mardi 26 avril 2016

28 pages en 60 minutes

MAJ de la page : 28 pages



2) "28 pages" (CBS, 60 Minutes, le 10 avril 2016)



11 septembre 2001 : Pourquoi Washington ne laissera jamais ses citoyens attaquer Ryad en justice (RT France, 20 avril 2016)


11 Septembre: Le chantage à 750 milliards de l’Arabie saoudite
Par Maek Mazzetti, 15 avril 2016 -  New York Times / Arrêt sur info (trad.)

WASHINGTON – L’Arabie saoudite a déclaré à l’administration Obama et aux membres du Congrès qu’elle vendrait des centaines de milliards de dollars d’actifs américains qu’elle détient si le Congrès adoptait un projet de loi qui pourrait la rendre responsable devant les tribunaux américains d’un rôle quelconque dans les attaques du 11-Septembre 2001.

L’administration Obama a fait pression sur le Congrès pour empêcher l’adoption du projet de loi, selon les responsables de l’administration et des assistants parlementaires des deux partis. Lesmenaces saoudiennes ont fait l’objet d’intenses discussions au cours des dernières semaines entre les législateurs, les fonctionnaires du département d’État et le Pentagone. Les fonctionnaires ont alerté les sénateurs sur les retombées diplomatiques et économiques de la loi.

Adel al-Jubeir, le ministre saoudien des Affaires étrangères lui-même, a délivré le message du royaume le mois dernier, lors d’un voyage à Washington. Il a dit aux membres du Congrès que l’Arabie saoudite serait contrainte de vendre jusqu’à 750 milliards de dollars en titres du Trésor et autres actifs aux États-Unis avant qu’ils courent le risque d’être gelés par les tribunaux américains.
Plusieurs économistes indépendants restent sceptiques quant à la poursuite de cette stratégie par les Saoudiens, en disant qu’une telle liquidation serait difficile à exécuter et finirait par paralyser l’économie du royaume. Mais la menace est un signe supplémentaire de l’escalade de la tension entre l’Arabie saoudite et les États-Unis.

L’administration, qui fait valoir que la législation mettrait les Américains en situation de risque juridique à l’étranger, a fait un lobbying tellement intense contre le projet de loi, qu’elle a rendufurieux certains députés et les familles des victimes du 11-Septembre. À leur avis, l’administration Obama a toujours pris parti pour le royaume et a contrecarré leurs efforts pour apprendre ce qu’ils croient être la vérité sur le rôle joué par des responsables saoudiens dans le complot terroriste.

« Il est stupéfiant de penser que notre gouvernement soutiendrait les Saoudiens contre ses propres citoyens » a déclaré Mindy Kleinberg, dont le mari est mort dans le World Trade Center le 11-Septembre, et qui fait partie d’un groupe de familles de victimes faisant pression pour l’adoption de la loi.

Le président Obama arrivera à Riyad mercredi pour des réunions avec le roi Salman et d’autres responsables saoudiens. Il est difficile de savoir si le différend à propos du projet de loi sur le 11-Septembre sera à l’ordre du jour des discussions.
Un porte-parole de l’ambassade saoudienne n’a pas répondu à un message lui demandant des commentaires.

Les responsables saoudiens ont longtemps nié que le royaume ait joué un rôle dans le complot du 11-Septembre et la Commission sur le 11-Septembre n’a trouvé « aucune preuve que le gouvernement saoudien en tant qu’institution, ou de hauts fonctionnaires saoudiens de manière individuelle, aient financé l’organisation. » Mais les critiques ont noté que la formulation restrictive de la commission a laissé ouverte la possibilité que d’autres fonctionnaires ou des membres du gouvernement saoudien auraient pu jouer un rôle. Des soupçons ont persisté, en partie à cause des conclusions d’une enquête du Congrès en 2002 sur les attentats qui a produit des preuves que des responsables saoudiens vivant aux États-Unis, à l’époque, avaient pris part au complot.

