Source du texte (intégral) : Les forestiers se mobilisent contre l’industrialisation de la forêt, 18 mai 2018, Reporterre / Une longue marche lance le combat contre l’industrialisation de la forêt, 25 octobre 2018, Reporterre
Vers une industrialisation des forêts française (destruction de sa biodiversité) par le "champion de la terre" et "ambassadeur du climat" : Europe 1
Forêts labellisées, arbres protegés ? Arte (octobre 2018)
L’organisme international Forest Stewardship Council (FSC) décerne depuis une vingtaine d’années un label écologique, qu’il appose aux produits (meubles, papier, etc) issus d’une gestion durable des forêts. Enquête sur les nombreuses irrégularités et zones d’ombres qui perdurent autour de cet écolabel.
La forêt primaire cambodgienne disparaît à un rythme vertigineux : depuis l’an 2000, le pays a perdu plus de la moitié de sa surface boisée. À l’échelle de la planète, la déforestation, galopante, produit aujourd’hui davantage d’émissions de CO2 que l’ensemble du parc automobile mondial. Elle entraîne également des déplacements forcés de populations et de graves menaces pour la biodiversité. Pour enrayer cette tendance, l’organisme international Forest Stewardship Council (FSC) décerne depuis une vingtaine d’années un label écologique, qu’il appose aux produits – meubles, papier, etc. – issus d’une gestion durable des forêts.
Zones d’ombre
À ce jour, 200 millions d’hectares de forêt ont été certifiés par le FSC – une surface équivalente à l’ensemble de l’Europe occidentale. Vingt-cinq ans après sa création, quel bilan dresser de ce label ? Constitue-t-il réellement un frein efficace au déboisement et aux activités illicites ? Cette enquête présente un état des lieux plutôt alarmant, au regard des nombreuses irrégularités et zones d’ombres qui perdurent. Certaines entreprises, ayant commercialisé des produits issus de coupes illégales, ont ainsi pu conserver leur label.
Source : Arte
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Notes de lecture : Les héros de l'environnement (d'Elisabeth Schneiter)
Par Nicolas Casaux, octobre 2018 - Le Partage
— Bernard Charbonneau, Le jardin de Babylone (1969).
Près de 50 années se sont écoulées depuis que Bernard Charbonneau a écrit cela. Et que voyons-nous ? Sur le plan écologique, nous voyons la nature être détruite à une cadence toujours plus soutenue : au cours des soixante dernières années, 90 % des grands poissons[1], 70 % des oiseaux marins[2] et, plus généralement, 52 % des animaux sauvages[3] ont disparu. La déforestation ravage actuellement les forêts au rythme d’un hectare par seconde[4]. L’étalement urbain, qui détruit l’habitat des espèces vivantes et constitue ainsi une des principales causes de leur anéantissement et de la sixième extinction de masse en cours actuellement, continue inexorablement au point qu’il est prévu que la surface urbanisée du monde triple au cours des prochaines décennies[5]. L’extraction et l’utilisation de combustibles fossiles ne cesse de croître, une tendance qui ne fera selon toute probabilité que s’intensifier au cours des prochaines décennies, au même titre que tout le reste.
Sur le plan politique, nous voyons des fous élus présidents, parmi les pires destructeurs de la nature, qui cherchent à se faire passer pour l’inverse de ce qu’ils sont, en étant sacré « Champion de la terre » (Macron), et en se proclamant « véritable défenseur de l’environnement » (Trump). Nous voyons une ancienne lobbyiste de Danone, qui défend non pas la nature mais les OGM et toutes les industries les plus nuisibles, comme celle de l’huile de palme, nommée Secrétaire d’État à la Transition écologique (Emmanuelle Wargon) auprès d’un ministre récemment nommé qui adore les industriels et déteste la nature (François de Rugy). Nous voyons aussi les inégalités économiques croître et croître et croître encore et atteindre une ampleur sans précédent.
La bonne nouvelle, c’est qu’à travers le monde, contre la folie industrielle, des individus résistent. La mauvaise, c’est qu’ils sont trop peu nombreux, et principalement situés dans les pays les plus autoritaires. Pourquoi cela ? Peut-être, en partie, et pour paraphraser Derrick Jensen, parce que lorsque votre eau sort du robinet et votre nourriture du supermarché, c’est ce système urbano-industriel que vous allez vouloir défendre et, inversement, parce que lorsque votre eau provient de la rivière d’à côté et votre nourriture de la Terre dont vous prenez soin, ce sont elles que vous allez vouloir défendre. Dans nos pays riches et « développés », la quasi-totalité d’entre nous dépendent désormais de la civilisation industrielle et de ses facilités technologiques pour leur survie. Dans les pays moins développés (« en voie de développement »), davantage d’individus obtiennent encore directement leur subsistance du territoire auquel ils appartiennent, et dont ils prennent soin.
C’est pourquoi Berta Caceres a été tuée alors qu’elle s’opposait à la construction des barrages hydroélectriques d’Agua Zarca. Et c’est pourquoi, en France, nombre de soi-disant écologistes vantent les mérites des barrages qui produisent, selon eux, de l’énergie « verte ». Deux mondes, deux visions de l’écologie.
