vendredi 18 décembre 2015

Exploitation privée de l'espace



Science publique par Michel Alberganti
Le tourisme spatial, prochaine étape de la conquête de l'espace ? 18.12.2015
Avec :
Marc Alban, président de l'Institut Européen du Tourisme Spatial (IETS) pilote de chasse et ancien directeur du Musée de l'air et Jean-Luc Wibaux
Amaury Solignac, psychologue docteur en psychologie, spécialisé dans les missions en environnements polaires, spatiaux et sous-marins
Jacques-Emile Blamont, ancien directeur technique du CNES (Centre national d'études spatiales), membre de l'Académie des Sciences

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Obama légalise l'exploitation privée de ressources de l'espace [!]
Par Lorenzo Calligarot, le 30.11.2015 -  Slate

Une nouvelle loi autorise les Américains à exploiter les gisements contenus sur les astéroïdes. En rupture radicale avec l'idée que les planètes ou les astres appartiennent à l'humanité.

Si tenter d'acheter des parcelles de la Lune ne leur suffisait pas, les Américains peuvent désormais devenir propriétaire d'astéroïdes, révèle le Market Business News. Il faut préciser qu’ils ne peuvent pas posséder à proprement parler le corps céleste mais qu’ils ont le droit d’acquérir toutes ses ressources exploitables. Le Competitiveness Act (HR 2262) signé au milieu du mois de novembre par Barack Obama vient bouleverser le consensus de 1967, ratifié par les grandes puissances, qui faisait de l’espace une propriété universelle. Les autorités américaines ont donc bravé le gentleman's agreement et se sont débarrassées des «règlements inutiles» pour faire, par la même occasion, le bonheur des lobbies et des entreprises spécialisées comme Planetary Resources.

Son cofondateur et coprésident, Eric Anderson, a déclaré dans des propos relayés par Market Business News: «Ceci est la première grande reconnaissance des droits de propriété dans l'histoire. Ce projet de loi établit le même cadre légal qui a créé les grandes économies de l'histoire, et encourage le développement durable de l'espace.» 

«Partout, nous devons éliminer les règlements inutiles»

Le sénateur de Floride Marco Rubio, candidat à la primaire républicaine, a lui aussi plaidé pour cette nouvelle réglementation:

«Partout dans notre économie, nous devons éliminer les règlements inutiles, qui coûtent trop cher et rendre plus facile la création d’emplois pour les innovateurs américains. […] Ce projet de loi est une victoire importante pour la côte spatiale de la Floride et pour toute la communauté spatiale.»

Pour de nombreux experts, cette loi pourrait être à l’origine d’une véritable révolution économique et d’un marché de plusieurs milliards de dollars. Des géologues estiment en effet que les astéroïdes renfermeraient des minerais précieux et dans des quantités beaucoup plus élevées que sur terre.

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Asteroide Vesta (Nasa, 2011)


L'exploitation des astéroïdes autorisée : dans 20 ans, on verra des "mineurs de l'espace"
Par Jean-Paul Fritz, le 30 novembre 2015 - Le NouvelObs

Barack Obama a signé le 25 novembre une loi autorisant les citoyens américains à s'approprier des ressources dans l'espace. Cette perspective pourrait s'apparenter à de la science-fiction et pourtant...

Cela peut sembler un point de détail, mais c'est probablement une loi qui sera mentionnée dans les manuels d'histoire dans quelques dizaines d'années.

Après avoir franchi sans encombre les étapes des votes du Sénat et de la Chambre des Représentants, la signature de Barack Obama au bas de l'US Commercial Space Launch Competitiveness Act donne en effet à ce texte force de loi aux États-Unis, ce qui du fait de la position dominante de ce pays en matière de conquête de l'espace, lui donne aussi un poids non négligeable pour l'avenir des compagnies privées désireuses de faire des affaires au-delà de notre bonne vieille planète.

Des traités internationaux flous

Il y avait en effet une grande incertitude pour ceux qui désiraient se lancer dans l'exploitation minière de la Lune et des astéroïdes. Les traités internationaux sont plus que flous en la matière, n'évoquant que la propriété du sol.

