lundi 31 octobre 2016

CETA FFREUX

MAJ de la page : CETA

Pas de bonbon en ce jour d'Halloween
mais un mauvais sort jeté contre la démocratie.


CETA BSURDE
"Le mécanisme de règlement des différends doit évoluer [sic] vers une cour internationale publique".
Source : RTBF
Dossier sur Les Crises : Le projet de déclaration belge pour le CETA : ce que les Wallons ont obtenu,  le 29 octobre 2016.
Autrement dit cette absurdité (non la seule mais la plus grande) qui consiste à donner pouvoir aux transnationales d'imposer leurs desiderata, au mépris des règles sociales et environnementales d'un pays, par la menace de sanctions financières démesurées suite à un procès, est toujours d'actualité.

Cet accord ne concerne pas la Suisse, qui, hélas, a déjà signé un tel traité dans le cadre de l'AELE, incluant l'arbitrage privé !
Un exemple parmi d'autres de ce mécanisme inique, le cas de TransCanada Inc (article ci-dessous).
Et pendant ce temps-là toujours pas d'accord pour un traité contre les crimes des transnationales (article en bas de page).

* * *

Canada-Suisse: un traité de libre-échange signé en… 2008. 
Par Liliane Held-Khawam, le 30 octobre 2016 - LHK

CETA a été signé ce 30 octobre. Pourtant, le peuple européen, principal intéressé, n’en voulait pas.
[Lire sur Les moutons enragés : Il n’y a pas que la Wallonie! 2000 collectivités territoriales hors-CETA et TAFTA en Europe, le 26 octobre 2016]

Pourtant dans une espèce de sursaut démocratique de dernière minute, qui n’a pas manqué de rappeler les référendums français de 2005 ou le Grec de 2015, les Wallons ont tenté de résister… Ce fut un coup d’épée dans l’eau, à l’image de toutes les tentatives de résistance des populations européennes.

Et voilà, que suite à cette signature, certains journalistes suisses craignent que la Suisse soit bientôt mise sous pression pour adopter à son tour le CETA. Nous avons une bonne nouvelle à leur annoncer: La Suisse a déjà signé un petit frère du CETA. Si si! Et cela depuis 2009!

La Suisse est membre de l’AELE, l’Association européenne de libre-échange. Celle-ci regroupe l’Islande, la Norvège, le Liechtenstein et…la Suisse. Contrairement à sa soeur l’Union européenne, l’AELE fait nettement moins de bruit.
Or, l’AELE a signé en Janvier 2008 à Davos un accord de libre-échange avec le Canada en 2009. Il y est fait mention de la Suisse comme cosignataire!

L’Accord de libre-échange entre le Canada et les Etats de l’AELE vise dans son article 2 les objectifs suivants:

(a) favoriser, par l’accroissement des échanges commerciaux réciproques, le développement harmonieux des relations économiques entre le Canada et les États de l’AELÉ et promouvoir ainsi la progression de l’activité économique dans ces pays;
(b) prévoir des conditions équitables de concurrence dans les échanges commerciaux entre les Parties;
(c) établir un cadre pour favoriser la coopération entre le Canada et les États de l’AELÉ dans le contexte de l’évolution des relations économiques internationales, particulièrement dans le but de libéraliser le commerce dans le domaine des services et d’accroître les possibilités d’investissement;
(d) contribuer, en éliminant les obstacles aux échanges commerciaux, au développement et à l’essor harmonieux du commerce mondial.

Selon l’ Article 29 7 dudit contrat de libre-échange, il est dit « Les éléments de la sentence du tribunal arbitral mentionnés aux sous paragraphes (a) et (b) du paragraphe 6 sont définitifs et obligatoires pour les Parties au différend ». Pas de recours possible. Sa décision est exécutoire! (Ci-dessous l’Annexe K de l’accord de libre-échange entre l’AELE et le Canada qui explique le fonctionnement d’un tribunal arbitral)

L’arbitrage privé tant décrié en tant que système alternatif aux tribunaux nationaux est donc inclus dans le traité canado-helvétiques, et ce depuis 2008! Il semble même largement admis en Suisse et représenté par une Institution d’arbitrage des chambres suisses de commerce, la SWISS CHAMBERS’ ARBITRATION INSTITUTION qui bénéficie d’un statut similaire à celui de FINMA, à savoir celui d’une organisation autonome des organes de l’Etat! Voici la mission de cet établissement:

- Arbitration Court
- In order to administer arbitrations under the Swiss Rules of International Arbitration, the Swiss Chambers’ Arbitration Institution established an Arbitration Court as an autonomous body. It carries out its functions in complete independence.