Ces conclusions, contenues dans 28 pages du rapport, n’ont toujours pas été rendues publiques.
Le litige arrive au moment où une critique bipartisane s’élève au Congrès à propos de l’alliance de Washington avec l’Arabie saoudite, depuis des décennies un allié indispensable de l’Amérique au Moyen-Orient et le coéquipier d’un partenariat guère examiné par le passé par les membres du Congrès. La semaine dernière, deux sénateurs ont présenté une résolution qui imposerait des restrictions sur les ventes d’armes américaines à l’Arabie saoudite, en augmentation pendant l’administration Obama.

Les familles des victimes du 11-Septembre ont utilisé les tribunaux afin d’essayer de tenir pour responsables les membres de la famille royale saoudienne, les banques saoudiennes et des organismes de bienfaisance que les plaignants ont accusé être un soutien financier saoudien au terrorisme. Ces efforts ont été largement entravés, en partie à cause d’une loi de 1976 qui donne aux nations étrangères une certaine immunité contre les poursuites devant les tribunaux américains.

Le projet de loi du Sénat vise à préciser que l’immunité accordée aux nations étrangères en vertu de la loi ne devrait pas s’appliquer quand ces nations se trouvent coupables d’attentats terroristes tuant des Américains sur le sol américain. Si le projet de loi était adopté par les deux chambres du Congrès et signé par le président, il pourrait ouvrir la voie à l’examen, au cours des procès sur le 11-Septembre, du rôle du gouvernement saoudien.

Des responsables de l’administration Obama rétorquent que l’affaiblissement des dispositions sur l’immunité souveraine mettrait le gouvernement américain, ainsi que ses citoyens et entreprises, en risque juridique à l’étranger parce que d’autres nations pourraient riposter avec leur propre législation. Le secrétaire d’État John Kerry a dit à des membres du Sénat en février que le projet de loi, dans sa forme actuelle, reviendrait à « exposer les États-Unis à des poursuites, à supprimer notre immunité souveraine et à créer un terrible précédent. »

Les partisans du projet de loi ont précisé que la loi est volontairement rédigée de façon très restrictive – en ne concernant que des attaques sur le sol américain – afin de réduire les possibilités de rétorsion de la part d’autres pays.
Pendant une séance d’information à huis clos au Capitole, le 4 mars, Anne W. Patterson, sous-secrétaire d’État en charge du Proche-Orient, et Andrew Exum, haut fonctionnaire spécialiste de la politique au Moyen-Orient au Pentagone, ont dit aux membres de la Commission des forces armées du Sénat que les troupes américaines et les civils pourraient être en danger au niveau juridique, si les autres pays décident de se venger et de dépouiller les Américains de leur immunité à l’étranger. Ils ont aussi particulièrement discuté des menaces économiques saoudiennes, s’étendant sur leurs répercussions si elles étaient réalisées.

John Kirby, un porte-parole du département d’État, a déclaré dans un communiqué que l’administration est aux côtés des victimes du terrorisme, « en particulier de ceux qui ont souffert et ont tant perdu le 11-Septembre. »

Edwin M. Truman, chercheur à l’Institut Peterson de Recherche Economique Internationale, a dit qu’il pensait que les Saoudiens ont très probablement fait une « menace en l’air ». La vente de centaines de milliards de dollars d’actifs américains serait non seulement techniquement difficile à réaliser, dit-il, mais aussi très probablement la cause de turbulences sur les marchés internationaux, qu’on reprocherait aux Saoudiens.
De plus, a-t-il déclaré, cela pourrait déstabiliser le dollar américain – la monnaie sur laquelle le riyal saoudien est indexé.
« La seule façon dont ils pourraient nous punir les punirait eux-mêmes, » a déclaré M. Truman.
Le projet de loi est une anomalie dans un Congrès déchiré par des luttes acharnées entre tendances, en particulier au cours d’une année électorale. Il est parrainé par le sénateur John Cornyn, républicain du Texas, et par le sénateur Chuck Schumer, démocrate de New York. Il a le soutien d’une coalition improbable de sénateurs libéraux et conservateurs, dont Al Franken, démocrate du Minnesota, et Ted Cruz, républicain du Texas. Il a été adopté par la commission judiciaire en janvier sans contestation.
« Puisque notre nation affronte des réseaux terroristes nouveaux et en expansion, qui visent nos citoyens, arrêter la source de financement des terroristes devient d’autant plus important » a déclaré M. Cornyn le mois dernier.

