samedi 6 août 2016

Banque des Règlements Internationaux (B.R.I.)

Quatre articles d'investigation (de Edward Jay Epstein, 1983, Karel Vereycken, 2013, Adam LeBor, 2015, et Brandon Smith, 2016) pour essayer de mieux comprendre qui se cache derrière cet acronyme, B.R.I. (Banque des Règlements Internationaux, surnommée Banque Centrale des Banques Centrales), ou B.I.S. en anglais (Bank for International Settlements), avec quel pouvoir et pour quelle politique. 

B.R.I, Bâle, Suisse.

La Banque des règlements internationaux (BRI, Bank for International Settlements en anglais ou BIS) a été créée en 1930. C'est la plus ancienne organisation financière internationale. Son statut juridique est celui d'une société anonyme, dont les actionnaires sont des banques centrales. Elle est située à Bâle en Suisse, et se définit comme étant la « banque des banques centrales » dans son Rapport annuel bien qu'elle soit souvent surnommée la « banque centrale des banques centrales ».
Source (et suite) du texte : wikipedia
Charte de la B.R.I. (1930) (PDF)
Site officiel : B.I.S.
Lire aussi dans les journaux officiels : La BRI met en garde contre "le calme précaire" sur les marchés financiers, le 7 décembre 2015, BilanLa BRI veut améliorer la conduite sur le marché des changes, par Bastien Bouchaud, le 27 mai 2016, AGEFI


Le règne de l’argent sur le monde [1/2]
Par Edward Jay Epstein, journaliste d'investigation et professeur en science politique, novembre 1983 - Edward Jay Epstein / Le Saker francophone (trad.)

Dix fois par an – une fois par mois à l’exception d’août et d’octobre – une petite élite d’hommes bien mis arrive à Bâle, en Suisse. Transportant sacs de voyage et attaché-cases, ils descendent discrètement à l’hôtel Euler, en face de la gare ferroviaire. Ils sont arrivés dans cette ville somnolente, venant de lieux aussi hétérogènes que Tokyo, Londres et Washington DC, pour l’assemblée régulière du plus exclusif, opaque et puissant cercle supranational au monde.

Chacun, au sein de la douzaine de membres qui le constituent, y dispose de son propre bureau, ainsi que de lignes téléphoniques sécurisées vers son pays d’origine. Les membres sont entièrement pris en charge par un staff permanent d’approximativement 300 personnes, en comptant les chauffeurs, les chefs cuisiniers, les gardes, les coursiers, les traducteurs, les sténographes, les secrétaires et les chercheurs. Une brillante unité de recherche et un ordinateur ultramoderne se trouvent à leur disposition, ainsi qu’un country club isolé avec des courts de tennis et une piscine, à quelques kilomètres de Bâle.

L’appartenance à ce cercle est réservée à une poignée d’hommes puissants qui fixent quotidiennement le taux d’intérêt, la disponibilité du crédit et la masse monétaire des banques de leur propre pays. Parmi eux se trouvent les gouverneurs de la Réserve fédérale américaine, la Banque d’Angleterre, la Banque du Japon et la Bundesbank allemande. Le cercle contrôle une banque forte d’une caisse de 40 milliards de dollars en liquide, des titres publics et de l’or constituant environ un dixième des devises étrangères disponibles. Les profits engrangés par la seule location de son magot en or (le deuxième plus important après celui de Fort Knox) sont plus que suffisants pour financer les dépenses de l’organisation tout entière. Et l’objectif éhonté de ces assemblées élitistes mensuelles est de coordonner et, si possible, de contrôler toutes les activités monétaires au sein du monde industrialisé. Le lieu à Bâle où se réunit ce cercle est une institution financière unique appelée Banque des règlements internationaux ou, plus simplement et plus adéquatement, la BRI [BIS en anglais, se prononce biz en allemand, NdT].

A l’origine, la BRI a été fondée en mai 1930 par des banquiers et des diplomates d’Europe et des États-Unis, pour collecter et distribuer les paiements de réparation de l’Allemagne suite à la Première Guerre mondiale (d’où son nom). C’était un accord sortant véritablement de l’ordinaire. Même si la BRI était organisée comme une banque commerciale avec des actions détenues dans le public, son immunité vis-à-vis de toute ingérence gouvernementale, voire de toute imposition, aussi bien en temps de paix qu’en temps de guerre, était garantie par un traité international signé à La Haye en 1930. Bien que tous ses dépositaires soient des banques centrales, la BRI a tiré profit de chaque transaction. Et dans la mesure où cela s’est avéré hautement rentable, elle n’a eu besoin ni de subvention ni d’appui de la part d’aucun gouvernement.

Dans la mesure où elle a également fourni, à Bâle, un dépôt sûr et pratique pour les avoirs en or des banques centrales européennes, elle est rapidement devenue la banque des banques centrales. Tandis que la dépression mondiale s’aggravait durant les années 1930 et que les paniques financières s’exacerbaient en Autriche, en Hongrie, en Yougoslavie et en Allemagne, les gouvernants en charge des banques centrales de premier plan craignaient que le système mondial tout entier ne s’effondre s’ils ne parvenaient pas à coordonner étroitement leurs opérations de sauvetage. Le point de rencontre qui s’imposait pour cette coordination cruciale était la BRI, où ils se rendaient de toute façon régulièrement pour convenir des transferts d’or et des règlements liés aux dommages de guerre.

Bien qu’un Congrès isolationniste ait officiellement refusé d’autoriser la Réserve fédérale américaine à participer à la BRI ou d’en accepter des actions (qui étaient à la place détenues en fiducie par la First National City Bank), le président de la Fed s’envola discrètement vers Bâle pour d’importantes réunions. La politique monétaire mondiale était de toute évidence trop importante pour être abandonnée à de simples politiciens nationaux. Durant la Seconde Guerre mondiale, quand les nations, sinon leurs banques centrales, étaient en conflit, la BRI continua d’opérer depuis Bâle, mais les assemblées mensuelles ont temporairement été suspendues. En 1944, suite à des accusations émanant des Tchèques selon lesquelles la BRI blanchissait de l’or que les Nazis avaient volé à l’Europe occupée, le gouvernement américain appuya une résolution à la conférence de Bretton Woods, appelant à la liquidation de la BRI. Il pensait naïvement que les fonctions de règlement et de compensation monétaires pouvaient être reprises par le nouveau Fond monétaire international.

On ne pouvait toutefois pas remplacer ce qui se trouvait derrière le masque d’une chambre de compensation internationale : une organisation supranationale visant au règlement et à la mise en œuvre d’une stratégie monétaire mondiale, ce qui ne pouvait être réalisé par une agence internationale démocratique semblable à celle des Nations Unies. Les banquiers centraux, aucunement enclins à laisser leur cercle leur être confisqué, étouffèrent la résolution américaine en toute discrétion.

Après la Seconde Guerre mondiale, la BRI réapparut en tant que principale chambre de compensation pour les monnaies européennes et, dans les coulisses, comme lieu de réunion privilégié des banquiers centraux. Quand le dollar fut attaqué dans les années 1960, des transferts massifs d’argent et d’or furent organisés de la BRI pour assurer la défense de la monnaie américaine. Il était indéniablement ironique, ainsi que le souligna le président de la BRI, que «les États-Unis, qui avaient voulu tuer la BRI, la trouvent soudainement indispensable». Dans tous les cas, la Fed est devenue un membre éminent du cercle, le président Paul Volcker y assistant aussi bien que le gouverneur Henry Wallich à chaque Week-end de Bâle.

A l’origine, les banquiers centraux requirent un anonymat complet pour leurs activités. Leur quartier général se situait dans un hôtel abandonné haut de six étages, le Grand et Savoy Hotel Universe, avec une annexe au dessus du magasin de chocolats adjacent Frey. C’est à dessein qu’il ne figurait aucun signe sur la porte pour identifier la BRI, ainsi les banquiers centraux en visite et les négociants d’or mirent à contribution le magasin Frey, qui se trouve de l’autre côté de la rue en partant de la gare ferroviaire, comme un point de repère accommodant. C’est dans les chambres boisées au dessus du magasin et de l’hôtel, que les décisions étaient rendues pour dévaluer ou défendre les monnaies, pour fixer le prix de l’or, pour réguler les services bancaires extraterritoriaux et pour augmenter ou diminuer les taux d’intérêt à court terme. Et même si elles façonnèrent un nouvel ordre économique mondial à travers ces délibérations, à en croire le gouverneur de la banque centrale italienne Guido Carli, le public ignora presque tout du cercle et de ses activités, même à Bâle.

Quoi qu’il en soit, en mai 1977, la BRI abandonna son anonymat, contre la volonté de certains de ses membres, pour avoir un quartier général plus efficace. Le nouvel édifice, un gratte-ciel circulaire de dix-huit étages de haut, qui se dresse au dessus de la ville médiévale comme une espèce de réacteur nucléaire égaré, devint rapidement réputé comme la Tour de Bâle et commença à attirer l’attention des touristes. «C’était la dernière chose que nous voulions, me dit son président le Dr. Fritz Leutwiler quand je l’interviewai en 1983. Si ça n’avait dépendu que de moi, ça n’aurait jamais été construit.» Tandis que nous parlions, il gardait les yeux rivés sur l’écran Reuters dans son bureau qui signalait les fluctuations monétaires à travers le globe.

Malgré son embarrassante visibilité, le nouveau quartier général présente les avantages d’un luxueux espace et de l’efficience suisse. Le bâtiment est entièrement climatisé, avec son propre abri anti-nucléaire dans le second sous-sol, un système anti-incendie à triple redondance (de sorte qu’aucun pompier ne soit amené à intervenir à l’intérieur), un hôpital privé, et quelques trente-deux kilomètres d’archives souterraines. «Nous essayons de fournir un club house complet pour les banquiers centraux […] un foyer loin du foyer», d’après les mots prononcés par le directeur général éminemment compétent Gunther Schleuminger, tandis qu’il arrangeait un tour du quartier général, exceptionnellement pour moi.

L’étage supérieur, avec une vue panoramique sur trois pays, l’Allemagne, la France et la Suisse, est un restaurant de grand luxe, employé seulement pour servir aux membres un buffet dînatoire lorsqu’ils arrivent le dimanche en soirée pour débuter le week-end de Bâle. En dehors de ces dix événements, cet étage prend des airs de ville fantôme.

A l’étage inférieur, Schleiminger et sa petite équipe se tiennent dans de spacieux bureaux, administrant les détails du jour pour la BRI et supervisant les activités des étages inférieurs comme s’ils dirigeaient un hôtel hors-saison.

Les trois étages en dessous sont des alignements de cabinets réservés aux banquiers centraux. Tous sont parés de trois couleurs – beige, marron et brun – et chacun dispose d’une lithographie moderne stylistiquement semblable sur le bureau. Chaque cabinet est également équipé de téléphones dotés de la fonction composition abrégée, où la simple pression d’une touche permet aux membres du cercle de joindre leurs bureaux dans les banques centrales de leurs pays. Les couloirs complètement désertés et les cabinets vides, avec des plaques sur les portes et des crayons fraîchement taillés dans des tasses, ainsi que des piles soignées de feuilles vierges sur les bureaux, font là encore penser à une ville fantôme. Lorsque les membres arriveront pour leur réunion prévue en novembre, il y aura selon Schleiminger une remarquable transformation, avec des réceptionnistes multilingues et des secrétaires à chaque bureau, ainsi que des réunions et des briefings permanents.

Aux étages inférieurs se trouve l’ordinateur de la BRI, qui est directement relié aux ordinateurs des banques centrales membres, afin d’offrir un accès instantané aux données concernant la situation monétaire globale, et la banque elle-même, au sein de laquelle dix-huit traders, principalement originaires d’Angleterre et de Suisse, renouvellent continuellement des prêts à court terme sur les marchés de l’eurodollar et se montrent vigilants contre les pertes de changes (en vendant simultanément la monnaie dans laquelle le crédit est contracté). Dans le même temps, des négociants en or occupant un autre étage passent leur temps au téléphone à conclure des prêts sur l’or de la banque auprès d’arbitres internationaux, permettant ainsi aux banques centrales de gagner des intérêts sur les dépôts en or.

Parfois, une situation extraordinaire se produit, comme par exemple une décision de vendre de l’or pour l’Union soviétique, ce qui requiert une décision des gouverneurs, ainsi que l’équipe de la BRI nomme les banquiers centraux. Mais la majeure partie de l’activité bancaire est routinière, informatisée et sans risque. En effet, les statuts de la BRI lui interdisent de négocier autre chose que des prêts à court terme. La plupart ne valent que pour une durée égale ou inférieure à trente jours et sont garantis par le gouvernement ou adossés à l’or déposé à la BRI. Les profits que la BRI perçoit, essentiellement pour se voir confier les milliards de dollars déposés par les banques centrales, se sont élevés à 162 millions de dollars l’année dernière.