En conclusion, le système d’arbitrage cher à l’OMC et que l’on retrouve systématiquement dans les traités de libre-échange afin de défendre les intérêts des investissements privés face aux gouvernements est non seulement largement admis en suisse, mais aussi « institutionnalisé » et « souverain« ! Une rencontre est même organisée à Genève le 10 novembre au sujet de l' »Extension de la clause arbitrale dans la jurisprudence du Tribunal fédéral et dans la pratique suisse« . Le thème est très éloquent quant à l’évolution future de la justice…
Tout cela a pu se faire hors de toute information au public grâce à la nouvelle constitution de 1999 qui a octroyé des pouvoirs étendus gigantesques au Conseil fédéral en matière de signature de traités internationaux! 

* * *

Signature du CETA : Non à la tentative d’entraver tout débat citoyen et parlementaire !
Le 29 octobre 2016 - Attac France

Décidément, les gouvernements et la Commission européenne ne comprennent et n’apprennent rien : pour essayer de court-circuiter tout débat suite à la vaillante résistance du parlement wallon, ils ont décidé de ratifier à la va-vite, par une procédure écrite inédite (!), les textes du CETA.

Les aménagements obtenus pour l’heure ne sont pas insignifiants : il sera difficile pour la Commission d’éviter l’aval des parlements nationaux comme elle tente de le faire depuis le début ; il est acquis que l’application provisoire, si elle est décidée, ne concernera pas l’arbitrage et que la Cour de justice de l’Union sera saisie par la Belgique pour juger de la compatibilité de l’ICS avec les textes européens. De surcroît la Belgique ne ratifiera pas définitivement le CETA si le mécanisme d’arbitrage est maintenu en l’état et si l’accord a des effets socio-économiques et environnementaux néfastes. Ces aménagements doivent être mis au crédit des mobilisations populaires qui partout en Europe ont fait monter le niveau de prise de conscience des dangers de l’accord.

Néanmoins, les dangers du CETA demeurent : outre les éléments classique de la libéralisation, il comporte des mécanismes qui sont des attentats massifs à la démocratie, le mécanisme d’arbitrage et le mécanisme de coopération réglementaire.

Outre celle de la Commission européenne, la responsabilité du gouvernement français est écrasante. Alors qu’il n’a même pas cherché, a minima, à obtenir un certain nombre de garanties pour sa population, comme l’a fait la Belgique, il a au contraire tout fait pour essayer de faire passer cet accord comme un "bon accord". Il aura tout fait pour empêcher le Parlement de s’exprimer sur la question, y compris en faussant de façon honteuse le vote de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale le 7 octobre.

Les élus au Parlement français ont été abreuvés « d’éléments de langage » par le gouvernement mais rares sont ceux qui ont pris connaissance du texte. Notre combat se poursuit. Nous exigeons qu’un véritable débat ait lieu en France et il est hors de question que nous nous contentions d’un débat parlementaire tardif, nocturne et formel.

L’Union européenne se délite. Cette signature provisoire acquise au terme de pressions sur le gouvernement wallon (menace de suppression de fonds européens, pressions des donneurs d’ordre que sont les lobbys d’affaire) ne grandit ni l’Union ni les gouvernements qui refusent d’écouter la contestation montante et de prendre en compte l’intérêt général. Le CETA et le TAFTA sont des instruments de dislocation de l’idée européenne. Il est temps pour le gouvernement français de sortir de sa défense absurde et acharnée du libre-échange et de son autisme.

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Accord TransAtlantique : La Menace des Entreprises
Le 7 juillet 2016 - 2000 watts

La compagnie de pipelines canadiens TransCanada Inc poursuit en justice le Gouvernement Américain et demande 15 milliards $ de dédommagement pour l’annulation de la construction de l’oléoduc transfrontalier Keystone XL entre les USA et le Canada.

Sur la base de l’accord de libre-échange nord-américain (Aléna), TransCanada a présenté sa demande d’arbitrage. Cet exemple souligne la dangerosité et la perversité des accords de libre échange comme le TTIP (Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement entre l’Europe et les USA) [et le CETA].

15 milliards $ pour faire pression sur les Gouvernements

Le pipeline Keystone XL aurait dû transporter le pétrole des sables bitumineux de l’Alberta, Canada à Steele City dans le Nebaska, USA. Après 7 ans d’hésitations, le président Obama a décidé en octobre 2015 de ne pas autoriser la construction de ce pipeline car il entre en contradiction avec les actions prises contre le réchauffement climatique.

