dimanche 9 octobre 2016

Les fruits pourris de la présidence Obama

Les fruits pourris de la présidence Obama
Par Bruno Guigne, le 8 octobre 2016 - Bruno Guigne

Prix Nobel de la Paix, 2009

C'est le moins qu'on puisse dire : la fin de l'ère Obama sent la poudre. Le chef d'état-major des forces armées US, Mark Milley, vient de déclarer qu'un "conflit extrêmement meurtrier" avec la Russie est "quasiment certain". Pour ceux qui auraient des doutes sur la nature de ce conflit, le secrétaire à la Défense de l'administration Obama, Ashton Carter, s'était chargé de les dissiper. Avec ses cheveux bien peignés, la raie sur le côté, il nous a doctement rappelé que les USA se réservaient le droit d'effectuer une "première frappe nucléaire" contre tout ennemi potentiel.

Cette doctrine d'emploi de l'arme atomique n'est pas nouvelle. Admiratif du modèle israélien, le Pentagone croit depuis longtemps aux vertus combinées de l'attaque préventive et du feu nucléaire. "Le maintien d'une possibilité de tirer les premiers a été notre politique depuis longtemps et fait partie de nos plans pour l'avenir", précise Ashton Carter. Contrairement à la France, les USA ne tiennent pas l'arme nucléaire pour un argument de dernier recours. Elle n'est pas une arme de "dissuasion du faible au fort". Elle n'a pas pour vocation d'éviter, par la crainte des représailles, une agression qui menacerait les intérêts vitaux de la nation.

Pour Washington, l'arme suprême est une arme offensive destinée à anéantir la menace, et non à la dissuader. On pourrait la résumer par la formule suivante : la meilleure défense c'est l'attaque, et tant qu'on y est, il vaut mieux atomiser l'ennemi. A Washington, cette doctrine a pignon sur rue. Elle est inscrite noir sur blanc dans les documents officiels. Mais grâce au président Obama, cette doctrine mortifère aura connu une nouvelle jeunesse sous son second mandat. En tenant ce discours de matamore, il entend donner toute sa crédibilité à une politique belliciste qui sera amplifiée par Hillary Clinton si elle accède à la Maison Blanche. Pour ceux qui croyaient à la fable d'un gentil président manipulé par les démons néo-conservateurs du Pentagone, on imagine que c'est la douche froide.

Ces déclarations martiales sont des rodomontades, dira-t-on. Escalade purement verbale, effets de manche sans conséquences ! Ce n'est pas parce qu'ils adressent des menaces qu'ils passeront à l'acte. Certes, mais il y a des données objectives. Le budget militaire US représente neuf fois celui de la Russie, il pèse à lui seul la moitié des dépenses militaires mondiales, les USA n'ont pas hésité en 1945 à utiliser l'arme nucléaire, et on ne sait jamais jusqu'où peut conduire l'ivresse de la puissance. Hillary Clinton a dit un jour que le formidable arsenal dont dispose la "nation exemplaire" ne présentait aucun intérêt si l'on répugnait à s'en servir pour de vrai. A bon entendeur ! Cette Amérique dont elle promet le retour n'hésitera pas à vitrifier ceux qui entravent sa marche grandiose vers la gouvernance planétaire.

Rodomontades ou non, ces déclarations martiales sont le symptôme d'une montée aux extrêmes. L'affrontement verbal entre Moscou et Washington a dépassé le seuil critique, et cette nouvelle guerre froide aiguise les appétits du complexe militaro-industriel. Elle lui fait miroiter les dividendes vertigineux de la course aux nouvelles technologies militaires. Une alchimie redoutable, aux USA, associe la puissance économique et l'imperium militaire, ils se confortent mutuellement, ils fonctionnent en osmose. L'affrontement qui s'annonce, par conséquent, représentera pour "l'Etat profond", ses multinationales, ses banques et ses officines sécuritaires, de gigantesques opportunités de pouvoir et de profit. Ce n'est pas de bon augure.

La dislocation de l'Union soviétique, en 1991, a créé l'illusion que la guerre froide était terminée. Lourde erreur. La renaissance du conflit entre l'Est et l'Ouest sous la présidence Obama fait la démonstration rétrospective que l'affrontement des blocs ne provenait pas de la menace soviétique. L'URSS a disparu, mais cette disparition de la cause supposée des tensions ne les a pas supprimées. Pour une raison fort simple : la véritable menace était, et elle est toujours, celle que fait peser la "nation exceptionnelle" sur la souveraineté des Etats et la coopération entre les peuples.