Aussi habile que la BRI puisse être à tous ces niveaux, les banques centrales elles-mêmes disposent d’équipes hautement qualifiées capables d’investir leur dépôts. La Bundesbank allemande, par exemple, est dotée d’un formidable département commercial international et de 15 000 employés – ce qui représente au moins vingt fois les effectifs de la BRI. Dès lors, pourquoi la Bundesbank et les autres banques centrales transfèrent-elles quelques 40 milliards de titres à la BRI et lui permettent ainsi de faire de tels profits ?

L’une des réponses est bien évidemment la confidentialité. En mettant en commun une partie de leurs réserves dans ce qui constitue un gigantesque fonds mutuel d’investissements à court terme, les banques centrales ont créé un écran opportun derrière lequel elles peuvent dissimuler leurs propres dépôts et retraits dans des centres financiers à travers le monde. Et les banques centrales semblent bien disposées à payer une commission élevée pour faire usage de la couverture de la BRI.

Il y a cependant une autre raison pour laquelle les banques centrales transfèrent régulièrement des dépôts vers la BRI : elles veulent l’approvisionner avec un profit suffisamment important pour financer les autres services qu’elle fournit. En dépit de son nom, la BRI est bien plus qu’une banque. Vu de l’extérieur, elle semble être une petite organisation technique. Seuls 86 de ses 298 employés sont classés parmi le personnel professionnel. Mais la BRI n’est pas une institution monolithique : savamment dissimulés dans la coquille d’une banque internationale, à l’image d’un casse-tête chinois dont les compartiments sont enchevêtrés les uns dans les autres, se trouvent les véritables groupes et services dont les banquiers centraux ont besoin – et dont ils paient le soutien.

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Le règne sur le monde de l’argent [2/2] - Suite

Le premier compartiment au sein de la banque est le conseil des directeurs, fondé par les huit banques centrales européennes (Angleterre, Suisse, Allemagne, Italie, France, Belgique, Suède et les Pays-Bas), qui se réunit le mardi matin de chaque week-end de Bâle. Le conseil se réunit aussi deux fois par an à Bâle avec les banques centrales d’autres nations.

Il offre un dispositif formel pour négocier avec des gouvernements européens et des bureaucraties internationales comme le FMI ou la Communauté économique européenne (le Marché commun). Le conseil définit les règles et les territoires des banques centrales, afin de dissuader les gouvernements de toute ingérence dans leur domaine. Par exemple, il y a de cela quelques années, lorsque l’Organisation de coopération et de développement économique, à Paris, a désigné un modeste comité pour étudier l’adéquation des réserves des banques, les banquiers centraux ont considéré cela comme un braconnage visant leur pré carré monétaire et ont sollicité l’appui du conseil de la BRI. Celle-ci a donc constitué un comité de haut-vol sous l’égide du Contrôle bancaire de la Banque d’Angleterre afin d’anticiper le problème. L’OCDE a reçu le message et a renoncé à son comité.

Pour faire face au monde dans sa globalité, il existe un autre compartiment de casse-tête chinois appelé le Groupe des dix, ou simplement G10. En réalité, il comprend onze membres à plein-temps, représentant les huit banques centrales européennes, la Fed, la Banque du Canada et la Banque du Japon. Il comprend également un membre non-officiel: le gouverneur de l’Agence monétaire saoudienne. Ce puissant groupe, qui contrôle la plus grande part de l’argent transférable dans le monde, se réunit à l’occasion de grandes sessions le lundi après-midi lors du week-end de Bâle. C’est là que des questions politiques plus larges telles que les taux d’intérêts, la croissance de l’offre monétaire, la stimulation économique (ou son arrêt) et les taux de devises sont débattus, s’ils ne sont pas toujours résolus.

Directement sous le G10, et répondant à tous ses besoins spécifiques, se trouve une petite unité appelée le Département du développement monétaire et économique qui est, dans les faits, son groupe de réflexion privé. La tête de cette unité, l’économiste belge Alexandre Larnfallussy, siège dans toutes les réunions du G10, puis assigne la demi-douzaine d’économistes constituant son équipe aux recherches et aux analyses adéquates. Cette unité produit également des analyses économiques, à l’occasion, qui sont fournies aux banquiers centraux de Singapour à Rio de Janeiro, quand bien même ils ne sont pas membres de la BRI, comme une méthode opportune pour se coordonner. Par exemple, un récent papier intitulé Les règles face à la discrétion: un essai sur la politique monétaire dans un environnement inflationniste, déboulonna courtoisement le dogme Milton Friedmanesque et suggéra une forme plus pragmatique de monétarisme. Et en mai dernier, juste avant la conférence du sommet de Williamsburg, l’unité réalisa un livre bleu au sujet des interventions sur le marché des changes par les banques centrales, qui établit les limites et les circonstances pour de telles actions. Lorsqu’il y a des désaccords internes, ces livres bleus peuvent exprimer des positions sensiblement contradictoires soutenues par tels ou tels membres de la BRI, mais généralement ils reflètent le consensus du G10.

A l’occasion d’un déjeuner autour d’une saucisse rôtie accompagnée d’une bière à l’étage supérieur de la Bundesbank, qui est située dans un immense bâtiment de béton (appelé le bunker) à l’extérieur de Francfort, Kark Otto Pohl, son président et gouverneur de haut-rang du BIS, s’est plaint auprès de moi en 1983 concernant la répétitivité de ces réunions au cours des week-ends de Bâle : «D’abord, il y a la réunion au pool de l’or, puis, après le déjeuner, les mêmes personnes se présentent au G10 et le jour suivant, il y a le conseil qui exclut les États-Unis, le Japon et le Canada, ainsi que la réunion de la Communauté européenne qui exclut la Suède et la Suisse.» Il dit en guise de conclusion : «Elles sont longues et astreignantes – et elles ne sont pas le lieu où les véritables affaires se concluent.» Celles-ci se tiennent, comme Pohl me l’expliqua au cours de notre paisible déjeuner, encore à un autre niveau de la BRI : «Une sorte de cercle intérieur.»

Le cercle intérieur est constitué par la demi-douzaine de puissants banquiers centraux qui se trouvent être plus ou moins dans le même bateau monétaire : en plus de Pohl, on trouve Volcker et Wallich de la Fed, Leutwiler de la Banque nationale suisse, Lamberto Dini de la Banque d’Italie, Haruo Mayekawa de la Banque du Japon, et le gouverneur retraité de la Banque d’Angleterre, Lord Gordon Richardson (qui a présidé les réunions du G10 durant les dix années passées). Ils parlent tous anglais avec aisance ; en effet, Pohl a relaté comment il s’est surpris à parler anglais avec Leutwiler, alors que tous deux ont l’allemand pour langue maternelle. Et ils parlent tous la même langue lorsqu’il est question des gouvernements, ayant des expériences communes en partage. Pohl et Volcker étaient tous deux secrétaires adjoints de leur trésoreries respectives ; ils ont travaillé étroitement ensemble, ainsi qu’avec Lord Richardson, à de vaines tentatives de défendre le dollar et la livre dans les années 1960. Dini était au FMI à Washington, confronté à de nombreux problèmes identiques. Pohl avait travaillé en étroite collaboration avec Leutwiler dans des pays voisins de la Suisse durant deux décennies. «Certains d’entre nous sont des amis de très longue date», a déclaré Pohl. Plus important encore, ces hommes partagent tous le même ensemble de valeurs clairement articulées en ce qui concerne l’argent.

La première de ces valeurs, qui semble également distinguer le cercle intérieur du reste des membres de la BRI, est la ferme conviction que les banques centrales devraient agir indépendamment de leur gouvernements nationaux. C’est un postulat facile à défendre pour Leutwiler, dans la mesure où la Banque nationale suisse est détenue par des acteurs privés (la seule banque centrale qui n’est pas détenue par un gouvernement [Discutable pour la FED notamment, NdT] et est complètement autonome («Je ne pense pas que beaucoup de gens connaissent le nom du président de la Suisse, même en Suisse, mais tout le monde en Europe a entendu parler de Leutwiler», a ironisé Pohl). La Bundesbank est presque aussi indépendante ; à l’instar de son président, Pohl n’est pas tenu de consulter les représentants du gouvernement ou de répondre aux questions du Parlement – même lorsque cela touche à des problèmes aussi cruciaux que la hausse des taux d’intérêt. Il refuse même de s’embarquer à bord d’un avion gouvernemental pour se rendre à Bâle, préférant encore se mettre au volant de sa limousine Mercedes.

La Fed est seulement un brin moins indépendante que la Bundesbank : Volcker est censé se rendre périodiquement au Congrès et au moins prendre les appels en provenance de la Maison Blanche – mais il n’a aucunement l’obligation de suivre leur conseil. Alors qu’en théorie la Banque d’Italie est sous le contrôle du gouvernement, en pratique c’est une institution d’élite qui agit de façon autonome et résiste souvent au gouvernement (en 1979, son gouverneur d’alors, Paolo Baffi, fut menacé d’arrestation mais le cercle intérieur, passant par des canaux non conventionnels, se rallia pour lui offrir son soutien). Bien que la relation exacte entre la Banque du Japon et le gouvernement japonais demeure sciemment impénétrable, même pour les gouverneurs de la BRI, son président Mayekawa adhère au moins au principe d’autonomie. Enfin, alors que la Banque d’Angleterre est sous la houlette du gouvernement britannique, Lord Richardson fut accepté par le cercle intérieur en raison de son adhésion personnelle à ce principe fondateur. Mais son successeur, Robin Leigh-Pemberton, dont l’expérience en affaires est moins florissante et les contacts personnels moins fournis, ne sera probablement pas admis dans le cercle.

En tous les cas, la ligne est définie au sein de la Banque d’Angleterre. La Banque de France est perçue comme une marionnette du gouvernement français ; à un degré moindre, les banques européennes restantes sont également considérées par le cercle intérieur comme des extensions de leurs gouvernements respectifs, de sorte qu’elles sont maintenues à l’écart.

Une autre conviction du cercle, étroitement liée à la première, est qu’on ne devrait pas faire confiance aux politiciens pour décider du sort du système monétaire international. Lorsque Leutwiler devint président de la BRI en 1982, il insista pour qu’aucun représentant gouvernemental ne soit autorisé à venir assister à un week-end de Bâle. Il persista sur ce point en 1968 : le secrétaire adjoint au Trésor états-unien, Fred Deming, s’était rendu à Bâle et fit un arrêt à la banque : «Lorsque le bruit s’est répandu qu’un représentant du Trésor étasunien se trouvait à la BRI, des négociants en or, spéculant que les États-Unis étaient sur le point de vendre leur or, déclenchèrent une panique sur le marché», d’après Leutwiler. Excepté pour la réunion annuelle en juin (appelée le jamboree par le personnel), durant laquelle le rez-de-chaussée du quartier général de la BRI est ouvert aux visiteurs officiels, Leutwiler a cherché à faire scrupuleusement appliquer son règlement. «Pour être honnête, je n’ai que faire des politiciens, a-t-il déclaré, le discernement des banquiers centraux leur fait défaut.» Cela résume effectivement l’antipathie ordinaire du cercle intérieur à l’égard de la «pagaille gouvernementale» [démocratique, NdT], selon les mots de Pohl.

Les membres du cercle intérieur privilégient communément le pragmatisme et la flexibilité à toute idéologie, aussi bien celle de Lord Keynes que celle de Milton Friedman. Plutôt que de recourir à la rhétorique et d’invoquer des principes, le cercle intérieur travaille à élaborer tout remède susceptible de résoudre une crise. Par exemple, plus tôt cette année, quand le Brésil échoua à rembourser à temps un prêt de la BRI garanti par les banques centrales, le cercle décida discrètement de repousser la date d’échéance plutôt que de recueillir l’argent auprès des garants. «Nous sommes constamment engagés dans un numéro d’équilibriste sans filet de sécurité», a expliqué Leutwiler.

L’ultime et de loin la plus importante conviction du cercle intérieur, est que lorsque sonne le glas pour n’importe quelle banque centrale, il sonne pour toutes les autres. Lorsque le Mexique fit face à la banqueroute au début des années 1980, le souci du cercle n’était pas le bien-être de ce pays mais, ainsi que Dini l’a formulé, «la stabilité du système bancaire tout entier». Pendant des mois le Mexique avait emprunté des fonds à un jour auprès du marché interbancaire de New York – ainsi que chaque banque reconnue par la Fed y est autorisée – afin de payer les intérêts sur sa dette extérieure dépassant les 80 milliards de dollars. Chaque nuit, il lui fallait emprunter plus d’argent pour rendre les intérêts sur les transactions de la nuit précédente et, d’après Dini, avant le mois d’août, le Mexique avait emprunté près d’un quart de tous les Fed funds, comme on appelle ces prêts à un jour entre banques.

La Fed était en proie à un dilemme : si elle intervenait soudainement et interdisait au Mexique de faire appel plus avant au marché interbancaire, le pays ne serait pas en mesure de rembourser sa dette colossale le lendemain, et 25% des fonds disponibles du système bancaire tout entier seraient gelés. Mais si la Fed autorisait le Mexique à continuer d’emprunter à New York, en l’espace de quelques mois il engloutirait la plupart des fonds interbancaires, obligeant la Fed à étendre de manière drastique les réserves d’argent.

