dimanche 3 juillet 2016

Otan en emporte le vent


Pour des relations raisonnables entre l’ OTAN et la Russie
par Dario Rivolta, le 27 juin 2016 - Horizons et débats 

Il y a quelque temps, je discutais avec un ami travaillant pour une certaine entreprise – nécessairement non transparente – à propos d’un politicien dont je savais qu’il était quelqu’un de vraiment très bien. «Si des services secrets voulait piéger quelqu’un – me dit-il – il n’est pas nécessaire que cette personne ait commis des actes répréhensibles. Les témoignages à charge s’achètent et se manipulent et les preuves, on peut les fabriquer.»

Mensonges décisifs pour lancer des guerres

Il m’est alors revenu à l’esprit les «preuves» théâtralement exhibées par le Secrétaire d’Etat américain de l’époque, Colin Powell, démontrant que Saddam Hussein était en possession d’armes de destruction massive et qu’il s’apprêtait à les utiliser. Plusieurs mois après la chute du dictateur, on découvrit que ces affirmations n’étaient que des sornettes artificiellement créées mais qu’entretemps, sur la base de ces «preuves», les opinions publiques occidentales, épouvantées, avaient appuyé la décision d’entrer en guerre de leurs gouvernements. Quelque chose de semblable s’était déjà produit à l’occasion de la guerre contre la Serbie. Les journaux américains et européens étaient remplis de photographies aériennes montrant de soi-disant fosses communes où les Serbes auraient enterré en vrac des centaines de pauvres Kosovars sans défense. Dans ce cas également, tout cela s’est révélé être un canular, mais seulement à la fin du conflit. Les médecins légistes de diverses nationalités, envoyés sur place pour recueillir les preuves des crimes commis, ont dû écrire dans leurs rapports que presque toutes les «fosses» n’étaient en réalité que de la terre remuée et qu’aucun cadavre n’y avait été enterré: seules quelques-unes d’entre elles ont restitué des corps. Ils ont ajouté qu’il était impossible d’établir s’il s’agissait vraiment de Kosovars ou de Serbes et que, très probablement, leur mort pouvait être fixée à la période suivant le début des bombardements.

«Un facteur important de la politique internationale est la propagande mensongère»

Que cela plaise ou non, un facteur important de la politique internationale est la propagande mensongère et plus celle-ci est sournoise, plus elle devient efficace. Un moyen essentiel si l’on veut mobiliser l’opinion publique en sa propre faveur et agir contre les intérêts d’un possible ennemi est de le dépeindre sous un aspect agressif, méchant, corrompu, dangereux, et j’en passe et des meilleures. Cette propagande, utilisée à toutes les époques, mais dont les effets sont aujourd’hui multipliés par les medias de masse, sert souvent à dissimuler les intérêts propres de celui qui l’emploie et à convaincre les pays «amis» qu’en réalité, ce sont leurs intérêts à eux qui sont en danger.

Diabolisation de la Russie

Quand je lis dans la presse ou que j’entends un politicien parler de la menace que représente la Russie d’aujourd’hui pour l’Europe, je suis saisi d’un doute, celui de me trouver face à un cas semblable. Poutine se prépare-t-il à envahir les Etats de l’ex-Pacte de Varsovie? L’agression contre l’Ukraine et l’«occupation» de la Crimée sont-elles véritablement un banc d’essai? Avons-nous à faire à un dictateur sans scrupules assoiffé de pouvoir? L’OTAN (y compris Erdogan) est-elle le dernier rempart de la démocratie à pouvoir protéger le «monde libre»?

L’OTAN et la Russie renforcent les manœuvres militaires

Tant l’OTAN que la Russie renforcent les manœuvres militaires à leurs frontières respectives. Cette situation augmente de façon préoccupante les occasions de «rencontres rapprochées» engendrant ainsi le risque que celles-ci échappent à leur contrôle. Toutefois, on ne sait pas clairement, si ce sont l’expansion de l’OTAN et ses manœuvres qui entrainent une riposte russe ou vice-versa, si ce sont les «provocations» de Moscou, qui imposent une réaction de l’OTAN, c’est-à-dire d’«encercler» la Russie de façon préventive.

