mardi 26 juillet 2016

L'Otan cherche-t-elle la guerre avec la Russie ?



Communiqué du Sommet de l’OTAN à Varsovie : préparer le crime d’agression
Par Christopher Black, juriste pénaliste international basé à Toronto, le 18 juillet 2016  - New Oriental Review / Le Saker francophone (trad.)

J’ai été avocat de la défense la plus grande partie de ma vie professionnelle et je n’ai pas l’habitude de recueillir des preuves pour engager des poursuites, mais les circonstances m’ont incité à ouvrir un dossier pour le procureur de la Cour pénale internationale, ou peut-être un futur tribunal citoyen. Ce dossier contient la preuve que les dirigeants de l’OTAN sont coupables du plus grave crime contre l’humanité, le crime d’agression. Je voudrais partager avec vous quelques brèves notes intéressantes provenant de ce fichier, que je soumets à votre réflexion.

L’Article 8bis du Statut de Rome, le statut régissant la Cour pénale internationale, stipule :

Aux fins du présent Statut, on entend par « crime d’agression » la planification, la préparation, le lancement ou l’exécution par une personne effectivement en mesure de contrôler ou de diriger l’action politique ou militaire d’un État, d’un acte d’agression qui, par sa nature, sa gravité et son ampleur, constitue une violation manifeste de la Charte des Nations Unies.
Le communiqué de l’OTAN publié à l’issue du congrès de Varsovie le 9 juillet est la preuve directe d’une telle planification et préparation et donc d’une conspiration par les dirigeants de l’OTAN pour commettre des actes d’agression contre la Russie. Cela ferait l’objet d’un acte d’accusation de la Cour pénale internationale contre les dirigeants de l’alliance militaire si la procureure de la CPI était effectivement indépendante, ce qu’elle n’est pas. Et bien sûr, si les articles relatifs aux crimes d’agression étaient en vigueur, ce qui ne se produira pas avant le 1er janvier 2017, le cas échéant, sous les articles du Statut de Rome.

Néanmoins, le problème technique de la juridiction qui empêche l’émission d’une inculpation contre les dirigeants de l’OTAN en ce moment, ne légitime pas la planification et la préparation d’actes d’agression contenus dans le communiqué de l’OTAN ni ne réduit le poids moral du crime d’agression défini dans le Statut et les principes de Nuremberg, parce que le crime d’agression est le crime de guerre suprême.

Selon leurs propres mots, imprimés en noir sur blanc dans leur communiqué du 9 juillet, les dirigeants de l’OTAN, chacun d’entre eux, et les états-majors entiers des forces armées de chacun des pays de l’OTAN, sont coupables du crime d’agression. Le fait qu’il n’y ait pas d’organe efficace devant lequel ils puissent être traduits en justice est sans rapport avec le fait du crime commis. Ils sont les ennemis de l’humanité et, inculpés ou non, ils sont des hors-la-loi internationaux qui doivent être identifiés en tant que tels et appelés à rendre des comptes à leurs propres peuples.

La preuve de leurs crimes est bien évidemment antérieure à ce communiqué et consiste en années d’actes commis par les puissances de l’OTAN depuis que l’Union soviétique s’est dissoute ainsi que le Pacte de Varsovie, en vertu de l’accord dit Acte fondateur OTAN–Russie de 1997, selon lequel l’OTAN ne s’étendrait dans aucun des pays formellement membres du Pacte de Varsovie ou de l’URSS, ni n’y installerait d’armes nucléaires. L’OTAN a continuellement brisé cet accord depuis lors et a commis, en tant qu’organisation ou par des groupes de ses États membres, des actes d’agression contre la Yougoslavie, l’Afghanistan, l’Irak, la Libye, la Russie (pendant l’attaque de la Géorgie contre l’Ossétie du Sud et en soutenant les groupes terroristes tchétchènes en Russie même), l’Ukraine et la Syrie, chaque acte d’agression étant appuyé par des campagnes de propagande massives pour tenter de justifier ces crimes en répandant cette propagande auprès des peuples qu’ils sont censés informer.