L’alliance avec l’Arabie saoudite s’est fragilisée au cours des dernières années où la Maison-Blanche a essayé de renouer avec l’Iran – ennemi exécré par l’Arabie saoudite – dans le contexte des récriminations entre responsables américains et saoudiens sur le rôle que les deux pays devraient jouer pour la stabilité du Moyen-Orient.
Mais l’administration a soutenu l’Arabie saoudite sur d’autres fronts, notamment en fournissant au pays des renseignements sur les cibles et le soutien logistique pour la guerre au Yémen. L’armée saoudienne utilise des jets et largue des bombes qu’elle a achetés aux États-Unis – une partie des milliards de dollars de transactions d’armes qui ont été négociées avec l’Arabie saoudite et d’autres pays du golfe Persique au cours de l’administration Obama.

La guerre a été un désastre humanitaire et a nourri une résurgence d’al-Qaïda au Yémen, conduisant à la résolution du Congrès d’appliquer de nouvelles restrictions aux ventes d’armes au royaume. Le sénateur Christopher S. Murphy, démocrate du Connecticut, l’un des auteurs de la résolution et membre du Comité des Affaires étrangères du Sénat, a déclaré le Congrès «irresponsable » dans ses fonctions de surveillance des ventes d’armes, en particulier celles destinées à l’Arabie saoudite.
« Mon principal désir est que notre relation avec l’Arabie saoudite en vienne à un plus grand degré de conditionnalité qu’à l’heure actuelle, » a-t-il déclaré.

Jennifer Steinhauer a contribué au reportage.
Source : The New York Times, le 16/04/2016

Je vous laisse donc comparer la couverture de cet article du New York Timesavec son “équivalent” français (enfin, si on peut dire…), Le Monde :

Le projet de loi sur le 11-Septembre qui empoisonne Barack Obama avant sa visite en Arabie saoudite
le 19 avril 2015 - Le Monde, AFP

Interrogé par la chaîne CBS, lundi 18 avril, Barack Obama s’est dit opposé à un projet de loi qui permettrait de traduire les dirigeants saoudiens devant des tribunaux américains pour les attentats du 11 septembre 2001. Des déclarations qui interviennent à l’avant-veille de sa visite dans le royaume wahhabite.

Le texte, soutenu par des démocrates et des républicains, n’a pas encore été soumis à un vote au Congrès, mais il suscite déjà de vives tensions. M. Obama a d’ores et déjà annoncé qu’il y mettrait son veto. Ce sujet épineux risque de compliquer encore un peu plus la venue du président à Riyad.
Selon le New York Times, le ministre des affaires étrangères saoudien, Adel Al-Joubeir, a averti des élus, lors d’une visite à Washington le mois dernier, de possibles conséquences coûteuses si ce projet de loi était adopté. Le quotidien affirme qu’il a notamment menacé de vendre quelque 750 milliards de dollars en bons du Trésor américain et autres biens détenus aux Etats-Unis.
Principe de « l’immunité des États »

Le texte permettrait aux familles des victimes du 11-Septembre de poursuivre, notamment, Riyad pour obtenir des dédommagements. Aucune implication de l’Arabie saoudite n’a jamais été démontrée, mais 15 des 19 pirates de l’air étaient des ressortissants du pays.