De nouvelles bases de l’OTAN en Roumanie et en Pologne

Le 12 mai dernier, à Deveselu en Roumanie, on a inauguré une nouvelle base balistique américaine dont l’objectif déclaré est de défendre l’Europe contre de possibles attaques de missiles balistiques iraniens. Le jour suivant, ont débuté les travaux de construction d’une base semblable en Pologne, qui sera opérationnelle d’ici la fin de l’année 2018. Il est dommage que – aux dires des experts occidentaux – les missiles en possession de Téhéran n’aient pas une capacité supérieure à deux mille kilomètres, ce qui veut dire que même s’ils le voulaient, ils ne réussiraient pas à atteindre le moindre pays européen. Et tant qu’on y est, il faut noter également que les postes de commande de «nos» missiles polonais ne sont pas situées dans les bases de l’OTAN mais à Ramstein, une base aérienne purement américaine en Allemagne. Entretemps, on annonce l’envoi en Allemagne de cinq mille tonnes de munitions transportées dans 415 containers et de dizaines de chars destinés aux exercices militaires en Géorgie et dans la neutre Moldavie. Comme si cela ne suffisait pas, le secrétaire à la Défense des Etats-Unis Ashton Carter veut délocaliser quatre nouveaux bataillons en Europe orientale et le 7 juin se tiendront en Pologne des exercices auxquels participeront 25?000 soldats de diverses origines. Faut-il vraiment s’étonner que Moscou se sente assiégée et qu’elle menace de recourir à des représailles?

Tentatives de dissuasion

Le nouveau commandant des forces armées de l’Alliance atlantique, un certain général Curtis Scaparotti (nom italien mais de nationalité américaine) affirme que notre ennemi est «une Russie résurgente qui s’efforce de se repositionner en tant que puissance mondiale».
Même Obama a déclaré que «nous maintenons un dialogue ouvert et cherchons à collaborer avec la Russie mais nous voulons aussi être sûrs d’être préparés et forts, et nous voulons encourager (sic) la Russie à maintenir ses activités militaires en accord avec les engagements internationaux». Mais les Etats-Unis n’ont-ils pas eux-mêmes révoqué unilatéralement le Traité sur les missiles antibalistiques signé depuis 1987? Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, ajoute que devant la menace russe nous serions «prêts à combattre même ce soir, si la dissuasion n’y suffisait pas …» Malheureusement, Moscou met en œuvre sa propre «dissuasion» et riposte sur le même ton, avec des manœuvres tout près des frontières et la délocalisation de nouveaux missiles dans l’enclave de Kaliningrad.
Certes, nous espérons tous qu’il ne s’agit que de dissuasion quand on envoie des bâtiments de guerre américains en «croisière» dans la mer Baltique et qu’on se plaint que des avions russes passent «dangereusement près». De fait, de dissuasion en dissuasion, nous nous trouvons face à une escalade d’armements et de provocations réciproques, dont nous avions pensé qu’elles appartenaient au passé.
S’il ne s’agit cependant que de simples «avertissements», jusqu’à quand cela va-t-il continuer ainsi? Sommes-nous vraiment certains que dans tout ce déploiement de forces et d’accusations réciproques, il ne puisse se produire un incident dont chacun s’empressera de rejeter la faute sur l’autre? Et avec quelles conséquences?

«Moscou représente-t-elle aujourd’hui réellement un danger pour la sécurité européenne?»

Je ne suis pas, et je n’ai jamais été, un pacifiste à tout prix. Je sais, en tout cas, que pour justifier une guerre ou seulement une simple hostilité entre Etats, il faut des motifs valides et compréhensibles. A part la propagande, plus ou moins stipendiée, répandue à pleines mains par les deux fronts, quel est le véritable motif du litige? La Russie renaît-elle de ses cendres? Souhaite-t-elle encore se positionner en tant que puissance mondiale? Et alors? Quel pays ne voudrait «ressurgir» de l’abysse économique et politique dans lequel il s’est trouvé? Et les dimensions de ce pays-continent, pourvu d’une abondance de matières premières qui nous sont très utiles, ne l’autorisent-elles pas à demander, et obtenir, un rôle sur la scène mondiale? Moscou représente-t-elle aujourd’hui, réellement un danger pour la sécurité européenne?