Berta Caceres, Élisabeth Schneiter nous en parle dans son dernier livre, Les héros de l’environnement, publié aux éditions Seuil/Reporterre, dans lequel elle s’intéresse également à beaucoup d’autres défenseurs de la nature au Honduras, au Nigeria, au Cambodge, en Équateur, au Brésil, au Guatemala, en Tanzanie, en Mongolie, aux Philippines, et ailleurs. Mais principalement, donc, dans des pays — rendus — pauvres.
L’acharnement violent auquel font face les défenseurs de la nature dans ces pays-là fait froid dans le dos. Les collusions et corruptions au sein du gouvernement ou entre l’État et des entreprises y sont bien pires que chez nous — et bien souvent à cause de chez nous, à cause de nos gouvernements de pays riches, qui ont organisé et voulu le statu quo géopolitique actuel afin de piller facilement les ressources des pays qu’ils appauvrissaient en les intégrant dans l’Empire capitaliste industriel mondialisé ; l’exemple du Honduras développé dans le livre l’illustre terriblement. Élisabeth Schneiter rappelle :
« En 2017, d’après les calculs de l’ONG Global Witness, 207 activistes ont été tué parce qu’ils défendaient la nature, ce qui fait environ quatre personnes par semaine. De nombreux meurtres échappent probablement aux statistiques. L’assassinat n’est d’ailleurs que l’une des tactiques utilisées pour faire taire les défenseurs des terres et de l’environnement, il y a aussi les intimidations diverses, menaces de mort, arrestations, diffamations, agressions sexuelles et procès abusifs, avec emprisonnement… »
Une des histoires qu’elle raconte, celle de Chut Wutty, un écologiste cambodgien qui a fini assassiné parce qu’il osait se confronter à la mafia de la déforestation, est d’ailleurs exposée dans un bon documentaire récemment diffusé sur Arte :
Le courage dont témoignent les femmes et les hommes qu’Élisabeth Schneiter décrit force le respect, et devrait nous inspirer nous, dans nos pays riches. Et non seulement leur courage mais aussi, pour plusieurs d’entre eux, leur paradigme écologique. Car contrairement à nos écologistes les plus fameux qui ne proposent que d’installer des centrales solaires et des éoliennes un peu partout afin de pouvoir continuer à mener le train de vie consumériste industriel auquel ils sont désormais attachés tout en ayant l’impression de ne pas détruire le monde, c’est plutôt contre ce mode de vie indésirable et insoutenable (y compris contre ses éoliennes, ses barrages et ses autres industries soi-disant « renouvelables »), qui n’a jamais eu d’avenir, et contre tout ce qu’il implique de ravages sociaux et écologiques, que certaines populations autochtones se battent encore aujourd’hui — des Tolupans du Honduras à certains peuples autochtones de la province de Sucumbios en Équateur ou de Bornéo. Ces populations savent encore comment vivre sans détruire leur milieu naturel, ainsi qu’elle le rappelle (« Les autochtones de Bornéo respectent des règles établies de longue date par leurs ancêtres, fixant les taux de collecte et la bonne façon de recueillir les ressources forestières pour minimiser le stress causé aux arbres par des coupes »).
Cela dit, certains, en France aussi, perçoivent l’impasse dans laquelle l’écologisme grand public s’enlise en promouvant un impossible verdissement de la société industrielle[6]. Et parmi eux les zadistes, et parmi eux ceux qui s’opposent à tous les nouveaux projets industriels, même « renouvelables », et qui militent pour d’autres manières de vivre, à taille humaine, véritablement démocratiques et solidaires, non industrielles et non marchandes, les plus autonomes possibles, basées sur un lien fort et respectueux avec leur territoire écologique, avec la communauté biotique qu’il constitue.
« Une guerre ignorée est en cours sur la planète, écrit-elle, entre des entreprises prêtes à tout et des gens qui veulent vivre libres et indépendants sur leurs territoires, sans nuisances et sans destructions. »
Et les histoires de courage et d’abnégation qu’elle rapporte dans son livre devraient inspirer nos luttes.
Nicolas Casaux
http://www.liberation.fr/sciences/2003/05/15/90-des-gros-poissons-ont-disparu_433629 ↑
http://www.sudouest.fr/2015/07/16/environnement-70-des-oiseaux-marins-ont-disparu-en-seulement-60-ans-2025145–6095.php ↑
http://tempsreel.nouvelobs.com/planete/20140930.OBS0670/infographie-52-des-animaux-sauvages-ont-disparu-en-40-ans.html ↑
https://www.theguardian.com/environment/ng-interactive/2018/jun/27/one-football-pitch-of-forest-lost-every-second-in-2017-data-reveals ↑
https://www.theguardian.com/environment/world-on-a-plate/2016/dec/28/growing-mega-cities-will-displace-vast-tracts-of-farmland-by-2030-study-says ↑
http://partage-le.com/2018/10/de-paul-hawken-a-isabelle-delannoy-les-nouveaux-promoteurs-de-la-destruction-durable-par-nicolas-casaux/ ↑
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