle, mais il se transforme. L’acte de l’autorité légitime devient, dans les faits de la situation exceptionnelle, un acte légal. Et l’on peut alors comprendre l’importance de la claire définition de la souveraineté.

Schmitt s’en explique successivement, revenant à plusieurs reprises sur la formule initiale : est donc souverain « celui qui décide en cas de conflit, en quoi consistent l’intérêt public et celui de l’État, la sureté et l’ordre public, le salut public[6]». C’est en réalité plus qu’une précision. Il faut observer que cette nouvelle définition transporte en réalité la marque de la souveraineté d’un critère organique (la question étant alors « qui décide ? » ou, dans le vocabulaire juridique quis judicabit ?) vers un critère bien plus concret, qui spécifie d’ailleurs les circonstances (en situation de conflit) et les objets (l’intérêt public et celui de l’État) sur lesquels il convient de statuer. Notons aussi que l’intérêt de l’Etat est distingué de l’intérêt public. Mais, si l’intérêt de l’Etat se définit (sureté et ordre public), l’intérêt public quant à lui reste non précisément défini. Il faut en comprendre la raison.

Comment se définit l’intérêt public ?
L’intérêt public ne peut être défini au préalable car une telle démarche impliquerait, en fait, de limiter le pouvoir de la communauté politique. Or, c’est justement là que Schmitt affirme la primauté de la souveraineté. Seule la communauté politique, ce que l’on appelle le peuple, est en mesure de définir l’intérêt général et nul ne peut prétendre orienter ou limiter cette capacité à le faire. De ce point de vue, Schmitt donne raison à la souveraineté populaire. Mais, le peuple le fait à un moment donné, et il convient ici de bien comprendre le sens de ces termes.

La définition de l’intérêt général ne peut, en effet, qu’être contextuelle, sauf à prétendre que le peuple, ou ses représentants, serait capable d’omniscience et pourrait définir à l’avance l’ensemble des cas de figure que pourrait prendre cet intérêt général. C’est bien l’émergence brutale d’un contexte nouveau, et menaçant, qui induit la « situation exceptionnelle ». Elle est absolument essentielle. L’existence d’une situation exceptionnelle, de ce que les juristes appellent le cas « extremus necessitatis » est d’ailleurs citée par Bodin comme relevant le souverain de l’observation régulière de la loi[7]. Bodin, en fait le cas emblématique de l’exception juridique[8], de l’interruption du droit normal sans que le principe du Droit ne soit, quant à lui, interrompu. La nature de la souveraineté est profondément liée à l’état d’exception dans lequel elle se révèle[9].

Pour Schmitt, c’est le contexte du conflit, ou de la situation d’urgence si l’on veut étendre le raisonnement, qui sert à définir cet intérêt général. Schmitt désigne alors les limites inhérentes au discours juridique et plus précisément des limites d’un discours qui serait essentiellement fondé sur la notion de légalité.

Ce discours, qu’il combat, on peut le considérer comme un exemple du positivisme juridique. C’est parce qu’il prétend statuer en droit, autrement dit en justice ce qui ne peut l’être qu’en justesse, c’est à dire en légitimité, que le discours étroitement juridique se révèle incapable de saisir le sens profond de l’état d’exception, et aujourd’hui de l’état d’urgence. Ce discours juridique ne peut logiquement qualifier cette situation purement factuelle qui déborde par définition des catégories juridiques usuelles.

Mais, il est aussi clair que cet intérêt général, qui sert de base et de justification à l’état d’exception et à l’état d’urgence, peut être outrepassé, et même dévoyé, par les actes du gouvernement. Et ceci pose le problème du respect du Droit, quand le droit lui-même peut être temporairement suspendu.

La notion de « légal » au sein de l’état d’urgence
Il convient, alors, de chercher par quels moyens l’État de droit peut tenir en bride les pouvoirs publics dans des situations critiques où ceux-ci tendent justement à s’affranchir des limitations habituelles, tout en répondant aux contraintes spécifiques de cette situation d’exception[10]. Si la décision de recourir à une forme d’état d’exception, comme l’état d’urgence, se déploie en marge de l’ordre juridique normalement en vigueur, elle n’échappe donc pas complètement au droit, puisqu’il n’y a d’exception qu’expressément qualifiée comme telle. L’exception suspend en tout ou partie l’ordre juridique ordinaire, celui qui fonctionne dans les circonstances normales. Mais, l’exception ne s’affranchit pas de tout ordre juridique. Elle ne désigne nullement un néant ou une pure anomie. L’exception manifeste au contraire la vitalité d’une autre variante de cet ordre. On peut le considérer comme l’ordre politique ou souverain habituellement dissimulé derrière le cadre purement formel et procédural de l’ordre normatif de droit commun : « Dans cette situation une chose est claire : l’État subsiste tandis que le droit recule. La situation exceptionnelle est toujours autre chose encore qu’une anarchie et un chaos, et c’est pourquoi, au sens juridique, il subsiste toujours un ordre, fût-ce un ordre qui n’est pas de droit. L’existence de l’État garde ici une incontestable supériorité sur la validité de la norme juridique »[11].

