Novembre 2017 - Le Partage
La plupart des militants écologistes se sont un jour ou l’autre heurtés, lors d’une discussion ou d’un débat sur les problèmes environnementaux, à un (ou des) individu(s) particulièrement sceptique(s) et/ou techno-religieux (ceux qui croient fermement que le développement technologique nous permettra toujours de résoudre les problèmes qu’il engendre perpétuellement).
La déforestation massive ? On replantera des “forêts”, traduction : des plantations, des monocultures, non pas des forêts, et en espérant qu’il reste des sols sur lesquels les planter, puisque, ainsi qu’on peut le lire dans un article récemment publié sur le site du quotidien Les Echos :
« Au cours des cent dernières années, un milliard d’hectares de terres fertiles, l’équivalent de la surface des Etats-Unis, se sont littéralement volatilisés. Et l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) s’inquiète de de l’avenir des surfaces restantes. Dans un rapport de 650 pages, publié en décembre à l’occasion de la clôture de l’Année internationale des sols, elle constate qu’un tiers des terres arables de la planète sont plus ou moins menacées de disparaître. »
Traduction : la civilisation industrielle (ses pratiques agricoles, sa bétonisation inexorable, etc.) détruit les sols du monde entier.
La surpêche ? Il suffira de diminuer les quotas et de créer des réserves marines.
Le plastique dans les océans ? Il suffira de quelques inventions du type de celle de Boyan Slat (qui reste, à l’heure actuelle, un joli mirage, et qui, de toute manière, n’a jamais constitué une solution puisqu’elle ne vise pas à endiguer le flot ininterrompu des millions de tonnes de déchets plastiques que l’humanité industrielle déverse en permanence, de multiples façons, dans les eaux du monde entier).
L’air qui est devenu cancérigène ? On installera des filtres, on mettra en place des mesures visant à interdire les émissions de polluants, on dépolluera l’air avec des aspirateurs géants qui débarrasseront l’air des merdes toxiques qu’on y balance encore.
Ce qu’il y a de bien, avec la pensée magique, c’est qu’elle sert de contre-argument contre à peu près tout. Et pendant ce temps-là, tout empire.
Je ne compte pas me lancer ici dans un bilan des dégradations écologiques en cours, ce serait beaucoup trop fastidieux, interminable et puis, impossible de dresser une liste exhaustive !
Certaines pollutions sont plus connues que d’autres, certains problèmes écologiques sont mis en avant, tandis que d’autres non. Ceux que j’ai cités font partie des classiques (avec l’épuisement de l’eau douce par surexploitation des eaux souterraines ; le réchauffement climatique ; la montée du niveau des mers et des océans ; l’acidification des océans ; la contamination des sols, de l’atmosphère, des mers, bref, de tous les milieux, par les millions de produits chimiques issus des industries ; l’épuisement de nombreuses ressources non-renouvelables de types métaux, minerais en tous genres), mais connaissez-vous ceux-ci :
Dans ce documentaire d’Arte, on découvre les pratiques de la mafia calabraise en Italie, qui, main dans la main avec les multinationales et les états du monde entier (d’autres mafias), organise une gestion des déchets nucléaires pour le moins abominable. Noyés au fond des mers dans des épaves sabordées, enfouis dans des décharges légales et illégales sur terre, ces déchets empoisonnent gravement les humains et les non-humains des milieux qu’ils intoxiquent.
Carte des navires (connus) transportant potentiellement des déchets toxiques, parfois nucléaires,
coulés en mer par la mafia (tirée du site http://www.infondoalmar.info/)
« Des milliers de caissons métalliques, dix-neuf navires chargés de déchets radioactifs, quatorze réacteurs, et, surtout, trois sous-marins nucléaires… : tous reposent au fond de l’océan Arctique — première zone de pêche au cabillaud du globe. Les parties métalliques rouillent, l’eau salée ronge le béton et des particules radioactives s’échappent des épaves. Pourtant, l’omerta est de mise. Pour avoir dénoncé l’état déplorable de la flotte russe et le risque d’accident nucléaire, un ingénieur et inspecteur de sous-marins a été emprisonné ; un autre militaire n’accepte de témoigner qu’anonymement. Un rapport remis en 2011 au Kremlin par le ministère russe de l’Environnement appelait à couler des sarcophages de béton autour de deux des trois sous-marins d’ici 2014 au plus tard — mais la recommandation est restée à ce jour lettre morte. »
« Cachées depuis des décennies, les décharges d’armes chimiques sous-marines livrent un peu de leur secret grâce à cette enquête : un scandale militaire hérité de deux guerres mondiales et une véritable menace pour l’homme et pour l’environnement. Plus d’un million et demi de tonnes d’armes chimiques non utilisées gisent sur les fonds marins de la planète. Encore s’agit-il d’une estimation, puisque le secret défense qui les entoure à travers le monde empêche toute évaluation précise. Les poisons qu’elles contiennent (gaz moutarde, gaz sarin, arsenic…) s’échappent lentement, inexorablement, des fûts corrodés par des décennies d’immersion. Ces armes sont l’un des terribles héritages des deux guerres mondiales. Jusqu’au début des années 1970, avec un pic entre 1917 et 1945, les armées des grandes puissances ont systématiquement déversé leur arsenal chimique quasi indestructible au fond des mers, dans les lacs ou l’ont enterré. »
