dimanche 20 novembre 2016

Hystérie collective autour de Donald Trump



Hystérie collective autour de Donald Trump - Mise au point (Tatiana Ventôse, 11 novembre 2016)

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USA : Le mythe de la classe ouvrière blanche réactionnaire
Par Eric London, le 17 novembre 2016 - Defend Democracy Press / Arrêt sur info (trad)

Dans les jours qui ont suivi la victoire de Donald Trump lors de l’élection présidentielle, le Parti démocratique et les médias ont attribué les résultats à l’ignorance, au retard, au racisme et au sexisme de la « classe ouvrière blanche ».

« Pourquoi Trump a gagné : les Blancs de la classe ouvrière », disait le titre d’un article du New York Times paru le mercredi 9 novembre. Le chroniqueur Charles Blow a écrit dans la page de l’éditorial du Times de jeudi : « Je peux seulement supposer que le président Donald Trump sera un fanatique. Il est absolument possible que l’Amérique ne l’ait pas élu malgré cela, mais à cause de cela.  »

La presse dite « de gauche » a avancé le même récit raciste : Monica Potts de la Nation a noté avec un sarcasme haineux : « Cette saison électorale n’a pas manqué de portraits tendres et inquiets de la classe ouvrière blanche et de ses griefs économiques… »
Potts explique la victoire de Trump en termes d’identité, de race et de sexe. La classe ouvrière dans les communautés rurales « gagne plus d’argent que leurs voisins pauvres des centres urbains (inner city) », écrit-elle. « Ils pensent qu’ils travaillent dur, et que les autres qui habitent au centre des villes – les immigrants, les Afro-Américains ne travaillent pas.

La classe ouvrière pourrait sans doute faire mieux et il ne fait aucun doute qu’elle se bat, mais c’est leur identité culturelle qui est importante dans cette élection… Ce n’était pas de l’angoisse. Il s’agissait d’identité.
Cette présentation identitaire de l’élection de mardi est un faux récit démontré par l’analyse la plus élémentaire des données de l’élection.


La statistique la plus significative de l’élection de 2016 est la baisse massive de soutien pour les candidats démocrates et républicains. Alors que les voix inconditionnelles de la Californie peuvent légèrement modifier ces chiffres, Hillary Clinton a reçu environ dix millions de voix de moins que Barack Obama il y a huit ans. Trump, qui a perdu le vote populaire tout en gagnant le vote électoral, a reçu le moins de voix que n’importe quel candidat des deux partis depuis 2000. Ces chiffres sont encore plus frappants en raison d’une augmentation drastique de la population des électeurs admissibles : 18 millions depuis 2008.



Le groupe des électeurs qui se sont abstenus ou qui ont voté pour un autre candidat (99 millions) est beaucoup plus grands que ceux qui ont voté pour Trump (60 millions) ou Clinton (60.5 millions). Ces chiffres en disent long sur le mécontentement social du peuple américain et ce n’est pas de l’apathie ou un désintérêt pour la politique. En d’autres termes, alors que Clinton et Trump ont reçu le vote de 26,6 et 25,9 pour cent des électeurs admissibles, 43.2 pour cent n’ont choisi ni l’un ni l’autre.


Parmi ceux qui ont voté, Trump a reçu les voix d’un peu plus de 27 millions d’hommes blancs. En 2012, 27.2 millions d’hommes blancs avaient voté pour le républicain Mitt Romney. Quant aux femmes, 35.5 millions ont voté pour Clinton en 2016, une baisse significative en comparaison des 37.6 millions qui avaient voté pour Obama en 2012. 30 pour cent des femmes inscrites sur les listes électorales ont voté pour Clinton alors que 47 pour cent se sont abstenues.

Clinton a également souffert de pertes importantes parmi les Afro-Américains, les Latino et les jeunes électeurs. En 2012, Barack Obama a remporté 16.9 millions de voix afro-américaines, soit plus de 3 millions de plus que les 13.7 millions de Clinton. Un peu plus de 9 millions de Latinos ont voté pour Obama et Clinton, malgré une augmentation significative de la population de vote Latino au cours des quatre dernières années. Parmi les personnes âgées de 18-29 ans, Clinton a remporte 13.6 millions de voix soit 8 pour cent de moins qu’Obama en 2012 malgré une croissance démographique soutenue.


En pourcentage des votes exprimés, tous les groupes raciaux se sont inclinés vers le candidat républicain en 2016 par rapport à 2012. Cependant, les électeurs blancs ont montré le plus bas swing vers les républicains (1 point de pourcentage), comparativement aux Afro-Américains (7 points de pourcentage) (8 points de pourcentage) et les Américains d’origine asiatique (11 points de pourcentage).

