jeudi 23 juin 2016

Les conséquences d'un Brexit

MAJ de la page : Brexit




En cas de vote pour le Brexit, il y aura certainement «une volonté d’annuler l’effet du référendum»
Interview de Jacques Sapir, le 22 juin 2016 - TRFrance

Malgré les traditions démocratiques de la Grande-Bretagne, il y a un risque que le pays soit réintégré à l'Union européenne par un nouveau traité dans le cas où le peuple se prononce pour le Brexit, estime l'économiste Jacques Sapir.

RT France : Selon les dernières déclarations de George Soros, la sortie de l’UE serait une catastrophe financière mondiale. Est-ce que vous voyez, en tant qu’économiste, de potentielles conséquences économiques négatives ?

Jacques Sapir (J. S.) : Non, j’en vois très peu, parce qu’on peut penser que cela ne changera rien aux flux commerciaux qui existent actuellement entre la Grande-Bretagne et les autres pays de l’Union européenne. En fait, on va voir s’imposer un modèle à la suisse ou à la norvégienne. Ensuite, on peut penser que de toutes les manières, la Grande-Bretagne étant un pays qui est assez fermement acquis à l’option du libéralisme économique, on sera à nouveau dans une situation de libre-échange avec les autres pays. Du point de vue commercial, je ne pense pas qu’il y ait le moindre risque.

Après, c’est vrai qu’on peut avoir une inquiétude, ou plutôt il faut s’attendre à des mouvements de spéculations relativement forts au niveau de la valeur des monnaies. Concrètement, si l’option du Brexit est majoritaire jeudi soir, il est très clair que la livre va baisser de 15 à 20%. Est-ce que c’est une si mauvaise opération pour les Britanniques ? Je n’en suis pas du tout convaincu. Oui, ce sera une mauvaise opération pour les spéculateurs, c’est clair. Mais pour les Britanniques eux-mêmes, je ne suis pas sûr que ce soit une si mauvaise opération que ça.

C’est à Londres que se calcule en réalité le prix du Brent

RT France : On comprend très bien que si les Britanniques votent pour le Brexit, ils auront plus de marge de manœuvre en matière de prise des décisions. En réalité, comment est-ce que la structure de l’économie va changer, étant donné que la Grande-Bretagne est un pays post-industriel qui dépend majoritairement de son secteur financier ? Cela veut dire que c’est la City qui va souffrir en premier ?

J. S. : Il n’est pas sûr que la City souffre en particulier, parce qu’on voit très bien qu’il y a toute une série d’opérations financières qui resteront à la City, notamment toutes les opérations commerciales sur les obligations, celles qui sont liées aux matières premières et qui sont assez importantes. On sait que la place de Londres joue un rôle important pour toute une série de matières premières. Par exemple, sur le pétrole, c’est à Londres que se calcule en réalité le prix du Brent. Donc ces choses-là ne vont pas disparaître parce que la Grande-Bretagne serait sortie de l’Union européenne, loin de là. Après, la question qu’on peut se poser, c’est est-ce que les opérations sur les obligations vont migrer depuis la Place de Londres jusqu’à par exemple la Place de Francfort, voire la Place de Paris. Il faut dire ici que c’est l’espoir qu’entretiennent de grands banquiers allemands ou français, mais honnêtement je ne suis pas du tout persuadé qu’on ait dans les mois qui viennent ce type de situation. En réalité, on voit très bien que la Place de Londres c’est l’équivalent du district financier ou industriel dans les questions financières qui s’appuie sur un savoir-faire accumulé depuis maintenant pratiquement trois siècles dans ce type d’opérations. On peut donc penser qu’il y aura assez peu d’impact négatif sur cette question.

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La Grande-Bretagne est le premier paradis fiscal 

RT France : A trois jours du référendum, plusieurs entreprises françaises ont publié une lettre ouverte à l'intention des Britanniques en leur demandant de rester dans l’Union européenne. Pourquoi, à votre avis, les entreprises françaises ont autant besoin de la Grande-Bretagne au sein de l’Union ?

J. S. : L’intérêt de la Grande-Bretagne dans l’Union européenne c’est que cela permet aux grandes entreprises françaises et allemandes aussi de payer beaucoup moins d’impôts. Le système fiscal britannique est très avantageux pour les entreprises, pas pour l’Etat. On voit bien que toute une série d’entreprises françaises, européennes délocalisent leur siège sociale en Grande-Bretagne justement pour payer beaucoup moins d’impôts. Par exemple, quand vous êtes en Grande-Bretagne vous pouvez vous déclarer comme résident fiscal de l’île de Jersey ou de l’île de Man et là c’est en réalité des paradis fiscaux. La chose que tous les économistes savent et qui n’est pas connue du grand public, c’est qu’il y a beaucoup de paradis fiscaux dans le monde, mais que le premier paradis fiscal c’est la Grande-Bretagne. Elle joue ce rôle vis-à-vis de l’Union européenne. Donc on comprend bien pourquoi toute une série d’entreprises françaises, allemandes, belges ou italiennes sont très embêtées avec la possibilité du Brexit parce que si la Grande-Bretagne sort de l’Union européenne, elles ne pourront plus dire : «Nous sommes toujours localisées dans un pays de l’Union européenne et donc nous appliquons une loi européenne dans le domaine fiscal.» Je pense que c’est beaucoup plus cela qui embête les entreprises.