Il s’agissait clairement d’une urgence pour le cercle intérieur. Après avoir parlé à Miguel Mancera, directeur de la Banco de Mexico, Volcker a immédiatement appelé Leutwiler qui passait ses vacances dans un village de montagne suisse des Grisons. Leutwiler se rendit compte que le système entier se trouvait confronté à une bombe à retardement financière : bien que le FMI ait été disposé à allonger 4,5 milliards de dollars au Mexique pour relâcher la pression sur sa dette à long terme, cela nécessiterait des mois de paperasse pour obtenir l’approbation de l’emprunt. Et le Mexique avait besoin d’un prêt immédiat de 1,85 milliard de dollars pour s’extraire du marché interbancaire, ce dont Mancera avait convenu. Mais en moins de 48 heures, Leutwiler avait appelé les membres du cercle intérieur et arrangé le crédit-relais temporaire.

Tandis que ces 1,85 milliards de dollars furent mentionnés dans la presse comme provenant de la BRI, pratiquement tous les fonds étaient issus des banques centrales du cercle intérieur. La moitié vinrent directement des États-Unis – 600 millions issus du fonds de péréquation des changes du Trésor et 325 millions des coffres de la Fed ; les 925 millions restants provenant principalement de dépôts de la Bundesbank, de la Banque nationale suisse, de la Banque d’Angleterre, de la Banque d’Italie et de la Banque du Japon, dépôts qui étaient spécifiquement garantis par ces banques centrales, bien qu’avancés en pro-forma par la BRI (avec un montant symbolique avancé par la BRI lui-même contre le nantissement de l’or mexicain). La BRI ne prit pratiquement aucun risque dans cette opération de sauvetage ; elle fournit simplement une couverture accommodante pour le cercle intérieur. Sans quoi ses membres, particulièrement Volcker, auraient eu à subir les pressions politiques à titre individuel pour ce qui semblait être le sauvetage d’un pays sous-développé. Dans les faits, ils étaient fidèles à leurs valeurs primordiales : secourir le système bancaire lui-même.

Les membres du cercle intérieur rendent un hommage de pure forme à l’idéal visant à préserver le caractère de la BRI et à ne pas le transformer en prêteur de dernier recours pour le monde dans son ensemble. En coulisse, toutefois, ils vont indubitablement poursuivre leurs manœuvres pour protéger le système bancaire, quel que soit le point du monde où il semble le plus vulnérable. Après tout, c’est en définitive l’argent des banques centrales qui est en jeu, pas celui de la BRI. Et le cercle intérieur continuera de se servir de la BRI comme de son masque en public, et de payer la somme requise pour le déguisement.

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La Banque des règlements internationaux (BRI) et la solution finale
Karel Vereycken, le 9 juin 2013 - Solidarité et progrès

A l’origine de la plupart des propositions visant à sauver la « stabilité financière » comprenant la procédure inquiétante de bail-in, on retrouve, via le Conseil de stabilité financière, la Banque des règlements internationaux (BRI).

Installée à Bâle en Suisse, cette vénérable institution, une banque privée autoproclamée « la banque centrale des banques centrales », fuit toute publicité comme la peste. En lisant cet article, vous allez comprendre pourquoi.

Genèse

La genèse de la BRI remonte à la fin de la Première Guerre mondiale, lorsque l’Allemagne, par le Traité de Versailles de 1919 est astreinte à de lourdes « réparations » de guerre. Estimé initialement à 226 milliards de mark-or lors de la conférence de Spa en 1920, le montant à débourser sera fixé à 132 milliards de mark-or lors de la conférence de Londres de 1921. Avant tout, il s’agit de forcer l’Allemagne de payer les vainqueurs de la guerre (France, Empire britannique, Belgique, Italie, etc.), qui se sont eux-mêmes lourdement endettés auprès des banques privées de la City de Londres et de Wall Street.


En 1913, John Pierpont Morgan Jr. (ici à droite) hérita de l’énorme fortune de son père John Pierpont Morgan (centre). Il deviendra le plus grand créancier privé des Alliés, notamment de la France, lors de la Première Guerre mondiale. En 1930, il sera, au même titre que la Banque de France, l’un des neufs actionnaires de la Banque des règlements internationaux (BRI).

Au cœur de cette histoire, les ancêtres de la Banque JP Morgan Chase, aujourd’hui le leader mondial pour la partie banque d’affaires.

Avant de se mettre à son compte, Junius Pierpont Morgan, n’était qu’un simple partenaire en affaires de la firme financière londonienne George Peabody & Co. Opérant pour la City de Londres, Junius, qui va fonder JS Morgan, fait rapidement fortune. Après la défaite française de Sedan, en 1870, c’est lui qui négocia un prêt de 250 millions de francs-or avec Gambetta, alors chef de la Défense nationale.

Son fils John Pierpont Morgan, surnommé le Napoléon de Wall Street fonda à son tour sa propre banque : JP Morgan & Cie qu’il dirigea d’une main de fer. La banque s’érigea en quasi-banque centrale lors de la crise financière de 1893 et en 1907 lors de la panique bancaire et JP Morgan jouera un rôle prééminent dans la création de la Réserve fédérale en 1913.

Après son décès cette même année, son fils, Jack Morgan Jr., hérita de l’énorme fortune de son père. Il va la faire fructifier en la mettant au service de Alliés en guerre contre l’Allemagne. JP Morgan prêtera 12 millions de dollars à la Russie et 50 millions de dollars à la France. Il mit sur pied un groupement de 2200 banques qui accordèrent un prêt de 500 millions de dollars aux alliés, le plus important jusqu’à là dans l’histoire de Wall Street.

A cela s’ajoute le fait qu’en janvier 1915, le gouvernement britannique nomma JP Morgan comme adjudicataire munitionnaire pour tous ses achats militaires en Amérique. En total, Morgan fournira pour environ 3 milliards de dollars de matériel de guerre, notamment des chevaux, des munitions ou encore des céréales, quasiment la moitié de tout le matériel fourni par les Etats-Unis. Sans surprise, les munitions achetées par la Grande Bretagne aux Etats-Unis furent produites et fournies par de gros clients de la banque, notamment les firmes Remington et Winchester qui ont fourni plus de trois millions de fusils. Aux Etats-Unis, Londres devint également le garant « pour les achats des Russes, des Italiens et des Français ».

A la fin de la guerre, pour honorer eux-mêmes leurs dettes auprès des banquiers anglo-américains, les pays alliés fantasmaient sur les montants qu’ils espéraient extorquer aux Allemands. En 1919, l’un des délégués américains à la conférence de Versailles se nommait d’ailleurs Thomas W. Lamont, un proche et partenaire d’affaires de J.P. Morgan, chargé de veiller au grain. Pour sa part, interrogé sur les difficultés de la reconstruction en France, Clemenceau répondra : « L’Allemagne paiera ! »

Face à l’incapacité et au refus de l’Allemagne de livrer les richesses physiques promises, le Président du Conseil Raymond Poincaré, en accord avec le roi des Belges Albert Ier, prit la décision d’envahir la Ruhr le 11 janvier 1923. Il s’agit de confisquer les quantités de charbon, de fer et d’acier dues par l’Allemagne. Le 31 mars cinquante mille ouvriers des usines Krupp manifestèrent à Essen pour protester contre la réquisition de camions par l’armée française. Le 16 mai, à la suite d’une flambée des prix, une grève sauvage est déclenchée dans la Ruhr. Des combats de rue éclatent.

Cette politique encouragea encore un peu plus l’Allemagne à faire marcher sa planche à billets, provoquant la fameuse hyperinflation de 1923.

En quelques mois, le prix d’un simple timbre poste explosa pour atteindre plusieurs milliards de marks. Inversement, des millions d’Allemands virent leur épargne fondre comme neige au soleil. C’était l’effondrement de la République de Weimar. Le 8 novembre, Hitler et Luddendorf tentèrent le « putsch de la Brasserie » à Munich. D’autres envisageaient d’imiter la révolution bolchévique.

 Le bail-out du plan Dawes


Deux figures au service de l’Empire Morgan : Charles G. Dawes (à droite) et Owen D. Young (à gauche). Chacun donnera son nom à un plan de "sauvetage" de l’économie allemande au service des banques et des cartels.

En réalité, tout défaut sur la dette allemande aurait immédiatement provoqué des défauts dans les pays alliés et une série de faillites en chaîne. Comme en 2008, il fallait donc intervenir en renflouant le système. L’Allemagne, deuxième partenaire de l’Angleterre, était tout simplement, comme les banques françaises aujourd’hui, too big to fail.

Les Alliés ont alors formé, en 1924, un comité de dix banquiers de cinq pays sous la direction du directeur du budget américain Charles G. Dawes. Ancien PDG de General Electric, Dawes était un banquier républicain qui devait l’essentiel de sa carrière à Morgan. Il sera assisté par un autre banquier proche de Morgan, Owen D. Young. Chacun donnera son nom à un plan de sauvetage de l’économie allemande.

Le « Plan Dawes » mis au point par le comité et signé à Londres en 1924 prévoyait plusieurs actions :

1. Retrait immédiat des troupes française et belges ;
2. Réduction la première année des annuités à payer par l’Allemagne. Elles augmenteront progressivement les années suivantes ;
3. La Reichsbank (banque centrale allemande) serait réformée sous la direction des alliés qui exigeaient que l’on nomme Hjalmar Schacht, un cadre de la banque Dresdner et fondateur du parti libéral. En tant que banquier, Schacht avait des bons rapports avec les financiers américains et britanniques et lors d’un déplacement professionnel en 1905, Schacht avait pu s’entretenir directement avec J.P. Morgan père ainsi qu’avec le Président Theodore Roosevelt. Le secret de Schacht, présenté généralement comme un « grand sorcier de la finance », n’était pas sa science économique, mais son culot, son carnet d’adresse et une créativité comptable hors pair. Pour mettre fin à l’hyperinflation, Schacht, à la tête de la Reichsbank, lança le rentenmark, une devise garantie par des biens immobiliers. Admiratif de Schacht, Keynes, par ailleurs impérialiste britannique convaincu, qualifia l’introduction de cette nouvelle monnaie de « miracle » ;
4. Assuré d’avoir la haute main sur la situation, un cartel de banques américaines dirigé par Morgan accorderait un prêt de 800 millions de dollars à la Reichsbank.

 Berlin, 1903, salle des guichets de la Reichsbank.

Aujourd’hui, du moins sur le papier, le schéma du plan Dawes paraît bien plus intelligent que tout ce qui a été proposé jusqu’ici par la Troïka pour les pays de la zone euro en difficulté. L’argent prêté par les banques américaines devait s’investir dans une relance économique de l’Allemagne (industrie, infrastructure, etc.). Grâce à un revenu fiscal accru par des taxes sur les transports et les exportations, l’Allemagne paierait les réparations de guerre à la France et aux alliés. Ces derniers utiliseraient ce revenu pour acheter des biens aux Etats-Unis et rembourseraient leurs propres dettes aux banques anglo-américaines….

En réalité, l’argent alla surtout à des clients choisis pour qui l’Allemagne d’après 1923 était un eldorado. Une partie des prêts fut allouée par Schacht à la création de cartels industriels supranationaux, dont le cartel chimique IG Farben, fondé en 1926 et partenaire du cartel pétrolier Standard Oil de la famille Rockefeller (également à l’origine de la Chase Manhattan Bank), sera un exemple caricaturale. La même année, un partenaire de JP Morgan, Thomas Lamont, qui se considérait comme un missionnaire du fascisme italien, organisa un prêt de 100 millions de dollars au profit de Mussolini.

Socialement, le plan Dawes imposa également des restructurations et des licenciements massifs dans les services publics. Au mieux, à très court terme, le plan Dawes donna une bouffée d’oxygène à l’économie allemande et il se vit même attribuer le prix Nobel en 1925.

 JP Morgan et le plan Young

Si l’Allemagne commençait à rembourser sa dette, tout le monde savait que les montants à payer étaient totalement irréalistes. Le plan Dawes se montra rapidement inopérant et, dès 1928, les Alliés décidèrent d’élaborer un nouveau plan de sauvetage sous la direction de Owen D. Young, lui aussi un banquier proche de Morgan.

Les discussions s’ouvrirent en février 1929 à l’Hôtel George V, à Paris. Schacht, qui représentait l’Allemagne, raconte dans son autobiographie que les Etats-Unis y étaient représentés par Owen Young et John Pierpont Morgan en personne !

C’était certes le plus grand créancier des alliés. Les négociations allèrent bon train jusqu’en octobre 1929, quand le krach de Wall Street vint brouiller les cartes. Finie toute idée de pouvoir exporter en masse des biens européens vers le marché américain. Les banques américaines, dont Morgan, subirent des pertes énormes sur les marchés et cherchèrent à rapatrier au plus vite leurs capitaux aux Etats-Unis. Toute clémence à l’égard de l’Allemagne fut abandonnée, elle fut sommée de payer en cash au plus vite. Entre 1929 et 1932, le chômage passa de 1,5 à 6 millions de personnes.