C’est cette décision que TransCanada Inc attaque les USA et demande la somme pharamineuse de 15 milliards $ de dédommagement. TransCanada Inc pense que la décision du président Obama est «arbitraire et injustifiée en regard du traité commercial USA-Canada et qu’il s’agit d’une discrimination. Les retards et la décision ultime de ne pas délivrer le permis est une décision politique, directement contraire aux études du gouvernement US au lieu d’être basée sur les mérites du pipeline Keystone. TransCanada Inc a investi des milliards $ dans ce projet et ce refus ôte toute valeur à nos investissements. ».

L’entreprise se prépare à une lutte longue et coûteuse contre le Gouvernement américain et se dit prête à refaire une demande pour construire ce pipeline.

Détail piquant : TransCanada demande un dédommagement de 15 milliards $ alors que les coûts de la construction étaient devisé à 5,4 milliards $. Cette demande stratosphérique aurait pour effet de « faire réfléchir et dissuader » tout gouvernement qui désirerait se mettre en travers d’un futur projet pétrolier. Le lobby pétrolier US et Canadien soutient cette démarche.

Les grandes entreprises se sont octroyées des droits légaux afin de s’accaparer l’argent des contribuables.

TransCanada invoque le chapitre 11 de l’ALENA qui stipule qu’un investisseur (TransCanada) peut poursuivre un État s’il juge que ses droits économiques ont été violés ou qu’il a été exproprié de manière injustifiée et que ce faisant, il perd des profits potentiels.

En un mot, si un Etat prend une décision qui nuit à la stratégie d’affaires d’une entreprise, celle-ci peut poursuivre le Gouvernement.

En 2015, le Canada a déboursé 172 millions $ à différentes entreprises et le Mexique 204 millions $. Pour le moment, les États-Unis n’ont pas à cette date encore perdu de cause. Jusqu’à aujourd’hui, la tactique utilisée par les corporations est de brandir la menace judiciaire pour aller récolter une partie des montants demandés. Souvent sans même avoir commencé à investir dans les projets contestés !

TransCanada souligne les ambitions des grandes entreprises qui sont à la base de ces accords commerciaux. Comme elle ne peut pas construire ce très profitable pipeline, elle demande une compensation financière aux contribuables américains. Qu’importe les problèmes climatiques, la pollution ou la santé des habitants, tant qu’il y a de l’argent à se faire. Les politiques doivent être conscients de ce stratagème en soutenant ce genre d’accord et la population doit être informée sur le détournement d’impôts.

60% des cas gagnés par les entreprises contre 40% pour les Gouvernements

Les firmes nord-américaines impliquées dans le schiste, les sables bitumineux, les forages, les mines, la chimie et toutes les autres formes d’activités qui mettent en péril l’environnement et la santé des populations scrutent ou se servent des failles dissimulées dans ces accords afin de mettre à table les gouvernements.

Par le passé, la plupart des disputes sur les accords commerciaux (ISDS Investor State Dispute Settlement) se passaient dans un couloir Nord-Sud (pays riches et pauvres) avec des flux financiers à sens unique.

Aujourd’hui avec ces nouveaux accords entre pays riches, la tentation des entreprises de se servir dans les caisses plaines au-travers d’actions en justice, est une tentation trop grande pour être écartée.

Statistiquement, 60% des cas ISDS sont remportés par des entreprises et seuls 40% sont gagnés par les entités publiques.  Les coûts de ses actions en justice varient de 8 à 30 millions $ selon l’United Nation Conference Trade and Developement. Le jeu en vaut largement la chandelle pour les multinationales et la multiplication des cas est une question de pure logique mathématique.

Protestations inutiles

« TransCanada devrait avoir honte de tenter d’extirper des milliards $ aux contribuables américains afin de faire exploser ses bénéfices après avoir été stoppée dans sa tentative de construction d’un sale et dangereux pipeline de pétrole bitumineux dans nos terrains » s'est plaint Michael Brune, CEO de Sierra Club.

Le son de cloche est totalement différent chez TransCanada qui s’appuie sur le droit légal qui lui a été transféré au travers de l’accord NAFTA.

A l’échelle européenne, rappelons que l’accord TTIP (USA-Europe) utilise les accords de l’ALENA comme inspiration pour établir les règles de cet accord qui se négocie en secret dans les couloirs de Bruxelles.

Alors que tout cela ne fait aucun sens, une question émerge :

Pourquoi certains gouvernements sont-ils si déterminés à faire prendre autant de risque à l’argent versé par les contribuables en faveur d’entreprises sans scrupules ?
  