Ces mêmes puissances ont commis et commettent d’autres actes d’agression contre la République populaire démocratique de Corée, l’Iran et la Chine, et augmentent continuellement leur planification et leur préparation pour agresser ces pays. Ces plans sont aussi étalés dans le communiqué de l’OTAN, mais la plus grave menace pour l’humanité est la menace existentielle immédiate contre la Russie, contre laquelle la partie principale de ce communiqué est dirigée.

Le communiqué de l’OTAN est de fait une déclaration de guerre à la Russie. Il n’y a pas d’autre manière de l’interpréter.

Il y a plusieurs mois, j’ai déclaré que nous pouvions considérer l’accumulation des forces de l’OTAN en Europe de l’Est, le coup d’État de l’OTAN qui a renversé le gouvernement de Ianoukovitch en Ukraine, la tentative de s’emparer de la base navale russe à Sébastopol, les attaques immédiates contre les civils ukrainiens dans les provinces orientales qui refusaient d’accepter le coup d’État de l’OTAN, la propagande constante contre la Russie en tant qu’agresseur et la guerre économique menée contre la Russie sous couvert de sanctions est l’équivalent d’une seconde Opération Barbarossa, le nom donné à l’invasion de l’Union soviétique par le Troisième Reich en 1941. J’hésitais à le décrire ainsi, mais les faits étaient là et d’autres ont reconnu maintenant que l’analogie est correcte. Et exactement comme les dirigeants du Troisième Reich ont été finalement tenus pour responsables de leurs crimes à Nuremberg, les dirigeants du nouveau Reich que les Américains et leurs États vassaux projettent d’imposer au reste d’entre nous devraient l’être aussi.

Au paragraphe 5 du communiqué et après, ils commettent la première partie de leur crime en définissant de prétendus actes agressifs de la Russie, dans lesquels, dans tous les cas, ils sont les véritables agresseurs.

Au paragraphe 15, ils déclarent, après quelques sornettes à propos du partenariat entre l’OTAN et la Russie :

« Nous regrettons que malgré des appels répétés des Alliés et de la communauté internationale depuis 2014 pour que la Russie change de cap, les conditions à cette relations n’existent pas actuellement. La nature des relations de l’Alliance avec la Russie et les aspirations à un partenariat seront subordonnées à un changement clair et constructif des actions de la Russie, qui doit démontrer son respect du droit international et de ses obligations et responsabilités internationales. Jusque là, nous ne pouvons pas revenir au business as usual. »

Ce qu’ils veulent dire en parlant du changement de cap de la Russie est, bien sûr, qu’elle fasse ce qu’ils ordonnent, et le « respect du droit international » ne signifie rien d’autre que de se plier aux diktats de l’OTAN. Le monde a vu ce qui est arrivé à la Yougoslavie quand le président Milosevic a eu le courage de lui dire d’aller se faire voir, alors que Madelaine Albright lui présentait sa longue liste de revendications, y compris l’occupation de la Yougoslavie par les forces de l’OTAN et le démantèlement du socialisme, suivi par le choix d’obéir ou d’être bombardé. Le gouvernement yougoslave avait le droit et, en plus,  le courage, de la défier, et donc les dirigeants de l’OTAN ont activé les casseurs de jambes, les exécuteurs et les assassins qui servent dans leurs armées et ont commencé la destruction massive d’un membre fondateur du Mouvement des non-alignés.

Nous l’avons vu à nouveau en Afghanistan, envahi sous le prétexte juridique qu’il hébergeait un supposé criminel, Ben Laden, qui n’a jamais été accusé de crime [accusé, si. Reconnu coupable, jamais. NdT] et qui travaillait sous le commandement de l’armée étasunienne au Kosovo en 1998-1999, luttant contre le gouvernement yougoslave.

Nous l’avons vu avec l’Irak, sommé de remettre des armes qu’il n’a jamais eues, puis attaqué avec choc et effroi, une démonstration de puissance militaire conçue non seulement pour l’Irak mais pour le monde entier : voilà ce que nous vous ferons si vous ne jouez pas le jeu.