Le seul traité international sur ce sujet ratifié par la plupart des nations de la planète, le "traité de l'espace", n'évoque que les problèmes de territoires, précisant qu'aucune nation ne peut proclamer de souveraineté en-dehors de notre planète. Mais il ne prévoit pas directement l'appropriation éventuelle de ressources, notamment minières, par des ressortissants desdites nations, même si certains juristes pensent que cela peut poser problème.

Il faut dire qu'à la date de sa promulgation du traité de l'espace, en 1967, on se préoccupait davantage de ne pas reproduire dans l'espace les conflits entre les blocs de l'Est et de l'Ouest que de l'éventualité qu'un jour des compagnies privées pourraient avoir leurs propres fusées...

Il était temps de légiférer

La nouvelle loi américaine était nécessaire pour ce pays. En effet, elle fixe d'abord les règles du jeu des lancements spatiaux commerciaux, qui ont déjà débuté sous contrat avec la NASA. Mais qu'elle se préoccupe de l'exploitation de ressources spatiales, cela peut sembler de la science-fiction.

Pourtant, là aussi, il était temps de légiférer. En effet, les compagnies privées frappaient déjà aux portes des députés et sénateurs afin de clarifier leur situation : si elles prévoyaient d'investir pour aller chercher des matériaux hors de l'atmosphère terrestre, elles devaient être certaines qu'elles pourraient en revendiquer la propriété et les commercialiser.

Vu qu'à l'heure actuelle les entreprises capables dans un avenir proche d'aller dans l'espace sont en grande majorité américaines, les lois U.S. n'en prennent que davantage de poids, et pourraient bien façonner les règles internationales qui s'ensuivront.

Des années de préparations sont nécessaires

Miner des morceaux de roc situés à des centaines de milliers de kilomètres peut paraître très loin de nos préoccupations actuelles. On n'est même pas certains d'avoir toute la technologie nécessaire pour le faire, et aucune société privée ne dispose aujourd'hui des ressources pour une exploitation commerciale d'une telle aventure.

Alors pourquoi légiférer ? Parce que c'est le bon moment. On n'exploite pas les astéroïdes (ou la Lune) du jour au lendemain, il faut des années de préparation, et pour ceux qui veulent se lancer dans l'aventure, il est temps de s'y mettre dès aujourd'hui. Certains ont d'ailleurs commencé :

- Planetary Resources a lancé cette année un premier satellite destiner à tester certaines de ses technologies. Et ce n'est qu'un début, d'autres plus perfectionnés vont suivre en 2016 et en 2018... Le PD-G de Planetary Resources, Chris Lewicki, déclarait récemment à Space.com qu'il avait bon espoir de voir la "création d'une économie du ravitaillement en carburant dans l'espace dans les dix prochaines années... Après cela, cela dépendra comment le marché se développe". La suite étant évidemment l'exploitation des astéroïdes pour leurs métaux.

- Deep Space Industries prépare des satellites de prospection. De la taille d'un petit ordinateur portable, ces engins ont la possibilité de scanner un astéroïde pour déterminer sa composition, et donc de savoir s'il comporte des ressources exploitables. Le premier de ces satellites doit être lancé en 2017.

- Côté outils, des ingénieurs et scientifiques, dont certains travaillant pour la NASA, viennent de mettre au point un détecteur capable d'identifier tous les éléments qui composent un astéroïde. Un outil indispensable dans la trousse du prospecteur spatial...

Les astéroïdes, un enjeu économique

Les entreprises ne vont pas se lancer dans l'exploitation minière des astéroïdes juste pour la gloire. Si elles y vont, c'est qu'elles pensent que cela peut rapporter de l'argent, en grande quantité. CNBC évoquait récemment un marché de plus de mille milliards de dollars... Mais que peut-on trouver de si intéressant dans l'espace ?

- De l'eau pour la consommation, mais surtout pour la transformer en carburant pour fusées (hydrogène et oxygène).

- Des métaux rares (platine...) qui sont de plus en plus utilisés dans l'électronique, entre autres... et qu'il pourrait bientôt être plus économique d'aller chercher dans l'espace. Sur Terre il faut creuser profondément pour les trouver, ce ne serait pas le cas sur les astéroïdes. Un seul d'entre eux pourrait avoir plus de platine qu'il n'en a été exploité sur Terre jusqu'ici.