« Notre inquiétude par rapport à cette loi n’est pas liée à son impact sur nos relations avec un pays en particulier, elle est liée à un principe important du droit international : l’immunité des Etats », a souligné un peu plus tôt dans la journée Josh Earnest, porte-parole de l’exécutif américain.
Remettre en cause celui-ci pourrait, en cas d’adoption de textes similaires par d’autres Etats, « représente un risque significatif pour les Etats-Unis, nos contribuables, nos militaires et nos diplomates ». Ce principe de l’immunité « permet aux pays de résoudre leurs différends grâce à la diplomatie et non pas à travers les tribunaux ».

Rôle possible de gouvernements étrangers

Barack Obama rencontrera mercredi le roi, Salman Al-Saoud, à Riyad avant de participer le lendemain à un sommet avec les pays du Conseil de coopération du Golfe − dont sont aussi membres Bahreïn, les Emirats arabes unis, le Koweït, le Qatar et Oman.
Zacarias Moussaoui, le Français condamné en lien avec les attentats du 11-Septembre et surnommé le « 20e pirate de l’air », avait assuré à des avocats américains en février que des membres de la famille royale saoudienne avaient versé des millions de dollars à Al-Qaida dans les années 1990.
Une affirmation immédiatement rejetée par l’ambassade d’Arabie saoudite, mais qui avait rouvert le débat à Washington sur la nécessité de publier une partie encore classée du rapport de la commission d’enquête américaine sur le 11-Septembre. Vingt-huit pages qui évoqueraient, selon certains, le rôle possible de gouvernements étrangers.

Source : Le Monde, AFP, 19-04-2016

Et puis c’est un seul article, hein… À comparer au New York Times :

le-monde-nyt 


* * *

En 2004 Michael Moore avait interrogé les liens entre Bush et les saoudiens.



Michael Moore, Farenheit 911 (2004)

Fahrenheit 9/11 est un film américain documentaire réalisé par Michael Moore, lauréat de la Palme d'or du Festival de Cannes 2004. Il s'agit du deuxième documentaire ayant obtenu cette récompense, après Le Monde du silence en 1956.
Source (et suite) du texte : wikipedia

* * *

Le texte suivant est une retranscription de « 28 pages » [vidéo en haut de page] diffusée le 10 avril 2016. Steve Kroft est le journaliste. - CBS / Les Crises (trad.)

L’ancien sénateur Bob Graham et d’autres exhortent l’administration Obama à déclassifier les pages expurgées d’un rapport contenant des secrets sur le 11-Septembre.

Dans 10 jours, le président Obama se rendra en Arabie saoudite à un moment de profonde défiance entre les deux alliés et de doutes persistants sur l’engagement saoudien dans la lutte contre l’extrémisme islamique violent.

Cela survient également à un moment où la Maison-Blanche et les responsables du renseignement examinent la possibilité de déclassifier un des documents les plus sensibles du pays – connu sous le nom de « 28 pages ». Elles concernent le 11-Septembre et l’existence éventuelle d’un réseau saoudien de soutien aux pirates de l’air lorsqu’ils étaient aux États-Unis.

Pendant 13 ans, les 28 pages ont été enfermées dans un coffre secret. Seul un petit groupe de personnes les ont vues. Ce soir, vous entendrez quelques-unes des personnes qui les ont lues et pensent, tout comme les familles des victimes du 11-Septembre, qu’elles devraient être déclassifiées.

Bob Graham : Je pense qu’il n’est pas plausible que 19 personnes, dont la plupart ne parlaient pas anglais, dont la plupart n’avaient jamais été aux États-Unis auparavant, dont beaucoup n’avaient pas fait d’études secondaires – aient pu effectuer une tâche si compliquée sans un certain soutien à l’intérieur des États-Unis.

Steve Kroft : Et vous croyez que les 28 pages sont cruciales pour cela ? Vous comprenez…

Bob Graham : Je pense qu’elles sont un élément clé.