Nous l’avons vu avec le président Aristide à Haïti en 2004, lorsque des soldats américains et canadiens l’ont arrêté en pointant les fusils sur lui et l’ont exilé, l’enchaînant en Afrique, pendant que le monde regardait ailleurs. Nous l’avons vu en 2010, lorsque le président Laurent Gbagbo a été arrêté par les Français et jeté dans les marécages de la Cour pénale internationale. Nous l’avons vu en 2011, lorsque l’OTAN a détruit la Libye socialiste et nous voyons aujourd’hui comment ils tentent la même chose contre la Syrie et l’Irak, l’Iran, la Corée du Nord, la Chine et, le plus important, contre la Russie.

Le paragraphe 15 n’est rien d’autre qu’un diktat, « obéis-nous ou nous ne pourrons pas retourner au statu quo » ce qui signifie, en fin de compte, la guerre.

Suit alors une longue série de paragraphes pleins de mensonges et de distorsions sur des événements tous imputés à la Russie. Ils savent que ce sont des mensonges et des distorsions, bien sûr, mais le principe est que ces communiqués sont générés à Washington comme outils de propagande destinés à être cités encore et encore dans les médias occidentaux et mentionnés par leurs diplomates et leurs politiciens dans tous les discours.

Au paragraphe 15 et ensuite, ils se réfèrent à leurs plans pour leur nouvelle Opération Barbarossa, l’accumulation des forces de l’OTAN en Europe de l’Est. Ils l’appellent le Plan de préparation à l’action. En d’autres termes, tous ces paragraphes exposent leurs plans pour préparer leur capacité logistique et stratégique dans le but d’attaquer la Russie. Qu’ils aient l’intention de le faire est maintenant clair, avec le placement de systèmes anti-missiles en Pologne et en Roumanie et bientôt sur le flanc sud-est de la Russie en Corée, des missiles destinés à garantir le succès d’une première frappe atomique sur la Russie par les forces nucléaires de l’OTAN. Les systèmes anti-missiles sont conçus pour intercepter tous les missiles de représailles lancés par les survivants en Russie. Mais, comme le président Poutine l’a relevé, ils peuvent aussi être utilisés directement de manière offensive.

Ils soulignent ensuite que les armes nucléaires sont une partie importante de leur stratégie, et déclarent dans le paragraphe 53 :

« La position de l’OTAN en matière de dissuasion nucléaire repose aussi, en partie, sur les armes nucléaires déployées en avant par les États-Unis en Europe et sur les capacités et l’infrastructure fournies par les Alliés concernés. » La crainte est qu’avec les récents exercices en Pologne et dans l’Arctique − dans lesquels l’usage de frappes aériennes pour lancer des armes nucléaires telles que des missiles de croisière nucléaires pointés sur la Russie − a joué un rôle important − les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN projettent et préparent une attaque nucléaire sur la Russie. C’est la seule conclusion possible, puisqu’il est clair que la Russie n’a aucune intention d’attaquer aucun pays en Europe de l’Est ou ailleurs. Donc l’excuse donnée que la présence d’armes nucléaires en Europe est une dissuasion contre l’agression russe est clairement un mensonge et, par conséquent, leur présence ne peut avoir qu’un seul but : être utilisées pour une attaque.

La preuve est devant nous, le dossier est complet. Il est posé sur un bureau, il prend la poussière, il n’est d’aucune utilité pour personne, excepté le tribunal de l’opinion publique, et qu’est-ce que ça vaut, ces jours ci ? Mais peut-être que quelqu’un, là-bas, le prendra, le mettra au point et le donnera à un tribunal, peut-être quelqu’un du peuple, pour le peuple, mis en place par le peuple, pour juger ceux qui projettent de détruire le peuple, qui peut agir rapidement avant que le crime d’agression final soit commis contre la Russie ; contre nous tous.

Christopher Black est un juriste pénaliste international basé à Toronto, il est membre du Barreau du Haut-Canada et il est connu pour un grand nombre de cas très médiatisés portant sur les droits humains et les crimes de guerre, en particulier pour le magazine en ligne New Eastern Outlook.

Traduit par Diane, vérifié par Wayan, relu par Catherine pour le Saker francophone

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Le monde est poussé dans une direction irréversible (danger nucléaire) - Vladimir Poutine (Forum économique international de Saint Petersbourg le 17 juin 2016)


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Le bluff du Pentagone et de l’OTAN
Par Pepe Escobar, le 17 juillet 2016 - Strategic-Culture / Le Saker francophone (trad.)


