mardi 26 juillet 2011

Saraha ou Sarahapa


Sahara est surtout célèbre pour ses chants mystiques non dualistes, les fameux doha, qui nous ont été conservés en aprabhramsa, langue indienne du Bengale, et dans leur version tibétaine, qui s'écarte sensiblement de l'original indien. Maitripa les commenta et en transmit la tradition à Marpa (1012-1097), qui l'introduisit à son tour au Tibet. (...) On a voulu parfois voir dans cette littérature des doha un véhicule à part le Sahajayana, ou "véhicule de la spontanéité. En fait les doha font partie intégrante du courant Vajrayana, constituant l'expression privilégiée de l'expérience non duelle du Mahamudra, au-delà de toute convention et de tout rituel, comme en témoigne ce célèbre passage :

"Quiconque, privé de l'inné, recherche le nirvana
ne peut aucunement prétendre à la vérité absolue.
Comment, absorbé par autre chose, pourrait-il gagner la délivrance ?
Gagnera-t-on la liberté en demeurant en méditation ?
A quoi bon les lampes ? les offrandes ?
Que peut-on accomplir en usant de mantra ?
A quoi bon les austérités ? A quoi bon les pèlerinages ?
Atteint-on la liberté en prenant un bain rituel ?
Abandonnez de tels attachements, renoncez à de telles illusions !
Il n'existe rien d'autre que la connaissance de Cela.
Autre que Cela, rien ne peut être connu.
C'est Cela qu'on lit, Cela que l'on médite,
C'est de Cela dont parlent les traités et vieilles histoires.
Il n'est pas une seule école de pensée qui n'ait pas Cela comme but.
Mais on ne peut le contempler qu'aux pieds du maître.
Si le mot du maître pouvait pénétrer dans votre coeur,
Il serait tel un trésor dans les paumes de vos mains.
Le monde est enchaîné par la fausseté, dit Sahara,
Et l'idiot ne perçoit pas sa vraie nature".
(...)
Extrait de Philippe Cornu, Dictionnaire Encyclopédique du Bouddhisme, Ed. du Seuil.
Commande sur Amazon : Dictionnaire encyclopédique du bouddhisme


Bibliographie :
- Dohakosa (trad. Liliane Silburn) dans : Liliane Silburn, Aux Sources du Bouddhisme, Ed. Fayard, 1977.
- Les chants mystiques de Kânha et de Saraha, trad. Shahidhullha, Ed. Adrien Maisonneuve, 1988.
- L'Essence lumineuse de l'esprit, Vie et parole d'un maître du bouddhisme tantrique, trad. Erik Sablé, Ed. Dervy, 2005.
- Le Trésor des Chants, dans : James Low, La Simplicité de la Grande Perfection, Ed. du Rocher, 1994.
- Extrait des doha dans :  Philippe Cornu, Dictionnaire Encyclopédique du Bouddhisme, Ed. du Seuil.
En ligne : 

Voir aussi Hridayartha (consacré au disciple Maitripa)


