Si c'est ça "la sortie de crise" selon Macron, la France a du soucis à se faire !
Lire aussi :
«Sortie de crise» de la Grèce : Macron supprimera-t-il son tweet après l'analyse de Varoufakis ?, le 23 aout 2018, RT / Les vrais crimes d'Emmanuel Macron, le 27 juillet 2018
Plus bas dans la page : Le génocide de la nation grecque a commencé, par Paul Craig Roberts, le 21 août 2018
Des profits sur la Grèce
La dette grecque reste une poule aux œufs d’or pour les banques centrales européennes et les privés.
21 août par Eric Toussaint , Thanos Contargyris , Thierry Jacolet - CADTM / La liberté
Le dernier des plans d’aide qui régissent la Grèce depuis 2010 s’est achèvé le 20 août 2018.
Le pays était le dernier pays de la zone euro encore sous programme d’assistance depuis la crise.
J’ai perdu beaucoup de plumes dans la crise de la dette depuis 2010. Ce qui ne m’empêchera pas de voler de mes propres ailes dès aujourd’hui. Et les créanciers de faire encore des bénéfices sur mon dos. Je suis, je suis ? La poule aux œufs d’or grecque.
Le pays en convalescence retrouve sa liberté ce lundi. Une liberté conditionnelle. Si la sortie de la tutelle européenne lui permet de se financer seule à nouveau sur les marchés financiers, Athènes reste soumise aux conditions et à l’austérité imposées par Bruxelles.
Remboursés à 100%
Après trois bouées de sauvetage lancées par l’Union européenne et le Fonds monétaire international (FMI) d’un total de 260 milliards d’euros (295 milliards de francs suisses), la Grèce nage encore dans les dettes (343 milliards d’euros, soit 180% du PIB) qu’elle devra rembourser, tout comme de colossaux intérêts. De nouveaux profits en perspective pour ses créanciers.
A commencer par la Banque centrale européenne, principale bénéficiaire de la crise de la dette grecque. Elle a encore annoncé en février dernier avoir empoché 154 millions d’euros de revenus d’intérêts sur les emprunts grecs. Des cacahuètes comparé aux 7,8 milliards d’euros de bénéfices nets réalisés grâce aux intérêts encaissés de 2012 à 2016 sur les obligations d’État grecques acquises entre 2010 et 2012 dans le cadre du SMP (Securities Market Purchase), un programme de rachat de titres de pays en difficulté de la zone euro. « Ces bénéfices proviennent du différentiel entre les taux des titres grecs à 9% au début et à 6% après 2012 », précise Thanos Contargyris, consultant indépendant, à Athènes.
La BCE va encore faire des profits sur le reste de cette dette grecque jusqu’en 2037
Sans parler de la juteuse plus-value (7,5 milliards d’euros) obtenue sur la revente d’obligations grecques achetées 42,7 milliards. Le mécanisme ? « Entre fin 2010, 2011 et 2012, la BCE a acheté aux grandes banques privées des titres de la dette publique grecque à en moyenne 70% de leur valeur d’émission », explique Eric Toussaint, coordinateur scientifique de la Commission pour la vérité sur la dette grecque, instituée par la présidente du Parlement grec en 2015. « Seulement, la BCE a exigé que les titres grecs achetés soient remboursés à 100% de leur valeur à leur échéance. Depuis, elle perçoit d’Athènes 100% de la valeur des titres restants. »
Des 35 milliards d’euros de titres souverains grecs acquis jusqu’en 2011, la BCE en détient encore 13. « Elle s’est déjà fait rembourser l’autre partie », explique Eric Toussaint, auteur du Système dette, (Ed. Les Liens qui libèrent). « Elle va encore faire des profits indus sur le reste de cette dette grecque jusqu’en 2037, à l’échéance des derniers titres. »
Selon un accord, l’institution gardienne de l’euro basée à Francfort devait restituer à Athènes les bénéfices réalisés à partir de 2012, en échange des réformes grecques. « Une infime partie a été rendue : 3 milliards en 2014 pour les bénéfices de 2012 et 2013, détaille Thanos Contargyris. L’accord a ensuite été annulé unilatéralement par la BCE, pour sanctionner le gouvernement Syriza en 2015. »
6 milliards jamais rendus
Une politique immorale aux yeux d’Eric Toussaint : « La BCE planque des milliards de bénéfices abusifs dans un fonds spécial du Mécanisme européen de stabilité (MES), déplore-t-il. Ils devraient être rétrocédés dans un fonds de relance économique à la Grèce. » L’Euro-groupe (cénacle des 19 ministres des Finances de la zone euro) a toutefois annoncé en juin dernier qu’il allait réactiver les transferts de bénéfices vers la Grèce, mais seulement pour la période dès 2017. La Grèce ne verra jamais la couleur des bénéfices de 2014 et 2015, soit plus de 6 milliards, ni de 2016.