«... Mais il est toujours inévitable de revenir à cette caractéristique infantile du jeu mental : peut-on croire sérieusement que les États-Unis risquent de déclencher une guerre nucléaire qui tuerait au moins 200 millions d'Américains pour le bien de... la Pologne ? Ou de... l'Estonie ? »  

Inutile de tourner autour du pot, pour autant que le Pentagone peut avoir finalement conclu que la Russie détenait une supériorité conventionnelle incontestée sur le théâtre européen, la seule justification possible pour l’existence de l’OTAN est inchangée. Les États-Unis doivent maintenir l’occupation militaire de l’Europe occidentale et centrale jusqu’à la fin des temps. Et la justification du projet doit être l’hystérie anti-russe.

D’où la sempiternelle menace bidon. Le mythe de l’imminente agression russe contre les pauvres pays baltes ; les récurrentes agapes de l’OTAN copiées sur le style soviétique – ou maoïste – des conférences du parti ; l’impression illusoire, vendue par le canard boiteux de l’administration Obama, qu’ils sont bénévolement concernés par la sécurité européenne. Et, bien sûr, le contrepoint russe : le soupçon que l’OTAN est fermement engagée dans la fabrication de déclarations de guerre en série.

Tout ce spectacle pourrait être tourné en dérision comme un jeu mental infantile. Pourtant, il est pris au sérieux. « L’OTAN a commencé les préparatifs pour l’escalade d’une guerre froide en guerre chaude » a condamné Mikhaïl Gorbatchev. Il existe en effet des éléments signalant la gravité de la conjoncture géopolitique actuelle. L’administration Obama ne fera rien, alors même que Ben Rhodes, le conseiller adjoint – désespérément nul – à la Sécurité nationale, déclare que « l’agression permanente par la Russie provoquerait une réponse de l’OTAN et une présence plus grande de l’Alliance en Europe orientale ». Les grands médias occidentaux, quant à eux, surfent évidemment sur les vagues monstrueusement hystériques de la diabolisation de la Russie.

En fait, la véritable action est celle des acteurs du complexe militaro-industriel de surveillance et de  sécurité militaire à Washington, qui jouent frénétiquement des coudes pour se placer auprès du prochain locataire du 1600 Pennsylvania Avenue, ce qui pourrait aussi bien se traduire par un clintonesque Crépuscule des Dieux. Comme je l’ai souligné auparavant, un général américain à Londres a  carrément admis que le Grand Schéma [Big Picture] peut nous entraîner dans une Guerre chaude contre laquelle, par ailleurs, aussi bien Poutine que le professeur Stephen Cohen et même Gorbatchev ont déjà mis en garde.

Ainsi, la perspective stratégique du Pentagone est claire : nous sommes déjà entrés dans le territoire de Dr Folamour 2.0. Oubliée la force inébranlable des talibans ; oubliées les opérations sophistiquées de contre-insurrection ; oubliés les djihadistes cinglés du genre Daesh. Le vrai jeu devant nous se focalise entièrement sur la possibilité d’une guerre contre des « ennemis haut de gamme » – la Russie et / ou la Chine.

Gardez à l’esprit l’enclave de Suwalki


Dans ce cadre, les mouvements récents de l’OTAN − contrairement à son énorme enfumage nombriliste − sont clairement offensifs, croyant mordicus que le Kremlin baissera les yeux et n’osera jamais utiliser, par exemple, les armes nucléaires tactiques – rien que ça ! – en rétorsion à une frappe des États-Unis, probablement suite à une provocation sous faux drapeau qui serait vendue par Washington au monde entier comme strictement défensive. Après tout, au XXIe siècle, celui qui gagne la guerre du baratin gagne la guerre tout court.