Ces changements, qui se sont produits dans un large cadre d’abstention, ont été motivés en grande partie par des questions économiques. Cinquante-deux pour cent des électeurs ont dit que l’économie était la question la plus importante dans l’élection, loin au-dessus de la deuxième question la plus importante à 18 pour cent. Les questions raciales et de genre n’ont pas été enregistrées, alors que 68% des électeurs ont déclaré que leur situation financière était la même ou pire qu’elle ne l’était il y a quatre ans. Trente-neuf pour cent ont dit qu’ils recherchaient un candidat qui « peut apporter le changement », et de ceux-ci, 83 pour cent ont voté pour Trump. Cela équivaut à environ 40 millions de voix, soit les deux tiers du total de Trump.

Une autre indication que Trump a été considéré comme le candidat du « changement » est le fait que, sur les 18 pour cent des électeurs qui ont dit qu’ils n’aimaient pas les deux candidats, Trump a remporté 49 pour cent et Clinton 29 pour cent. Quatorze pour cent ont déclaré que ni l’un ni l’autre n’avait le bon tempérament pour être président: Trump (71%), Clinton (17%). Remarquablement, 57 pour cent des électeurs ont dit qu’ils seraient inquiets ou effrayés par une présidence Trump, mais Trump a encore gagné 14 pour cent de ces électeurs. Ces chiffres indiquent la profondeur de la haine qui existe pour l’establishment politique.

Les élections ont vu un changement massif dans l’appui du parti parmi les électeurs les plus pauvres et les plus riches. La part des votes des républicains parmi les travailleurs les plus démunis, ceux dont le revenu familial est inférieur à $30,000, a augmenté de 10 points de pourcentage par rapport à 2012. Dans plusieurs États du Midwest, la convergence des électeurs les plus pauvres vers Trump était encore plus grande : 17 points), Iowa (20 points), Indiana (19 points) et la Pennsylvanie (18 points).
Le swing vers les républicains parmi les 30,000 $ à 50,000 $ de revenu familial était de 6 points de pourcentage. Ceux dont les revenus oscillent entre 50,000 $ et 100,000 $ s’éloignent des républicains par rapport à 2012 de 2 points.

Les personnes très riches et riches ont voté pour Clinton dans une marge beaucoup plus large qu’elles avaient voté pour le candidat démocrate en 2012. Parmi ceux avec des revenus entre $100.000 et $200.000, Clinton a profité d’un swing de 9 points. Les électeurs ayant des revenus familiaux supérieurs à $250,000 ont porté leur choix vers Clinton (11 points de pourcentage). Le nombre d’électeurs démocrates parmi les votants les plus riches est passé de 2,16 millions en 2012 à 3,46 millions en 2016, soit un bond de 60%.

Clinton a été incapable de compenser le déclin du scrutin parmi les femmes (2.1 millions), les Afro-Américains (3.2 millions) et les jeunes (1.2 million), venus majoritairement des pauvres et de la classe ouvrière, avec l’augmentation parmi les riches (1.3 million ).

La défaite électorale de Clinton est liée à la nature du Parti démocrate, une alliance de Wall Street et de l’appareil de renseignement militaire avec des sections privilégiées de la classe moyenne supérieure basées sur la politique de race, de sexe et d’orientation sexuelle. Au cours des quarante dernières années, le Parti démocrate a abandonné tous les prétextes de réforme sociale, un processus qui a commencé sous Obama. En collaboration avec le Parti républicain et les syndicats, il est chargé d’adopter des politiques sociales qui ont appauvri de vastes couches de la classe ouvrière, sans distinction de race ou de sexe.

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Le projet de mondialisation de Wall Street rejeté : Ding Dong, the Witch is Dead!
Par Diana Johnstone, le 10 Nov 2016 - Counterpunch / Investig'action (trad.)
 
Le racisme et le sexisme sont-ils les ingrédients-clés de la réussite de Donald Trump ? Pas pour Diana Johnstone. L’auteure de Hillary Cinton, la reine du chaos revient sur la campagne désastreuse de la candidate démocrate et analyse les enjeux de cette élection.

« On n’est jamais aussi bien que chez soi »
C’est la leçon. Même si chez soi, c’est le Kansas.

Contrairement à ce que maintiennent toujours les partisans amèrement déçus d’Hillary, des larmes dans les yeux et la peur dans la gorge, le véritable sens de cette élection n’est pas une victoire du racisme et du sexisme.
Le véritable sens de ce bouleversement, c’est que le projet de mondialisation de Wall Street a été rejeté par les citoyens de sa patrie.
Cela a des implications majeures pour les nations européennes qui ont été traînées dans ce désastreux projet.

Hillary Clinton était la candidate du complexe militaro-industriel et du capital financier international. Elle s’est autodésignée pour être la figure de proue de ces forces, en tant que reine du regime change. Elle espérait être celle qui refaçonnerait le monde à l’image des diktats de Wall Street. C’était un projet soutenu avec enthousiasme et de manière onéreuse par les 1 % qui profitent des contrats d’armement et des accords commerciaux qu’ils écrivent eux-mêmes pour leurs propres intérêts.

