jeudi 9 février 2017

Comment l’homme ne dort que d’un œil

Comment l’homme ne dort que d’un œil
Par Bertrand Beauté, le 8 février 2017 - TdG

Une étude menée à l’UNIL offre un nouvel éclairage sur la complexité du sommeil.



Durant le sommeil, les phases d’alerte et de repos se succèdent 2 fois par minute. Cœur et cerveau se préparent à un éventuel éveil pendant 25 secondes, puis ils entrent dans une phase de sommeil propice à la récupération et à la mémoire.

Un bruit sourd dans la nuit et voilà que le corps se dresse sous la couette. Même lorsque nous dormons sur nos deux oreilles, notre cerveau reste en alerte. A l’affût du moindre danger. «Le sommeil, à la différence d’une anesthésie, n’est pas un état passif qui nous déconnecte complètement du monde extérieur, explique Anita Lüthi, professeure associée au Département des neurosciences fondamentales de la Faculté de médecine de l’Université de Lausanne (UNIL). Ainsi, nous voulons nous réveiller si un cambrioleur pénètre dans notre domicile ou si le réveil sonne. Mais en même temps, nous avons besoin de nous reposer.»

Un véritable dilemme nocturne qui se joue sous la couette: «Jusqu’ici, nous ne savions pas comment ces deux besoins fondamentaux et contradictoires – le repos et la vigilance – étaient gérés par l’organisme», poursuit Anita Lüthi. Pour le savoir, les chercheurs ont mesuré les activités cardiaque et neuronale chez des souris endormies, puis chez des hommes. Leurs résultats, publiés dans la revue Science Advances ce mercredi 8 février, lèvent le voile sur un mécanisme jusqu’alors complètement inconnu.

Relique du passé

«Nous avons découvert que, durant le sommeil, le corps alterne les phases d’alerte et de repos, raconte Anita Lüthi, principale auteure de l’étude. Pendant 25 secondes environ, le cœur et le cerveau se préparent ensemble à un éventuel éveil puis, durant les 25 secondes suivantes, ils s’engagent dans une phase de sommeil bénéfique pour la récupération et la mémoire. Ce cycle de 50 secondes, répété tout au long de la nuit, permet d’équilibrer les besoins opposés de continuité et de fragilité du sommeil.»

«Si votre chat saute sur votre lit lorsque vous êtes dans une phase de repos, par exemple, vous n’allez pas vous en apercevoir»

Concrètement, durant la phase d’alerte l’activité cérébrale augmente dans les aires sensorielles du cerveau et le rythme cardiaque s’accélère légèrement. «Si votre chat saute sur votre lit lorsque vous êtes dans une phase de repos, par exemple, vous n’allez pas vous en apercevoir, détaille Anita Lüthi. Mais s’il arrive seulement quelques secondes plus tard, alors que vous êtes passés en état de sommeil fragile, vous allez vous réveiller.»

Étonnamment, ce cycle de 50 secondes se retrouve quasi à l’identique chez le rongeur et dans l’espèce humaine. Pour Anita Lüthi, cela signifie qu’il s’agit d’un «très vieux mécanisme, conservé au cours de l’évolution». Et donc probablement partagé par de nombreux mammifères. Chez l’homme, ce processus remonterait au temps où nous vivions dans un milieu hostile.

En fonction des individus, néanmoins, des différences ont été observées. «Chez certaines personnes, les différences entre les phases d’alerte et de repos sont particulièrement marquées, tant au niveau cardiaque que cérébral, détaille Anita Lüthi. Et ces personnes réussissent mieux les tests de mémoire que celles dont le rythme possède moins d’amplitude.»

Maladies cardiovasculaires

Si ces recherches demeurent, pour l’heure, purement fondamentales, elles pourraient à terme permettre de mieux comprendre certains problèmes liés au sommeil. «Plusieurs études ont déjà montré que les patients souffrant de maladies cardiovasculaires souffraient d’insomnie et, réciproquement, que les insomniaques développent des maladies cardiovasculaires, précise Anita Lüthi. Nos travaux apportent un début d’explication.» 
   

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