 Et Schacht créa la BRI

Selon ce qu’affirme Schacht dans son autobiographie, c’est lui qui convainquit Young que le succès de son plan ne serait total que si l’on confiait à l’avenir les négociations sur les réparations de guerre à un organisme d’experts indépendants disposant d’un statut d’immunité totale et hors d’atteinte de tout contrôle parlementaire : la Banque des règlements internationaux (BRI).


Cette photo de 1927, ici accrochée au mur du bureau du Président de la Réserve fédérale Ben Bernanke, réunit les banquiers centraux considérés comme les fondateurs de la BRI : de gauche à droite Hjalmar Schacht (Reichsbank allemande), Benjamin Strong (Réserve fédérale américaine), Montagu Norman (Banque d’Angleterre) et Charles Rist (Banque de France).

Comme le laisse penser la photo accrochée dans le bureau de l’actuel Président actuel de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, (voir ci-dessus), une forte synergie semblait déjà dominer leurs relations.

Il est intéressant de noter que premier président de la BRI était le banquier américain et dirigeant de la Astor Foundation Gates White McGarrah, qui démissionna de son poste de président de la Réserve fédérale de New York pour occuper cette nouvelle fonction. McGarrah avait été président de la Chase National Bank de la famille Rockefeller et fut nommé par les alliés à la tête du conseil d’administration de la Reichsbank en 1923 lorsque Schacht en fut nommé président. Les deux premiers vice-présidents de la BRI furent le Britannique Sir Charles Addis, un ancien dirigeant de la Hong-Kong and Shanghai Banking Corporation (HSBC) et l’Allemand Carl Melchior, un ancien de la Banque Warburg de Hambourg. Comme directeur général, on nomma Pierre Quesnay, chef des études économiques de la Banque de France.

En tout cas, la Charte constitutive de la BRI (voir Annexe 1) dissipe tout doute sur sa véritable nature : il s’agissait pour les créanciers (Morgan et compagnie) de désigner un liquidateur (un syndic de banques centrales constituant la BRI) chargé de faire honorer les créances d’une dette de guerre impayable.

Bien qu’elle se présente comme « la banque centrale des banques centrales », la BRI, à la demande de Schacht, fut constituée comme une banque privée (société anonyme par actions de droit suisse). Elle disposait d’une cagnotte confortable et prélevait une petite somme sur chaque transaction.

D’après l’Article 3 de ses statuts (mis à jour en 2005), « la Banque a pour objet : de favoriser la coopération des banques centrales et de fournir des facilités additionnelles pour les opérations financières internationales ; et d’agir comme mandataire (trustee) ou comme agent en ce qui concerne les règlements internationaux qui lui sont confiés en vertu d’accords passés avec les parties intéressées ».

Pour accomplir au mieux cette tâche délicate, la BRI, qui n’a de compte à rendre à aucun Parlement et à aucune législation, s’accorde, par un accord spécifique entre le Conseil fédéral suisse et la BRI, un statut d’immunité juridique et diplomatique absolue. La banque et ses fonctionnaires sont exonérés de tout impôt. Par son statut particulier, la BRI serat un des premiers paradis fiscaux au monde facilitant le blanchiment d’argent. Preuve qu’il s’agit d’un Etat dans l’Etat, nul agent de l’autorité publique suisse ne peut pénétrer dans son siège car la banque exerce le contrôle et la police dans ses locaux.

L’Article 55 des statuts précise :

1) La banque bénéficie de l’immunité de juridiction, sauf : a) dans la mesure où cette immunité a été formellement levée dans des cas individuels par le Président du Conseil, le Directeur général, le Directeur général adjoint ou par leurs représentants dûment autorisés ; (…)

2) Les biens et avoirs de la Banque, où qu’ils se trouvent et quels qu’en soient les détenteurs, bénéficient de l’immunité d’exécution (notamment à l’égard de toute mesure de saisie, séquestre, blocage ou d’autres mesures d’exécution forcée ou de sûreté) (…) ;

3) Les dépôts confiés à la Banque, toute créance sur la Banque, ainsi que les actions émises par la Banque, où qu’ils se trouvent et quels qu’en soient les détenteurs, ne pourront faire l’objet, sauf accord exprès préalable de la Banque, d’aucune mesure d’exécution (notamment de saisie, séquestre, blocage ou autres mesures d’exécution forcée ou de sûreté).

Les actionnaires initiaux étaient les banques centrales de six pays (55 en 2013 : Belgique, France, Allemagne, Royaume-Uni, Italie et Japon. Chaque banque disposait de 16 000 actions qu’elle pouvait placer chez ses clients. La Réserve fédérale ne rejoigna pas la BRI et à sa place, trois banques américaines possédaient chacune 16 000 actions : JP Morgan, First National Bank of New York et First National Bank of Chicago. Ainsi, dans les années 1930, jusqu’à 30 % des actions étaient aux mains d’actionnaires privés, par ailleurs confortablement à l’abri de toute confiscation de leurs avoirs.

L’Article 10 de la Charte constitutive (voir Annexe 1) précise expressément : « La Banque, ses biens et avoirs, ainsi que les dépôts ou autres fonds qui lui seront confiés, ne pourront faire, ni en temps de paix, ni en temps de guerre, l’objet d’aucune mesure telle que expropriation, réquisition, saisie, confiscation, défense ou restriction d’exporter ou d’importer de l’or ou des devises ou de toute autre mesure analogue. »

Avec le recul, pour tous ceux qui ont étudié l’économie nazie, deux passages prennent ici une importance singulière : « ni en temps de paix, ni en temps de guerre » et « exporter ou importer de l’or »….

Un gouvernement mondial de banquiers

La BRI, par sa nature, donnera un pouvoir exorbitant aux banquiers centraux à la tête de banques centrales dites « indépendantes », c’est-à-dire gérées par des intérêts privés. L’historien américain Carroll Quigley, dans Tragedy and Hope (MacMillan, 1966), affirme que :

la puissance du capitalisme financier avait un autre plan, celui de créer rien de moins qu’un système mondial de contrôle financier aux mains du privé capable de dominer le système politique de chaque pays et l’économie mondiale comme un tout. Le système serait contrôlé de façon féodale par les banques centrales du monde agissant de concert, grâce à des accords secrets obtenus lors de réunions et conférences fréquentes.

Le sommet de la pyramide devrait être la BRI de Bâle en Suisse, une banque privée possédée et contrôlée par les banques centrales mondiales.

Chaque banque centrale, aux mains de gens comme Montagu Norman de la Banque d’Angleterre, de Benjamin Strong de la Réserve fédérale de New York, de Charles Rist de la Banque de France et de Hjalmar Schacht de la Reichsbank allemande, cherchait à dominer son gouvernement par sa capacité à placer des emprunts du Trésor, à manipuler les cours de change, à influencer le niveau d’activité économique du pays et à influencer des hommes politiques coopératifs par des récompenses dans le monde des affaires.

 L’échec du plan Young

Lors de la conférence de la Haye aux Pays-Bas en janvier 1930, le plan Young fut adopté. L’Allemagne, mise sous tutelle, obtint une forte réduction de sa dette envers les alliés et des délais de paiement, elle n’était plus « que » de 112 milliards de marks or (équivalent de 107 milliards de dollars en 2013 !) et payable sur 59 ans (jusqu’en 1988), c’est-à-dire sur trois générations ! (Voir Annexe 2)

Mais la créativité de JP Morgan et Schacht ne connaissait pas de limites. Les annuités de remboursement, désormais versées non pas en marks, mais en devises et fixées par un échéancier précis, devaient désormais servir d’instruments d’émission obligataire. Pour gérer la dette et placer les obligations allemandes, la BRI, qui reprenait les fonctions remplies jusqu’alors par l’Agent général en charge des réparations de guerre à Berlin, était l’intermédiaire incontournable. L’émission de ces obligations était une garantie supplémentaire de paiement ponctuel, car toute suspension du service des titres ainsi émis porterait une atteinte directe au crédit de l’Allemagne.


En 1930, le banquier Hjalmar Schacht (à droite) inventa la Banque des règlements internationaux (BRI). En 1933, aussitôt élu, Hitler le nomma à la tête de la Reichsbank (Banque centrale allemande). Ici, lors de l’ouverture d’un nouveau bâtiment de la banque.

Schacht, qui savait que suite au crash boursier de 29 le plan Young était condamné à l’échec et allait provoquer l’ire de la population allemande, donna d’abord son agrément, puis démissionna tout en dénonçant immédiatement le plan qualifié par Hitler de « diktat de Versailles ». Le plan Young était si répugnant qu’il poussa de nombreux Allemands dans les bras du parti national-socialiste.

Après les élections de 1932, où le parti nazi NSDAP raflait plus du tiers des sièges au Parlement, Schacht, organisa une réunion afin de réunir 2 millions de marks pour renflouer le parti nazi et lança un appel signé par les grands dirigeants industriels demandant au président Hindenburg de nommer Hitler chancelier.

Cela fait, Hitler nomma, le 17 mars 1933, Schacht à la tête de la Reichsbank. Schacht jugea peu efficace les ratonnades commises par les nazis « de base » et proposa à Hitler des méthodes « plus efficaces » pour valoriser leurs biens.

Tout comme le Plan Dawes, le plan Young échoua rapidement, et Hitler cessa de payer les réparations de guerre tout en utilisant la BRI pour la vaste palette de facilités qu’elle offrait. Owen Young tenta alors de nouveau sa chance en se présentant en 1932 à l’investiture présidentielle démocrate contre Franklin Roosevelt ; en vain. Depuis lors, le rôle de la BRI consiste officiellement à servir de simple lieu privilégié permettant aux banquiers centraux de se parler à intervalles réguliers lors de rencontres organisées à Bâle.

 Le siège de la BRI, le bunker d’un gouvernement mondial


L’Hôtel Savoie-Univers (aujourd’hui Euler) en face de la gare centrale de Bâle, abrita dans le plus grand secret les premières réunions de la BRI à partir de 1930.

En 1930, en attendant de disposer de vrais bureaux, les banquiers centraux se donnaient rendez-vous à l’Hôtel Savoie-Univers (Aujourd’hui nommé Hôtel Euler), juste en face de la gare de Bâle.

Aucune plaque n’indiquait qu’il s’agissait de la BRI et pour y accéder les banquiers traversaient d’abord la boutique de la chocolaterie Frey.

L’anecdote n’est pas sans nous rappeler le Mécanisme européen de stabilité (MES), doté d’un statut d’immunité totale et installé dans un bureau anonyme d’un paradis fiscal nommé Luxembourg. Peu de doutes que c’est la BRI qui a servi de modèle !


D’après Edward Jay Epstein, un des rares journalistes à avoir pénétré les lieux, le siège de la BRI à Bâle dispose d’un abri antiatomique, plus de trente kilomètres d’archives souterraines et un triple système anti-incendie permettant d’éviter toute visite inopportune des pompiers...

Depuis 1977, dans un souci de transparence, une tour de dix-huit étages accueille les hôtes prestigieux de la BRI.

L’étage supérieur, où se trouve un restaurant de luxe, offre une vue panoramique sur trois pays : l’Allemagne, la France et la Suisse. Les autres étages sont occupés par le personnel de la BRI ou hébergent des suites et des bureaux individuels au service des banquiers centraux. Un système de lignes téléphoniques dédiées et codées leur permet d’accéder directement à leurs pays respectifs. A cela s’ajoute l’un des ordinateurs les plus modernes, une équipe professionnelle de plusieurs centaines de secrétaires, de traducteurs, de chauffeurs et de chercheurs compétents. Le club est équipé de cuisines, de tennis et de golf à la hauteur de l’importance de ses hôtes.

 Schacht met la main sur les dépôts allemands


En 1934, Schacht fera une grande démonstration de sorcellerie financière en revigorant une vieille technique éprouvée lors de la Révolution française. Sur la base des ventes futures des biens de l’église qu’ils avaient confisqués, les révolutionnaires français paient leurs prestataires avec des titres appelés « Assignats ». Garantis par l’Etat, les prestataires pouvaient s’en servir à leur tour pour régler des dépenses. Lorsqu’il devint clair qu’il ne s’agissait que de promesses, la pyramide des assignats s’effondra.

Pour sa part, la Reichsbank sous Schacht, avec le ministère de la Défense et les quatre plus grands producteurs d’armement, monta une société écran, le Metal Forschungsinstitut Gmbh (MEFO). La Reichsbank rémunérait les producteurs d’armement avec des « bons MEFO », garantis par l’Etat allemand, qu’ils pouvaient escompter à leur tour dans leurs banques contre des marks sonnants et trébuchants.

