dimanche 13 mars 2016

Pas de frontières pour le nucléaire



Hervé Kempf du site Reporterre revient sur la plainte déposée par le Canton de Genève visant la centrale nucléaire du Bugey en France voisine.
Le 5 mars 2016 - RTS Prise de terre


Les centrales françaises et belges font peur à leurs voisins
8 mars 2016 / Par Lorène Lavocat, le 8 mars 2016 - Reporterre

 
     
Fessenheim, Cattenom, Bugey : ces centrales françaises sont ou vont être attaquées en justice. Suisses, Allemands ou Luxembourgeois veulent voir fermer ces centrales vétustes et fragiles. Quant aux centrales belges, elles suscitent l’inquiétude en Allemagne.

"La France doit fermer ses usines infernales", martèle Rémy Pagani, conseiller administratif de la Ville de Genève. Mercredi 2 mars, la métropole suisse a déposé une plainte contre X pour "mise en danger de la vie d’autrui et pollution des eaux". Cette procédure pénale, portée auprès du Pôle santé du Tribunal de grande instance de Paris, vise la centrale du Bugey, située dans l’Ain à 70 kilomètres de Genève. Dégradation croissante, entretien défectueux, risques d’inondation… les réacteurs, mis en service en 1978 et 1979, accumulent les signes de faiblesse. L’un d’entre eux est d’ailleurs à l’arrêt depuis plusieurs mois.

"Il y a une séries de faits très préoccupants", explique à Reporterre Rémy Pagani. "Des fuites potentiellement dangereuses de tritium ont été constatées, et l’étanchéité de la cuve paraît insuffisante".

Le procureur doit à présent décider les suites à donner à cette plainte. L’Etat et la Ville de Genève espèrent qu’un juge d’instruction sera nommé pour mener l’enquête. "La balle est désormais dans le camp des autorités françaises", nous dit Corine Lepage, avocate des plaignants. "Si elles décident de ne rien faire, elles devront prendre leurs responsabilités".


 PNG - 395.2 ko

La Ville de Genève annonce en conférence de presse lundi 7 mars son recours pour faire fermer la centrale de Bugey

Un appel à l’action relayé par d’autres pays européens. Jeudi 3 mars, le gouvernement du Luxembourg a ainsi saisi la Commission européenne. Motif ? La centrale de Cattemon, en Moselle, ne serait pas conforme aux normes post-Fukushima. C’est le résultat d’un rapport d’experts remis la semaine dernière aux parlementaires écologistes allemands. Là encore, la résistance des infrastructures en cas d’inondation, de tremblement de terre, ou en cas d’avion projeté est remise en cause. Le député Vert Anton Hofreife a demandé au gouvernement fédéral d’ouvrir des négociations avec la France vue de la fermeture de la centrale pour « danger imminent ».

JPEG - 69.3 ko

La centrale nucléaire de Cattenom (Moselle), à la frontière luxembourgeoise, en 1991.

Et vendredi 4 mars, une enquête accablante sur la centrale de Fessenheim relayée par plusieurs médias allemands a suscité de vives inquiétudes. Le leader des Verts dans la Sarre, Simone Peter, a qualifié de "bombe à retardement" la centrale la plus vieille du parc français, et dénoncé "une grave menace pour la population en Allemagne". Une position reprise par la ministre allemande de l’Environnement, Barbara Hendricks, qui a jugé que Fessenheim "devrait être fermée le plus vite possible".
Elle prépare d’ailleurs avec la ministre luxembourgeoise de la santé, Lydia Mutsch, un courrier à Ségolène Royal pour rappeler à l’Etat français ses obligations en matière de sûreté nucléaire.
Côté français, l’heure est à la tranquillisation. "Toutes les centrales sont régulièrement contrôlées, et elles subissent tous les dix ans des tests draconiens", nous indique l’Autorité de sûreté nucléaire. Le Bugey, comme Cattenom ou Fessenheim, sont jugées "fonctionnelles", bien que d’importants travaux aient été préconisés. Même son de cloche chez EDF. L’entreprise ne commente pas pour le moment la plainte visant les installations du Bugey, mais répond, au sujet de Cattenom, que « ce site fait l’objet d’un programme de modernisation afin d’améliorer en permanence son niveau de sûreté ». Autrement dit, tout va bien.
Alors pourquoi tant de craintes de nos voisins européens ? "Les gens qui regardent les choses objectivement ne peuvent être qu’inquiets", estime Corine Lepage. "Les centrales françaises sont vieillissantes, et l’industrie nucléaire n’a pas les moyens de sa politique". Un constat partagé par Michèle Rivasi, eurodéputé et initiatrice du Nuclear Transparency Watch (NTW) : "EDF et Areva sont dans le rouge, et n’ont ni les moyens de démanteler les centrales, ni les moyens de les remettre à niveau, dit-elle à Reporterre . On est dans une seringue !"