Cette menace, en réalité, vient de l'appétit de puissance d'une oligarchie mondialisée dont le centre de commandement est à Wall Street. C'est la cupidité pétrie de bonne conscience de ces adorateurs du Veau d'or qui menace la paix du monde, et non Vladimir Poutine ou Bachar Al-Assad. En nous léguant les fruits pourris de sa politique, Barack Obama aura au moins administré une leçon à ces naïfs qui croient qu'un président des Etats-Unis est autre chose que le commis de la finance mondialisée. La principale cause du chaos international actuel, ce n'est pas la Russie, l'Iran ou la Corée du Nord. C'est la soumission de la première puissance de la planète à une oligarchie narcissique et corrompue qui se moque comme d'une guigne de la paix du moment qu'elle engrange des profits.

Cette oligarchie, Barack Obama l'a servie. Il a reçu le Prix Nobel de la Paix, mais il a fait la guerre afin de promouvoir ses sordides intérêts. Tous les conflits en cours sont les rejetons monstrueux de la stratégie du chaos dans laquelle il est passé maître. Tuant à l'aveugle, la guerre des drones a livré l'Afghanistan aux talibans. En Syrie, l'ingérence occidentale et l'alliance de Washington avec les terroristes ont généré une guerre effroyable. Exécutée par ses larbins européens, la destruction de la Libye a semé le chaos dans la région sahélienne. Au Yémen, l'aviation saoudienne massacre des civils à coups de bombes made in USA. En Palestine, la complicité de l'administration Obama (qui vient d'offrir 38 milliards de dollars à Tel Aviv) encourage la violence coloniale déchaînée par les sionistes contre le peuple palestinien. Entre les guerres en cours et la guerre qui vient, il ne restera de cette présidence que les fruits pourris de l'impérialisme.

Bruno Guigue, ancien élève de l’École Normale Supérieure et de l’ENA, Haut fonctionnaire d’Etat français, essayiste et politologue, professeur de philosophie dans l’enseignement secondaire, chargé de cours en relations internationales à l’Université de La Réunion. Il est l’auteur de cinq ouvrages, dont Aux origines du conflit israélo-arabe, L’invisible remords de l’Occident, L’Harmattan, 2002, et de centaines d’articles.

* * *

L’ennemi commun des peuples : Le moment Hillary 
Par Bruno Guigue, le 3 octobre 2016 - Comité Valmy 



L’avantage, avec Hillary Clinton, c’est qu’elle annonce clairement la couleur. A grand renfort de rhétorique chauvine, la candidate démocrate galvanise les énergies du complexe militaro-industriel, du lobby sioniste et de la finance mondialisée. Elle est fière comme un Artaban de ses exploits guerriers en Libye. Elle promet de liquider sans délai Bachar Al-Assad. Elle couvre d’injures le président de la Russie et l’accuse de comploter contre son élection. D’une arrogance à toute épreuve, Hillary version 2016 incarne cette fraction de l’oligarchie yankee qui est prête à tout pour étendre sa domination. Mais pour bien comprendre cette séquence politique que j’appellerai le « moment Hillary », il faut la resituer dans un continuum historique.

Clinton, Bush Jr, Obama : depuis 1992, les trois présidents qui se sont succédé à la Maison Blanche n’ont pas ménagé leur peine pour servir une oligarchie qui se gave des prodigieux dividendes de la merveilleuse mondialisation libérale. Le plus décrié des trois, George W. Bush, n’a pas eu besoin, pourtant, d’inféoder la politique de son pays aux majors pétrolières et aux magnats de l’armement : elle était déjà sous leur coupe depuis longtemps ! Prototype du guerrier pacifiste, redoutable expert en communication, son prédécesseur Bill Clinton a largement contribué à cette inféodation, et il a légué un héritage politique dont on a parfois tendance à oublier l’importance.