Ainsi, chaque pays membre de l’OTAN sera toujours forcé par Washington de dépenser 2% de son PIB dans cette guerre future putative. Étant donné que ces armes doivent être OTAN-compatibles, il s’ensuit qu’elles doivent être achetées à Washington. Pourtant, alors que ce délicieux racket mafieux continue au profit du complexe militaro-industriel de surveillance de la contre-insurrection militaire – la Russie a totalement remanié et mis à jour son propre complexe militaire, laissant l’OTAN à la traîne, et la Chine pas loin derrière, ce qui se produira avant 2020. La Russie a seulement dévoilé une partie de l’ensemble du lot – en Syrie occidentale, en mer Noire et à Kaliningrad. Pas étonnant que les commandants de l’OTAN du style Breedhate  aient commencé à flipper.

Alors que faire ? Eh bien, premièrement : installer des bases permanentes près des frontières de la Russie – avec les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et le Canada, chacun faisant stationner à son tour un bataillon en Pologne, en Estonie, en Lituanie et en Lettonie. Pour mémoire, c’est la première fois dans son histoire que l’OTAN déploiera des troupes si près de la Russie.

Et deuxièmement : installer une plateforme de défense anti-missiles en Roumanie et plus tard en Pologne, en plus de celles déjà existantes en Espagne et en Turquie, au motif incroyablement foireux qu’elles sont destinées à contrer les missiles iraniens. Et tout ça sous le commandement de l’OTAN – ce qui dans la pratique ne veut rien dire, parce que l’OTAN obéit toujours à un général américain, de nos jours Curtis Scaparrotti, le successeur de Breedhate.

Il est juste de faire remarquer que Moscou considère le premier point [le stationnement des troupes en Pologne et dans les pays baltes] comme une blague. Mais le second point [les antimissiles] peut se transformer en une affaire assez grave.

Le Secrétaire général de l’OTAN, le zombie Jens Stoltenberg, insiste sur le fait que « L’OTAN ne  menace aucun pays. Nous ne voulons pas une nouvelle guerre froide. Nous ne voulons pas une nouvelle course aux armements. Et nous ne cherchons pas la confrontation ». Eh bien, voilà une sonore rafale de mensonges. Les intrigues de l’OTAN pour provoquer la Russie, et la forcer dans une confrontation, sont au cœur même de la stratégie de guerre froide 2.0.

Pas étonnant que le conseil OTAN-Russie, réuni à Bruxelles après un long hiver, n’ait pas été exactement une promenade de santé. Andreï Klimov, chef adjoint de la commission des Affaires étrangères à la Chambre haute du Parlement russe, a délicieusement brodé, au sujet des bataillons de l’OTAN : « Imaginez que quelqu’un ait mis des bidons d’huile ou d’essence devant votre porte. Que faire ? Pleurer et demander gentiment aux gens de les retirer ? ».

L’OTAN est particulièrement paniquée à propos de Kaliningrad – le QG de la puissante flotte russe dans la mer Baltique. En fait, tout cela concerne le passage de Suwalki ; un tronçon d’environ 100 km le long de la frontière lituano-polonaise entre le Belarus et Kaliningrad. Cette zone est actuellement protégée par un escadron d’artillerie anti-char polonais équipé avec des armes soviétiques archaïques. Ce serait certainement un jeu d’enfant pour Moscou de couper l’accès de l’Europe occidentale aux pays baltes si les faits sur le terrain – et dans les airs – tournaient au vinaigre. Mais pour quoi faire ? Pour gagner quoi ? C’est comme si les commandants de l’OTAN étaient obnubilés précisément par ce scénario.

Des fous

Les provocations insensées du Pentagone et de l’OTAN ont déjà abouti à ce que la Russie renforce ses capacités considérables d’auto-défense. On pouvait s’y attendre, Pékin apporte son soutien. L’ensemble de l’équilibre géopolitique du pouvoir s’est déplacé, lentement mais sûrement, au détriment de Washington, sans aucune raison valable. Pendant des années, le Kremlin a recherché un partenariat profitable de Lisbonne à Vladivostok. Quant à l’UE, comme pour la tour de Babel, les fissures s’élargissent imperturbablement.

Donc, la seule vraie solution militaire – en Europe – serait le remplacement de missiles offensifs par des missiles défensifs, moins dangereux, en Pologne et en Roumanie, car si les choses devaient mal tourner, ces deux pays prennent le risque sérieux de s’autodétruire. Comme je l’ai déjà expliqué avant, la Russie est prête pour la guerre et ses missiles défensifs sont en avance sur ceux des Américains. Fondamentalement, les États-Unis ne peuvent pas pénétrer dans l’espace aérien de la Russie, mais les missiles nucléaires russes peuvent pénétrer l’espace aérien américain. La destruction mutuelle assurée [MAD] ne tient plus.