Une carte qui représente ce million et demi de tonnes d’armes chimiques non utilisées qui gisent sur les fonds marins de la planète. Lien Google Maps : https://www.google.com/maps/d/u/0/viewer?ll=23.819022598537117%2C0.3515625&z=3&mid=1ALnyOrN5JQ8H50znwJqI_Sj8IwE
« Alors que le monde entier s’inquiète de la pollution marine autour de la centrale de Fukushima, le silence règne sur la centaine de milliers de tonnes de déchets radioactifs déversés en quelques décennies au large des côtes européennes. Or, les fûts métalliques renfermant ces déchets présentent une méchante tendance à rouiller et à laisser échapper un contenu hautement toxique. Difficiles à localiser, encore plus à contrôler, ces fûts auraient été immergés au-dessus de profondes fosses océaniques. Dans les faits, on les repère parfois à moins de cent mètres de la surface de l’eau, à proximité de rivages où, curieusement, les taux de cancers augmentent plus vite qu’ailleurs. »
Ce qui est frappant et presque jamais exprimé ainsi dans les médias grand public, c’est la folie (furieuse) dont tout cela témoigne. Mais, bien sûr, lorsque les successeurs de la classe des fous qui ont organisé cela ont la mainmise sur les institutions culturelles et médiatiques, il est logique que celles-ci servent à rationaliser les folies dont est constituée l’histoire de la civilisation.
Ainsi que l’explique Theodore Kaczynski,
« si le développement du système-monde technologique se poursuit sans entrave jusqu’à sa conclusion logique, selon toute probabilité, de la Terre il ne restera qu’un caillou désolé — une planète sans vie, à l’exception, peut-être, d’organismes parmi les plus simples — certaines bactéries, algues, etc. — capables de survivre dans ces conditions extrêmes. »
Concrètement cela se traduit, par exemple, par la volonté d’exploiter les nodules polymétalliques du fond des océans pour pallier les pénuries de métaux à venir (liées à leur surexploitation et à l’épuisement de ces ressources), au risque de détruire (encore plus) ces écosystèmes, ce qui constitue le sujet de ce documentaire d’Arte :
On y apprend, sur un ton et d’une manière qui rationalise très calmement la folie de tout ce que la civilisation industrielle entreprend, qu’il « est impossible de faire machine arrière et de tirer un trait sur ces métaux », parce qu’on « ne peut raisonnablement pas demander aux gens de renoncer à leurs smartphones, à leurs ordinateurs et à leurs télévisions. »
C’est pourquoi les fous qui nous dirigent envisagent sérieusement que nous nous attaquions au plancher océanique et que nous le détruisions comme nous détruisons déjà les terres émergées. Et peu importe, ainsi que nous l’explique Matthias Haeckel (expert en biogéochimie marine), que :
« Le plancher océanique, surtout celui des abysses qui représentent une immense surface, est le moteur principal du cycle mondial du carbone, c’est lui qui équilibre notre climat à une échelle temporelle d’environ 100 000 ans. À cela s’ajoute un deuxième cycle, que l’exploitation des nodules risque également de perturber, qui est celui de l’oxygène : les sédiments marins régulent le taux d’oxygène et là il s’agit d’un cycle sur plus de 2 millions d’années. »
Vous comprenez bien qu’entre, d’un côté, le climat des 100 000 prochaines années et l’oxygène des 2 millions d’années à venir, et, de l’autre, des smartphones, des ordinateurs et des télévisions, le choix n’est pas aisé. On ne peut raisonnablement pas renoncer aux smartphones, aux ordinateurs et aux télévisions. C’est pourquoi jusqu’ici, les smartphones, les ordinateurs et les télévisions l’ont emporté et l’emportent sur la santé de la biosphère.
L’exploitation des nodules polymétalliques du fond des océans n’est qu’une des nombreuses catastrophes potentielles qui pointent à l’horizon de la folie extractiviste mortifère qui anime la culture dominante ; il y en a bien d’autres, dont l’exploitation des clathrates de méthane, discutée ci-après par le journaliste Fabrice Nicolino :
Étant donné l’importance de ce qui est en jeu, à savoir la vie sur Terre ou au minimum la vie sur Terre telle que nous la connaissons, la démence historique et actuelle de la civilisation, qui est avant tout celle de ses classes dirigeantes, doit être combattue. À tout prix. Et contrairement à ce qu’affirment tous ceux qui participent de la fausse opposition médiatique, fabriquée, autorisée et subventionnée, ce n’est pas d’une autre industrie, d’une industrie alternative, d’une éco-industrie que nous avons besoin. C’est évidemment de nous débarrasser de l’intégralité la civilisation industrielle, de renoncer aux hautes technologies et à toutes les technologies dont le coût écologique est insoutenable, de délaisser la course au développement et de se défaire du mythe du progrès, cette illusion manifestement léthifère.
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