Aucun pays n’a intérêt à se fermer ce grand marché de Grande-Bretagne ou s’interdire de recourir à ce grand fournisseur

RT France : Certains partenaires commerciaux de la Grande-Bretagne, notamment les Etats-Unis, ont déclaré que la Grande-Bretagne se retrouverait au bout de la file d’attente si elle sortait de l’Union, pour que personne n’ait plus aucun doute que la sortie de l’UE mène à la catastrophe. Pensez-vous que le Brexit va précéder une sorte de sanction économique à l’égard de la Grande-Bretagne ?

J. S. : Non. Ce sont des déclarations que l’on fait avant le Brexit mais elles ne s’appuient pas sur des éléments de réalité. La Grande-Bretagne est à la fois un grand fournisseur et un grand marché. Aucun pays n’a intérêt à se fermer ce grand marché ou s’interdire de recourir à ce grand fournisseur. Alors on fait des déclarations tonitruantes avant le Brexit, à l’évidence on aura des choses tout à fait différentes après le Brexit si jamais ce dernier doit avoir lieu. Il y a beaucoup de postures mais il n’y a pas beaucoup de réalité dans ces différentes déclarations.

Si le Brexit réussit, cela peut donner des idées à d’autres pays

Lire aussi Obama à Londres: «Un Brexit vous mettrait au bout de la file d'attente sur les accords commerciaux»

RT France : Pourquoi les Etats-Unis ont besoin d'une Union européenne unie ?

J. S. : Ils ont besoin d’une Union européenne unie comme base économique de l’OTAN. Il faut savoir que c’est cela qu’est en réalité l’Union européenne, elle est la structure économique qui correspond à l’OTAN. Comme on voit aujourd’hui que les Etats-Unis ont à nouveau un très grand intérêt à maintenir l’OTAN de manière très vivante, évidemment ils s’inquiètent du fait qu’il pourrait y avoir un événement de diversité. Mais il faut toujours rappeler qu’en réalité la Grande-Bretagne a toujours été pour les Etats-Unis un allié extrêmement fidèle dans l’OTAN. En réalité, c’est un allié qui est bien plus fidèle que ne peut l’être la France ou un autre pays. Là encore ce sont des inquiétudes qui ne sont pas réellement justifiées.

Si l’on entrait dans une dissolution de l’Union européenne, c’est quelque chose que les Américains verraient d’un très mauvais œil parce qu’ils ont besoin de cette Union européenne comme structure économique accompagnant l’OTAN
Par contre, il y a une inquiétude qui pourrait être justifiée et qui consiste à dire que si le Brexit réussit, cela peut donner des idées à d’autres pays. Si l’on entrait dans une dissolution de l’Union européenne, c’est quelque chose que les Américains verraient d’un très mauvais œil parce qu’ils ont besoin de cette Union européenne comme structure économique accompagnant l’OTAN. Ils seraient alors beaucoup plus embêtés. Cela poserait la question : «Est-ce que l’Union européenne doit être la structure économique de l’OTAN ? Est-ce que l’Union européenne ne devrait pas être plus indépendante des Etats-Unis ?» Il y a donc là un véritable problème politique que les dirigeants européens n’ont pas voulu aborder pendant des années et qu’ils pourraient être obligés d’aborder justement si la Grande-Bretagne devait sortir de l’Union européenne.

Le risque de manipulation de vote est plus faible que ce que l’on aurait dans d’autres pays comme la France ou l’Allemagne

RT France : Beaucoup disent que même si les Britanniques votent pour le Brexit on ne les laissera pas sortir de l’UE. On a déjà vu dans l’histoire de la construction européenne que l’avis des peuples dans les référendums a été négligé. Cela va-t-il être le cas ?

J. S. : C’est une possibilité. Effectivement si l’on regarde les différents référendums qui ont eu lieu en Europe depuis une quinzaine d’années, on peut penser qu’il y aura certainement une volonté d’essayer d’annuler l’effet du référendum par un nouveau traité qui à sa manière remettrait la Grande-Bretagne dans l’Union européenne alors que les électeurs britanniques auraient voté pour en sortir. C’est une possibilité. Mais il faut savoir qu’en Grande-Bretagne, il y a des traditions plus démocratiques qu’en Europe occidentale. Le fait qu’au sein du parlement britannique le ministre de la Justice et le président de la Cour suprême se sont prononcés pour le Brexit veut dire que l’on a deux autorités juridiques extrêmement importantes qui sont pour le Brexit et qui à l’évidence, ne laisseront pas le gouvernement ou un autre gouvernement manipuler le vote des électeurs. Effectivement un risque plus faible que ce que l’on aurait dans d’autres pays comme la France ou l’Allemagne mais je pense que dans le cas de la Grande-Bretagne c’est un risque plus faible que ce que l’on aurait dans d’autres pays comme la France ou l’Allemagne.

