lundi 13 février 2017

Loi israélienne sur les colonies : de l’occupation à l’annexion



Abby Martin, Le terrorisme israélien dans les territoires occupés (Les Fichiers de l'empire, TeleSur, janvier 2017)


Le terrorisme israélien dans les territoires occupés
La vie quotidienne dans « la seule démocratie du Moyen-Orient »
Par Sayer Hasan, le 12 février - Sayed Hasan

Alors qu’Israël vient de voter une loi légalisant le vol de terres palestiniennes dans les territoires occupés, une réalité constante depuis 1967, ce documentaire d’Abby Martin nous rappelle que le meurtre d’hommes, de femmes et d’enfants Palestiniens est de facto autorisé et même encouragé et encensé en Israël, tant pour les soldats de Tsahal, « l’armée la plus morale du monde », que pour les colons. A quand une loi qui donnera la force du droit à cet état de fait ? Et, pourquoi pas, qui octroiera une récompense pour le « scalp », la tête ou la dépouille carbonisée des autochtones, seul moyen d’édifier un « Etat juif » suprématiste purifié de la présence des Arabushim ? Les « djihadistes juifs », comme les appelle Norman Finkelstein, sont bien les parfaits équivalents des « djihadistes wahhabites » de Daech, assassins fanatisés.

Les Palestiniens sont constamment menacés, agressés et soumis à des traitements inhumains et dégradants dans les bantoustans invivables qui leur sont réservés (jusqu’à ce que des colons décident de s’approprier leurs terres et occupent ou détruisent leurs maisons), condamnés à une existence misérable qui n’est qu’une mise à mort à petit feu. Bien que les médias aux ordres nous épargnent aujourd’hui ces images, elles n’en sont pas moins quotidiennes et immuables depuis des décennies. Les innombrables condamnations des crimes de guerre israéliens par les instances internationales et les associations de défense des droits de l’homme n’ayant jamais été suivis de mesures concrètes (sanctions économiques, embargo sur les armes, mandats d’arrêt internationaux, etc.), Tel-Aviv peut poursuivre sa politique de colonisation en toute impunité et faire affront à toute l’humanité.

Il est aujourd’hui évident que la solution à deux Etats, qui a toujours été rejetée tant par les dirigeants que par les citoyens juifs israéliens, est définitivement morte, et que le silence, l’inaction et/ou la complicité de la communauté internationale ne laissent aucun autre recours aux Palestiniens que l’Intifada et la résistance armée, droit sacré et inaliénable, et même devoir indispensable face à une force occupante qui recourt systématiquement à la terreur.

Abigail Suzanne « Abby » Martin, née en 1984, est une journaliste US-américaine. Elle est la présentatrice de The Empire Files, un programme d'information et d’investigation hebdomadaire sur téléSUR en anglais. Elle a été autrefois l’animatrice de l’émission Breaking the Set pour RT America, travaillant depuis les bureaux de Washington DC. Avant d’animer sa propre émission, elle avait travaillé pendant deux ans comme correspondante de RT America.
Martin est aussi une artiste et une militante, et a contribué à la création du site de journalisme citoyen Media Roots. Elle siège au conseil d'administration de la Media Freedom Foundation qui gère le Projet Censuré. Martin apparait dans le film documentaire Projet Censuré le Film : Terminer le règne des Informations-Malbouffe (2013) et co-réalisé 99%: Le Film Collaboratif Occupy Wall Street (2013).
  
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Loi israélienne sur les colonies : de l’occupation à l’annexion
Par Meron Rapopor, le 10 février 2017 -  MEE / Arrêt sur info (trad.)

Pendant 50 ans, Israël fut ambigu sur sa domination de la Cisjordanie. La nouvelle loi sur les colonies laisse tomber le flou et se rapproche de l’apartheid. [C’est pire qu’une politique d’apartheid et de colonisation, ndlr]

En mars 2012, Yaakov Kats, l’un des extrémistes du parti d’extrême-droite « Unité nationale », avait une idée simple.
Afin de résoudre le problème des colonies et des « avant-postes » qui avaient été construits sur des terres privées palestiniennes en Cisjordanie sans autorisation officielle israélienne, une loi devrait être promulguée qui permettrait à Israël de confisquer ces terres à leurs propriétaires.
Bref, une loi pour légaliser le vol.
À ses débuts, le Premier ministre Benyamin Netanyahou avait bloqué cette initiative, perçue comme une violation flagrante de l’engagement autodéclaré d’Israël à l’égard du droit international.
Cinq ans plus tard, Katz n’est plus membre de la Knesset et son parti n’existe plus, mais sa loi a survécu.
Avec la bénédiction de Netanyahou – ce même Premier ministre qui l’avait recalée auparavant –, la loi de confiscation de Katz est passée avec une majorité confortable au parlement israélien en début de semaine.
Même si la cour suprême israélienne invalide cette loi de confiscation – euphémiquement appelée loi de « normalisation » –, son histoire raconte l’évolution de la carte politique d’Israël : comment des idées qui, il y a quelques années seulement, semblaient radicales et marginales, sont maintenant largement admises.