JPEG - 95.7 ko

La centrale nucléaire de Fessenheim, dans le Haut-Rhin.

Pour EDF, l’équation nucléaire n’est en effet plus tenable. Sans transition énergétique, la remise à neuf du parc nucléaire français doit coûter 100 milliards d’euros au groupe, d’après la Cour des comptes. A cela, il faut ajouter l’EPR de Flamanville, au budget toujours croissant, et les deux EPR britanniques de Hinckley Point. Sans oublier les 37 milliards d’euros de dette du géant français. Signe de cette crise financière inextricable, Thomas Piquenal, a démissionné de son poste de directeur financier lundi 7 mars.
C’est sans doute afin de donner du temps à EDF que la ministre de l’Environnement, Ségolène Royal, s’est dite prête, dimanche 28 février, à "autoriser la prolongation des réacteurs nucléaires pour 10 ans supplémentaires" afin de porter leur durée de vie à 50 ans. Une annonce polémique que nos voisins déplorent. "Les Français ont choisi de faire passer la rentabilité de leur filière avant la sécurité de la population", se désole Rémy Pagani. Lui espère que les actions tous azimuts entreprises contre l’atome feront bouger les lignes : "Les Suisses ont eu besoin des autres pays pour réagir sur le secret bancaire, à nous d’aider les Français à sortir du nucléaire !"

PLUS DE 800 000 SIGNATURES POUR "EVITER UN NOUVEAU TCHERNOBYL" EN BELGIQUE


Le nucléaire belge aussi fait l’objet de vives critiques de la part des Pays-Bas et de l’Allemagne. En cause, deux réacteurs situés à Doel et Tihange, arrêtés pendant près de deux ans, puis remis en route… avec de multiples incidents. Fuite d’eau dans un générateur, problème d’alternateur, incendie, pannes. Les deux centrales sont gérées par Electrabel, filiale du français Engie.
Les villes de Maastricht (Pays-Bas) et d’Aix-La-Chapelle (Allemagne) envisagent de déposer une plainte devant le Conseil d’Etat belge, et une autre devant une juridiction bruxelloise pour demander l’arrêt de Tihange. Une pétition « pour éviter un nouveau Tchernobyl », lancée le 28 janvier sur la plateforme Avaaz, a recueilli 820 000 signatures. Elle appelle les politiques à « procéder immédiatement à une nouvelle évaluation de l’impact environnemental transfrontalier ».

* * *

«Il faut fermer la centrale nucléaire du Bugey»
Le 7 mars 2016 - TdG

Ville et Canton ont saisi la justice pénale. La centrale, située à 70 kilomètres de Genève, est soumise à de nombreux risques estime Corinne Lepage.

«Nous voulons absolument la fermeture de la centrale nucléaire du Bugey», sise à Saint-Vulbas, dans l’Ain, à 70 km à vol d’oiseau de Genève. Tel est le message adressé par Genève à la France. Les mots prononcés par la maire Esther Alder ont résonné, lundi au Palais Eynard, devant un parterre de journalistes français et suisses.

«La technologie nucléaire vieillissante qui nous entoure constitue un risque majeur», renchérit le conseiller d’Etat chargé de l’Energie, Antonio Hodgers.

Corinne Lepage mandatée

C’est en effet côte à côte que la Ville et le Canton ont déposé mercredi (lire notre édition du 3 mars), auprès du Pôle santé du Tribunal de grande instance de Paris, spécialisé en matière nucléaire, une plainte contre X pour «mise en danger délibérée de la vie d’autrui et pollution des eaux». Un dossier pour lequel l’avocate française et ex-ministre Corinne Lepage a été mandatée. Comme elle l’avait été il y a trente ans dans l’action genevoise en faveur de la fermeture de la centrale de Creys-Malville.