Cet héritage, il faut le rappeler, est inséparable des circonstances exceptionnelles qui l’ont vu naître. L’élection de Bill Clinton eut lieu au lendemain d’un événement majeur, l’effondrement de l’URSS. Cette disparition de la superpuissance rivale ouvrit la voie à l’instauration d’un monde unipolaire. Poussant les feux de la globalisation économique, servant docilement les intérêts du capital financier, cet apôtre décontracté du mondialisme conforta la domination sans partage de Washington. Bill Clinton n’a pas inventé l’impérialisme, mais il l’a étendu à la planète. De quelle manière ? En réalisant trois avancées hégémoniques auxquelles Hillary compte bien s’arc-bouter pour repousser encore plus loin les limites du leadership US.

Lourde de conséquences, la première avancée hégémonique fut la transformation de l’OTAN en machine de guerre agressive. Bras séculier d’une alliance défensive destinée à parer à la « menace soviétique », cet appareil guerrier survécut à son ennemi potentiel. Au lieu de le dissoudre, les dirigeants US en firent une machine à émasculer les vieilles nations occidentales et l’instrument d’une offensive permanente contre Moscou. Provocation sans précédent, cette alliance belliqueuse élargie aux pays de l’Est européen a atteint les frontières occidentales de la Russie.

La deuxième avancée hégémonique de l’ère Clinton est de nature idéologique. Pour justifier l’intervention militaire contre un Etat souverain, on invoquerait désormais le prétexte des droits de l’homme. Cette doctrine fut expérimentée dans les Balkans, où la propagande humanitaire servit de paravent à l’ingérence dans les affaires intérieures de la Serbie, ce petit Etat au nationalisme ombrageux et jaloux de son intégrité territoriale. On inventa alors au Kosovo un génocide qui n’eut jamais lieu, on bombarda les infrastructures serbes, puis on confia le service après-vente de ce désastre à Bernard Kouchner, dont le don pour le maniement de la serpillière est de notoriété mondiale.

Cette opération militaire eut pour résultat de créer un Etat voyou, livré clé en main à une mafia particulièrement glauque dont le ralliement à l’Occident lui permit d’accroître les marges bénéficiaires de ses trafics en tout genre. Pour la première fois, un Etat-croupion fut porté sur les fonts baptismaux par une intervention militaire de l’OTAN en l’absence de mandat de l’ONU et en violation flagrante de la loi internationale. On croyait naïvement que l’intangibilité des frontières était un principe de droit international. C’est fini. La politique des droits de l’homme lui a tordu le cou.

Troisième avancée hégémonique, enfin : le génie inventif de la présidence Clinton porta sur la façon de faire la guerre. Avec les bombardements frénétiques infligés à la Somalie, à l’Irak et à la Serbie, le Pentagone expérimenta sa « révolution dans les affaires militaires ». Au lieu d’expédier sur place des troupes risquant de se faire hacher menu, Washington frappa ses ennemis, du haut du ciel, en déchaînant attaques aériennes et missiles de croisière. D’une parfaite asymétrie, ces frappes chirurgicales cumulaient les avantages de l’ubiquité, de la précision et de l’absence de pertes dans le camp du bien.

Embrigadement des alliés dans une OTAN sans frontières, droit-de-l’hommisme en casque lourd et déchaînement du feu céleste contre les récalcitrants : ces trois sauts qualitatifs ont fourni un modèle inoxydable de politique étrangère. Même les détracteurs républicains de Bill Clinton ont retenu la leçon. Ses successeurs George W. Bush et Barack Obama n’y ont pas dérogé. Le premier a profité du 11 septembre pour lâcher les faucons du Pentagone sur le Moyen-Orient, mais cet interventionnisme a fait l’effet d’un éléphant dans un magasin de porcelaine. Devant ce fiasco, le peuple américain élut en 2008 un démocrate plutôt avenant qui avait pour carte de visite son opposition à cette aventure guerrière. Hélas l’illusion fut de courte durée, et la politique néo-conservatrice continua de plus belle.

Afin de limiter l’envoi de troupes sur le champ de bataille, Barack Obama a préféré le « leading from behind » à l’intervention directe. Mais il a aussi intensifié la guerre des drones et maintenu le bagne de Guantanamo. Jouant avec le feu, il a pactisé avec Al-Qaida, fait détruire la Libye par ses larbins européens et vainement tenté d’anéantir la Syrie, où il est tombé sur un os nommé Poutine. C’est pourquoi il a installé en Europe un bouclier anti-missile qui menace Moscou, favorisé un coup d’Etat à Kiev et imposé à la Russie des sanctions que rien ne justifie.