* * *

La lente marche vers un traité contre les crimes des multinationales
Par Émilie Massemin, le 28 octobre 2016 - Reporterre 

  

Réuni à Genève, un groupe intergouvernemental prépare un traité contraignant pour les multinationales. Une démarche nécessaire, tant les textes existants échouent à protéger les victimes de catastrophes comme celles de Bhopal ou du Rana Plaza. Mais les pays du Nord, où siègent 85 % des multinationales, bloquent le processus.

Mettre fin à l’impunité des multinationales : c’est l’objectif du groupe de travail intergouvernemental sur les sociétés transnationales et les droits de l’homme, qui s’est réuni depuis le 24 octobre et jusqu’à ce soir 28, à Genève (Suisse). Ce travail doit conduire à un « instrument international juridiquement contraignant » obligeant les multinationales à agir de manière responsable et à assumer les conséquences de leurs actions.

Cette démarche est née de la mobilisation de quelque 600 organisations de la société civile, parmi lesquelles Action Aid, les Amis de la Terre, le CCFD-Terre solidaire et l’Aitec, formant une « Alliance pour un traité ». Elles ont convaincu l’Equateur et l’Afrique du Sud de présenter une résolution pour un texte contraignant sur les multinationales au Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Cette proposition a été adoptée le 27 juin 2014 par 20 voix contre 14 (et 13 abstentions).


La première session, du 6 au 10 juillet 2015, et la réunion actuelle forment un premier cycle de réflexion et de discussions. « Les Etats interrogent des panels d’experts, puis prennent la parole et enfin examinent les contributions de la société civile », explique Marion Cadier, de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH). Ce n’est qu’en 2017 que le groupe entrera dans le vif des négociations, avec l’examen d’un premier brouillon de traité rédigé par l’Equateur.

Face à Bhopal et Rana Plaza, des juridictions impuissantes

Pourquoi élaborer un nouveau texte ? L’explosion de l’usine chimique Bhopal (Inde) en 1984, qui a causé environ 20.000 morts, et l’effondrement des ateliers de confection textile du Rana Plaza (Bangladesh) en 2013, qui a provoqué 1.135 décès, ont prouvé que les juridictions nationales se montrent souvent impuissantes face aux catastrophes industrielles et que les victimes peinent à obtenir réparation.
« Trois questions se posent, récapitule Jérôme Chaplier, de l’European coalition for corporate justice. Quelle obligation de transparence pour les entreprises ? Quelle responsabilité juridique des entreprises ? Quel accès à la justice pour les victimes ? En effet, comment des victimes vietnamiennes, par exemple, pourraient-elles poursuivre une entreprise française s’il leur est impossible de déposer un recours collectif ? »



Le Rana Plaza, immeuble de huit étages, s’est effondré le 24 avril 2013, à Dacca,au Bangladesh. Plus de 1.120 morts sont retrouvés dans les décombres.

Or, les multinationales sont devenues expertes dans l’art de se faufiler dans les failles, dénonce Carole Peychaud, du CCFD-Terre solidaire : « Au niveau international, on parle d’architecture de l’impunité car une multinationale peut choisir ses implantations en fonction des législations qui l’arrangent le plus. Le droit, dénaturé, est devenu un avantage compétitif. »

Des principes volontaires plutôt que du droit contraignant

Dans les années 1970, l’ONU s’était fixé comme priorité d’élaborer un code de conduite international pour les multinationales. En 1976 furent adoptées les Lignes directrices pour les entreprises transnationales de l’OCDE. Mais, en 2000, le Pacte mondial de l’ONU, qui invitait les entreprises à adopter une attitude socialement responsable, « a cassé la logique d’un droit international contraignant au profit de principes volontaires, limités, et qui ne fonctionnent pas concrètement », accuse Mme Peychaud. Les Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, adoptés en 2011, ne sont guère plus contraignants.

Aujourd’hui, les pays du Sud demandent des règles plus sévères. L’Equateur, chef d’orchestre des négociations, a été marqué par l’attitude de Texaco, filiale de la multinationale américaine Chevron, qui a déversé des millions de tonnes de déchets toxiques dans l’environnement entre 1964 et 1990. « La justice équatorienne a condamné Chevron mais les victimes attendent toujours réparation », dit Mme Peychaud.


Pollution à Lago Agrio, la région équatorienne où Chevron-Texaco exploitait ses puits de pétrole.

