dimanche 14 février 2016

On a détecté des ondes gravitationnelles !


Ondes gravitationnelles, les détecteurs de l'extrême (CNRS, 2016)


On a détecté des ondes gravitationnelles !
Par Yaroslav Pigenet, le 11 février 2016 - CNRS

Ondes gravitationnelles

Ondes gravitationnelles Vue d’artiste de deux trous noirs qui, en fusionnant, émettent des ondes gravitationnelles.

Le 11 février, à 16h30, les collaborations Ligo et Virgo ont annoncé avoir détecté des ondes gravitationnelles, un siècle après leur description par Einstein. C’est un double coup de maître : en détectant pour la première fois ces ondes, les chercheurs ont également observé la première collision entre deux trous noirs. Une nouvelle fenêtre s’ouvre sur l’Univers.

Dévoilées par Einstein en 1915, les équations de la relativité générale induisaient l’existence théorique de deux phénomènes inconnus et inobservables à l’époque : les ondes gravitationnelles et les trous noirs. Après une quête de près d’un demi-siècle, les physiciens, et plus particulièrement, depuis 2007, ceux de la collaboration associant les observatoires Ligo (États-Unis) et Virgo (Europe), tiennent enfin leur Graal : la première observation directe d’une onde gravitationnelle causée par la collision de deux trous noirs. Cette découverte annoncée le 11 février ne constitue pas seulement une validation supplémentaire de la théorie d’Einstein, elle fait aussi entrer l’astronomie dans une nouvelle ère en lui procurant un messager de plus pour observer les phénomènes les plus violents de l’Univers.

Il y a très longtemps, dans une galaxie très très lointaine, deux trous noirs qui tournaient l’un autour de l’autre et pesaient chacun environ 30 soleils ont fini par se rencontrer à 200 000 kilomètres/seconde (les deux tiers de la vitesse de la lumière !) et fusionner. Un phénomène appelé coalescence. Cet événement cataclysmique, baptisé GW150914, a, en une fraction de seconde, converti en ondes gravi­tationnelles une énergie équivalant à trois fois la masse du Soleil.

Deux observations simultanées

Ce sont ces ondes, générées à plus d’un milliard d’années-lumière de la Terre, que les deux interféromètres laser géants de Ligo – l’un situé en Louisiane, l’autre à 3 000 kilomètres, dans l’État de Washington – ont observé simultanément le 14 septembre 2015 à 11 h 51. « Cette double détection et la force du signal enregistré assurent qu’il ne s’agit pas d’une fausse alarme, précise Benoît Mours, chercheur au Laboratoire d’Annecy-le-Vieux de physique des particules (Lapp)1 et responsable scientifique du projet Virgo en France. Selon nos vérifications, un bruit aléatoire mimant GW150914 est si peu probable qu’il ne pourrait se produire qu’au plus une fois tous les 200 000 ans ! »

Cette observation directe est d’abord une confirmation éclatante de la validité de la théorie de la relativité générale et de l’une de ses prédictions les plus révolutionnaires. C’est aussi une prouesse technique sachant qu’Einstein lui-même pensait que les déformations de l’espace-temps dues aux ondes gravitationnelles étaient si ténues qu’elles ne pourraient jamais être détectées directement.

« Pour l’astrophysique, cette découverte est un peu ce qu’a été celle du boson de Higgs pour la physique des particules, explique Tania Regimbau, astrophysicienne dans le groupe Virgo-Artemis2. Et ce tant par la manière – une colla­boration internationale de plusieurs années rassemblant des centaines de chercheurs –, que par le résultat – la validation expérimentale d’une théorie centenaire ouvrant la voie à une nouvelle astronomie. »

VIRGO, ondes gravitationnelles

VIRGO, ondes gravitationnelles Bras ouest de 3 km dans lequel circule l’un des deux faisceaux laser de l’interféromètre Virgo. Ce détecteur mesure les déformations de l’espace générées par le passage des ondes gravitationnelles.

Remonter l’histoire de l’Univers

En effet, après les ondes électromagnétiques (lumière, ondes radio, rayons X…), qui ont permis aux astronomes d’observer des phénomènes et des objets cosmiques de plus en plus éloignés, les ondes gravitationnelles vont désormais permettre d’étudier des événements extrêmes et de remonter encore plus loin dans l’histoire de l’Univers. Le ­redémarrage en 2016 du détecteur Advanced Virgo en Italie, dont les données seront combinées avec celles de Ligo, fournira aux chercheurs un observatoire gravitationnel capable d’identifier et de localiser encore plus précisément les sources de ces précieuses ondes. Kagra au Japon devrait com­pléter ce réseau vers 2018. Ces instruments seront ensuite rejoints, vers 2030, par eLISA, un ensemble de trois satellites qui constitueront un interféromètre avec l’ambition de détecter directement les ondes gravitationnelles issues du Big Bang. L’ère de l’astronomie gravitationnelle est née.

Voir aussi sur France Culture : Ondes gravitationnelles : l'Homme a senti passer le souffle de l'univers

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