La Russie, cependant, ne conduira jamais une attaque armée contre l’OTAN – et cela a été énoncé clairement, maintes et maintes fois, par le Kremlin et le ministère des Relations extérieures. Mais là encore, les provocations du Pentagone et de l’OTAN, au bord du territoire russe – en particulier Kaliningrad – pourraient bien se transformer en incident du Golfe du Tonkin, et dans ce cas tous les paris sont ouverts.

Pourquoi cette folie ? C’est simple. Tout remonte au document du Pentagone Joint Vision 2020, alias Full Spectrum Dominance, avec son droit implicite d’intervenir « dans tous les domaines, l’espace, la mer, la terre, le ciel et l’information ». Il renvoie au mythe de l’hégémonie bienveillante des États-Unis, gendarme à tout prix de ce qui est défini comme un ordre international fondé sur des règles – politiques et géo-financières – de toute évidence supervisé par l’hégémon.

Ce dispositif, pas très subtil, implique que la Russie et la Chine, en tant que défi à l’ordre, provoquent le chaos–- et non l’Empire du Chaos lui-même. Appelons cela une version légèrement plus nuancée du Projet pour le nouveau siècle américain PNAC.

Pendant ce temps, dans la vie réelle, le Pentagone a remarqué qu’il est en retard là où ça compte vraiment – et où la Russie est déjà en avance de plusieurs générations : les missiles offensifs et défensifs, et les sous-marins. Les avions et missiles américains sont des cibles relativement faciles contre les missiles de défense russes comme le S-500 qui verrouillent son espace aérien.

Les S-500 ont commencé leur déploiement en 2015. Il faut compter environ cinq ans par génération pour le déploiement en production. Cela signifie que la prochaine génération – nous allons l’appeler, pour les besoins du raisonnement, les S-600 – seront déployés en 2020. Les États-Unis déploient une nouvelle génération tous les dix ans – ce qui voudrait dire que les États-Unis pourraient accuser un retard exorbitant de quatre décennies sur la Russie, qui est deux fois plus rapide dans le développement de missiles que les États-Unis. Le président Poutine a déjà laissé entendre officiellement que sa principale préoccupation au sujet du système de défense antimissile américain était sa substituabilité [basculement de défensif en offensif]. Il craint que les missiles offensifs puissent être utilisés dans les mêmes lanceurs que ceux du nouveau système de défense balistique Aegis – que les Israéliens estiment vraiment inférieurs aux S-300 russes.

Donc, pour couper court, oui : les relations Pentagone / OTAN-Russie ont atteint le point de fusion le plus dangereux de l’histoire moderne. Tous les paris sont ouverts si nous avons une Full Spectrum Dominatrix [Clinton] à Washington en 2017. Il sera pratiquement impossible de maîtriser sa mentalité « Nous sommes venus, nous avons vu, il est mort » pour un atterrissage en douceur, ce qui signifie que l’engagement de l’Empire du Chaos dans une Troisième Guerre mondiale nucléaire – ou Quatrième si l’on prend en compte la Guerre froide – reste une possibilité désastreuse.

Le président chinois Xi Jinping a reçu Poutine à Beijing au lendemain du Brexit. La Russie et la Chine sont de plus en plus attirées l’une vers l’autre, dans la mesure où toutes deux craignent sérieusement le vide géopolitique installé en Occident. Le seul interlocuteur sérieux, pour les deux, est l’Allemagne – qui se trouve être la terre promise, et l’une des principales destinations finales des Nouvelles routes de la soie, alias Une Ceinture, une Route (OBOR). Imaginez un alignement parfait, dans un avenir pas trop lointain, de Pékin, Moscou et Berlin. Il se trouve que c’est aussi, historiquement, l’ultime cauchemar anglo-américain.