L’extension de l’OTAN n’est pas un acte amical

Soyons sérieux! Si les Russes désiraient réellement se réapproprier les Etats de l’ex-Pacte de Varsovie, ils ne pourraient pas se le permettre. La crise économique intérieure, le retard dans les infrastructures et, globalement, dans les armements ne leur permettraient aucune guerre offensive contre l’OTAN ou n’importe lequel de ses membres. Par contre, la Russie pourrait très bien affronter une guerre défensive: son territoire est tellement vaste et sa population, tellement patriote, que toutes les tentatives pour la soumettre dans les deux siècles passés ont échoué. Mis à part l’Oural et le Caucase, la Russie est une immense plaine sans frontières naturelles. Tant Napoléon qu’Hitler se sont perdus dans ces territoires en un clin d’œil et il est compréhensible qu’ils prétendent que les pays frontaliers ne constituent pas une menace pour leur propre sécurité. Evidemment, l’OTAN étant une organisation militaire dont la Russie ne fait pas partie, l’extension de l’Alliance dans les pays limitrophes de la Russie ne peut guère être interprétée par Moscou comme un acte amical.

Du caractère et du bon sens sont de rigueur

Aujourd’hui, pas plus que de songer à d’improbables expansions, les Russes préfèrent clairement se focaliser sur leur développement intérieur, peut-être aussi grâce à notre «savoir-faire» et à notre coopération, plutôt que d’assumer les coûts et la responsabilité de gérer des pays rebelles et dans ce cas, sûrement hostiles. Leur ministre des Affaires étrangères, Sergei Lavrov, a récemment déclaré: «Je répète que nous ne cherchons l’affrontement ni avec les Etats-Unis, ni avec l’Union européenne, ni avec l’OTAN. Au contraire, la Russie est ouverte à la plus large coopération possible avec les partenaires occidentaux. Nous continuons à croire que le meilleur moyen pour garantir les intérêts des peuples vivant sur le continent européen serait la formation d’un espace économique et humanitaire commun qui s’étende de l’Atlantique au Pacifique, de façon à ce que l’Union économique eurasiatique nouvellement créée puisse jouer le rôle de passerelle d’intégration entre l’Europe et la Région asiatico-pacifique.»
Ment-il? Ce serait absurde parce que ce qu’il dit correspond exactement et de façon très rationnelle à l’intérêt de son pays.
Au lieu d’écouter ceux qui continuent à cultiver un présumé danger russe, je crois plutôt aux paroles d’Henry Kissinger, le dernier grand expert de politique internationale ayant dirigé la politique étrangère américaine depuis la Seconde Guerre mondiale: «La Russie devrait être vue comme un élément-clé pour tout équilibre mondial, plutôt que comme une menace pour les Etats-Unis.» Si cela est dit par celui qui a rétabli les relations diplomatiques avec la Chine populaire justement pour contrer l’Union soviétique pendant la guerre froide, on ne peut certainement pas le suspecter, ni de naïveté, ni d’«entente avec l’ennemi».
Pour nous Européens, il serait temps de nous soustraire à l’influence néfaste d’un quelconque docteur Folamour et de considérer avec désenchantement et réalisme quels sont nos véritables intérêts. Y a-t-il à Bruxelles et peut-être à Washington quelqu’un qui ait encore un peu de caractère et de bon sens?    •
(Traduction de l’italien par Horizons et débats)

*    Dario Rivolta est chroniqueur pour les informations politiques internationales et conseiller en commerce extérieur. Il est spécialiste des sciences politiques, spécialisé dans le domaine de la psychologie sociale. De 2001 à 2008, il a été député au Parlement italien et vice-président de la Commission des Affaires étrangères. Il a représenté le Parlement italien au Conseil de l’Europe et à l’Assemblée de l’Union de l’Europe occidentale. Puis, il était également responsable des relations internationales de son parti.


* * *

Comment le commandant de l'OTAN a tenté de pousser Obama à déclencher la guerre avec la Russie ?
2 juil. 2016 - RTFrance 

Alors que le général Philip Breedlove vient de prendre sa retraite après avoir laissé le commandement de l'OTAN, son compte Gmail a été piraté. Au menu de sa correspondance : lobbying intense tous azimuts, fausses preuves et complots.

Des dizaines de mails ont été mis en ligne sur le site DCLeaks, et ils permettent de retracer une correspondance active de Philip Breedlove avec de nombreuses personnalités, et pas des moindres, concernant la situation en Ukraine après le coup d’Etat de février 2014 qui a renversé le gouvernement élu en faveur d’un régime soutenu par les Etats-Unis.

