jeudi 8 mars 2012

Buddhadasa ou Ajahn Buddhadasa Bhikkhu


Vénérable Ajahn Buddhadasa Bhikkhu (1906-1993), lit. esclave du Bouddha, fut un moine bouddhique thaïlandais. De la tradition du theravada, bhikkhu Buddhadasa fut le fondateur du monastère Suan Mokkh, le Jardin de la Libération, à Surat Thani.
Lorsqu'il a 20 ans, Budhadasa devient moine, dans un monastère de Bangkok. Il trouva ce monastère sale et corrompu. Il quitte la capitale et, profitant d'un vieux monastère abandonné, revient à une pratique simple ; il abandonne les rituels inutiles, l'attachement à ces cérémonies étant l'un des dix liens maintenant prisonnier du samsara, ou encore délaisse les enjeux de pouvoir. En 1932, il fonde Wat Suan Mokkh, le Jardin de Libération.
Il enseigna un temps la pratique de samatha bhavana, menant à une grande tranquillité, mais délaissa ensuite cet pratique pour en venir à l'essentiel vipassana, la vision supérieure, plus austère mais plus directe. Sa pratique se réfère aux 16 niveaux de anapanasati, conformément aux textes en pâli.
Buddhadasa étudia les autres courants bouddhiques ainsi que les autres religions, voyant dans toutes les écoles un principe similaire. Il étudia tout autant les conditions sociales et fonda le concept de socialisme dhammique, se référant à la préoccupation de Gautama Bouddha face à la misère, y compris économique.
Buddhadasa meurt d'une attaque cardiaque à l'âge de 87 ans.
Source du texte : wikipedia


Bibliographie (en français) :
- Un bouddhiste dit le christianisme aux bouddhistes, Ed. Desclee, 1995.
- Bouddhisme et socialisme, Ed. Les Deux Océans, 1986

Etude :
Louis Gabaude, Une herméneutique bouddhique contemporaine de Thaïlande : Buddhadasa Bhikkhu, 1988, Paris, EFEO (PEFEO, 150).
En ligne :
Sur "Damma de la forêt" :
Manuel pour l'humanité
De l'origine conditionnée de tous les phénomènes 
Ajahn Santikaro, Buddhadasa Bhikkhu et sa pratique du Socialisme Dhammique
Sur "Dans le sillage d'Advayavajra" :
Janus : Buddhadasa Bhikkhu / Dharma le coeur des religions


Comme nous l’avons vu, le bouddhisme a plusieurs facettes ou aspects différents. De même qu’une montagne se présente différemment selon qu’on la regarde d’un point de vue ou d’un autre, les avantages que l’on peut retirer du bouddhisme varient selon la façon dont on le considère.(...)
 Le vrai bouddhisme est une pratique qui détruit les « pollutions » qui obscurcissent l’esprit, partiellement ou totalement, au moyen du corps, de la parole et de la pensée. Pour cela, point n’est besoin de consulter livres ou manuels, de s’appuyer sur des rites ou sur tout autre élément extérieur, y compris esprits et êtres célestes. Mieux vaut se concentrer directement sur les mouvements du corps, de la parole et de la pensée; autrement dit, persévérer dans l’effort qui consiste à éliminer ce qui obscurcit l’esprit et permettre ainsi à la claire vision pénétrante de s’éveiller. Nous serons alors automatiquement capables d’agir de façon appropriée dans toutes les situations. Nous serons libérés de la souffrance dès cet instant et jusqu’à la fin de nos jours. Voilà le vrai bouddhisme tel que nous devons le comprendre. (...)

Il existe un mot, dans le bouddhisme, qui traduit exactement cela, c’est le mot « suññata » ou « vide », vide de soi, vide d’une essence à laquelle nous aurions le droit de nous cramponner de toutes nos forces comme étant « nôtre ». L’observation qui mène à la vision claire que tout est dénué d’essence est le noyau central, la clé de la pratique du bouddhisme. Lorsque nous avons compris réellement que tout, absolument tout, est dénué de « soi », nous pouvons dire que nous connaissons le Bouddha-Dhamma à fond. La simple expression « vide de soi » résume l’impermanence (anicca), l’insatisfaction (dukkha) et le non-soi (anattā). Quand une chose est en perpétuelle évolution, dénuée de tout élément permanent et stable, on peut aussi dire qu’elle est « vide ». Quand on voit qu’elle est capable de nous induire en erreur, on peut la décrire comme vide de toute entité à laquelle nous aurions le droit de nous cramponner. Et lorsque nous découvrons, après examen, que cette chose ne possède aucun élément stable qui serait son essence, que ce n’est qu’un élément de la nature qui change et qui fluctue selon les lois de la nature que nous n’avons aucune raison de dire « nôtres », il ne nous reste qu’à conclure que cette chose est dépourvue de soi. Dès qu’un individu en vient à percevoir le vide de toute chose, naît en lui la réalisation rien ne vaut la peine d’être obtenu ou vécu. Ce sentiment a le pouvoir de le protéger de la domination des pollutions qui obscurcissent l’esprit et des réactions émotionnelles. Lorsqu’un individu a atteint ce niveau, il lui devient impossible d’avoir un état d’esprit malsain, il ne se laisse plus entraîner à réagir brusquement à quoi que ce soit, rien ne peut plus l’attirer ou le séduire. Son esprit découvre une liberté et une indépendance permanentes, et il est libéré de toute souffrance. (...)