Schmitt est revenu sur la notion de souveraineté dans un ouvrage ultérieur la Notion du Politique[12]. Il fait apparaître comme centrale l’opposition « ami-ennemi » comme le note justement Tuchscherer[13]. Mais il place aussi au centre du jeu : « l’unité sociale […] à qui appartient la décision en cas de conflit et qui détermine le regroupement décisif entre amis et ennemis »[14]. Une interprétation possible et que cette « unité sociale » n’est autre, ou ne devrait être autre, que le peuple en action, le « peuple pour soi ». En fait, c’est l’opposition « ami-ennemi » qui définit le politique mais cette opposition ne peut être mobilisée que par « l’unité sociale ». Et c’est à cette dernière que revient la charge de définir ce qui est appelé des antagonismes concrets, des conflits concrets, et enfin des situations de crise. Nous comprenons aujourd’hui bien mieux le sens de ces notions. Et c’est en cela que François Hollande vient de donner raison aux souverainistes et prenant acte de ce qu’est la souveraineté.

Il est sans doute ironique que ce soit un Président indécis, soumis aux différents diktats européens, qui se soit décidé à imposer l’état d’urgence, recourant ainsi aux mécanismes qu’il prétend détester. Il a dû le faire car les événements le lui ont imposé. L’intérêt général se révèle dans la crise, dans un contexte particulier. Mais, sa décision ajoute une pierre, et non des moindres, à la reconstruction de la souveraineté nationale à un moment où l’UE s’effondre. Il est alors probable que, dans sa tradition de vouloir concilier les extrêmes, notre Président, saisi de stupeur par son audace, tente d’en appeler à l’Europe. Qu’importe les mots qu’il pourrait avoir. Ce qui est fait est fait et ne pourra se défaire aisément. François Hollande, à son corps défendant, vient de redonner vie et droit de cité à la souveraineté et au souverainisme.

Notes
[1] L’état d’urgence est un régime exceptionnel organisé par la loi no 55-385, du 3 avril 1995. Source : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000695350&dateTexte=vig
[2] Barroso J-M., Speech by President Barroso: “Global Europe, from the Atlantic to the Pacific”, Speech 14/352, discours prononcé à l’université de Stanford, 1er mai 2014.
[3] Jakab A., « La neutralisation de la question de la souveraineté. Stratégies de compromis dans l’argumentation constitutionnelle sur le concept de souveraineté pour l’intégration européenne », in Jus Politicum, n°1, p.4, URL : http://www.juspoliticum.com/La-neutralisation-de-la-question/28.html
[4] Schmitt C., Théologie Politique, traduction française de J.-L. Schlegel, Paris, Gallimard, 1988; édition originelle en allemand 1922, p.16.
[5] Tuchscherer E., « Le décisionnisme de Carl Schmitt : théorie et rhétorique de la guerre » in Mots – Les langages du Politique n°73, 2003, pp 25-42.
[6] Schmitt C., Théologie politique I, op.cit. p.23.
[7] Bodin J., Les Six Livres de la République, (1575), Librairie générale française, Paris, Le livre de poche, LP17, n° 4619. Classiques de la philosophie, 1993.
[8] Schmitt C., Théologie Politique, op.cit., pp. 8-10.
[9] ‪Arvidssen M., ‪L. Brännström, ‪P. Minkkinen (edits), ‪The Contemporary Relevance of Carl Schmitt: ‪Law, Politics, Theology, Londres, Routledge, 2015.
[10] Dyzenhaus D., The Constitution of Law. Legality In a Time of Emergency, Cambridge University Press, Londres-New York, 2006
[11] Schmitt C., Théologie politique I, op.cit. p.22.
12] Schmitt C., La notion de politique, trad. M.-L. Steinhauser, Paris, Champs Flammarion, 1994, (1937).
[13] Tuchscherer E., « Le décisionnisme de Carl Schmitt : théorie et rhétorique de la guerre » op.cit..
[14] Schmitt C., La notion de politique, op.cit., p. 81.