Pour détourner l’attention du véritable sens de sa candidature, la campagne de Clinton a fait appel au désir de respectabilité des citadins instruits, dépeignant les partisans de Trump comme des voyous racistes motivés par un désir haineux de faire des minorités leur bouc émissaire, comme dans un acte de vengeance de leurs propres insuffisances. Ils étaient « déplorables », et vous ne voudriez pas être l’un d’entre eux, n’est-ce pas ?

Trump était sexiste, parce qu’il a qualifié certaines femmes de « bimbos ». Elizabeth Warren l’a critiqué pour cela, sur une estrade où Hillary était assise, un grand sourire aux lèvres — elle qui avait parlé des amies de Bill comme d’une « éruption de bimbos ». La sottise et l’hypocrisie ont étouffé les discussions politiques. La pire chose que la campagne de Clinton aura pu dénicher, c’est une affaire de vestiaires vieille de onze ans — juste des mots, à peine comparables aux actions chroniques de Bill.

Pourtant, des millions de personnes embarquées dans la campagne de Clinton sont dévastées, terrifiées, convaincues que les seules raisons qui ont mené Trump à la victoire étaient le « racisme » et le « sexisme » de cette caste inférieure de la société mondialisée : les hommes hétérosexuels de la classe ouvrière.
Mais non, Virginia, il y avait d’autres raisons de voter pour Trump. Le racisme et le sexisme sont sûrement tout en bas de la liste.

Les électeurs de Trump ont été scandalisés par les mensonges et la corruption d’Hillary. Beaucoup d’entre eux auraient voté pour Bernie Sanders s’ils en avaient eu le choix. Mais ce choix leur a été enlevé par des manipulateurs du Parti démocrate qui ont été vendus par leur propre campagne publicitaire pour élire « la première femme présidente ». Un tout nouveau produit sur le marché des élections présidentielles ! Soyez le premier à voter pour une femme Présidente ! C’est nouveau, c’est performant !

Le succès de Bernie avait déjà montré que des millions de personnes ne voulaient pas de cette femme. Mais les manipulateurs du Parti démocrate et leurs sponsors d’oligarques ont pris les devants avec leurs plans pour imposer Hillary Clinton à une nation peu disposée. Si bien qu’ils ont même apporté cette défaite.

Contrairement à ce que vous pourriez croire en lisant le New York Times, il y a même eu des intellectuels qui ont voté pour Trump, ou du moins qui ont refusé de voter pour Hillary, pour la simple raison que Trump parait moins susceptible de conduire le monde vers une Troisième et dernière Grande guerre. Il a dit plusieurs choses dans ce sens-là, mais de telles déclarations ont été ignorées par les médias traditionnels tandis qu’ils enchaînaient les heures sup’ pour gonfler l’image de l’ogre. Pas de guerre avec la Russie ? Vous devez être une marionnette de Poutine !

Les électeurs Trump avaient plusieurs raisons de voter pour Trump, des raisons autres que le « racisme ». Par-dessus tout, ils veulent retrouver leur emploi, des emplois qui ont disparu grâce à la politique néolibérale consistant à transférer les jobs de la manufacture vers des endroits où les salaires sont bas.

Pourtant, le racisme est le seul motif que l’élite mondialisée reconnait dans le rejet de la mondialisation. Les citoyens britanniques qui ont voté la sortie de l’Union européenne pour récupérer leur démocratie traditionnelle ont également été stigmatisés comme des « racistes » et des « xénophobes ». L’opposition au racisme et à la xénophobie est la défense morale naturelle d’un projet de gouvernance mondiale qui prive les citoyens ordinaires de tout pouvoir de décision important.

Cette campagne extraordinairement vicieuse a mis en évidence et aggravé des divisions aiguës au sein des États-Unis. La répartition entre ville et campagne est plus évidente sur les cartes électorales. Mais ces divisions réelles sont exacerbées par une campagne qui a dépeint Donald Trump comme un fou raciste, un nouvel Hitler sur le point d’apporter le fascisme en Amérique. L’antiracisme de cette campagne, dénonçant la « haine », a effectivement engendré de la haine.

Non, Virginia, Trump n’est pas Hitler. Il est le magicien d’Oz. C’est un showman qui a réalisé un tour étonnant grâce au drastique déclin moral et intellectuel du système politique américain. Il n’est ni aussi dangereux que ses adversaires le craignent, ni aussi capable de « rendre l’Amérique grande à nouveau » comme ses partisans l’espèrent. Il est le Moindre Mal. Que deviendra-t-il à Washington ? C’est ce que tout le monde se demande.

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