Le Nirvana est un état qui ne peut se comparer à rien, différent de toutes les conditions humaines. Il est, en fait, la négation même de la condition humaine. Si l’on prend toutes les caractéristiques de la condition humaine, de l’existence phénoménale, et qu’on les efface complètement, on obtient le Nirvana. Autrement dit, le Nirvana est ce qui est en tous points précisément à l’opposé de la condition humaine.
Le Nirvana ne crée ni n’est créé, étant lui-même la cessation de toute création. En termes de bienfaits, le Nirvana est la libération totale du feu de l’enfer, de l’oppression, de la torture, de l’esclavage, de l’assujettissement, car atteindre le Nirvana sous-entend une complète élimination des poisons mentaux qui sont la cause de tous les états de souffrance de l’esprit.
Le Nirvana se situe au-delà des limitations de l’espace et du temps. Il est unique, ne ressemble à rien de ce qui existe dans ce monde ; c’est l’extinction de la condition humaine. En métaphore, le Bouddha l’a appelé « le monde où cesse tout ce qui est provisoire » (sankhārā-samatho). C’est donc un état de liberté, de liberté par rapport aux entraves. C’est comme la fin des tourments et des batailles, des blessures et des irritations, d’où qu’elles proviennent. Telle est la nature du supra-mondain, l’ultime : c’est le but et la destination des bouddhistes, le fruit final de leur pratique.
Extrait de :  Manuel pour l'humanité  (en ligne)


Si quelqu’un sait que les agrégats sont momentanés, extrêmement brefs, comme un moment mental , on dit qu’il connaît le khaṇikavāda, c’est-à-dire la doctrine, l’enseignement expliquant que toutes les choses n’ont d’existence que momentanée. Si c’est tellement rapproché ou tellement bref qu’on ne peut l’étudier, on peut s’en dégager un peu et dire : la durée de chaque pensée où l’on s’affirme « moi », c’est un individu. On s’en tient au principe de la Production Conditionnée selon lequel chaque fois que l’on s’appréhende comme un « moi » d’une manière ou d’une autre un individu est né à une existence : tantôt une minute environ puis il s’éteint ; tantôt cinq minutes environ puis il s’éteint. Si [cette appréhension en tant que « moi »] est très forte, il demeure des heures avant de s’éteindre puis de renaître. C’est pourquoi l’individu est quelque chose de momentané dont la mesure – large, moyenne ou fine – dépend de nous. Lorsque les moments sont infimes, c’est simplement un moment mental.
Extrait de : Louis Gabaude,  Une herméneutique bouddhique contemporaine de Thaïlande : Buddhadasa Bhikkhu (p. 311),  1988, Paris, EFEO (PEFEO, 150).
Source du texte (notes et commentaires) : Janus Dans le sillage d'Advayavajra


"Le coeur du bouddhisme correspond au coeur des autres religions"

"Le but final de toutes les religions, on peut l'appeler 'libération', 'liberté spirituelle' [...] Ce qu'on appelle par exemple 'vimutti', 'vimokkha' ou 'nibbāna', tout cela se trouve dans les autres religions et, qui mieux est, avant même le bouddhisme. Si les détails varient, le but est identique en ce qu'il concerne la libération des passions (kilesa) et des souffrances qui en résultent."

"Là où il y a extinction de la Souffrance, là est la religion : chez soi, dans la forêt, dans les grottes, dans les montagnes. Point besoin de pagodes. Ce n'est pas nécessairement réservé aux bonzes et aux novices. S'ils mettent le Dhamma en pratique, les villageois possèdent la religion chez eux parce que la religion proprement dite ne réside que dans l'extinction de la Souffrance. Pour soutenir la religion, il faut donc soutenir l'apparition de l'extinction réelle de la Souffrance."

"[Le Dhamma] ne peut être ni thaï, ni chinois, ni indien, ni occidental, ni bouddhiste, ni chrétien, ni musulman."

"Dhamma désigne la religion authentique et non son écorce. 'Dhamma' ou 'religion' désignent en effet ce qui éteint la Souffrance, ce qui est effectivement en train de l'éteindre. Il ne s'agit pas de rites et des cérémonies, ni de la lettre, ni des Écritures, ni de quoi que ce soit d'analogue. C'est obligatoirement l'extinction de la Souffrance proprement dite du Pratiquant lui-même. Là où actes, paroles, pensées sont ordonnées à l'extinction de la Souffrance, là est la religion."

"Si les gens agissaient conformément à ces objectifs, ils tireraient profit de leur religion puisque toutes permettent de transformer immédiatement notre monde en celui de Ariya Metteya (Arya Maitreya), ici et maintenant. Et s'ils n'apparaît pas encore pour tout le monde, du moins se réaliserait-il individuellement."

L'équivalence des religions que mettait en avant Buddhadasa n'était pas une posture. Il prend soin "de n'ordonner jamais de moine occidental, prétextant les arguties du régime d'immigration qu'il ignore".

"Quand des bonzes occidentaux sont en Thaïlande depuis peu, ils manifestent une sorte de fierté : 'Regardez ! je suis un occidental et me suis fait bouddhiste. J'ai pris l'habit jaune!' Je leur dis : 'C'est insensé ! si vous aviez vraiment été chrétien, vous n'auriez pas eu besoin de vous faire bonze parce que le vrai chrétien supprime son égoïsme et que vous n'auriez pas eu besoin de vous convertir au bouddhisme, de perdre du temps à changer de religion.' C'est qu'ils se fâchent et me prennent à partie !"
Extrait de : Louis Gabaude,  Une herméneutique bouddhique contemporaine de Thaïlande : Buddhadasa Bhikkhu,  1988, Paris, EFEO (PEFEO, 150).
Source du texte : Janus Dans le sillage d'Advayavajra
 

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