L’ancien sénateur américain Bob Graham a essayé d’obtenir la publication des 28 pages depuis le jour où elles ont été classifiées en 2003, lorsqu’il a joué un rôle majeur dans la première enquête du gouvernement sur le 11-Septembre.

Bob Graham : Je reste profondément troublé par la quantité de contenu qui a été censuré dans ce rapport.

À l’époque, Graham était président du Comité sénatorial sur le renseignement et coprésident de l’enquête bipartite conjointe du Congrès sur les défaillances du renseignement entourant les attaques. La Commission d’enquête mixte a examiné un demi-million de documents, a interrogé des centaines de témoins et a produit un rapport de 838 pages, moins le dernier chapitre qui a été masqué – retiré par l’administration Bush pour des raisons de sécurité nationale.

Bob Graham ne discutera pas des informations classifiées dans les 28 pages, il dira seulement qu’elles décrivent un réseau de personnes dont il pense qu’elles ont aidé les pirates de l’air lorsqu’ils étaient aux États-Unis.

Steve Kroft : Vous êtes convaincu que le soutien est venu de l’Arabie saoudite ?

Bob Graham : En grande partie.

Steve Kroft : Et quand nous disons « les Saoudiens », vous voulez dire le gouvernement, le —

Bob Graham : Je veux dire —

Steve Kroft : – des personnes riches du pays ? Des fondations —

Bob Graham : Tout cela à la fois.

Graham et d’autres pensent que le rôle des Saoudiens a été minimisé afin de protéger une relation délicate avec un royaume compliqué où dirigeants, royauté, richesse et religion s’entremêlent tous profondément dans ses institutions.

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Bob Graham | CBS NEWS

Porter Goss, républicain qui, au titre de la Chambre des représentants, coprésidait l’enquête mixte avec le sénateur Graham, et devint plus tard directeur de la CIA, estime vraiment qu’une version non censurée des 28 pages devrait être incluse dans le rapport final. Les deux hommes l’ont fait valoir au FBI et à son directeur de l’époque, Robert Mueller, lors d’une réunion en tête à tête.

Porter Goss : Et ils résistaient fermement à propos des 28 pages et disaient « Non, ça ne peut pas être déclassifié en ce moment. »

Steve Kroft : Auriez-vous demandé au directeur du FBI pourquoi c’était classifié ?

Porter Goss : Oui, nous avons demandé ça, en substance, et la réponse était : « Nous l’avons dit, ça doit être classifié. »

Goss dit qu’il ne savait pas pourquoi le dossier était alors classifié, et il ne sait pas pourquoi il l’est toujours. Les pages sont enfermées sous le Capitole dans des abris protégés appelés Centre d’informations compartimenté sécurisé, ou SCIF en jargon gouvernemental. Et c’est là le plus loin où ont pu aller nos caméras. Une zone ultra réservée où les membres du Congrès ayant les autorisations nécessaires peuvent lire les documents sous haute surveillance. Aucune prise de note n’est autorisée.

Tim Roemer : Tout va mener à ça, Steve.

Tim Roemer, un ancien élu démocrate du Congrès et ambassadeur des États-Unis en Inde, a lu les 28 pages plusieurs fois. Une première fois en tant que membre de l’enquête mixte et plus tard comme membre de la commission de sages du 11-Septembre qui reprenait les investigations quand celles du Congrès ont pris fin.

Steve Kroft : Est-il vraiment difficile de pouvoir lire les 28 pages ?

Tim Roemer : Très difficile. Il est difficile de mettre les yeux dessus.

Roemer et d’autres qui ont en effet pu lire les 28 pages les décrivent comme un document de travail similaire à un rapport de jury d’accusation ou de police comprenant des attestations perturbantes – certaines vérifiées, d’autres non. Elles exposent la possibilité d’une assistance officielle saoudienne pour deux des pirates de l’air établis en Californie du Sud. Cette information contenue dans les 28 pages a été remise à la commission du 11-Septembre pour de plus amples recherches. Il a été répondu à certaines questions dans le rapport final de la commission, mais pas à toutes.