Ensuite, le gouvernement Hitler força les caisses d’épargne et les banques commerciales à investir jusqu’à 30 % de leurs dépôts dans des bons MEFO ! Pour les municipalités, c’était 90 %, et des ratios similaires étaient imposés aux caisses d’assurance publiques et privées ! C’est à peu de détails près ce qui vient de se passer cette année avec les preferentes (actions préférentielles) de Bankia en Espagne !

De cette façon « magique », Schacht, a pu contenir l’inflation. La masse monétaire augmenta seulement de 33 % entre février 1933 et février 1938. Mais en même temps, de 1934 a 1938, c’est 12 milliards de reichsmarks qui furent créés en bons MEFO (non comptabilisés dans la masse monétaire). L’on peut imaginer quelle aurait été l’inflation si cet argent avait été de l’émission monétaire pure. Se pose alors la question fondamentale : comment cet empire de valeurs papier peut se maintenir puisque la production d’armement, si elle crée de l’emploi pendant un certain temps, n’engendre en aucune façon des instruments permettant de multiplier la création de richesses futures... ?


Brochure de la BRI de 2007. La troisième figure à partir du haut est Hjalmar Schacht.

C’est là où, pour obtenir du solide en échange de ce qui s’apparente à de simples jetons qu’on multiplie à bon compte à l’intérieur d’un casino, il faut des hommes armés et une dictature pour les faire accepter à l’extérieur du casino, c’est-a-dire dans le monde réel. C’est bien là que Schacht va appliquer à l’Allemagne une politique d’auto-cannibalisation qui aboutira, par sa logique infernale, aux camps d’extermination des « bouches inutiles » et des populations « en excès » ainsi qu’aux guerres de conquête territoriale dictées pour l’essentiel par le besoin de ressources (or autrichien et tchécoslovaque, charbon polonais, eau lourde norvégienne, etc.), dont le complexe militaro-financier cherchait à s’accaparer.

Bien qu’en septembre 1939, la BRI, se drapant dans la neutralité, cessa d’organiser les rencontres entre banquiers centraux, elle continua, au nom de l’impérative nécessité de préserver la « stabilité financière », de faciliter des transactions de très haut niveau entre des pays en guerre.

Les transferts de l’or autrichien et tchécoslovaque, consentis par la Banque d’Angleterre présidée alors par Montagu Norman, feront scandale. Fallait-il vraiment offrir des facilités financières à Hitler pour préserver la « stabilité financière » ?

 Du capitalisme financier au fascisme financier

Ce n’est qu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale que l’on « découvre » que l’or fourni par l’Allemagne à la BRI provenait en fait des stocks d’or de la Belgique et des Pays-Bas pillés par les nazis. Ce n’est pas étonnant puisque la BRI était truffée de sympathisants enthousiastes du régime Hitlérien.

Rappelons que c’est à la demande d’Hitler que Schacht redevint président de la Reichsbank en 1933, position qu’il cumulera à partir de 1934 avec celle de ministre de l’Economie. (Ah bon ? je croyais que les ministres n’avaient rien à voir avec le Conseil d’administration de la BRI… )

Jusqu’en 1936, Hitler donna carte blanche à Schacht. En janvier 1937, il est nommé membre honoraire du parti nazi et décoré de la Swastiska d’or. Cependant, Schacht, mis en concurrence avec Goering, démissionna de son ministère en 1937 et de la Reichsbank en 1939, estimant que les dépenses d’armement excessives allaient réveiller l’inflation et ruiner les finances allemandes. Schacht restera cependant ministre sans portefeuille jusqu’en 1943. A partir de cette date, toute personne intelligente savait que le régime était condamné et rejoignait éventuellement, comme Schacht, la Résistance. C’est sans doute pour cela que la brochure de 2007 de la BRI exhibe encore fièrement son portrait...

 La solution finale

Walter Funk, le ministre de la Propagande d’Hitler en 1933, succéda à Schacht à la tête de la Reichsbank en 1939, et devint également ministre de l’Economie du IIIe Reich en 1938. En tant que banquier central allemand, il siégeait d’office au conseil d’administration de la BRI et le vice-président de la Reichsbank chargé des transferts en or, Emil Puhl en faisait également parti.


Heinrich Himmler, grand patron des SS et Rudolf Hess, admirant la maquette du camp de concentration de Dachau.

En 1942, Funk conclut un accord avec Himmler, à la tête des SS et un des architectes de la Shoah : les possessions, l’argent, les titres de valeurs, les bijoux et enfin l’or dentaire récupéré sur les Juifs et tous ceux envoyés aux camps de la mort, seraient transmis à la Reichsbank. Cette dernière les revendrait et mettrait l’argent sur un compte spécial portant le nom fictif de « Max Heiliger » [1], permettant l’autofinancement des SS et l’expansion des camps de la mort. Funk et Puhl ont été condamnés par le Tribunal de Nuremberg.

Parmi les autres administrateurs de la BRI de cette époque sombre, mentionnons Hermann Schmitz, le grand patron du cartel de la chimie IG Farben. L’entreprise, productrice du gaz zyklon B employé pour l’élimination des opposants et des races jugées « inférieures », avait des accords juteux avec le cartel pétrolier de la famille Rockefeller, Standard Oil, et exploitait l’usine d’Auschwitz dont le tristement célèbre camp de concentration n’était qu’une annexe. Le banquier et baron Kurt von Schröder, directeur de la Stein Bank de Cologne, la banque de la Gestapo, était lui aussi administrateur de la BRI, comme l’atteste le rapport annuel de la BRI de 1944.

Charles Higham, dans Trading with the ennemy, note que « la BRI était un instrument d’Hitler, mais son existence fut appuyée par la Grande-Bretagne, même après que ce pays entra en guerre contre l’Allemagne, et le directeur britannique de la BRI Sir Otto Niemeyer, ainsi que Montagu Norman, restèrent en fonction pendant la guerre ». Pour Higham, la BRI était devenue un « moyen de faire transiter des fonds britanniques et américains vers les coffres d’Hitler ».

 Roosevelt voulait liquider la BRI


Dexter White (à gauche), l’envoyé de Franklin Roosevelt à la Conférence de Bretton Woods et l’économiste impérialiste John Maynard Keynes, à peu près en désaccord sur tout. Alors que White voulait supprimer la BRI au plus vite, Keynes la jugea un instrument très utile pour l’avenir de l’Empire britannique.

A la dernière session de la conférence de Bretton Woods de 1944, la Norvège proposa officiellement qu’on « liquide au plus vite » la BRI.

La motion fut violemment combattue par l’économiste impérialiste britannique John Maynard Keynes et le département d’Etat américain (plusieurs présidents de la BRI n’étaient-ils pas des Américains… ?).

En face, Henry Morgenthau, le secrétaire au Trésor américain, et Dexter White, le représentant de Franklin Roosevelt, s’opposaient à Keynes sur toute la ligne en soutenant la motion norvégienne, et la résolution finale des accords de Bretton Woods appelle à « la liquidation de la BRI le plus tôt possible ». Morgenthau, dans le New York Herald Tribune du 31 mars 1946 dira : « A cette époque je voulais transférer le centre financier du monde de Wall Street et de la City de Londres, à Washington. » Malheureusement, Roosevelt mourut en 1945.

Entre-temps, les banquiers recommencèrent leurs grands rendez-vous à Bâle et en 1948, grâce à Harry Truman, la motion fut officiellement révoquée. A nous de finir le travail !

 La BRI, combien de divisions ?



Les 18 personnes qui siègent au Conseil d’administration (Board of Directors) élisent leur président. Par leur vote ils en désignent un président (A l’heure actuel le Français Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, ami intime de Michel Pébereau de BNP Paribas et opposant virulent à tout retour à Glass-Steagall). Le CA est composé de trois types de membres : sont membres ex-officio (de fait) : uniquement les gouverneurs des banques centrales de Belgique, de France, d’Allemagne, d’Italie, du Royaume Uni et (depuis 1994) des Etats-Unis (avant il s’agissait de représentants de grandes banques américaines actionnaires : JP Morgan, First National Bank of New York et First National Bank of Chicago).

Les administrateurs supplémentaires nommés par les banques centrales le sont pour une période de trois ans, mais rééligible. Les statuts de la BRI prévoient l’élection, par une majorité aux deux tiers, de seulement 9 autres gouverneurs de banques centrales membres.

Selon certaines sources, le CA et son directeur ne sont qu’une façade et les vraies décisions sont prises par un « club interne » d’une demi-douzaine de banquiers centraux dont le sort est intimement lié. En seraient membre : l’Allemagne, les Etats-Unis, l’Angleterre, la Suisse, l’Italie et le Japon, mais pas la France…

221 milliards de dollars de dépôts. En 2013, 60 banques centrales du monde sont actionnaires de la BRI. En date du 26 mars 2006, la BRI abrite 221 milliards de dollars, dont 5,8 milliards de ses fonds propres. Lors de la fondation de la BRI en 1930, les banques (centrales et privées) actionnaires pouvaient soit acheter des actions de la BRI et éventuellement les revendre à leurs clients. En 2007, 86 % des actions de la BRI restaient détenus par les banques centrales, 14 % par le privé. Dans les années 1930, le privé détenait environ 30% des actions. Aujourd’hui, tout est dans les mains des banques centrales. Tous les actionnaires reçoivent les dividendes de la BRI.

712 tonnes d’or. Le rapport annuel de la BRI de 2005 indique que 712 tonnes d’or sont déposées dans ses caves sans indiquer la répartition de cette quantité entre membres et la banque elle-même.

7 % des réserves de change du monde. La BRI dispose d’une vaste panoplie de services financiers pour assister les banques centrales dans la gestion de leurs réserves externes. A peu près 140 banques centrales et institutions financières internationales ont des dépôts à la BRI. En mars 2006, les dépôts en devises totalisaient environ 186 milliards de dollars, à peu près 7 % des réserves de change du monde. Depuis mars 2003, elles ne sont plus calculés en Franc suisse or mais en Droits de tirage spéciaux (DTS) une monnaie fiat conçue par le FMI dont la valeur est définie à partir d’un panier de monnaies : 44 % dollar américain, 34 % euro, 11 % yen japonais, 11 % livre sterling).

La plupart de ces fonds servent des placements de banques commerciales et des achats d’obligations d’Etat à court terme. La BRI gère également des opérations de change et des transactions en or pour ses clients. La BRI prête également à court terme, avec ou sans collatéral, des fonds qu’elle reçoit d’autres banques centrales. A plusieurs reprises, la BRI a secouru des pays avec l’appui d’un groupe de banques centrales dirigeantes. Par exemple, en 1998, la BRI a organisé une ligne de crédit de plusieurs milliards de dollars pour le Brésil.

La BRI, mère de l’Euro. Dans un résumé de son histoire, la BRI souligne son rôle dans la naissance de l’euro : « Depuis 1964, le comité des gouverneurs des banques centrales des pays membres du Marché commun (CEE) se rencontraient régulièrement à Bâle. A partir de 1972, la BRI gérait le "serpent monétaire", un mécanisme commun permettant de réduire les fluctuations entre les monnaies européennes. En 1979, le Système monétaire européen fut crée et l’Unité de compte européenne (ECU) mis en place. La BRI a fourni le secrétariat et a agi comme son agent. Au début des années 1980, les gouverneurs des banques centrales de la CEE, réuni à Bâle, ont été les artisans du cadre de l’union monétaire incorporée dans le Traité de Maastricht (Le "Comité Delors"). Issu de ce traité, l’Institut monétaire européen (IME), le précurseur de la Banque centrale européenne (BCE) a été créé le 1er janvier 1994. Le déménagement de Bâle à Francfort, en novembre 1995, a mis un terme à l’implication directe de la BRI dans l’unification monétaire européenne ».

Annexe 1

Charte constitutive
de la Banque des Règlements Internationaux
(du 20 janvier 1930)

Extraits :

Considérant que les Puissances signataires de l’Accord de La Haye de janvier 1930 ont adopté
un Plan qui envisage la création par les banques centrales d’Allemagne, de Belgique, de France, de Grande-Bretagne, d’Italie et du Japon et par un établissement financier ou groupe bancaire des États-Unis d’Amérique d’une banque internationale qui sera appelée la « Banque des Règlements Internationaux » ;

et considérant que lesdites banques centrales et un groupe bancaire comprenant MM. J. P. Morgan & Co. de New York, The First National Bank of New York, New York, et The First National Bank of Chicago, Chicago, ont entrepris de fonder ladite banque et ont garanti ou pris des mesures pour faire garantir la souscription de son capital autorisé s’élevant à cinq cents millions de francs suisses, équivalant à 145 161 290,32 grammes d’or fin et divisé en deux cent mille actions ;

et considérant que le Gouvernement fédéral suisse a conclu, avec les Gouvernements d’Allemagne, de Belgique, de France, de Grande-Bretagne, d’Italie et du Japon une convention par laquelle il a accepté d’accorder la présente Charte constitutive de la Banque des Règlements Internationaux, s’engageant à ne pas abroger cette Charte, à n’y apporter ni modifications, ni additions et à ne pas sanctionner les modifications aux Statuts de la Banque visées au paragraphe 4 de la présente Charte, si ce n’est d’accord avec lesdites Puissances ;

(…)

6. La Banque est libre et exempte de tous impôts rentrant dans les catégories suivantes :

a) droits de timbre, d’enregistrement et autres droits, sur tous actes ou autres documents ayant trait à la constitution ou à la liquidation de la Banque ;

b) droits de timbre et d’enregistrement sur toute émission initiale des actions de la Banque souscrites par une banque centrale, par un établissement financier, par un groupe bancaire ou par une personne ayant pris ferme soit à la création de la Banque, soit avant, soit en vertu des dispositions des articles 5, 6, 8 et 9 des Statuts ;

c) tous impôts sur le capital de la Banque, ses réserves ou ses bénéfices distribués ou non, qu’ils frappent ces bénéfices avant distribution ou qu’ils soient perçus au moment de la distribution, sous forme d’une taxe à payer ou à retenir par la Banque sur les coupons. Cette stipulation ne porte pas atteinte au droit de la Suisse d’imposer les personnes résidant en Suisse autres que la Banque, comme elle le juge opportun ;

d) tous impôts sur tous contrats que la Banque pourra conclure en liaison avec l’émission d’emprunts de mobilisation des annuités allemandes et sur les titres d’emprunts de cette nature émis sur un marché étranger ;

e) tous impôts sur les rémunérations et les salaires payés par la Banque à ses administrateurs et à son personnel n’ayant pas la nationalité suisse.