Source : RussEurope

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La « guerre mondiale contre le terrorisme » a tué au moins 1,3 million de civils
Par Marc De Miramon, le 24 avril 2015 - L'Humanité

Un rapport publié par un groupe de médecins lauréats du prix Nobel de la paix révèle qu’un million de civils irakiens, 220 000 Afghans et 80 000 Pakistanais ont péri, au nom du combat mené par l’Occident contre « la terreur».
« Je crois que la perception causée par les pertes civiles constitue l’un des plus dangereux ennemis auxquels nous sommes confrontés », déclarait en juin 2009 le général états-unien Stanley McCrystal, lors de son discours inaugural comme commandant de la Force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan (ISAF). Cette phrase, mise en exergue du rapport tout juste publié par l’Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire (IP- PNW), lauréate du prix Nobel de la paix en 1985, illustre l’importance et l’impact potentiel du travail effectué par cette équipe de scientifiques qui tente d’établir un décompte des victimes civiles de la « guerre contre le terrorisme » en Irak, en Afghanistan et au Pakistan.

Les faits sont têtus

Pour introduire ce travail globalement ignoré des médias francophones, l’ex-coordinateur humanitaire pour l’ONU en Irak Hans von Sponeck écrit: « Les forces multinationales dirigées par les États-Unis en Irak, l’ISAF en Afghanistan (...) ont méthodiquement tenu les comptes de leurs propres pertes. (...) Celles qui concernent les combattants ennemis et les civils sont (par contre) officiellement ignorées. Ceci, bien sûr, ne constitue pas une surprise.
Il s’agit d’une omission délibérée. » Comptabiliser ces morts aurait « détruit les arguments selon lesquels la libération d’une dictature en Irak par la force militaire, le fait de chasser al-Qaida d’Afghanistan ou d’éliminer des repaires terroristes dans les zones tribales au Pakistan ont permis d’empêcher le terrorisme d’ atteindre le sol états-unien, d’améliorer la sécurité globale et permis aux droits humains d’avancer, le tout à des coûts “ défendables ”».
Cependant, « les faits sont têtus », poursuit-il. « Les gouvernements et la société civile savent que toutes ces assertions sont absurdement fausses. Les batailles militaires ont été gagnées en Irak et en Afghanistan mais à des coûts énormes pour la sécurité des hommes et la confiance entre les nations. »
Bien sûr, la responsabilité des morts civils incombe également aux « escadrons de la mort » et au « sectarisme » qui portait les germes de l’actuelle guerre chiitesunnite, souligne l’ancien secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld dans ses mémoires (« Know and Unknown », Penguin Books, 2011).
Mais comme le rappelle le docteur Robert Gould (du Centre médical de l’université de Californie), l’un des auteurs du rapport, « la volonté des gouvernements de cacher le tableau complet des interventions militaires et des guerres n’a rien de nouveau. Concernant les États- Unis, l’histoire de la guerre au Vietnam est emblématique. Le coût immense pour l’ensemble de l’Asie du Sud-Est, incluant la mort estimée d’au moins 2 millions de Vietnamiens non combattants, et l’impact à long terme sur la santé et l’environnement d’herbicides comme l’agent orange, ne sont pas encore pleinement reconnus par la majorité du peuple américain». Et Robert Gould d’établir un autre parallèle entre la sauvagerie des Khmers rouges, qui émergeront d’un Cambodge dévasté par les bombardements, et la récente déstabilisation « post-guerre » de l’Irak et de ses voisins, laquelle a rendu possible la montée en puissance du groupe terroriste dit « État islamique »

Total estimé à 3 millions 

Bien loin des chiffres jusqu’à présent admis, comme les 110 000 morts avancés par l’une des références en la matière, l’« Iraq Body Count » (IBC), qui inclut dans une base de données les morts civils confirmés par au moins deux sources journalistiques, le rapport confirme la tendance établie par la revue médicale « Lancet », laquelle avait estimé le nombre de morts irakiens à 655 000 entre 2003 et 2006. Depuis le déclenchement de la guerre par George W. Bush, l’étude de l’IPPN aboutit au chiffre vertigineux d’au moins 1 million de morts civils en Irak, 220 000 en Afghanistan, et 80 000 au Pakistan. Si l’on ajoute, concernant l’ancienne Mésopotamie, le bilan de la première guerre du Golfe (200 000 morts), et ceux du cruel embargo infligé par les États-Unis (entre 500 000 et 1,7 million de morts), ce sont presque 3 millions de morts qui sont directement imputables aux politiques occidentales, le tout au nom des droits de l’homme et de la démocratie.
En conclusion du rapport, les auteurs citent le rapporteur spécial des Nations unies de 2004 à 2010 sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires: selon Philip Alston, qui s’exprimait en octobre 2009, les investigations sur la réalité des attaques de drones (lire encadré) étaient presque impossibles à mener, à cause de l’absence totale de transparence et le refus des autorités états-uniennes de coopérer. Puis il ajoutait, après avoir insisté sur le caractère illégal au regard du droit international de ces assassinats ciblés, que « la position des États-Unis était intenable». Trois semaines plus tard, Barack Obama recevait le prix Nobel de la paix ...

Source : L'Humanité

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