La campagne au lance-flammes d’Hillary Clinton montre que la fraction belliciste de l’oligarchie est décidée à poursuivre cette politique agressive. Le secrétaire à la Défense, Ashton Carter, a récemment déclaré que les Etats-Unis se réservaient le droit d’utiliser l’arme nucléaire en première frappe. Sans état d’âme, les Docteur Folamour du néoconservatisme évoquent une future guerre avec la Russie ou la Chine. Une chose est sûre. Cette stratégie de la tension l’emportera si la candidate démocrate gagne l’élection du 8 novembre. Et le « moment Hillary » mettra la planète au bord du gouffre.

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Syrie : l’ultimatum passif de la Russie aux US, à un cheveu de la guerre
Le 7 octobre 2016 – Russia Insider / Le Saker francophone (trad.)

La Russie prévient les États-Unis que toute attaque de leur part contre la Syrie signifiera la guerre. Pour les néo-conservateurs acharnés à vouloir celle-ci, voici l’occasion

Le ministère russe de la Défense a mis en garde la coalition menée par les États-Unis contre la tentation de mener des frappes aériennes sur les positions de l’armée syrienne, ajoutant qu’il existe en Syrie de nombreux systèmes de défense aérienne S-300 et S-400 installés et en service.

Nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour protéger les force russes présentes sur le territoire syrien des « erreurs » américaines
La Russie dispose actuellement de systèmes de défense aérienne S-300 et S-400 déployés pour protéger ses troupes stationnées à la base navale de Tartous et à la base aérienne de Khmeimim. Le rayon d’action de ces armes risque d’être «une surprise» pour tous les objets volants non identifiés, a ajouté le porte-parole du ministère de la Défense, le général Igor Konashenkov.

Selon le ministère de la Défense russe, toute frappe aérienne à partir d’avions ou de missiles en territoire contrôlé par le gouvernement syrien mettrait le personnel russe en danger.

Le responsable de la défense a déclaré que des membres du Centre de réconciliation russe en Syrie travaillent «sur le terrain» pour fournir de l’aide et communiquer avec un grand nombre de communautés en Syrie.

«Par conséquent, toutes les frappes de missiles ou d’avions sur le territoire contrôlé par le gouvernement syrien vont créer une menace claire pour les militaires russes.
Les servants des système de défense aérienne ont peu de chances d’avoir le temps de déterminer ‘en temps réel’ l’origine exacte de la trajectoire des missiles, puis l’auteur du tir. Et toutes les illusions d’amateurs au sujet de l’existence d’avions ‘invisibles’ se trouveront face à une réalité décevante», a ajouté Konachenkov.

Il a également noté que la Syrie elle-même a des S-200, ainsi que des systèmes BUK, et leurs capacités techniques ont été mises à jour au cours de l’année écoulée.

La déclaration du porte-parole du ministère de la Défense russe est venue en réponse à ce qu’il a appelé des «fuites» dans les médias occidentaux affirmant que Washington envisage de lancer des frappes aériennes contre les forces gouvernementales syriennes.

«Il est particulièrement préoccupant d’entendre que les initiateurs de ces provocations sont des représentants de la CIA et du Pentagone, qui, en septembre, ont rapporté au Président [US] que les combattants de l’opposition syrienne pouvaient être contrôlés, mais font aujourd’hui pression pour des scénarios ‘cinétiques’ [des frappes] en Syrie», a-t-il dit.

Il a mis en garde Washington, lui demandant de procéder à un «calcul approfondi des conséquences possibles de ces plans».

Des avions de la coalition sous commandement américain ont bombardé les positions des forces gouvernementales syriennes le 17 septembre, entraînant la mort de 83 militaires. Washington a déclaré que le raid aérien était une erreur, mais, selon Damas, l’incident était une «agression flagrante».

La relocalisation du système S-300 afin de protéger les navires russes et la base navale en Syrie a été confirmée, le 4 octobre, par des responsables russes de la défense. Le général Konachenkov a assuré que le S-300 est un «système purement défensif et ne pose aucune menace». La Russie a aussi des systèmes S-400 de défense antimissile à la base Khmeimim qui ont été mis en place après que la Turquie a abattu un avion russe SU-24 en novembre 2015.

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