7. Toutes les sommes déposées à la Banque par n’importe quel Gouvernement en vertu des dispositions du Plan adopté par l’Accord de La Haye de janvier 1930 seront libres et exemptes d’impôts à percevoir soit par voie de retenue par la Banque agissant pour le compte de l’autorité imposante, soit de toute autre manière.

8. Les susdites exemptions et immunités s’appliqueront aux impôts présents et futurs, sous quelque nom qu’on les désigne et qu’il s’agisse d’impôts de la Confédération, de cantons, de communes ou d’autres autorités publiques.

9. En outre, sans préjudice aux exemptions spécifiées ci-dessus, il ne pourra être levé sur la Banque, ses opérations ou son personnel, aucun impôt qui n’aurait pas un caractère général et auquel les autres établissements bancaires établis à Bâle ou en Suisse, leurs opérations ou leur personnel, ne seraient pas assujettis en droit et en fait.

10. La Banque, ses biens et avoirs, ainsi que les dépôts ou autres fonds qui lui seront confiés, ne pourront faire, ni en temps de paix, ni en temps de guerre, l’objet d’aucune mesure telle que expropriation, réquisition, saisie, confiscation, défense ou restriction d’exporter ou d’importer de l’or ou des devises ou de toute autre mesure analogue ;

11. Tout différend entre le Gouvernement suisse et la Banque concernant l’interprétation ou l’application de la présente Charte sera soumis au Tribunal arbitral prévu à l’Accord de La Haye de janvier 1930.

Source : BRI

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Faites connaissance avec le groupe secret qui dirige la planète, la Banque des Règlements Internationaux|
Adam LeBor, le 12 avril 2015 - Zero HedgeLe Fractal (trad.)


La Tour de Babel : La Banque des Règlements Internationaux, la banque centrale des banques centrales, à Bâle (Suisse)

Au cours des siècles, il y a eu beaucoup d’histoires, certaines basées sur des rumeurs, d’autres basés sur des ouï-dire, des conjectures, des spéculations ou des mensonges, à propos des groupes de personnes qui « dirigent le monde ». Certaines de ces histoires sont partiellement exactes, d’autres sont grandement exagérées, mais quand on en vient au rapport historique, rien ne se rapproche plus du stéréotype, que le groupe secret qui détermine le sort de plus de 7 milliards de personnes, la Banque des Règlements Internationaux, qui se cache au vu et au su de tous, et à laquelle peu ont vraiment fait attention. Ceci est son histoire.


Première réunion officieuse du Conseil d’administration de la B.R.I. , à Bâle, Avril 1930 

Ce qui suit est un extrait de « LA TOUR DE BALE : L’obscure histoire de la Banque secrète qui dirige le monde » par Adam LeBor. Reproduit avec la permission de PublicAffairs.


Adam LeBor est un écrivain, journaliste et essayiste britannique. Né en 1961, il a également travaillé (entre autres) comme correspondant étranger pour The Times ou The Independant.

 » Le club le plus exclusif au monde a dix-huit membres. Ils se réunissent tous les deux mois, le dimanche soir, à 19 heures, dans la salle de conférence E d’une tour circulaire dont les fenêtres teintées donnent sur ​​la gare centrale de Bâle. Leur discussion dure une heure, peut-être une heure et demi. Certains de ceux qui sont présents ont emmené un collègue avec eux, mais les aides parlent rarement au cours de ce conclave des plus confidentiels. La réunion se termine, les aides partent, et ceux qui restent se retirent pour le dîner dans la salle à manger du dix-huitième étage, à juste titre assurés que la nourriture et le vin seront superbes. Le repas, qui se poursuit jusqu’à 23 heures ou minuit, constitue le moment où le travail est réellement effectué. Le protocole et l’hospitalité, rodés depuis plus de huit décennies, sont irréprochables. Tout ce qui se dit à la table de la salle à manger, bien entendu, ne sera pas répété ailleurs.

Peu, sinon aucune, de ces personnes jouissant de leur haute cuisine et de leurs grands crus – parmi les meilleurs que la Suisse peut offrir- ne seraient reconnues par les passants, mais ils comprennent un bonne partie des personnes les plus puissantes du monde. Ces hommes – ils sont presque tous des hommes – sont banquiers centraux. Ils sont venus à Bâle pour assister au Comité Consultatif Économique (CCE) de la Banque des règlements internationaux (BRI), qui est la banque des banques centrales . Ses membres actuels (en 2013) incluent Ben Bernanke, le président de la Réserve fédérale américaine; Sir Mervyn King, le gouverneur de la Banque d’Angleterre; Mario Draghi, de la Banque centrale européenne; Zhou Xiaochuan de la Banque de Chine; et les gouverneurs des banques centrales de l’Allemagne, la France (Christian Noyer, aujourd’hui Président du Conseil d’Administration de la BRI – Note du traducteur), l’Italie, la Suède, le Canada, l’Inde et le Brésil. Jaime Caruana, un ancien gouverneur de la Banque d’Espagne, le Directeur Général de la BRI, se joint à eux. – http://www.bis.org/about/orggov.htm

Au début de 2013, lorsque ce livre était sous presse, M. King, qui devait démissionner en tant que gouverneur de la Banque d’Angleterre en Juin 2013, préside le CCE. Le CCE, plus connu comme la réunion des gouverneurs du G-10, est la plus influente des nombreuses réunions de la BRI, ouverte seulement à un petit groupe sélect, des banquiers centraux des pays économiquement avancés . Le CCE fait des recommandations sur la composition et l’organisation des trois comités de la BRI qui traitent avec le système financier mondial, les systèmes de paiement, et les marchés internationaux. Le comité prépare également des propositions pour la Réunion Économie Mondiale et guide son ordre du jour.

Cette réunion commence à 09h30, le lundi matin, dans la salle B et dure trois heures. Ici M. King préside les gouverneurs des banques centrales des trente pays jugés les plus importants pour l’économie mondiale. En plus de ceux qui étaient présents au dîner du dimanche soir, la réunion de lundi sera composé de représentants provenant, par exemple, d’Indonésie, de Pologne, d’Afrique du Sud, d’Espagne et de Turquie. Les gouverneurs de quinze petits pays, comme la Hongrie, Israël et la Nouvelle-Zélande sont autorisés à s’asseoir en tant qu’observateurs, mais ne prennent habituellement pas la parole. Les gouverneurs du dernier tiers des banques membres, comme la Macédoine et la Slovaquie, ne sont pas autorisés à y assister. Au contraire, ils doivent chercher des bribes d’informations à la pause-café et au repas.

Les soixante gouverneurs de toutes les banques membres de la BRI bénéficient ensuite d’un déjeuner-buffet dans la salle à manger du dix-huitième étage. Conçue par Herzog & de Meuron, le cabinet d’architecture suisse qui a construit le stade « Nid d’oiseau » pour les Jeux olympiques de Pékin, la salle à manger a des murs blancs, un plafond noir et des vues spectaculaires sur trois pays : la Suisse, la France et l’Allemagne . À 14 heures les banquiers centraux et leurs collaborateurs reviennent à la salle B pour la réunion des gouverneurs pour discuter des questions d’intérêt, jusqu’à la fin de la réunion, à 17 heures.

M. King adopte une approche très différente de celle de son prédécesseur, Jean-Claude Trichet, l’ancien président de la Banque centrale européenne, à la présidence de l’Assemblée Économie Mondiale. Trichet, selon un ancien banquier central, était remarquablement gaulois dans son style : à cheval sur le protocole qui veut que les banquiers centraux parlent par ordre d’importance, en commençant par les gouverneurs de la Réserve Fédérale, la Banque d’Angleterre et la Bundesbank (banque centrale allemande – NdT), jusqu’en bas de la hiérarchie. King, en revanche, adopte une approche plus thématique et égalitaire: en ouvrant les réunions de discussion et invitant les contributions de toutes les personnes présentes.

Les conclaves des gouverneurs ont joué un rôle crucial dans la détermination de la réponse du monde à la crise financière mondiale. « La BRI a été un point de rencontre très important pour les banquiers centraux pendant la crise, et la justification de son existence a grandi », a déclaré M. King. «Nous avons dû faire face à des défis que nous n’avions jamais rencontré auparavant. Nous avons dû comprendre ce qui se passait, travailler à propos des instruments que nous devrions utiliser lorsque les taux d’intérêt seraient proches de zéro, comment nous communiquerions la politique. Nous en discutons avec le personnel de nos banques centrales, mais il est très important pour les gouverneurs eux-mêmes de se réunir et de parler entre eux.

 » Ces discussions, disent les banquiers centraux, doivent être confidentielles . « Lorsque vous êtes au sommet, au poste numéro un , vous pouvez parfois vous sentir seul. King poursuit :  » Il est utile de pouvoir rencontrer ses pairs et demander : «Ceci est mon problème, comment le géreriez-vous ?  » . «Être capable de parler de façon informelle et ouvertement de nos expériences a été d’une valeur inestimable. Nous ne parlons pas dans un forum public. Nous pouvons dire ce que nous pensons et croyons vraiment, et nous pouvons poser des questions et bénéficier les uns des autres « .

Les équipes de la BRI travaillent dur pour s’assurer que l’ambiance soit conviviale et chaleureuse tout au long du week-end, et il semble qu’ils y parviennent. La banque organise une flotte de limousines pour ramasser les gouverneurs à l’aéroport de Zürich et les amener à Bâle . Différents petits-déjeuners, déjeuners, et dîners sont organisés pour les gouverneurs des banques nationales qui supervisent différents types et tailles d’économies nationales, afin que personne ne se sente exclu. « Les banquiers centraux sont plus à l’aise et détendus avec leurs pairs qu’avec leurs propres gouvernements», a rappelé Paul Volcker, l’ancien président de la Réserve fédérale américaine, qui a assisté à ce week-end à Bâle. La superbe qualité de la nourriture et du vin participe à l’esprit de camaraderie, a déclaré Peter Akos Bod, un ancien gouverneur de la Banque nationale de Hongrie. « Les principaux sujets de discussion étaient la qualité du vin et la stupidité des ministres des Finances. Si vous n’aviez pas connaissance du vin vous ne pouviez pas participer à la conversation « .

Et la conversation est généralement stimulante et agréable, disent les banquiers centraux. Le contraste entre les réunions du Federal Open Markets Committee (FOMC) à la Réserve fédérale américaine et les dîners du dimanche soir des gouverneurs du G-10 est marquant, rappelle Laurence Meyer, qui a servi en tant que membre du Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale de 1996 à 2002. Le président de la Réserve Fédérale ne représente pas toujours la Banque au cours des réunions de Bâle, et L. Meyer y a occasionnellement assisté. Les discussions de la BRI sont toujours animées , ciblées et appellent à la réflexion. « Lors des réunions FOMC, alors que j’étais à la Fed, presque tous les membres du Comité lisaient des déclarations qui avaient été préparées à l’avance. Ils faisaient très rarement référence à des déclarations d’autres membres du Comité et il n’y avait presque jamais d’échange ou de discussion entre deux membres à propos des perspectives ou des options politiques. Aux dîners de la BRI les gens parlent effectivement aux autres et les discussions sont toujours stimulantes, interactives et axées sur les problèmes graves auxquels est confrontée l’économie mondiale « .