Steve Kroft : Est-ce qu’il y a des informations dans les 28 pages qui, si elles étaient déclassifiées, surprendraient les gens ?

Tim Roemer : Évidemment, elles vont vous surprendre. Et vous allez être surpris par certaines réponses qui attendent là aujourd’hui dans le rapport de la Commission du 11-Septembre, sur ce qui s’est passé à San Diego et ce qui s’est passé à Los Angeles. Et quelle était l’implication saoudienne.

Beaucoup de ces informations surprenantes sont enfouies dans des notes en bas de page et dans des annexes du rapport du 11-Septembre, en partie dans les archives publiques officielles, mais la plupart inconnues du grand public. Voici certains faits, mais pas tous :

En janvier 2000, le premier pirate de l’air a atterri à Los Angeles après avoir assisté à un sommet d’al-Qaïda à Kuala Lumpur en Malaisie. Les deux ressortissants saoudiens, Nawaf al-Hazmi et Khalid al-Mihdhar, sont arrivés avec des compétences très limitées en langue et sans expérience de la culture occidentale. Pourtant, grâce à une incroyable série de circonstances, ils sont arrivés à obtenir tout ce dont ils avaient besoin, d’un logement à des leçons de pilotage.

Tim Roemer : L.A., San Diego, vous savez, c’est vraiment un nid de guêpes. C’est vraiment à cela que je continue à penser, presque quotidiennement.

Durant leurs premiers jours à L.A., des témoins repèrent les deux futurs pirates de l’air à la mosquée du roi Fahd en compagnie de Fahad al-Thumairy, un diplomate du consulat saoudien connu pour ses opinions extrémistes. Plus tard, les enquêteurs du 11-Septembre le jugeront menteur et suspect ; en 2003, on le soupçonnera d’avoir des liens avec une activité terroriste : on lui interdira de rentrer aux États-Unis.

Tim Roemer : C’est une personne très intéressante en ce qui concerne le volet “qui a aidé qui ?” du 11-Septembre – à Los Angeles et San Diego, avec ces deux terroristes qui se trouvaient en terre inconnue.

Des factures de téléphone montrent que Thumairy était aussi en contact régulier avec un homme : Omar al-Bayoumi, un mystérieux saoudien devenu le plus grand mécène des pirates de l’air. C’était un employé fantôme avec un travail fictif chez un sous-traitant saoudien de l’aviation, à l’extérieur de Los Angeles. En même temps, il percevait un salaire du gouvernement saoudien.

Steve Kroft : Vous pensez que Bayoumi était un agent saoudien ?

Bob Graham : Oui, et –

Steve Kroft : Qu’est-ce qui vous fait penser cela ?

Bob Graham : – Eh bien, tout d’abord, même avant le 11-Septembre, il était sur les listes du FBI comme agent saoudien.

Le matin du 1er février 2000, Bayoumi s’est rendu au bureau du consulat saoudien où travaillait Thumairy. Il est ensuite allé déjeuner dans un restaurant oriental sur Venice Boulevard où il prétendra, plus tard, avoir fait, par hasard, la connaissance des deux futurs pirates de l’air.

Tim Roemer : Hazmi et Mihdhar sont, comme par magie, tombés sur Bayoumi dans un restaurant, ce qui, comme le prétend ce dernier, est une coïncidence, et ce dans l’une des plus grandes villes des États-Unis.

Steve Kroft : Et il décide alors de les prendre sous son aile.

Tim Roemer : Il décide non seulement de les prendre sous son aile, mais aussi de les aider à déménager à San Diego et à s’y établir.

À San Diego, Bayoumi leur a trouvé un appartement dans son propre immeuble, leur a avancé la caution, et a été cosignataire de leur bail. Il a même donné une petite fête en leur honneur et les a présentés à d’autres musulmans à même d’aider les pirates à se procurer des papiers, et à s’inscrire à des cours d’anglais et à une école de pilotage. Il n’y a pas de preuve que Bayoumi ou Thumairy aient su ce que les futurs pirates envisageaient de faire, et il est possible qu’ils aient seulement essayé d’aider des coreligionnaires.