La BCE a aussi redistribué une partie du pactole aux banques centrales européennes qui ont transféré l’argent aux trésors nationaux. Ce qui s’ajoute aux profits déjà engrangés par les États européens via 50 milliards d’euros de prêts bilatéraux octroyés à la Grèce. « Ils ont bénéficié des taux d’intérêt de 5%, bien au-dessus des taux auxquels ces pays empruntent eux-mêmes », constate Thanos Contargyris. Chantre de l’orthodoxie budgétaire, l’Allemagne a ainsi empoché plus de 1,3 milliard d’euros de bénéfices grâce à son prêt bilatéral.
Mieux, le gouvernement a reconnu en juin dernier avoir encaissé 2,9 milliards d’euros en intérêts sur les obligations grecques depuis 2010. Sans parler des effets indirects : l’Institut Leibnitz de recherche économique (IWH) a calculé en 2015 que Berlin avait réalisé près de 100 milliards d’euros d’économies budgétaires entre 2010 et 2015. Il faut dire que la crise grecque a favorisé la baisse du coût de financement des pays de la zone euro, comme l’Allemagne, actuellement à 0,3% pour les emprunts à dix ans contre 2,7% en 2011.
Fonds vautours
Autre bénéficiaire de la perfusion à Athènes, le Fonds monétaire international. « Il a fait 5 milliards d’euros de profits, en lui prêtant à un taux élevé », calcule Eric Toussaint. Et que dire des fonds d’investissement pour qui la Grèce a été le jackpot ? Au début de la crise, les banques affolées se sont débarrassées de leurs obligations grecques jugées trop risquées. Les investisseurs privés comme les fonds spéculatifs ont racheté pour une bouchée de pain des titres décotés qui ont pris de la valeur, avec des rendements qui pouvaient aller jusqu’à 100% dans certains cas.
« Les fonds vautours ont acheté des carcasses à bas prix », souligne Charles Wyplosz, professeur d’économie internationale à l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID), à Genève. Et ils continuent de faire main basse sur une partie de la fortune mobilière et immobilière du pays.
Le génocide de la nation grecque a commencé
Par Paul Craig Roberts, le 21 août 2018 - Paul Craig Roberts / Réseau international (trad.)
La dissimulation politique et médiatique du génocide de la nation grecque a débuté hier (20 août), avec les déclarations politiques de l’Union européenne et autres annonçant la fin de la crise grecque. Cela veut dire que la Grèce est finie, morte. Ayant été exploitée jusqu’à l’os, sa carcasse est jetée aux chiens.
Trois cent cinquante mille Grecs, principalement des jeunes et des spécialistes, ont fui la Grèce morte. Le taux de natalité est de très loin inférieur à ce qui est nécessaire pour maintenir la population restante. L’austérité imposée aux Grecs par l’UE, le FMI et leur gouvernement, a fait fondre de 25% l’économie. Le déclin est l’équivalent à celui de la Grande Dépression aux États-Unis, mais les effets sont pires en Grèce. Le président Franklin D. Roosevelt avait atténué l’impact du chômage massif avec la loi sur la sécurité sociale et d’autres éléments de dispositif de protection, comme l’assurance-dépôts et des programmes de travaux publics, tandis que le gouvernement grec, se conformant aux ordres du FMI et de l’UE, a aggravé le choc du chômage de masse en supprimant le filet de la sécurité sociale.
Traditionnellement, quand un pays souverain se trouve dans l’impossibilité de rembourser ses dettes, que ce soit à cause de corruption, mauvaise gestion, malchance ou événements imprévus, les créanciers du pays réduisent le service de la dette au niveau pouvant être remboursé.
Pour la Grèce, le jeu a été changé. La Banque centrale européenne, dirigée par Jean-Claude Trichet, et le Fonds monétaire international, ont statué que la Grèce devait payer l’intégralité des intérêts et du principal de ses obligations d’État détenues par des banques allemandes, néerlandaises, françaises et italiennes.
Comment cela a-t-il été réalisé ?
Ces deux organismes ont considérablement aggravé la crise de deux façons, et ils laissent aujourd’hui la Grèce dans une situation bien pire qu’au début de la crise, il y a près de dix ans.
