vendredi 19 août 2016

Le gouvernement russe reconsidère sa politique néolibérale



Le gouvernement russe reconsidère sa politique néolibérale
Paul Craig Roberts et Michael Hudson, Le 11 août 2016 – The Saker / Le Saker francophone (trad.)

Selon divers rapports, le gouvernement russe est en train de reconsidérer la politique néolibérale qui a si mal servi la Russie depuis l’effondrement de l’Union soviétique.

Si la Russie avait adopté une politique économique intelligente, son économie serait très en avance sur ce qu’elle est aujourd’hui. Elle aurait évité la majeure partie du pillage de son capital par l’Ouest en s’appuyant sur l’auto-financement.

Washington a profité d’un gouvernement russe démoralisé, qui se tournait vers lui pour le guider dans l’ère post-soviétique. Pensant que la rivalité entre les deux pays avait pris fin avec l’effondrement soviétique, les Russes ont fait confiance aux conseils américains pour moderniser leur économie, avec les meilleures pratiques des idées occidentales. Au lieu de cela, Washington a abusé de cette confiance, et a chargé la Russie avec une politique économique visant à dépecer les actifs économiques russes et à transférer leur propriété dans des mains étrangères. En incitant la Russie à accepter des capitaux étrangers et à exposer le rouble à la spéculation monétaire, Washington a fait en sorte que les États-Unis puissent déstabiliser la Russie, par des sorties de capitaux et des attaques sur le taux de change du rouble. Seul un gouvernement peu familier avec l’objectif néoconservateur d’hégémonie mondiale des États-Unis pouvait exposer son système économique à une telle manipulation étrangère.

Les sanctions que Washington a imposées – et contraint l’Europe à imposer – à la Russie montrent à quel point l’économie néolibérale travaille contre la Russie. Son dogme de taux d’intérêt élevés et d’austérité a coulé l’économie russe – inutilement. Le rouble a été affaibli par les sorties de capitaux, ce qui a entraîné la Banque centrale russe, soumise aux politiques néo-libérales, à dilapider les réserves de change de la Russie dans un effort pour soutenir le rouble, mais a en réalité soutenu la fuite des capitaux.

Même Vladimir Poutine trouve attrayante la notion romantique d’une économie mondiale à laquelle chaque pays a un accès égal. Mais les problèmes résultant de la politique néo-libérale l’ont forcé à se tourner vers le remplacement des importations par des marchandises produites dans le pays, afin de rendre l’économie russe moins dépendante de l’extérieur. Poutine s’est aussi rendu compte que si la Russie devait avoir un pied dans l’ordre économique de l’Ouest, elle avait également besoin d’avoir l’autre pied dans le nouvel ordre économique en cours de construction avec la Chine, l’Inde et les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale.

L’économie néolibérale prescrit une politique de dépendance qui se fonde sur les prêts et les investissements étrangers. Cette politique crée de la dette en devises et transfère à l’étranger les bénéfices russes. Ce sont des vulnérabilités dangereuses pour une nation déclarée par Washington comme étant «une menace existentielle pour les États-Unis».

Les élites économiques que Washington a mises en place en Russie sont d’idéologie néolibérale. Plus particulièrement, la dirigeante de la Banque centrale russe, Elvira Nabiullina, le ministre du Développement économique Alexei Ulyukayev, et les ministres des Finances actuels et anciens, Anton Siluanov et Alexei Kudrin, sont des néolibéraux doctrinaires. Cette foule voulait régler la question du déficit budgétaire de la Russie par la vente d’actifs publics à des étrangers. Si elle est effectivement réalisée, cette politique donnera à Washington plus de contrôle sur l’économie russe.

Face à cette bande d’«économistes de pacotille» se dresse Sergeï Glaziev avec Boris Titov et Andreï Klepach comme alliés.

Ce trio comprend que les politiques néolibérales risquent de déstabiliser l’économie de la Russie, en la rendant vulnérable aux agressions de Washington, qui veut punir le gouvernement russe pour ne pas suivre sa politique étrangère. Leur but est de promouvoir une plus grande autonomie en Russie, afin de protéger la souveraineté de la nation et la capacité du gouvernement à agir dans le sens des intérêts nationaux, plutôt que de soumettre ces intérêts à ceux de Washington. Le modèle néolibéral n’est pas un modèle de développement, mais de prédation pure et simple. Les Américains ont décrit cela en caractérisant la Russie, et d’autres, comme des «coupeurs de bois et des porteurs d’eau» – ou, dans ce cas, pétrole, gaz, platine et diamants.

L’autosuffisance signifie ne pas être dépendant des importations ni des capitaux étrangers pour des investissement qui pourraient être financés par la Banque centrale de Russie. Cela signifie également garder les parties stratégiques de l’économie dans les mains du public, et non du privé. Les services d’infrastructure de base devraient être fournis à l’économie au prix de revient, sur une base subventionnée ou libre, et non pas remis à des propriétaires étrangers pour en extraire une rente monopolistique. Glaziev veut aussi que la valeur de change du rouble soit fixée par la Banque centrale, et non par les spéculateurs sur le marché des devises.

Les économistes néolibéraux ne reconnaissent pas que le développement économique d’une nation avec des dotations en ressources naturelles, telle que la Russie, peut être financé par la Banque centrale en créant l’argent nécessaire pour entreprendre les projets. Ils prétendent que ce serait inflationniste. Les néolibéraux nient le fait reconnu depuis longtemps que, en termes de quantité d’argent, cela ne fait aucune différence que les prêts proviennent de la Banque centrale, de banques privées ou même de l’étranger. La différence est que si l’argent provient de banques privées ou de l’étranger, l’intérêt doit leur être payé et les bénéfices doivent être partagés avec les investisseurs étrangers, qui se retrouvent avec un certain contrôle sur l’économie.

Apparemment, les néolibéraux en Russie sont insensibles à la menace que Washington et ses vassaux européens représentent pour l’État russe. Sur la base de mensonges, Washington a imposé des sanctions économiques à la Russie. Cette diabolisation politique est aussi fallacieuse que la propagande économique néolibérale. Sur la base de ces mensonges, Washington a mis en place des forces militaires et des bases de missiles sur les frontières de la Russie et dans les eaux russes. Washington cherche à renverser les gouvernement des anciennes provinces russes ou soviétiques, pour y installer des régimes hostiles à la Russie, comme en Ukraine et en Géorgie. La Russie est toujours diabolisée par Washington et l’OTAN. Washington a même politisé les Jeux olympiques, en empêchant la participation de nombreux athlètes russes.

En dépit de ces mouvements hostiles manifestes contre la Russie, les néolibéraux russes croient encore que les politiques économiques que Washington encourage en Russie sont dans l’intérêt de la Russie, et ne visent pas à prendre le contrôle de son économie. Accrocher le destin de la Russie à l’hégémonie occidentale dans ces conditions condamnerait sa souveraineté.

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