Philip Breedlove a été commandant suprême de l'OTAN entre mai 2013 et mars 2016. Dans la presse européenne, il est décrit comme un homme belliciste connu pour s'appuyer sur des alliés afin de contourner la diplomatie et adopter un rôle plus agressif contre les rebelles en Ukraine. En février dernier, Philip Breedlove avait qualifié la Russie de «menace existentielle de long terme pour les Etats-Unis et pour nos alliés européens».

Il apparaît à la lecture de ses courriels que le général correspond par exemple avec son prédécesseur à l'OTAN, le général Wesley Clark, ainsi qu'avec l'ancien secrétaire d'Etat, Colin Powell, resté célèbre pour sa fiole de pseudo-anthrax brandie devant l'Assemblée des Nations-unies, la responsable pour l'Europe de l'Est du département d’Etat, Victoria Nuland, et l’ambassadeur des Etats-Unis en Ukraine, Geoffrey Pyatt.

Une activité de lobbying frénétique pour influencer Barack Obama

L'étude de ces mails révèle que Philip Breedlove déploie une formidable énergie pour convaincre un Barack Obama voulant éviter toute escalade militaire que la Russie représente une menace pour l'Ukraine, pour l'Europe et même pour le monde. Il demande ainsi des conseils à Colin Powell pour infléchir la position d'apaisement du président américain.

«Je me trompe peut-être mais je ne vois pas cette Maison Blanche (WH) vraiment prête à collaborer avec l'Europe et l'OTAN [...] et se laisser entraîner dans un conflit [...] J'ai besoin de vos conseils sur deux sujets : comment trouver une fenêtre d'opportunité et deux, comment y travailler directement avec le président des Etats-Unis (POTUS)»


De fausses preuves de chars russes

Mais le commandant suprême ne se borne pas à tenter d'approcher Barack Obama pour l'influencer. Il s'active beaucoup pour mettre de l'huile sur le feu en Ukraine.

Selon Der Spiegel, Philip Breedlove a «étourdi» des dirigeant allemands avec une annonce surprise en 2015 selon laquelle des rebelles avaient «augmenté la mise» dans l’Est de l’Ukraine, après que «plus d’un millier de véhicules de combat, des groupes de combat russes, de la défense aérienne la plus sophistiquée et des bataillons de l’artillerie» ont été envoyés dans le Donbass, le centre du conflit.

Les chiffres assénés par Philip Breedlove étaient plus élevés que ceux des renseignements de l’OTAN et ont semblé exagérés aux yeux des responsables allemands. L’annonce s’est révélée être une provocation visant à perturber les efforts de médiation faits par la chancelière allemande Angela Merkel.

Emporté par son envie de convaincre que la Russie est une menace, il produit des éléments pour démontrer l'accumulation d'équipements militaires russes à la frontière, tels que des chars. Mais les photos sont celles de chars russes datant de 2008 ou de tanks en Ossétie, et non pas en Ukraine.

Les images de prétendues troupes russes avaient ainsi été transmises au Washington Free Beacon, un blog néo-conservateur américain qui les a ensuite diffusées, alimentant la rumeur de la présence des soldats russes en Ukraine.

Une guerre évitée de justesse ?

Washington a approuvé l’octroi d'une aide militaire «non-létale» s'élevant à des millions de dollars pour les troupes ukrainiennes, notamment «des bataillons de volontaires» notoires dans son budget militaire pour 2016.

Philip Bredlove a continué de pousser en faveur d'une participation américaine plus agressive, affirmant la présence d'importants contingents militaires en Ukraine que même les autorités de Kiev ont démentie.

En mars dernier, le général a déclaré aux députés américains que la Russie et la Syrie «armaient délibérément la migration pour tenter de submerger les structures européennes et d'affaiblir la fermeté européenne».      

Le général Philip Breedlove a officiellement pris sa retraite militaire le 1er juin. Tout récemment, Philip Breedlove est apparu dans les actualités en expliquant qu’il pensait maintenant qu’il fallait parler au gouvernement russe pour résoudre le conflit en Ukraine. «Je pense que nous devons commencer un dialogue important», a-t-il déclaré la semaine dernière en réaffirmant sa conviction sur la nécessité d'avoir une Alliance forte pour rivaliser avec la Russie au niveau militaire. «La Russie comprend le pouvoir et la force et l’unité», a-t-il indiqué.

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