Pour l’Etat, il s’agit notamment de se conformer à l’obligation constitutionnelle de s’opposer «aux installations de centrales nucléaires, de dépôts de déchets radioactifs et d’usines de retraitement sur le territoire et au voisinage du canton». Le conseiller administratif Rémy Pagani souligne: «Si un gros incident survenait à la centrale du Bugey, Genève serait dans la zone d’évacuation.»

Dysfonctionnements listés

Or, selon Corinne Lepage, plusieurs facteurs font craindre le pire. Rappelant la présomption d’innocence, «qui vaut aussi contre X», l’avocate rappelle que «la centrale a été construite dans les années 70, sans étude d’impact. Or, elle est confrontée à un risque sismique, à un risque d’inondation et à un risque cumulé inondation plus tremblement de terre.» Elle liste les dysfonctionnements de l’installation: le problème d’étanchéité du radier (la dalle de béton sur laquelle repose la centrale), les fuites redondantes de tritium ou encore les fissures de l’enceinte de confinement.

Contactée, l’autorité de sûreté nucléaire souligne qu’«après une année 2013 et un début d’année 2014 en retrait en matière de rigueur d’exploitation, la centrale nucléaire du Bugey est dans une dynamique de progrès depuis fin 2014». Un constat forcément insuffisant aux yeux de Corinne Lepage: «Ce ne sont pas des usines de fabrication de pots de yaourts! Un incident aurait des conséquences catastrophiques.»

«Approche plus offensive»

Quelles sont les chances d’aboutir de cette plainte? «Qui ne tente rien n’a rien! lance Antonio Hodgers. Nous avons toujours été déboutés par le passé. Mais aujourd’hui, avec l’angle de la plainte pénale, notre approche est offensive.»

Dernièrement, le recours de Genève contre le centre de stockage de déchets nucléaires, ICEDA, a ainsi été rejeté par le Conseil d’Etat français pour «défaut d’intérêt pour agir».

Si elle reconnaît que c’est un peu le combat de David contre Goliath, Corinne Lepage met en avant les atouts de cette nouvelle plainte: «Il s’agit cette fois d’un recours devant le juge judiciaire et non devant le juge administratif.» Autre atout: Genève associe à son action pénale la plainte de quatre personnes physiques, riveraines de la centrale.

Enfin, confirmant avoir reçu de la part d’EDF une invitation le 4 avril à une réunion d’information à la centrale du Bugey, Rémy Pagani se gausse: «Comme si nous n’étions pas au courant…»

* * *

Bâle-Campagne réclame la fermeture de Fessenheim
Le 10 mars 2016 - 24heures

Après Bâle-Ville, Bâle-Campagne estime qu'il n'est plus possible d'avoir confiance dans la sécurité de cette centrale nucléaire.

François Hollande avait annoncé que le vieux réacteur serait définitivement débranché fin 2016.

François Hollande avait annoncé que le vieux réacteur serait définitivement débranché fin 2016.

Un jour après Bâle-Ville, c'est au tour de Bâle-Campagne de réclamer une nouvelle fois la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim (F), en Alsace. Les autorités bâloises demandent au Conseil fédéral d'intervenir en ce sens auprès de la France, quelques jours après la révélation sur un grave incident survenu en 2014.

Avant les informations révélées ces derniers jours, le gouvernement de Bâle-Campagne n'avait pas eu connaissance de la gravité réelle de l'incident du 9 avril 2014 à Fessenheim, a déclaré jeudi le ministre de la sécurité Isaac Reber (Verts) devant le Parlement cantonal. La France n'avait pas informé la Suisse à ce sujet, a-t-il souligné en réponse à une interpellation urgente du PS et des Verts.

Le canton de Bâle-Campagne n'a en outre toujours pas été mis au courant de la date de fermeture de la centrale nucléaire alsacienne, située à moins de 50 km de Bâle. A l'origine, le président français François Hollande avait annoncé que le vieux réacteur serait définitivement débranché fin 2016. Entretemps, ce délai a été reporté à plusieurs reprises, constate Isaac Reber.