Quelque chose de vieux, quelque chose de nouveau

La confiscation des terres privées palestiniennes n’est bien entendu pas une nouveauté dans l’histoire israélienne. Juste après la guerre de 1948, environ quatre millions de dunams appartenant à des Palestiniens ayant fui ou ayant été déportés pendant la guerre ont été confisqués par la fameuse loi sur la propriété des absents.
Un tiers des zones palestiniennes de Jérusalem-Est annexées après la guerre de 1967 ont été confisquées pour la construction de quartiers réservés aux Israéliens.
Presque toutes les colonies de Cisjordanie ont été construites sur 90 000 hectares de terres qu’Israël a déclarées unilatéralement comme étant des « terres publiques ».
La « loi de confiscation » nouvellement adoptée peut donc sembler une évolution mineure de cette tradition problématique. Pourtant, un tel point de vue passe à côté des changements politiques majeurs survenus en Israël au cours des dernières années.
Depuis la guerre de 1967, Israël insiste sur son attitude ambiguë vis-à-vis des zones qu’il occupe en Cisjordanie et à Gaza.
D’une part, il a refusé d’annexer la Cisjordanie et Gaza, appliquant « volontairement » la quatrième Convention de Genève qui garantit la protection des populations civiles sous occupation. Dans les innombrables cas où les Palestiniens ont fait appel aux tribunaux israéliens, ils auraient été traités conformément à cette convention.
Toutefois, en même temps, Israël a refusé de reconnaître que la Cisjordanie et Gaza étaient des zones occupées au sens strict du terme. Cela lui a permis d’installer des centaines de milliers de ses citoyens dans les territoires occupés, ce qui est strictement interdit selon cette même Convention.
Cette ambiguïté a servi Israël au niveau international, lui permettant de prétendre que son contrôle de la Cisjordanie était ouvert à la négociation et même de présenter les colonies comme temporaires.
Mais elle était encore plus importante sur le front national : elle a sauvé les différents gouvernements israéliens du choix difficile entre l’annexion de la Cisjordanie et de ses 2,5 millions de Palestiniens ou le retour aux frontières de 1967.

Retourner l’ambiguïté contre elle-même

Les organisations de défense des droits de l’homme en Israël, telles que Peace Now, Yesh Din et d’autres, ont essayé d’utiliser cette ambiguïté en leur faveur.
Comme la Convention de Genève interdit clairement et inconditionnellement la confiscation de biens privés à des civils sous occupation, elles ont fait appel au nom de propriétaires palestiniens dont les terres légalement enregistrées servaient à la construction de colonies.
Surtout, l’objectif était de remettre ces terres à leurs propriétaires d’origine. Cependant, il y avait aussi un motif politique à ces appels : comme les colonies étaient considérées à juste titre comme le principal obstacle à la création d’un État palestinien indépendant, l’idée était que, par ces appels, le public israélien et international se souviendrait de l’illégalité des colonies dans leur ensemble, qu’elles soient construites sur « des terres publiques » ou sur des terres privées.
Ces dernières années, certains de ces appels ont été couronnés de succès : les colons ont été expulsés des terres privées palestiniennes et leurs maisons ont été démolies.
Le plus récent et peut-être le plus grand succès a été rencontré à Amona, un avant-poste illégal construit sur les terres privées du village de Silwad près de Ramallah. Après de longues délibérations et des reports, la cour suprême d’Israël a ordonné la démolition de 40 maisons et le retour des terres à leurs propriétaires. La décision a été appliquée la semaine dernière.

« Nous n’avons plus honte »

Mais alors que ces appels et ces délibérations se poursuivaient, la carte politique en Israël changeait. Les colons, principalement représentés par le parti de Naftali Bennett (Le Foyer juif), mais aussi par le Likoud, parti au pouvoir de Netanyahou, ont gagné de plus en plus de pouvoir politique. Le slogan de Bennett lors des dernières élections de 2016 était « Nous n’avons plus honte ».
Le message de Bennett était clair : nous, les colons, ne sommes pas prêts à supporter 50 ans d’ambiguïté concernant l’avenir de la Cisjordanie. Ces terres appartiennent aux juifs, et seulement aux juifs, et par conséquent les juifs ne peuvent pas être considérés comme des occupants « sur leurs propres terres ». L’idée d’un État palestinien indépendant dans ces régions devrait être abandonnée à jamais.
Bennett ne s’en est pas très bien sorti lors des élections de 2016, mais dans le nouveau gouvernement formé par Netanyahou, il a gagné un rôle encore plus important qu’avant. Le ministère de l’Éducation lui est revenu et le d’autant plus important ministère de la Justice a échu à un autre membre de son parti, Ayelet Shaked.
Avec l’aide des ministres du Likoud favorables aux colonies, la pression exercée pour abandonner l’ambiguïté concernant la Cisjordanie et obtenir une sorte d’annexion n’a cessé de croître.
Jusqu’à l’élection de Donald Trump, Netanyahou avait choisi de ne pas choisir. Il n’a pas entamé de négociations sérieuses avec les Palestiniens, mais il s’est également abstenu de toucher au statu quo.