- Des métaux "ordinaires". Demain, il sera beaucoup plus pratique de mettre en place une "métallurgie de l'espace" pour construire des fusées en orbite, évitant ainsi la dépense correspondant aux lancements de fortes charges depuis la Terre.

Le marché du carburant spatial à lui seul vaut l'investissement... les clients potentiels étant tous ceux qui voudraient se lancer dans la conquête de l'espace, et trouveraient là une "station service" avec des coûts sans commune mesure à ceux que représentent le transport de ce carburant depuis la Terre.

La réalisation d'une industrie exploitant les astéroïdes pourrait être également la clé de la conquête spatiale. Leurs ressources pourraient faciliter et même payer les premières colonies lunaires, martiennes et même au-delà.

La Lune pourrait faire l'objet de convoitises

La Lune aussi pourrait faire l'objet de convoitises. Elle semble en effet idéale pour l'établissement de bases permanentes dans la banlieue de la Terre : elle a une gravité bien inférieure, donc nécessite moins de carburant pour s'en affranchir, tout en offrant de larges surfaces pour s'établir. Et pour le côté commercial, elle est décrite parfois comme une "carrière géante en attente d'exploitation".

En 2014, la NASA lançait un appel aux sociétés privées pour des projets d'acheminement de cargaisons sur la surface de notre satellite. Même Google veut inciter le privé à s'y intéresser : son Lunar XPrize a pour but d'aider au financement de missions robotiques (privées) qui aluniraient entre 2016 et 2017.

On est loin de l'établissement de mines d'eau ou de platine, mais c'est un début. Moon Express par exemple, qui a été sélectionnée à la fois par la NASA et Google, en est au stade de l'exploration robotique, mais l'exploitation des ressources lunaires est son objectif affirmé...

Encore quelques obstacles

Le tableau pourrait sembler très prometteur, mais il reste cependant beaucoup de problèmes à résoudre.

La technologie, déjà : jusqu'ici, à part les missions Apollo, on n'a réussi qu'à ramener un peu de poussière de comète ou d'astéroïde. On est loin des échantillons de minéraux, sans parler de ramener de grandes quantités de métaux sur Terre. Au vu des progrès réalisés, on peut cependant être optimiste pour les années à venir.

Il faut aussi trouver les bons astéroïdes, les plus proches possibles de la Terre. Selon un chercheur de Harvard (USA), il n'y aurait pas beaucoup de géocroiseurs (astéroïdes dont l'orbite les amène près de la Terre) qui soient exploitables. Ce scientifique a mis au point une formule pour déterminer leur nombre, et estime qu'il n'y en aurait qu'une dizaine susceptibles d'être minés pour du platine (et environ 9000, mais petits, pour de l'eau). Une estimation contestée par l'un des fondateurs de Planetary Resources, pour qui elle peut être multipliée au moins par 100, voire par 1.000.

Un autre point suscite les critiques, et il est contenu dans la nouvelle législation américaine. Afin de "protéger" l'industrie spatiale, la nouvelle loi préserve l'industrie spatiale du contrôle des administrations. Ainsi, la FAA (administration fédérale de l'aviation), qui s'occupe notamment de la sécurité des passagers aériens, verrait ainsi sa juridiction limitée, au moins jusqu'en 2023. En gros, ceux qui participent à l'aventure commerciale dans l'espace le font à leurs risques et périls.

Pas avant 10 ou 20 ans

Nous ne sommes pas encore au stade où il va y avoir des mineurs humains sur les astéroïdes, et il n'y en aura probablement pas avant 10 ou 20 ans. Les premiers engins qui ramèneront du platine et autres métaux rares seront très vraisemblablement des robots.

Mais ensuite, si l'on veut développer cette industrie, il faudra envoyer des humains. Ils ne ressembleront pas aux "gueules noires" d'antan, mais je parierais que nous verrons des "mineurs de l'espace" avant même les premières missions habitées vers Mars.

Parce qu'au contraire de l'exploration spatiale, qui bénéficiera à l'humanité sur le long terme, l'exploitation des ressources peut rapporter beaucoup d'argent. Et aujourd'hui, cela semble bien être la principale motivation de ceux qui font tourner la planète.

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