Mais le jour même où les pirates arrivaient à San Diego, accueillis par Bayoumi, on a téléphoné quatre fois du portable de ce dernier à l’imam de la mosquée de San Diego, Anwar al-Awlaki, dont le nom devrait vous être familier.

Awlaki, né en Amérique, allait avoir, une décennie plus tard, la sinistre réputation d’être responsable de la propagande d’al-Qaïda et important agent au Yémen, jusqu’à ce qu’un drone de la CIA ne l’abatte. En janvier 2001, toutefois, un an après être devenu le conseiller spirituel des pirates, il a quitté San Diego pour Falls Church, en Virginie. Quelques mois plus tard, Hazmi, Mihdhar et trois autres pirates allaient l’y rejoindre.

Tim Roemer : Ça fait beaucoup de coïncidences, et beaucoup de fumée. Est-ce que c’est assez pour qu’on se sente mal à l’aise, et pour qu’on ait envie de creuser plus profondément et de déclassifier ces 28 pages ? Absolument.

Personne, peut-être, n’est plus avide de lire ces 28 pages que les avocats Jim Kreindler et Sean Carter qui représentent les proches des victimes du 11-Septembre dans l’action en justice qu’ils intentent contre le royaume saoudien. Ils soutiennent que les institutions de ce pays ont fourni de l’argent à al-Qaïda, en sachant que ce groupe menait une guerre contre les États-Unis.

Jim Kreindler : Ce que nous faisons devant le tribunal, c’est évoquer l’histoire qui doit sortir. Mais cela a été difficile pour nous, parce que pendant de nombreuses années nous n’obtenions ni la franchise ni la coopération qu’à notre avis notre gouvernement doit au peuple américain, et surtout aux familles de ceux qui ont été tués.

Le gouvernement des États-Unis a même soutenu la position saoudienne au tribunal – ils ne peuvent être assignés en justice parce qu’ils disposent de l’immunité des États souverains. Selon le rapport de la commission du 11-Septembre, l’Arabie saoudite a depuis longtemps été considérée comme la source essentielle de financement d’al-Qaïda grâce à ses riches citoyens et au soutien substantiel du gouvernement. Cependant, quand le rapport a été publié, la phrase qui a attiré le plus l’attention est la suivante :

« Nous n’avons trouvé aucune preuve que le gouvernement saoudien en tant qu’institution, ou que de hauts fonctionnaires saoudiens à titre individuel, aient financé l’organisation. »

Selon l’avocat Sean Carter, c’est la ligne du rapport du 11-Septembre qui a été rédigée avec le plus de soin et qui a été la plus mal comprise.

Sean Carter : Quand les auteurs affirment ne pas avoir trouvé de preuve que de hauts fonctionnaires saoudiens aient individuellement financé al-Qaïda, il est remarquable qu’ils n’excluent pas que des personnes, qui étaient des responsables mais qu’ils ne considéraient pas comme de hauts fonctionnaires, aient agi dans ce sens. C’est là qu’est le fond de l’action en justice des familles : des membres du gouvernement et des responsables de niveau inférieur, qui sympathisaient avec la cause de Ben Laden, ont aidé à accomplir les attentats et contribué au soutien du réseau de l’organisation.

Pourtant, pendant plus d’une décennie, le royaume a prétendu que cette phrase-là le disculpait en ce qui concerne le 11-Septembre, sans tenir compte de ce qui pouvait bien se trouver dans les 28 pages.

Bob Kerrey : Ils ne sont pas disculpés. Nous l’avons dit, avec ce rapport, nous n’avons pas disculpé les Saoudiens.