Au Pérou, Walter Vargas, de l’Aprodeh, vient en aide aux communautés affectées par les investissements dans le secteur extractiviste. « La fonderie Doe Run Pérou a gravement pollué la ville de La Oroya. On a retrouvé des traces de plomb dans le sang des habitants », raconte-t-il. Le gouvernement péruvien a exigé de l’entreprise américaine qu’elle dépollue le site. Résultat, « Doe Run Pérou a saisi un tribunal arbitral privé en 2012 au motif que le Pérou ne respectait pas le traité de libre-échange signé avec les Etats-Unis, dont les clauses prévoient la primauté de la protection des investissements sur les droits humains ». L’arbitrage est toujours en cours, mais M. Vargas est pessimiste. Pour lui, « ce processus d’élaboration d’un traité doit réaffirmer que les Etats donnent la priorité aux droits humains de la population, y compris dans un contexte d’accord commercial, et que les multinationales ne peuvent pas échapper aux sanctions ».

Les pays du Nord, où siègent 85 % des multinationales, font de l’obstruction

Mais les pays du Nord, où siègent 85 % des multinationales, répugnent à un texte contraignant. Les Etats-Unis, l’Australie et le Canada refusent de participer aux travaux de groupe. La Russie est présente mais elle a annoncé qu’elle ne souhaitait pas de traité. Sensible aux pressions de la société civile, l’Union européenne est représentée à la session actuelle mais a choisi de ne pas s’exprimer. En 2015, elle n’a assisté qu’au premier jour de la session et a imposé des conditions très strictes : le texte doit être élargi à toutes les entreprises, y compris nationales, les multinationales doivent être présentes à la table des négociations, et les discussions doivent se cantonner au périmètre des Principes directeurs de 2011. « La première condition rendrait impossible la construction d’un traité et la deuxième n’est pas légale, car seuls les Etats peuvent négocier au sein de l’ONU. Ce sont des éléments de blocage », analyse Mme Peychaud.


Des victimes de la catastrophe de Bhopal demandant l’extradition du PDG de l’usine, Warren Anderson, des États-Unis, en 2006.

Danielle Auroi, députée écologiste du Puy-de-Dôme, est allée à Genève présenter la proposition de carton vert sur la responsabilité sociale des multinationales, qu’elle a portée à la Commission européenne avec des députés de huit autres parlements d’Etats-membres de l’Union européenne. « L’Union européenne, à l’image des Etats-membres, ne semble pas pressée de faire respecter les droits humains et environnementaux dans les pays où elle négocie, confirme-t-elle. C’est toujours le même cinéma : on dit qu’il faut des principes, mais dès qu’il s’agit de les mettre en application, on assure que les entreprises sont naturellement vertueuses et que ce n’est pas de leur faute si leurs filiales font n’importe quoi. »

Les ONG soutiennent le processus avec énergie, que ce soit par des contributions aux discussions ou des stands de sensibilisation devant le Palais des nations. Mais l’issue est incertaine : comme tout traité onusien, le texte devra être signé et ratifié à l’unanimité. « Ce qui est important, c’est que les citoyens soient informés du débat sur la responsabilité des multinationales, souligne Mme Peychaud. C’est pourquoi nous expérimentons d’autres leviers, comme les tribunaux des peuples à l’image du tribunal international contre Monsanto de début octobre. »

EN FRANCE, LA LOI SUR LE DEVOIR DE VIGILANCE DES MULTINATIONALES VIDÉE DE SA SUBSTANCE

La loi sur le devoir de vigilance des sociétés-mères (de plus de 5.000 salariés en France ou 10.000 avec leurs filiales à l’étranger) a été adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale en mars 2015. Selon ses auteurs, « l’objectif de cette proposition de loi [était] d’instaurer une obligation de vigilance des sociétés-mères et des entreprises donneuses d’ordre à l’égard de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs. Il [s’agissait] de responsabiliser ainsi les sociétés transnationales afin d’empêcher la survenance de drames en France et à l’étranger et d’obtenir des réparations pour les victimes en cas de dommages portant atteinte aux droits humains et à l’environnement ».
Las, le passage au Sénat du projet de loi a eu raison de son aspect contraignant. Le texte a été transformé en une recommandation sans engagement de responsabilité, ni amende civile. L’article 2, qui prévoyait une amende plafonnée à 10 millions d’euros sur les entreprises concernées, a été supprimé par les sénateurs. N’est demandée aux entreprises qu’une publication d’informations sur les « principaux risques d’atteintes aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, risques de dommages corporels ou environnementaux graves, risques sanitaires et risques de corruption résultant de son activité ».
La proposition de loi doit être examinée prochainement par une assemblée mixte paritaire.

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