Tous les gouverneurs présents à la réunion de deux jours sont assurés d’une totale confidentialité, discrétion, et des plus hauts niveaux de sécurité . Les réunions ont lieu sur plusieurs étages qui ne sont habituellement utilisés que lorsque les gouverneurs sont présents. On fournit aux gouverneurs  un bureau dédié, le soutien nécessaire et le personnel de secrétariat. Les autorités suisses n’ont pas de compétences juridiques sur les locaux de la BRI. Fondée par un traité international, et en outre protégée par le Headquarters Agreement de 1987 avec le gouvernement suisse, la BRI bénéficie des protections similaires à celles accordées au siège de l’Organisation des Nations Unies, du Fonds Monétaire International (FMI) et des ambassades diplomatiques. Les autorités suisses ont besoin de l’autorisation de la direction de la BRI pour entrer dans les bâtiments de la banque, qui sont décrits comme «inviolables».

La BRI a le droit de chiffrer ses communications et d’envoyer et de recevoir de la correspondance dans des sacs couverts par la même protection que celle des ambassades, ce qui signifie qu’ils ne peuvent pas être ouverts. La BRI est exonérée d’impôts suisses. Ses employés n’ont pas à payer d’impôt sur ​​leurs salaires, qui sont généralement conséquents, conçus pour rivaliser avec le secteur privé. Le salaire du manager général en 2011 était de 763 930 francs suisses, tandis que les responsables de départements ont été payés 587 640 par an, plus de grasses allocations. Les  privilèges juridiques extraordinaires de la banque s’étendent également à son personnel et aux administrateurs. Les cadres supérieurs bénéficient d’un statut spécial, similaire à celui des diplomates, dans l’exercice de leurs fonctions en Suisse, ce qui signifie que leurs sacs ne peuvent pas être fouillés (sauf s’il existe des preuves d’un acte criminel flagrant), et leurs papiers sont inviolables. Les gouverneurs des banques centrales se rendant à Bâle pour les réunions bimensuelles jouissent du même statut partout en Suisse. Tous les responsables de la banque sont à l’abri de droit suisse, pour la vie, pour tous les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions. La banque est un endroit populaire pour travailler et pas seulement à cause des salaires. Environ six cents employés proviennent de plus de cinquante pays. L’atmosphère est multi-nationale et cosmopolite, bien que très suisse, soulignant la hiérarchie de la banque. Comme beaucoup de ceux qui travaillent pour l’ONU ou le FMI, une partie du personnel de la BRI, en particulier la haute direction, est motivé par un sens de la mission, et considèrent qu’ils travaillent pour un même but céleste plus élevé et sont donc à l’abri de considérations normales de responsabilité et de transparence.

La direction de la banque a essayé de prévoir toutes les éventualités afin que l’on ait jamais besoin de faire  appel à la police suisse. Le siège de la BRI dispose de systèmes de sprinklers (gicleurs anti-incendie, NdT)  de haute technologie redondants, des installations médicales internes, et son propre abri anti-bombes dans le cas d’une attaque terroriste ou d’un conflit armé. Les actifs de la BRI ne sont pas soumis à des poursuites civiles en vertu du droit suisse et ne peuvent jamais être saisis.

La BRI garde strictement le secret des banquiers . Les minutes, ordres du jour et la liste de présence effective de la Réunion Économie Mondiale ou de l’ECC ne sont diffusées sous aucune forme. C’est parce qu’aucune minute officielle n’est conservée, même si les banquiers griffonnent parfois leurs propres notes. Parfois, il y aura une brève conférence de presse ou une déclaration approximative, mais jamais rien de détaillé. Cette tradition de confidentialité privilégiée remonte à la fondation de la banque.

« Le calme de Bâle et son caractère absolument apolitique offrent un cadre parfait pour les réunions calmes et non politiques», écrit un responsable américain en 1935. « La régularité des réunions et la participation presque ininterrompue de pratiquement tous les membres du conseil d’administration ne déclenche que rarement un mince entrefilet dans la presse.  » Quarante ans plus tard, peu de choses ont changé. Charles Coombs, un ancien chef de change de la Réserve fédérale de New York, a assisté à des réunions de 1960 à 1975. Les banquiers qui ont été autorisés au sein des réunions à l’intérieur du sanctuaire des gouverneurs s’accordaient mutuellement une confiance absolue, a-t-il rappelé dans ses mémoires. « Peu importe la quantité d’argent impliquée, aucun accord ou protocole d’entente n’ont jamais été signés ou initialisés. La parole de chaque fonctionnaire était suffisante, et il n’y a jamais eu de déceptions « .

En quoi cela nous concerne-t-il, nous-autres ? Les banquiers se rencontrent de manière confidentielle depuis que l’argent a été inventé. Les banquiers centraux aiment à se considérer comme les grands prêtres de la finance, comme des technocrates supervisant les rituels ésotériques monétaires et une liturgie financière comprise par une petite élite auto-proclamée.

Mais les gouverneurs qui se réunissent à Bâle tous les deux mois sont des fonctionnaires . Leurs salaires, billets d’avion, factures d’hôtel, et généreuses retraites sont payées sur les deniers publics. Les réserves nationales détenues par les banques centrales sont de l’argent public, la richesse des nations. Les discussions des banquiers centraux à la BRI, les informations qu’ils partagent, les politiques qui sont évaluées, les opinions qui sont échangés, et les décisions ultérieures qui sont prises, sont profondément politiques. Les banquiers centraux, dont l’indépendance est protégée par la Constitution, contrôlent la politique monétaire dans le monde développé. Ils gèrent l’offre de monnaie pour les économies nationales. Ils fixent les taux d’intérêt, décidant ainsi de la valeur de nos économies et les investissements. Ils décident de se concentrer sur l’austérité ou croissance. Leurs décisions façonnent nos vies.

La tradition du secret de la BRI remonte à des décennies. Pendant les années 1960, par exemple, la banque a accueilli le London Gold Pool. Huit pays se sont engagés à manipuler le marché de l’or afin de maintenir le prix du métal précieux à environ trente-cinq dollars l’once , en accord avec les dispositions des Accord de Bretton Woods qui régissaient le système financier international après la Seconde Guerre mondiale. Bien que le London Gold Pool n’existe plus, son successeur est le Comité des marchés de la BRI, qui se réunit tous les deux mois à l’occasion de la réunion des gouverneurs pour discuter des tendances du marché. Les fonctionnaires de vingt- une banques centrales sont présents. Le comité publie occasionnellement quelques documents, mais son ordre du jour et les discussions restent secrètes.

Aujourd’hui, les pays représentés lors des réunions Économie Mondiale représentent ensemble près des quatre cinquièmes du produit intérieur brut (PIB) mondial – la plus grosse partie de la richesse produite dans le monde selon les propres statistiques de la BRI. Les banquiers centraux désormais « semblent plus puissant que les politiciens », écrit le journal The Economist, « tenant le destin de l’économie mondiale entre leurs mains. » Comment est-ce arrivé ? La BRI, institution financière la plus secrète du monde, ne peut s’en accorder seule le mérite. Dès son premier jour d’existence, la BRI s’est consacrée à promouvoir les intérêts des banques centrales et la construction de la nouvelle architecture de la finance internationale. Ce faisant, elle a donné naissance à une nouvelle classe très unie de technocrates mondiaux dont les membres naviguent entre des postes hautement rémunérés à la BRI, au FMI et au sein des banques centrales et commerciales.

Le fondateur de la cabale des technocrates est Per Jacobssen, l’économiste suédois qui a servi comme conseiller économique de la BRI de 1931 à 1956. Le titre discret contredisait sa puissance et ses relations. Très influent, bien connecté, et très apprécié par ses pairs, Jacobssen a écrit les premiers rapports annuels de la BRI, qui étaient et restent des lectures essentielles  au sein de l’univers de la finance. Jacobssen était un des premiers partisans du fédéralisme européen. Il s’est battu sans relâche contre l’inflation, les dépenses publiques excessives, et l’intervention de l’État dans l’économie. Jacobssen quitté la BRI en 1956 pour prendre en charge le FMI. Son héritage façonne toujours notre monde. Les conséquences de son mélange de libéralisme économique, son obsession pour le contrôle des prix, et le démantèlement de la souveraineté nationale s’affiche tous les soirs dans les bulletins d’information européens de nos écrans de télévision.

Les partisans de la BRI nient que l’organisation est secrète. Les archives de la banque sont ouvertes et les chercheurs peuvent consulter la plupart des documents qui datent de plus de trente ans. Les archivistes de la BRI sont en effet chaleureux, serviables et professionnels. Le site Web de la banque comprend tous ses rapports annuels, qui sont téléchargeables, ainsi que de nombreux documents d’orientation produits par le département de recherche très apprécié de la banque. La BRI publie des comptes-rendus détaillés des marchés des valeurs mobilières et dérivés, et les statistiques bancaires internationales. Mais ce sont surtout des compilations et des analyses des informations déjà dans le domaine public. Les détails des propres activités de base de la banque, y compris une grande partie de ses activités bancaires pour ses clients, des banques centrales et des organisations internationales, restent secrets. Les Réunions Économie mondiale et les autres rassemblements financiers cruciaux qui ont lieu à Bâle, tels que le Comité des Marchés, restent fermés aux étrangers. Les particuliers ne peuvent pas détenir de compte à la BRI, sauf s’ils travaillent pour la banque. L’opacité de la banque, le fait qu’elle n’ait aucun compte à rendre, et son influence toujours croissante soulèvent de profondes questions – pas seulement à propos des politiques monétaires, mais également concernant la transparence, la responsabilité et comment le pouvoir s’exerce dans nos démocraties.

Quand j’ai expliqué à des amis et connaissances que j’écrivais un livre sur la Banque des Règlements Internationaux, la réponse habituelle était un regard perplexe, suivie par une question: « La banque de quoi? » Mes interlocuteurs étaient des gens intelligents, qui suivent l’actualité . Beaucoup avaient un certain intérêt et une certaine compréhension de l’économie mondiale et de la crise financière. Pourtant, seule une poignée d’entre eux avait entendu parler de la BRI. Étrange, puisque la BRI est la banque la plus importante dans le monde et précède à la fois le FMI et la Banque mondiale. Pendant des décennies, elle s’est tenue au centre d’un réseau mondial d’argent, de pouvoir et d’influence secrète de niveau mondial.

La BRI a été fondée en 1930. Elle a été ostensiblement mise en place dans le cadre du plan Young pour administrer le paiement des dettes de guerre allemandes à titre de réparations pour la Première Guerre mondiale. Les principaux architectes de la banque étaient Montagu Norman, qui était le gouverneur de la Banque d’Angleterre, et Hjalmar Schacht, le président de la Reichsbank qui a décrit la BRI comme « sa » banque. Les membres fondateurs de la BRI ont été les banques centrales de la Grande-Bretagne, France, Allemagne, Italie, Belgique, et un consortium de banques japonaises. Des parts en actions ont été également proposées à la Réserve fédérale, mais les Etats-Unis, soupçonneux de tout ce qui pourrait porter atteinte à sa souveraineté nationale, les a refusé. Au lieu de cela un consortium de banques commerciales s’en est emparé : JP Morgan, la First National Bank de New York, et la First National Bank of Chicago.

Le but réel de la BRI a été détaillé dans ses statuts : « Promouvoir la coopération des banques centrales et fournir des installations supplémentaires pour les opérations financières internationales ». Elle a constitué la concrétisation du rêve, de plusieurs décennies, des banquiers centraux, d’avoir leur propre pouvoir bancaire, indépendant et libre des interférences des politiciens et de ces fouines de journalistes. Cerise sur le gâteau, la BRI est auto-suffisante financièrement et le sera à perpétuité. Ses clients étaient ses propres fondateurs et actionnaires – les banques centrales. Durant les années 1930, la BRI était le lieu de rencontre central pour une cabale des banquiers centraux, dominé par Norman et Schacht. Ce groupe a aidé à reconstruire l’Allemagne. Le New York Times décrit Schacht, largement reconnu comme le génie derrière l’économie allemande renaissante, comme «la volonté de fer pilote des Finances nazie. » Pendant la guerre, la BRI est devenu un bras de facto de la Reichsbank, acceptant l’or pillé par les nazis et réalisant des opérations de change pour l’Allemagne nazie.

L’alliance de la banque avec Berlin était connue à Washington-DC, ainsi qu’à Londres. Mais la nécessité pour la BRI de continuer à fonctionner, de garder les nouveaux canaux de financement internationaux ouverts, était à peu près la seule chose à propos de laquelle toutes les parties étaient d’accord. Bâle était l’endroit idéal, car perché sur la frontière nord de la Suisse et se trouvait presque sur les frontières françaises et allemandes. A quelques miles de là, les militaires nazis et les alliés se battaient et mouraient. Rien de tout cela n’importait à la BRI. Les réunions du Conseil avaient été suspendues, mais les relations entre le personnel de la BRI des nations belligérantes sont restées cordiales, professionnelles et productives. Leur nationalité importaient peu. Leur loyauté primordiale allait à la finance internationale. Le Président, Thomas McKittrick, était américain. Roger Auboin, le directeur général, était français. Paul Hechler, le directeur général adjoint, était un membre du parti nazi et signait sa correspondance « Heil Hitler « . Rafaelle Pilotti, le secrétaire général, était italien. Per Jacobssen, conseiller économique influent de la banque, était suédois. Son adjoint et celui de Pilotti étaient britanniques.