L’ancien sénateur Bob Kerrey est un autre des dix membres de la commission du 11-Septembre à avoir lu les 28 pages, et il pense qu’on devrait en autoriser la diffusion. Il a fait une déclaration sous serment pour soutenir l’action en justice des proches des victimes du 11-Septembre.

Bob Kerrey : On ne peut pas fournir de l’argent aux terroristes et puis dire : « Je n’ai rien à voir avec ce qu’ils font. »

Steve Kroft : Pensez-vous que toutes les pistes esquissées dans les 28 pages ont trouvé des réponses dans le rapport du 11-Septembre ? Toutes les questions qui ont été posées ?

Non, non. En règle générale, la commission du 11-septembre n’est pas entrée dans chaque détail du complot. Non. On n’a pas eu le temps, on n’a pas eu les moyens. On n’est certainement pas allés jusqu’au fond de l’enquête en ce qui concerne l’Arabie saoudite.

Steve Kroft : Selon vous, peut-on attribuer à des coïncidences tout ce qui s’est passé à San Diego ?

John Lehman : Je ne crois pas aux coïncidences.

John Lehman, qui était secrétaire d’État à la Marine dans l’administration Reagan, affirme que lui et les autres anciens membres de la commission du 11-Septembre souhaitent en majorité que les 28 pages soient publiées.

John Lehman : Nous ne sommes pas une bande de ploucs venus à Washington pour la première fois, pour cette commission. Je veux dire, nous, enfin vous savez, on n’est pas nés de la dernière pluie, on en a vu des politiques de sécurité nationale. On a tous, au cours de notre carrière, traité de sujets top secret et cloisonnés relatifs aux divers aspects de la sécurité. On sait bien quand quelque chose doit rester confidentiel. Et là, franchement, ces 28 pages n’entrent absolument pas dans cette catégorie.

Lehman ne doute pas que certains hauts fonctionnaires saoudiens savaient qu’al-Qaïda recevait de l’aide, mais il ne croit pas que cela n’ait jamais été une politique officielle. Il ne croit pas non plus que cela blanchisse les Saoudiens.

John Lehman : Ce n’était pas un accident si 15 des 19 pirates étaient des Saoudiens. Ils sont tous allés dans des écoles saoudiennes. Ils ont baigné, depuis leurs premiers jours d’école, dans ce type d’islam particulièrement intolérant.

Lehman parle du wahhabisme, cette forme d’islam, ultraconservatrice et puritaine, qui est implantée ici et qui s’insinue dans tous les secteurs de la société. Il n’y a pas de séparation de l’Église et de l’État. Après le pétrole, le wahhabisme fait partie des plus grandes exportations du royaume. Les religieux saoudiens, à qui l’on confie les sanctuaires les plus sacrés de l’islam, ont un immense pouvoir et disposent de milliards de dollars pour propager leur foi. Ils construisent à travers le monde des mosquées et des écoles religieuses, qui sont devenues des terrains de recrutement pour extrémistes violents. John Lehman, membre de la Commission du 11-Septembre, affirme que tout ceci est mis en évidence dans les 28 pages.

John Lehman : Il ne va pas y avoir là de preuves irréfutables qui vont provoquer une énorme controverse. Toutefois ces pages illustrent, de façon très condensée, le genre d’événements qui ont eu lieu et elles aideraient vraiment le peuple américain à comprendre pourquoi, quoi, comment. Comment se fait-il que ces gens surgissent soudain, partout dans le monde, pour participer au djihad ?

Tim Roemer : Vous voyez, les Saoudiens ont même dit qu’ils soutenaient la publication de ces pages. Nous devrions les déclassifier. Est-ce que c’est explosif, Steve ? Est-ce que ça ne serait pas un peu comme ouvrir la boîte de Pandore, voir des serpents en sortir ? Bien sûr, mais je pense que nous avons besoin d’avoir, avec les Saoudiens, une relation où les deux pays collaborent contre le terrorisme. Ce qui n’a pas toujours été le cas.

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