Confiance rompue

En raison des différents incidents déjà survenus à Fessenheim, il n'est plus possible d'avoir confiance dans la sécurité de cette centrale nucléaire, estime le ministre. Les gouvernements de Bâle-Campagne et de Bâle-Ville entendent donc faire front commun pour inciter le Conseil fédéral à réclamer auprès de la France la fermeture de la centrale de Fessenheim, affirme-t-il.

Mercredi, le parlement de Bâle-Ville avait adopté une résolution en faveur de la fermeture immédiate de la centrale nucléaire alsacienne. Le gouvernement du canton ville exige pour sa part une décision définitive de la France cette année encore sur la date de sa fermeture. Il va adresser une lettre à la conseillère fédérale Doris Leuthard pour faire valoir sa position à Paris.

Bâle-Ville, Bâle-Campagne et le Jura demandent la fermeture de Fessenheim depuis 2011, suite à la catastrophe de Fukushima, au Japon. Vendredi dernier, deux médias allemands sont revenus sur un l'incident survenu en 2014, qui aurait été plus grave qu'annoncé officiellement à l'époque.

* * *

Berlin réclame encore une fois la fermeture de Fessenheim, Paris dit non encore une fois.
Le 4 mars 2016 - Le Temps

Au lendemain du dépôt de la plainte genevoise concernant la centrale du Bugey, l'Allemagne pointe une nouvelle fois l'absence de sécurité de la plus vieille centrale nucléaire de France, toute proche de la frontière avec l'Allemagne et la Suisse. Paris s'insurge

L'Agence de sûreté nucléaire (ASN) en France considère qu'«il n'y a pas de raison de fermer» la centrale de Fessenheim (est), a déclaré vendredi à l'AFP Sophie Letournel, une responsable de l'ASN à Strasbourg, contrairement à ce que réclame Berlin.

La centrale nucléaire française de Fessenheim, toute proche de la frontière avec l'Allemagne et la Suisse, est «trop vieille» et «devrait être fermée le plus vite possible», a déclaré vendredi un porte-parole de la ministre allemande de l'Environnement Barbara Hendricks.

Mme Hendricks, membre du parti social-démocrate (SPD), a déjà par le passé exprimé cette position sur Fessenheim, la plus vieille centrale du parc nucléaire français, revenue dans l'actualité en Allemagne vendredi à propos d'un incident survenu en 2014.

«Pour nous il est très clair que Fessenheim est très vieille, trop vieille pour être encore en activité», a dit son porte-parole, interrogé lors d'un point de presse régulier du gouvernement. «La ministre demande à ce que (la centrale) soit fermée le plus possible», a-t-il ajouté.

«Évidemment, un réacteur aussi âgé a beaucoup de problèmes techniques», a-t-il dit, et «pour nous des réacteurs aussi vieux représentent un risque sécuritaire». Il a évoqué «les inquiétudes des habitants des régions frontalières», alors que des élections régionales sont prévues dans le Bade-Wurtemberg (sud-ouest) le 13 mars.

Lire: Le nucléaire demeure tabou en France
        Fessenheim, l’abcès nucléaire franco-suisse (23.03.2015)

Deux médias allemands revenaient vendredi sur un incident survenu en 2014 à Fessenheim, qui aurait été plus grave qu'annoncé. Néanmoins aux yeux du ministère allemand de l'Environnement, en charge de la sécurité nucléaire, la France ne s'est rendue coupable d'aucun manquement dans ce cas particulier.

La classification par les autorités françaises de l'incident en niveau 1 - sur une échelle qui en compte 8 de gravité des incidents nucléaires - «était justifiée» selon l'Allemagne.

La position sur Fessenheim, déjà exprimée par Mme Hendricks par exemple en septembre dernier quand le gouvernement français a décidé de prolonger la durée de vie de la centrale alsacienne, est celle de l'Allemagne de longue date. Mais nous «n'avons aucune prise sur la durée de vie des centrales en France», a reconnu le porte-parole de la ministre.

L'Allemagne, en pleine transition énergétique arrête progressivement ses propres réacteurs nucléaires, dont le dernier sera débranché en 2022.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...