Le cirque d’Amona

Maintenant, en revanche, les choses changent. Que ce soit parce que Netanyahou voit Trump comme son sauveur ou parce que les enquêtes de corruption qui se multiplient contre lui font leur effet, il est évident que Netanyahou abandonne l’approche prudente qu’il favorisait depuis longtemps.
Le vote à la Knesset en faveur de la loi de confiscation indique clairement cette nouvelle orientation. Après la décision finale de la cour suprême, il n’y avait rien que Netanyahou ou Bennett ne puisse faire pour empêcher les expulsions d’Amona. Même les colons qui habitaient illégalement cet avant-poste en étaient conscients. Ainsi, son évacuation la semaine dernière est devenu un grand spectacle.
Trois mille policiers ont passé plus de vingt-quatre heures à évacuer une quarantaine de familles. Même les affrontements violents entre une poignée de colons extrémistes et les forces de police dans les dernières étapes du processus semblaient prémédités.
L’évacuation d’Amona devait être interprétée comme la dernière. Quelques jours plus tard, l’adoption de la loi de confiscation, qui permet au gouvernement de confisquer les terres privées palestiniennes sur lesquelles des colonies sont déjà construites, était sans équivoque dans sa déclaration.
L’état d’esprit politique en Israël tend définitivement vers l’annexion de parties de la Cisjordanie ou même une annexion totale. Les Palestiniens, selon les scénarios avancés par les politiciens de droite, devront se contenter d’une autonomie réduite ou vivre en tant que résidents de deuxième classe dans des régions directement gouvernées par Israël
Néanmoins, on ne sait pas encore avec certitude si nous arriverons bientôt à une annexion complète. Netanyahou serre toujours le frein. Il se doute peut-être des conséquences si Israël est littéralement ou même officiellement qualifié d’État d’apartheid.
Mais tenté par Trump ou acculé par le mouvement effréné des colons et par les enquêtes criminelles à son encontre, il peut changer de cap. L’occupation ambiguë d’Israël pourrait se transformer en une annexion sans équivoque.

Meron Rapoport est un journaliste et écrivain israélien. Il a remporté le prix de journalisme international de Naples pour son enquête sur le vol d’oliviers à leurs propriétaires palestiniens. Ancien directeur du service d’informations du journal Haaretz, il est aujourd’hui journaliste indépendant. 
  
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La confiance de la Suisse envers Israël «sérieusement ébranlée»
Le 8 février 2017 - Le Temps

Suite à l'adoption de la loi israélienne pour les colons, la confiance de la Suisse «dans l’engagement du gouvernement israélien à l'égard de la solution à deux Etats se trouve sérieusement ébranlée», selon le DFAE. La Suisse estime par ailleurs qu'il faut renforcer l'unité palestinienne

Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), contacté mercredi par l’ats, «enjoint le gouvernement israélien à réaffirmer son attachement à la solution à deux Etats, notamment par l’arrêt immédiat de mesures unilatérales qui en compromettent la réalisation», notamment l'établissement de nouvelles colonies qui «constitue un obstacle à la paix».

La Suisse, fortement attachée à la solution à deux Etats, constate que l’adoption de cette nouvelle loi rend cette solution «encore plus difficile.» Elle va toutefois continuer de soutenir les efforts internationaux pour «la relance d’un processus de paix crédible.»

Elle «est d’avis que tout futur processus de paix devrait aussi pleinement impliquer les pays arabes», explique le DFAE dans sa prise de position.

Autorité légitime

La diplomatie suisse s’engage en outre dans les efforts pour renforcer l’unité palestinienne. Elle est «en faveur d"une autorité légitime et efficace, en mesure de parler et de négocier d"une seule voix au nom de tous les Palestiniens». Il faut pour cela travailler à réduire la division entre Ramallah et Gaza.

«L’espace démocratique se réduit, de même que la confiance des Palestiniens dans leurs institutions. La Suisse estime qu’il ne faut plus attendre pour tenir des élections palestiniennes, locales puis générales», ajoute le DFAE.

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