Le complexe militaro-industriel de surveillance anti-insurrectionnel est absolument terrifié par les scénarios de jeux de guerre russes – et chinois : des sous-marins capables de bloquer le trafic trans-océanique de l’Asie vers les États-Unis. Des composants majeurs nécessaires aux armes US sont fabriqués en Asie. Dans le cas où ces sous-marins peuvent bloquer les mers, le puissant complexe militaro-industriel de surveillance anti-insurrectionnel s’effondrerait, tout simplement.

Le Pentagone est, comme prévu, hystérique. Cela signifie que ces industries doivent être rapatriées aux États-Unis. Pour cela, le dollar américain doit descendre à un niveau cohérent avec la logique économique pour rapatrier  ces industries. Et cela pousse certains acteurs puissants à New York vers l’idée que Donald Trump est soutenu par certaines forces profondes occultes à cet effet – et dans ce seul but. Les discours de Trump, malgré leurs divagations, gardent une logique : ils soulignent toujours qu’il va reconstruire l’armée américaine, et il ramènera les industries américaines à la maison.

Pendant ce temps, le Pentagone, l’OTAN et l’UE attisent sans vergogne la confrontation avec la Russie, qui est maintenant devenue une composante officielle de leur politique étrangère, au moins pour un avenir prévisible sans Trump.

Mais, il est toujours inévitable de revenir à cette caractéristique infantile du jeu mental : peut-on croire sérieusement que les États-Unis risquent de déclencher une guerre nucléaire, qui tuerait au moins 200 millions d’Américains, pour le bien de… la Pologne ? Ou de… l’Estonie ?

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30 Secondes avant Minuit
Par Paul Craig Roberts,  le 25 juillet 2016 - Global Research / Arrêt sur Info (trad.)

L’ancien secrétaire américain à la Défense William Perry a averti que le monde est très proche d’une catastrophe nucléaire. Une telle catastrophe pourrait être provoquée accidentellement par une défaillance électronique ou une erreur dans les systèmes d’alerte et par l’inutile, agressive et inconsciente monté en force contre la Russie. Conn Hallinan examine ces questions. [1]

Je doute que Hallinan ait raison au sujet de la prédominance militaire de Washington. C’est le point de vue de Washington, et Washington est convaincu de détenir les as. C’est une erreur de la part d’Hallinan que d’encourager Washington dans cette perception. Néanmoins, Hallinan est très clair sur le fait que nous pourrions tous être anéantis à tout moment. Ce risque est extrêmement élevé ; et il a été entièrement créé par les administrations Clinton, George W. Bush, et l’administration Obama sous lesquelles les néoconservateurs sionistes ont contrôlé les politiques étrangères et militaires.

Il est lassant d’entendre l’argument selon lequel la guerre nucléaire ne se produira pas parce que cela n’a aucun sens. William Perry souligne que la défaillance d’une puce d’ordinateur à 49 centimes a eu comme conséquence que des ordinateurs de NORAD signalèrent que les Soviétiques avaient lancé 220 missiles nucléaires sur les Etats-Unis. Il suffit de penser à toutes les failles et les problèmes de nos propres ordinateurs personnels, même les meilleurs.

La faille humaine est aussi un risque énorme. Les erreurs d’appréciation sont un trait dominant chez l’humain. Considérons que la moitié des mariages aux Etats-Unis s’avèrent être une erreur si l’on tient compte du taux des divorces.
La simple existence d’armes nucléaires implique la disparition de la vie sur terre. Cela finira par arriver, tôt ou tard. Augmenter le risque comme le fait dans sa folie le gouvernement américain de par ses provocations irresponsables envers les Russes et les Chinois est l’acte criminel ultime.
Il n’y a pas de plus grande menace pour les droits de l’homme que de mettre la vie en danger, et c’est ce que Washington et ses lamentables vassaux de l’OTAN sont en train de faire en augmentant les tensions entre les puissances nucléaires.

Les néo-conservateurs à Washington ont remplacé le désarmement nucléaire par une nouvelle course aux armements nucléaires. Tout le travail acharné et les réalisations des précédentes administrations américaines pour apaiser les tensions et réduire les stocks d’armes nucléaires a été anéanti par les psychopathes qui contrôlent le gouvernement à Washington.
[1] http://fpif.org/may-greater-risk-nuclear-catastrophe-cold-war/

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