(...)
20.
S'Il est déjà manifeste, à quoi sert la méditation, et s'Il est caché, on ne peut que mesurer les ténèbres. Saraha ne cesse de proclamer : "Ni être ni non-être, éternellement, voilà la nature du Spontané."
21.
S'Il est dépourvu de méditation, à quoi bon méditer sur Lui ? Et s'Il est indicible, à quoi bon l'expliquer ? Le monde entier se trouve asservi sous le sceau du devenir et personne n'appréhende sa nature propre.
23.
Ni formule, ni texte religieux, ni objet médité, ni concentration, mais eux tous sont cause du leurre, ô insensé !
Immaculée est la Conscience, ne la polluez pas par la méditation.
Demeurez dans la Béatitude intime; ne vous tourmentez plus !
(...)
103.
Ne reste pas chez toi, ne vas pas dans la forêt, connais parfaitement la pensée où que tu sois. Pour qui réside dans l'illumination indivise et ininterrompue, ou est le devenir, ou est le nirvana ?
104.
Ni chez toi ni dans la foret l'illumination ne réside. Prenez parfaite connaissance de ce mystère. Soyez non mutilés dans la nature essentielle de la Conscience immaculée !
105.
"C'est moi, c'est un autre", conçoit-on. Dépouille ce lien qui rend captif, c'est ainsi qu'on se libère soi-même.
106.
Ne te trompe pas sur toi-même et autrui. Tout sans distinction est le Buddha.
Voilà le suprême Immaculé ou la Conscience est pure de par sa véritable nature.
107.
Le bel arbre de la Conscience-sans-dualité s'étend avec ampleur sur le triple monde.
Il fleurit en compassion, son fruit se nomme charité envers autrui.
108.
Le bel arbre du Vide abonde en fleurs, actes de compassion très variées; et pour les autres, les fruits apparaissent spontanément, car cette Béatitude ne pense pas l'autre.
109.
Ainsi le bel arbre du Vide manque aussi de compassion; il n'a ni pousse ni fleur ni feuillage, et qui les imagine en lui tombe, car de branches point ne s’entrouvre !
110.
Ces deux arbres surgissent d'une seule graine et pour cette raison il n'y a qu'un seul fruit. Celui qui les voit ainsi sans distinction est libéré à la fois du cycle des naissances et du nirvana.
Quiconque délaissant la compassion s'attache au Vide n'a pas trouvé la meilleure des voies. Qui s'adonne uniquement à la Compassion ne se libère pas du cycle des existences. Mais quiconque peut unir les deux ne réside ni dans le devenir ni dans le nirvana.
Extrait de Dohakosa de Saraha dans : Liliane Silburn, Aux Sources du Bouddhisme, Ed. Fayard.
Commande sur Amazon : Aux sources du bouddhisme

(...)
32.
Ce monde illusoire n'a jamais existé depuis le commencement.
Dénué de buts, il est sans dessein.
C'est ainsi qu'il apparaît à ceux qui veillent en une continuelle méditation.
Indicible, indestructible et sans ego.
33.
La conscience, le mental, et tout le contenu de l'esprit sont "Cela"".
De même, l'univers et tout ce qui semble être distinct de lui sont "Cela".
Toutes les choses qui peuvent être perçues et celui qui perçoit,
même l'obscurité, la haine, le désir et l'intelligence sont "Cela".
34.
Comme une lampe qui brille dans la nuit de l'ignorance spirituelle,
"Cela" enlève les obscurités de l'esprit.
Avec un mental dispersé,
qui peut imaginer la Pure Conscience du sans désir ?
35.
Il n'y a rien à nier, rien à affirmer ou à saisir,
car "Cela" ne peut être compris.
A cause du pouvoir de division du mental, survient l'illusion.
L'Ultime Réalité demeure indivisée et pure.
36.
Si vous restez dans l'opposition de l'un et du multiple,
l'unicité ne se révèle ra pas, car elle est donnée aux êtres libres de la dualité.
Le joyau est latent au coeur de l'esprit.
Il est révélé par la méditation.
La conscience indestructible est votre véritable essence.
37.
Une fois installé dans le royaume de la Béatitude,
l'esprit devient libre.
De ce fait, toute chose lui profite,
même lorsqu'il semble courir après les objets des sens, il n'est pas aliéné par eux.
38.
Tout d'abord, viennent les bourgeons de la joie et du bonheur,
puis les feuilles d'une Gloire innéfable.
Si rien ne disperse la parfaite intériorité,
l'indicible Béatitude surgira.
39.
Finalement, le chemin spirituel parcouru n'est rien :
que l'être soit empli de passion ou non,
la Réalité est Vacuité.
(...)

Extrait de : Chant Royal de Sahara dans : Sahara, l'essence lumineuse de l'esprit, trad. Erik Sablé.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...