Lire aussi : Royaume-Uni : sortir ou ne pas sortir, telle est la question

* * *

L’Union européenne : un totalitarisme de type orwellien
Laurent Dandrieu, le 23 juin 2016 - RTFrance


Un avion affiche un panneau aérien en faveur du Brexit

Les européistes diabolisent les euroscéptiques et misent sur la peur en prédisant l'apocalypse en cas de Brexit, une tactique que l'on retrouve chez les totalitaires, selon rédacteur en chef adjoint de Valeurs actuelles, Laurent Dandrieu.

RT France : Pourquoi le camp du «Remain» a-t-il décidé de jouer sur les peurs des Britanniques pour les persuader de rester dans l’Union ?

L’électorat français a été soumis au même chantage à l’apocalypse

Laurent Dandrieu (L. D.) : C’est un classique qu’on retrouve à chaque référendum sur la construction européenne : l’électorat français a été soumis au même chantage à l’apocalypse au moment du référendum sur le traité de Maastricht, en 1992, ou sur la constitution européenne, en 2005. C’est dans la logique de l’Union européenne, qui est un totalitarisme de type orwellien, une religion séculière convaincue de s’identifier avec l’avenir de l’humanité et qui ne supporte pas les hérétiques et les dissidents.

Comme tous les totalitaires, les bureaucrates européens veulent convaincre les peuples qui leurs sont soumis qu’il n’y a pas d’alternative possible

Comme dans Orwell, l’UE pratique l’inversion du discours en reprochant à ses adversaires précisément ce qu’elle pratique : les partisans du Brexit, qui veulent reprendre le contrôle de leur destin, sont accusés d’attiser la peur, alors que ce sont les bureaucrates de l’UE qui ne cessent de prédire le déluge si le Brexit l’emporte. La une de ce matin du Daily Mirror, quotidien qui soutient le Remain, est significative, comparant le Brexit à un gigantesque trou noir, avec ce titre : «Ne faites pas un saut dans l’obscurité…».

Comme tous les totalitaires, les bureaucrates européens veulent convaincre les peuples qui leurs sont soumis qu’il n’y a pas d’alternative possible et que la poursuite de l’intégration européenne à marche forcée est le seul avenir. S’il n’y pas d’autre avenir possible, il faut forcément que les opposants à l’UE soient des fous et des forcenés, et que ce qu’ils présentent comme une alternative conduise obligatoirement à la barbarie et au chaos.

Si vous choisissez le Brexit, vous aurez la peste, le choléra et des invasions de sauterelles

Dans le contexte particulier de la campagne électorale du Brexit, l’opinion britannique est apparue fortement tentée par un retour à la souveraineté nationale : or les européistes ne pouvaient rien rétorquer sur ce plan-là, puisque leur projet est précisément d’aller vers davantage d’abandon de souveraineté. Il leur fallait donc se situer sur le terrain de la réussite économique et matérielle, où le bilan de l’UE n’est pas très probant. La seule solution restante est donc d’agiter la menace du chaos, sur le thème : vous n’êtes peut-être pas satisfaits de la situation actuelle, mais si vous choisissez le Brexit, vous aurez la peste, le choléra et des invasions de sauterelles.

Les eurocrates martèlent depuis des années l’idée que s’opposer à la construction européenne est un délire, qui ne peut être soutenu que par des marginaux, des extrémistes et des fous

RT France : Dans les médias, les partisans du Brexit sont souvent décrits comme des gens d’extrême droite. Y a-t-il une raison à cela ?

L. D. : C’est un processus classique de diabolisation de l’adversaire, qu’on voit appliquer en France depuis 40 ans à tous ceux qui s’écartent de la pensée officielle. Si la poursuite de l’Union européenne est le seul avenir possible, si son rejet ne peut conduire qu’au chaos, comme le prétendent les européistes, alors ceux qui prônent une alternative ne peuvent être que des fous, des extrémistes, des fauteurs de haine…

Cela ne peut que donner des idées à d’autres pays européens pour obtenir de l’UE des concessions

RT France : Le référendum sur le Brexit peut-il provoquer d’autres référendums au sein de l’Union ?

L. D. : Les eurocrates martèlent depuis des années l’idée que s’opposer à la construction européenne est un délire, qui ne peut être soutenu que par des marginaux, des extrémistes et des fous. La campagne du Brexit leur apporte un cinglant démenti, dans la mesure où l’on aura vu, quel que soit le résultat, la moitié non pas d’un petit pays marginal, mais d’une grande nation européenne, s’enflammer à la perspective de quitter l’UE. Et que cette perspective aura été soutenue, non pas seulement par des extrémistes ou des populistes, mais par une moitié de ce que tout le pays compte d’élites, y compris la deuxième grande figure du parti de gouvernement, mais aussi nombre d’intellectuels et de figures du monde du spectacle. Cela ne peut que donner des idées à d’autres pays européens et à d’autres leaders eurosceptiques, soit pour organiser leur propre référendum, soit pour obtenir de l’UE des concessions pour leur pays en menaçant de la quitter. Cela étant dit, il est évident qu’une telle contagion serait considérablement renforcée par une victoire du Brexit, et amoindrie par sa défaite.


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