jeudi 9 février 2012

Joseph l'Hésychaste


L'Ancien Joseph l'Hésychaste (1898-1959) est l'une des figures majeures de la spiritualité orthodoxe au XXe siècle. Il est considéré comme l'équivalent grec du célèbre Starets Silouane.

Menant, lors de sa vie terrestre, une existence discrète, il eut cependant un rayonnement immense dont les effets continuent à se faire sentir. Il fut lui-même au Mont-Athos au XXe siècle le principal restaurateur du mode de vie hésychaste, en particulier de la « prière de Jésus » (encore appelée « prière du cœur »). Ses disciples ont, après sa mort, répandu, par leur activité et leur rayonnement, son enseignement et sa pratique au Mont-Athos, puis dans toute la Grèce, à Chypre et jusqu'en Amérique du Nord
Source du texte : Ed. du Cerf
Autre biographie : Age d'Hommeorthodoxie

Quand je le connus, c'était un authentique théophore et un général spirituel de premier ordre, bien aguerri dans la lutte contre les passions et les démons. On ne pouvait pas s'approcher de lui, quelque passionné que l'on fut, sans être guéri. Il suffisait seulement de lui faire obéissance.
Pour les moines, il plaçait au-dessus de tout l'obéissance, à l'imitation du Christ. Quand aux laïcs, il préférait mettre en avant la Prière mentale, mais toujours sous la direction de guides éprouvés. Car il avait vu beaucoup d'illusions spirituelles et il les redoutait. Il disait : "SI tu vois quelqu'un qui ne sollicite pas de conseils ou qui ne met pas en pratique les conseils qu'on lui donne, attends-toi à ce que d'ici peu il tombe dans l'illusion spirituelle".
Extrait de la préface de l'Archimandrite Ephrem, dans Lettres spirituelles. (Ouvrage épuisé).


Bibliographie :
- Lettres spirituelles, trad. Yvan Koenig, Ed. L'Age d'Homme, 2005.
Biographie :
Joseph de Vaitopedi, L'Ancien Joseph L'Hesychaste, Ed. du Cerf, 2002




Lettre 25
Les sens s'arrêtent et l'orant est ravi en contemplation

Ce que tu as goûté, mon enfant, lors de ta prière c'est l'action de la grâce. Demande au Seigneur de te l'accorder de nouveau quand il voudra.
Je connais un frère bien connu qui se heurta un jour à de nombreuses tentations; et il passa toute la journée dans les larmes sans rien manger.
Au coucher du soleil, assis sur une pierre, il regardait au sommet de l'Athos la chapelle de la Transfiguration. Au milieu des larmes et de la souffrance, il implorait le Seigneur en disant : "Seigneur, comme Tu as été transfiguré pour Tes disciples, transfigure-Toi aussi dans mon âme ! Fais cesser les passions, pacifie mon coeur ! Donne la prière à l'orant, et contient mon esprit instable que rien ne peut retenir !".
Alors qu'il s'exprimait ainsi avec peine, un souffle vint de la chapelle et telle une brise légère, remplie de parfum qui, à ce qu'il m'a dit, remplit son âme de joie, d'illumination, d'amour divin; et en lui commença à sourdre avec suavité la Prière ininterrompue.
Lorsqu'il se releva, il entra là où il demeurait, car il faisait déjà nuit et, inclinant la tête sur la poitrine, il commença à savourer la douceur, qui s'écoulait de la Prière qui lui avait été accordée, au point qu'il fut immédiatement ravi en contemplation, complètement hors de lui-même. Il n'était plus contenu par les murs ni les rochers. Hors de toute volition. Sans corps, dans une amplitude illimitée, dans la sérénité et une éblouissante lumière. Son esprit était occupé par cette seule pensée : ne plus jamais revenir dans son corps, rester là pour toujours.
Ce fût là la première contemplation que vit ce frère, et il revint à lui, mais il mena dès lors le combat pour être sauvé.

Je me suis assis, et j'ai repris un peu mes esprits. Et, me souvenant des biens futurs, j'ai resserré la corde du labeur. Et portant ma lyre, j'ai extrait le miel des fleurs d'épineux que je cueille dans le désert. Aussi viens, et je t'abriterai de nouveau sous mon ombre. Et à mon tour, je recueillerai, pour toi, des épines une résine parfumée. Quand par hasard l'affliction t'envahit, souviens-toi de ce que je t'ai dit, et mes paroles te sembleront plus douces que le miel.
Ainsi les deux façons de prier sont bonnes. Bien que la deuxième, avec des paroles, soit dangereuse, elle est plus fructueuse. Pour ma part, j'emploie les deux chaque soir. Tout d'abord avec des paroles; puis lorsque je suis fatigué et que cela ne porte plus de fruit, j'enferme mon esprit dans mon coeur.
J'ai vu personnellement ce frère, alors qu'il était jeune - environ 28-30 ans - qui faisait descendre son esprit dans son coeur pendant six heures sans le laisser sortir, de neuf heures du soir, jusqu'à trois heures du matin; il avait un réveil qui sonnait les heures. Il était trempé de sueur. Ensuite, il se levait pour se livrer à ses autres obligations.
Bref, pour que l'homme gagne sa liberté, il faut que son corps pourrisse, et qu'il ne tienne pas compte de la mort.
La prière qui est faite avec des mots peut aussi être dite mentalement, sans son vocal; on l'appelle alors "demande", "supplication". Donc, celui qui commence la prière de demande doit commencer ainsi : "Dieu invisible, incompréhensible : Père, Fils et Saint Esprit, seule puissance et aide de toute âme; le seul bon et qui aime l'humanité; ma vie, joie et paix..." Et il continue un certain temps avec une prière improvisée de cette sorte.
Et, si la grâce agit, une porte s'ouvre aussitôt et il arrive au porche du ciel; et sa prière s'élève comme une colonne ou une flamme d'un feu; et à cet instant se produit le changement spirituel. Mais si au contraire la grâce ne coopère pas et que l'esprit se disperse, alors qu'il l'enferme dans le coeur en formant un cercle; il s'apaisera ainsi, comme dans un nid, et il ne sera plus distrait,  comme si le coeur constituait un lieu de confinement et de garde de l'esprit.
Lorsque le changement arrive, par l'intermédiaire de la demande, alors la grâce déborde, et l'on est rempli d'illumination et plein d'une joie infinie. Et comme celui qui est ainsi saisi n'est pas capable de contenir le feu de l'amour, les sens s'arrêtent et il est ravi dans la contemplation.
Jusqu'ici l'homme agit conformément à sa volonté. Au-delà, il ne se contrôle et ne se reconnait plus. Car il est désormais uni au feu, il est tout entier transfiguré, devenu dieu par la grâce.
Telle est la divine rencontre, au point que les murs s'écartent et qu'il respire un autre air, celui de la pensée, libre, et plein du parfum du Paradis. Ensuite, petit à petit, la nuée de la grâce se résorbe et l'homme d'argile se durcit comme de la cire, et il revient à lui comme s'il venait de sortir du bain : propre, léger, limpide, très aimable, doux, souple comme du coton et rempli de sagesse et de connaissance.
Mais celui qui veut obtenir de telles choses doit marcher vers la mort à chaque instant.
Extrait de : Lettres spirituelles. (Ouvrage épuisé).

 

Yvan Koenig : « La spiritualité du Mont-Athos aujourd'hui » (2009)

 
Opening sequence of Escape to Athena (1978) - Vue du Mont Athos en hélicoptère





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