Au début de la « crise », qui aurait pu être facilement résolue en réduisant une partie de la dette, celle-ci représentait 129% du produit intérieur brut grec. Aujourd’hui, la dette grecque représente 180% du PIB.
Pourquoi ?
Afin de payer les intérêts à ses créanciers, pour qu’ils ne perdent pas un centime, un supplément d’argent a été prêté à la Grèce. Le prêt additionnel, qualifié de « renflouement » par la pressetituée financière, ne visait pas à remettre à flot la Grèce. Il s’agissait d’un plan permettant de rembourser les créanciers.
Le régime Obama a favorisé ce plan car, comptant sur lui, les banques étasuniennes avaient vendu des couvertures de défaillance sur la dette grecque. Sans ce « renflouement, » les banques étasuniennes auraient perdu leur pari et payé une assurance [inutile] contre la défaillance des obligations grecques.
En outre, la Grèce a été tenue de vendre son patrimoine public à des étrangers et de réduire le filet de sécurité sociale. Elle a dû, par exemple, diminuer les retraites en dessous du revenu vital, et réduire radicalement les soins médicaux, de sorte que les gens meurent avant de pouvoir se faire soigner.
Si ma mémoire est bonne, la Chine a acheté des ports grecs. L’Allemagne a acheté l’aéroport. Diverses entités allemandes et européennes ont acheté les compagnies municipales de distribution d’eau. Les spéculateurs immobiliers ont acheté des îles protégées pour y développer l’immobilier.
Ce pillage du patrimoine public grec ne visait pas à réduire la dette de la Grèce, il allait avec le paiement des intérêts des nouveaux prêts.
Plus grande que jamais, la dette grecque est toujours là. L’économie est plus insignifiante que jamais, tout comme la population grecque à qui la dette est attribuée.
La déclaration de fin de la crise grecque n’a fait qu’annoncer aux banques étrangères qu’il n’y a plus rien d’intéressant à tirer des Grecs. La Grèce coule rapidement. Tous les revenus associés aux ports maritimes, à l’aéroport, aux services municipaux et au reste des biens publics qui ont été privatisés de force, vont désormais dans la poche d’étrangers. Ils sortent l’argent du pays et font ainsi couler toujours plus l’économie grecque.
Les Grecs ne se sont pas seulement fait voler leur avenir économique. Ils ont aussi perdu leur souveraineté. La Grèce n’est plus une nation souveraine. Elle est dirigée par l’UE et le FMI. Dans mon livre de 2013, The Failure of Laissez Faire Capitalism, dans la partie III, « La fin de la souveraineté, » j’ai clairement décrit la manière dont cela se ferait.
Les Grecs ont été trahis par le gouvernement Tsipras. Ils avaient la possibilité de se révolter et d’utiliser la violence pour renverser le gouvernement qui les vendait à des banquiers internationaux. Au lieu de cela, les Grecs ont accepté leur propre destruction et n’ont rien fait. Au fond, la population grecque s’est suicidée.
La crise financière mondiale de 2008 n’est pas terminée. Elle a été balayée sous le tapis par la création massive d’argent des banques centrales étasunienne, européennes, britannique et japonaise. Cette création de monnaie a largement distancé la croissance de la production réelle et majoré la valeur des actifs financiers au-delà de ce qui peut être soutenu par la réalité du terrain économique.
Il reste encore à voir comment va évoluer cette crise. Elle a la capacité d’entraîner la destruction de la civilisation occidentale. Les pays vont-ils se dévorer entre eux ? Après la Grèce, est-ce que ce sera le tour de l’Italie, de l’Espagne, du Portugal, de la France, de la Belgique, de l’Australie et du Canada, jusqu’à ce qu’il n’en reste aucun ?
Le monde occidental entier vit dans les mensonges fomentés par de puissants groupes d’intérêt économique pour servir leurs intérêts. Les médias indépendants n’existent pas, sauf sur Internet, et ils sont diabolisés et leur accès est dit indigne de confiance. Les gens qui vivent dans un monde d’informations contrôlées n’ont aucune idée de ce qui se passe en ce qui les concerne. Ils ne peuvent donc pas agir en fonction de leurs propres intérêts.
Paul Craig Roberts
Ancien Secrétaire Adjoint au Trésor pour la politique économique, Paul Craig Roberts a tenu de nombreux postes universitaires, a été rédacteur en chef adjoint du Wall Street Journal, chroniqueur de Business Week, Scripps Howard News Service et Creators Syndicate, et il a écrit aussi de nombreux ouvrages, dont l’un, L’Amérique perdue : Du 11 septembre à la fin de l’illusion Obama, a été traduit en français.
* * *
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire