mardi 1 décembre 2015

Capitalisme et réchauffement climatique

MAJ de la page : Les incompatibles (?) du réchauffement climatique (Mondialisation, Développement durable)



Disours d'Evo Morales à la COP21 (Paris, le 30 novembre 2015)


Evo Morales : Combattre le capitalisme pour lutter contre le réchauffement climatique -
Le 1 décembre 2015 -  iTélé

Au premier jour de la COP 21, Evo Morales a dénoncé dans son discours le capitalisme, principal responsable du réchauffement climatique. En pointant du doigt les puissances capitalistes, le président bolivien s'inscrit dans la lignée de plusieurs dirigeants latino-américains.

Comme à chacune de ses représentations internationales, Evo Morales s'est présenté à la tribune dans un costume brodé de motifs incas, présentant fièrement les racines culturelles de la Bolivie. Une position tenue dans son allocution publique, où il a mêlé culture régionale et enjeu global en se référant à plusieurs reprises à la Pachamama, Terre Mère nourricière et plus importante divinité des peuples andins.
Il faut "sauver la terre mère pour sauver la vie", a annoncé le président bolivien, au pouvoir depuis 2006. "Je lance un appel urgent et nécessaire à tous les gouvernements et en particulier aux puissances capitalistes, pour que cesse la destruction irréversible de notre planète", a-t-il poursuivi.

L'essence mortifère du capitalisme

Dans son discours de six minutes, le premier président indigène de la Bolivie a émis une virulente critique à l'encontre du système capitaliste, principal responsable du réchauffement climatique, dont l'essence "est de produire à l'échelle infinie des biens de consommations jetables qui détruisent la nature, conduisant à des guerres de conquête et détruisant la vie en communauté".
Rappelant la mort de millions de personnes du fait du réchauffement climatique,  Evo Morales a fustigé "l'individualisme, l'égoïsme et le consumérisme [qui] détruisent la vie". "Le capitalisme a créé au cours des deux derniers siècles la forme la plus sauvage et destructrice de notre espèce, pour le bénéfice de quelques uns", a-t-il poursuivi.
La Bolivie, dont l'exploitation du lithium pourrait placer le pays au cœur d'un nouveau système énergétique mondial, entend replacer la question environnementale dans la sphère politique, dont elle est trop souvent dissociée.

Une voix latino-américaine

L'allocution d'Evo Morales a trouvé un écho dans le discours de son homologue équatorien Rafael Correa, qui a lui dénoncé "la logique perverse de privatiser les bénéfices et de mettre en commun les pertes" liées à l'exploitation des ressources naturelles. Le président de l'Equateur a notamment proposé la création d'une Cour International de Justice Environnementale, afin de "sanctionner les atteintes contre les droits de la nature".
Dans la droite ligne des discours anti-capitalistes prononcés par les dirigeants latino-américains ces dernières années, ces allocutions ne sont pas sans rappeler celle d'Hugo Chavez, président défunt du Venezuela, lors de la COP 15 qui s'était tenue à Copenhague [voir ci-dessous]. Le leader bolivarien évoquait déjà "un modèle de destruction massif en train d'en finir avec la vie, [qui] menace d'en finir définitivement avec l'espèce humaine".
"Si nous continuons dans la voie du capitalisme, nous sommes condamnés à disparaître", a conclu Evo Morales.




Hugo Chavez, Cop15 (Copenhague, 2009 - depuis la situation s'est largement dégradée)
"Ne changez pas le climat, changez le système" 
"Si le climat était une banque ils l'auraient déjà sauvé" 

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Evo Morales : "C’est notre obligation que de préserver les droits de notre mère la Terre" (France 24, le 11 novembre 2015)

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La Bolivie d’Evo Morales déchirée entre course aux hydrocarbures et révolte indigène
Le 9 novembre 2015, France 24
   


L'une des premières mesures qu'a adoptée le président bolivien Evo Morales a été la nationalisation des hydrocarbures. Depuis, l'exploitation des réserves du pays est devenue une priorité absolue et les explorations se multiplient. Mais si cette politique a dopé l'économie bolivienne, elle provoque la colère et l'inquiétude des populations indigènes. D'autant que leurs terres sont mises à contribution. Elles dénoncent une catastrophe écologique et un crime contre les populations amérindiennes.

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L’extractivisme des ressources naturelles, une menace pour le climat
Par Nicolas Sersiron, le 1 décembre 2015 - Goodplanet  / CADTM (trad.)


La course effrénée aux ressources naturelles conduit à une surexploitation de la planète. Elle la menace aussi puisque, pour limiter le réchauffement climatique à 2 degrés Celsius à la fin du siècle, il faut s’empêcher d’exploiter 80 % des ressources en énergie fossile de la planète. Dans l’ouvrage collectif Creuser jusqu’où ? Extractivisme et limites à la croissance, Nicolas Sersiron revient sur les risques que l’extractvisme, c’est-à-dire la trop grande exploitation des ressources naturelles, fait peser.

Comme un trou noir, l’extractivisme contemporain avale dans une extrême violence toutes les ressources de la planète pour les fondre dans l’immense chaudron du capitalisme, et ce, depuis que l’Europe est partie à la conquête du monde. Il est le fonde­ment de la richesse des actionnaires, de la puissance dévastatrice des multinationales qu’ils contrôlent et, bien sûr, du pouvoir de leurs pays d’origine, les pays néo-colonisateurs, dits « dévelop­pés ». L’appauvrissement des extractés-pillés et les dégâts envi­ronnementaux considérables en représentent la conséquence la plus manifeste, ce que les médias mainstream ignorent toujours.

L’extractivisme s’applique d’abord à celui des ressources finies, pour lesquelles la limite sera très bientôt atteinte, comme c’est le cas pour certains minéraux dont le cuivre, ou pour les énergies fossiles. Selon le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), la Banque mondiale et l’Agence internationale de l’énergie (AIE), il faudrait laisser la majeure partie des réserves fossiles connues dans le sol pour ne pas réchauffer le climat au-delà des 2 °C. Mais l’extractivisme s’ap­plique aussi aux ressources renouvelables, quand leur exploita­tion dépasse la capacité de régénération des écosystèmes. Les conséquences d’une telle exploitation ne sont au demeurant pas à sous-estimer : qu’on pense aux immenses bancs de morues surpêchés au large de Terre-Neuve, à l’acidification des océans, à la réduction de la fertilité des sols liée à la disparition de la matière organique, à la déforestation massive pour faire place à l’agriculture industrialisée (privant la planète d’un grand régula­teur du climat et des pluies), aux nappes phréatiques vidées par des revendeurs d’eau en bouteilles, aux fleuves asséchés par l’agriculture productiviste, etc.

L’esclavage, le travail forcé et/ou sous-payé peuvent égale­ment être considérés comme des formes d’extractivisme. Ainsi en est-il par exemple des plus de 1 100 ouvrières du textile mortes dans l’écroulement du Rana Plaza au Bangladesh en 2013. Bien qu’un avis d’interdiction de pénétrer dans le bâtiment avait été émis par des inspecteurs et qu’elles ne voulaient pas monter dans l’immeuble déjà dangereusement fissuré, elles y ont été contraintes sous les menaces de licenciement de leur patron. Impossible pour elles de perdre les deux dollars par journée de 10 h de travail (20 cents de l’heure) leur permettant de faire survivre leur famille.

Faim, pauvreté et guerre sont les moyens et les conséquences de l’appropriation par les nantis des ressources naturelles, humaines et financières de la planète. Et quand la dette illégitime ne suffit plus à asservir un peuple ou un pays, alors les moyens policiers, voire militaires, sont déployés pour maintenir la conti­nuité des pillages extractivistes. La guerre d’Irak en 2003, les interventions en Libye, au Mali et en Centrafrique plus récem­ment, ou les massacres et viols par millions en République démocratique du Congo ces dernières décennies sont autant d’exemples de guerres extractivistes.

Que ce soit pour conquérir de nouvelles ressources, comme le pétrole irakien, ou pour conserver la mainmise sur d’anciennes, comme l’or du Mali, la cassitérite du Nord-Kivu pour les tech­nologies high-tech ou l’uranium du Niger à Arlit pour l’industrie nucléaire, les militaires occidentaux sont prêts à intervenir. Si les islamistes armés du Sahel n’avaient pas été repoussés du Mali par l’armée française, l’approvisionnement, à des prix très bas, de 40 % des centrales nucléaires dans le pays le plus nucléarisé au monde par habitant, la France, aurait été fortement compromis. Un approvisionnement qui n’est cependant pas sans conséquence pour les populations touchées. Ainsi, selon le nigérien Azaoua Mamane :

La population [nigérienne] a hérité de 50 millions de tonnes de résidus radioactifs stockés à Arlit et Areva va continuer de pomper gratuitement 20 millions de mètres cubes d’eau par an pendant que la population meurt de soif. Les rues et les habitations d’Arlit sont construites à l’aide de résidus radioactifs et la nappe phréatique usée et contaminée s’assèche par la faute d’Areva.

Sans faire la liste exhaustive de tous les extractivismes, il ne faudrait pas oublier de mentionner ceux des sites éoliens par la finance spéculative, du sable qui fait disparaître plages, îles et solsalluvionnaires, et surtout les terribles accaparements des terres fertiles et de l’eau d’irrigation par les spéculateurs. Nous reviendrons en détail plus loin sur ces pillages et dépossessions de terres à grande échelle, au nom d’une supposée supériorité de l’agriculture industrielle sur l’agriculture vivrière, renouant ainsi avec les premières enclosures du XVIe siècle en Angleterre et les terribles dépossessions de la période coloniale. Pour reprendre le titre provocateur d’un livre de Stephen Smith, « l’Afrique sans les Africains, le rêve du continent noir » se réalise actuellement dans le silence assourdissant des campagnes. Il est une des plus graves conséquences humaines de l’appauvrissement continu des popu­lations par le remboursement de la dette publique illégitime.

Extractivisme et climat

Le rythme d’exploitation-consommation actuel des énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon) fait qu’elles émettent beaucoup plus de GES (gaz à effet de serre) que ne peuvent en absorber forêts, terres agricoles et océans, à tel point que la concentration de CO2 dans l’atmos­phère a dépassé la barre symbolique des 400 particules par mil­lion (ppm). La densité en dioxyde de carbone de l’atmosphère était pourtant, depuis 800 000 ans, en dessous de 300 ppm. Selon le groupe de recherche Carbon Tracker Initiative, les réserves connues renferment 2 795 gigatonnes de CO2. Or, pour ne pas dépasser la barre fatidique des + 2 °C, « il ne faudrait pas émettre plus de 565 gigatonnes de CO2 entre 2011 et 2049 », donc laisser entre 75 et 80 % des énergies fossiles dans le sol. Or non seulement les grandes compagnies ne veulent pas ralentir la cadence des pompages, mais les extractions de pétroles non conventionnels entraînent des émissions de CO2 en forte hausse. Alors qu’il y a un siècle au Texas, en plus d’une pioche, il suffisait d’investir 1 baril de pétrole pour en obtenir 100 – l’EROEI (EROEI, de l’anglais energy return on energy invested, est le retour d’énergie sur l’énergie investie) était alors de 100 –, aujourd’hui avec un baril investi on obtient seu­lement 2 à 2,5 barils de pétrole au Canada avec les sables bitu­mineux de l’Alberta. Sans oublier les quantités astronomiques d’eau transformée en vapeur pour diluer l’huile mélangée au sable et les terribles pollutions engendrées (eaux et GES). Selon Philippe Bihouix, on peut faire le même constat avec les métaux. La densité de métal dans les minerais étant de plus en plus faible, il faut de plus en plus d’énergie et de métal pour l’extraction des minerais. Les difficultés pour extraire les énergies fossiles étant de plus en plus grandes – sables bitumineux, huile et gaz de schiste, puits en eaux profondes –, il faut de plus en plus de métaux et d’énergie là aussi.

Conclusion, l’EROEI, partout en chute libre, entraîne une croissance rapide de la quantité d’énergie et de métaux néces­saires pour assurer la poursuite du processus extractif, et donc aussi celle de GES. Ce qui, en supplément, accélère la fin de nombreuses ressources naturelles. Et malgré les accords de Kyoto visant à stabiliser les émissions de GES, c’est l’inverse qui s’est produit : elles ont été en forte croissance, 3 % par an, ces der­nières décennies. Ce qui doit nous amener à remettre complète­ment en question le mode de vie conso-gaspilleur « à l’occidentale » si nous voulons que nos enfants puissent encore profiter d’un reste de métaux et d’énergies fossiles, sans avoir en plus à sur­vivre dans un four. D’autant plus que les énergies renouvelables, même généralisées, ne permettront jamais de maintenir le gaspil­lage énergétique actuel : l’EROEI des panneaux solaires ne dépasse guère 2,5 et celui des agrocarburants est proche de 1. Quand ils sont produits sur des terres déforestées par brûlis – soja amazonien, huile de palme indonésienne, etc. –, l’EROEI comme le bilan des émissions de GES sont négatifs. Seul un passage rapide du gaspillage actuel à un mode de vie économe en énergie permettra de contenir les catastrophes climatiques. Ce qui implique d’adopter rapidement de nouvelles valeurs qui assureront un avenir à tous : décroissance de l’hypermobilité et de la consommation de viande, relocalisation des fabrications industrielles et artisanales, recyclage des métaux, systèmes low-tech, réparation et réutilisation des objets, habitat à très faible consommation d’énergie, voire nulle ou positive, relocalisation des productions agricoles vivrières et instauration d’une agroé­cologie véritable capable de refroidir la planète par captation du CO2 remis dans le sol sous forme de biomasse, etc.

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