Après 1945, cinq administrateurs de la BRI, y compris Hjalmar Schacht, ont été accusés de crimes de guerre . L’Allemagne a perdu la guerre, mais a remporté la paix économique, en grande partie grâce à la BRI . L’envergure internationale, les contacts, les réseaux bancaires, et la BRI a fourni sa légitimité, d’abord à la Reichsbank, puis à ses banques successeur, et ainsi contribué à assurer la continuité d’intérêts financiers et économiques extrêmement puissants de l’époque nazie à nos jours.

Pendant les quarante-sept premières années de son existence, de 1930 à 1977, la BRI se trouvait dans un ancien hôtel, près de la gare centrale de Bâle. L’entrée de la banque était cachée par une boutique de chocolat, et seul un petit panneau confirmait que la porte étroite s’ouvrait sur la BRI. Les dirigeants de la banque estimaient que ceux qui avait besoin de savoir où la BRI  était, trouverait, et que le reste du monde n’avait certainement pas besoin de savoir. L’intérieur du bâtiment a peu changé au fil des décennies, a rappelé Charles Coombs. La BRI a fourni les « les hébergements spartiates d’un ancien hôtel de style victorien dont les chambres simples et doubles avaient été transformées en bureaux simplement en enlevant les lits et en installant des bureaux. »

La banque a emménagé dans son siège actuel, au 2, Centralbahnplatz, en 1977. Elle n’a pas été loin et donne maintenant sur la gare centrale de Bâle. Aujourd’hui la mission principale de la BRI, selon ses propres mots, est triple: « Servir les banques centrales dans leur quête de stabilité monétaire et financière, favoriser la coopération internationale dans ces domaines, et agir comme une banque pour les banques centrales . « La BRI est également l’hôte d’une grande partie de l’infrastructure technique et pratique dont le réseau mondial de banques centrales et leurs homologues commerciaux ont besoin pour bien fonctionner. Elle détient deux salles de marché connectées entre elles : Au siège de Bâle et au bureau régional de Hong Kong. La BRI achète et vend de l’or et des devises pour ses clients . Elle assure la gestion de l’actif et fournit du crédit à court terme aux banques centrales en cas de besoin.

La BRI est une institution unique: une organisation internationale, une banque très rentable et un institut de recherche fondé, et protégés par des traités internationaux. La BRI est responsable envers ses clients et ses actionnaires – les banques centrales, mais oriente également leurs opérations. Les principales tâches d’une banque centrale, déclare la BRI, sont de contrôler le flux du crédit et le volume de la monnaie en circulation , ce qui contribuera à assurer un climat d’affaires stable et de gérer les taux de change pour assurer la valeur d’une monnaie et fluidifier les mouvements internationaux de marchandises et de capitaux. Ceci est crucial, en particulier dans une économie mondialisée, où les marchés réagissent en microsecondes et où la perception de la stabilité économique et de la valeur sont presque aussi importante que la réalité elle-même. La BRI contribue également à surveiller les banques commerciales, même si elle n’a pas de pouvoirs juridiques sur elles. Le Comité de supervision bancaire de Bâle, basé à la BRI, réglemente les exigences de fonds propres et de liquidité des banques commerciales. Il impose aux banques d’avoir un capital minimum de huit pour cent des actifs risqués pondéré lorsqu’elles prêtent, ce qui signifie que si une banque a des actifs risqués pondérés de 100 millions $, elle doit maintenir un capital d’au moins 8 millions de dollars. Le comité n’a pas de pouvoirs de police, mais il a une énorme autorité morale. « Ce règlement est si puissant que le principe de 8% a été fixé dans les législations nationales », a déclaré Peter Akos Bod. « C’est comme la tension. La tension a été fixé à 220V. Vous pourriez décider de 95V, mais cela ne fonctionnerait pas. « En théorie, la gestion raisonnable et la coopération mutuelle, supervisées par la BRI, vont conserver le bon fonctionnement du système financier mondial. En théorie.

La réalité est que nous sommes passés au-delà de la récession dans une crise structurelle profonde, alimentée par la cupidité et la rapacité des banques, qui menace l’ensemble de notre sécurité financière. Tout comme dans les années 30, certains pays européens faisaient face à l’effondrement économique. La Bundesbank et la Banque centrale européenne, deux des membres les plus puissants de la BRI, ont initié le dogme austéritaire qui a déjà forcé un pays européen, la Grèce, au bord du gouffre, aidée par la vénalité et la corruption de la classe dirigeante du pays. D’autres pourraient bientôt suivre. L’ordre ancien grince, ses institutions politiques et financières se corrodent de l’intérieur. D’Oslo à Athènes, l’extrême droite est renaissante, alimentée en partie par la flambée de la pauvreté et du chômage . La colère et le cynisme corrodent la confiance des citoyens dans la démocratie et la primauté du droit. Une fois de plus, la valeur des biens et avoirs est vaporisée sous les yeux de leurs propriétaires . La monnaie européenne est menacé de dégradation, tandis que ceux qui ont de l’argent cherchent refuge dans les francs suisses ou l’or. Les jeunes, les doués, et les mobiles à nouveau fuient leurs pays d’origine pour une nouvelle vie à l’étranger. Les puissantes forces du capital international qui ont donné vie à la BRI, et qui ont accordé à la banque son pouvoir et son influence, sont à nouveau triomphante.

La BRI se trouve au sommet d’un système financier international qui tombe en lambeaux, mais ses fonctionnaires déclarent qu’il n’ont pas le pouvoir d’agir comme un régulateur financier international. Pourtant, la BRI ne peut pas échapper à sa responsabilité pour la crise en zone euro. Dès les premiers accords à la fin des années 1940 sur les paiements multilatéraux, à la mise en place de la Banque Centrale Européenne en 1998, la BRI a été au cœur du projet d’intégration européenne, fournissant une expertise technique et les mécanismes financiers pour l’harmonisation de la monnaie. Durant les années 1950, elle gérait la réunion des systèmes de paiement au sein de l’Union Européenne, ce qui a internationalisé le système de paiement du continent. La BRI a accueilli le Comité des gouverneurs des banques centrales de la Communauté économique européenne, créé en 1964, qui a coordonné la politique monétaire transeuropéenne. Durant les années 1970, la BRI gérait le « serpent monétaire », le mécanisme de contrôle des changes des monnaies européennes. Pendant les années 1980, la BRI a accueilli le Comité Delors, dont le rapport établi en 1988 a ouvert le chemin de l’Union monétaire européenne et de l’adoption d’une monnaie unique. La BRI a mis au monde l’Institut monétaire européen (IME), le précurseur de la Banque centrale européenne. Le président de l’IME était Alexandre Lamfalussy, l’un des économistes les plus influents du monde, connu comme le «père de l’euro. » Avant de rejoindre l’IME en 1994, Lamfalussy avait travaillé à la BRI pendant dix-sept ans, d’abord comme conseiller économique, puis comme directeur général de la banque.

Pour une organisation secrète guindé, la BRI s’est avérée étonnamment agile. Elle a survécu à la première dépression mondiale, la fin des paiements de réparations et de l’étalon-or (deux de ses principaux motifs d’existence), la montée du nazisme, la Seconde Guerre mondiale, l’Accord de Bretton Woods, la guerre froide, les crises financières des années 1980 et 1990, la naissance du FMI et de la Banque mondiale, et la fin du communisme . Comme l’a souligné Malcolm Knight, gestionnaire la période 2003-2008, «Il est encourageant de voir qu’en restant petit, souple et sans ingérence politique, la Banque a, tout au long de son histoire, remarquablement réussi à s’adapter à l’évolution des circonstances.  »

La banque s’est érigée comme le pilier central du système financier mondial. En plus des Réunions Économie Mondiale, la BRI accueille quatre des comités internationaux les plus importants traitant de la banque mondiale : le Comité de supervision bancaire de Bâle, le Comité sur le système financier global,  le Comité sur les systèmes financiers de paiement et de règlement, et le Comité Irving Fisher , qui s’occupe des statistiques des banque centrale. La banque accueille également trois organisations indépendantes: deux groupes s’occupant d’assurance et le Conseil de stabilité financière (CSF). Le FSB, qui coordonne les autorités financières nationales et les politiques de réglementation, est déjà désigné comme le quatrième pilier du système financier mondial, après la BRI, le FMI et les banques commerciales. La BRI est maintenant titulaire trentième rang mondial de réserves d’or, avec 119 tonnes métriques, soit plus que le Qatar, le Brésil ou le Canada. L’adhésion à la BRI reste un privilège et non un droit. Le conseil d’administration est responsable de l’admission des banques centrales jugées « apporter une contribution substantielle à la coopération monétaire internationale et aux activités de la Banque. » La Chine, l’Inde, la Russie et l’Arabie saoudite l’ont rejoint seulement en 1996. La banque a ouvert des bureaux à Mexico et à Hong Kong, mais reste très eurocentrée. L’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Macédoine, la Slovénie et la Slovaquie (population totale de 16,2 millions) ont été admis, au contraire du Pakistan (169 millions de population). Pas plus que le Kazakhstan, qui est un géant de l’Asie centrale. En Afrique, seule l’Algérie et l’Afrique du Sud sont membres – Le Nigeria, qui possède la deuxième plus grande économie du continent, n’a pas été admis. (Les défenseurs de la BRI disent qu’elle exige des normes de nouveaux membres et lorsque les banques nationales des pays comme le Nigeria et le Pakistan atteindront ces normes, leurs candidatures seront à nouveau considérées.)

Considérant le rôle central de la BRI dans l’économie transnationale , sa discrétion est remarquable. En 1930 un journaliste du New-York Times a noté que la culture du secret à la BRI était si forte qu’il n’était pas autorisé à regarder à l’intérieur de la salle de réunion, même après que les administrateurs l’aient quitté. Peu de choses ont changé. Les journalistes ne sont pas autorisés à l’intérieur du siège pendant la Réunion Économie Mondiale. Les fonctionnaires de la BRI parlent rarement ouvertement, et à contrecœur, aux membres de la presse. La stratégie semble fonctionner. Le mouvement Occupy Wall Street, les altermondialistes, les manifestants de réseaux sociaux ont ignoré la BRI. Centralbahnplatz 2, Bâle, est calme et tranquille. Il n’y a pas de manifestants rassemblés devant le siège de la BRI, aucun des manifestants n’ont campé dans le parc à proximité, aucun comité d’accueil animés pour les banquiers centraux du monde.

Alors que l’économie mondiale vacille de crise en crise, les institutions financières sont examinées comme jamais auparavant. Des légions de journalistes, blogueurs et journalistes d’investigation guettent le moindre mouvement des banques. Et pourtant, en dehors de brèves mentions dans les pages financières, la BRI a largement réussi à éviter un examen critique. Jusqu’à maintenant.

* * *

Les mondialistes exigent maintenant ouvertement la centralisation du Nouvel Ordre Mondial
Par Brandon Smith, Le 6 juillet 2016 - Alt Market / Le Saker francophone (trad.)


Je l’ai dit à plusieurs reprises par le passé, lorsque les criminels élitistes commencent à admettre ouvertement leurs plans, cela signifie qu’ils sont prêts à lâcher le système actuel. Ils ne se soucient plus du tout que l’on connaisse leurs plans, parce qu’ils pensent que la victoire est inévitable.

C’est plus subtil et moins en évidence que les appels à un Nouvel Ordre Mondial publiés par le passé, c’est sûr. Cependant, à aucun autre moment je n’ai vu les financiers internationaux et leurs marionnettes, les portes-parole politiques, aussi assurés à propos de leurs appels à la centralisation mondiale, que dans le sillage de la réussite du référendum sur le Brexit. C’est comme si le Brexit avait inversé un commutateur dans le récit existant et mis en avant un flot de nouvelle propagande, le tout visant à convaincre le grand public que les banques centrales doivent unir leurs forces et agir comme une seule institution, afin de lutter contre une crise économique qui n’est même pas encore visible pour les non-croyants.

Bien que j’ai prédit l’activation de cette campagne de propagande dans mon article Brexit: Global Trigger Event, Fake Out Or Something Else ?, publié avant le vote du référendum, la vitesse à laquelle elle se développe est vraiment étonnante.

Maintenant, dans les circonstances actuelles du rallye post-Brexit de la semaine précédente (entraîné par l’espoir d’une intervention de la Banque centrale et un volume de transactions extrêmement faible), on pourrait penser que les appels globalistes pour la centralisation totale de la gestion de la politique financière ne font pas beaucoup de sens. Où est cette crise, contre laquelle les banquiers continuent de nous mettre en garde?

Comme je l’ai souligné en détail dans les articles récents, je crois que le Brexit est un événement déclencheur partiel d’une catastrophe future sur les marchés, qui a été conçue depuis de nombreuses années. Autrement dit, une calamité financière mondiale a été délibérément mise en scène par avance, et le Brexit est destiné à agir comme un bouc émissaire pour cela. Les fondamentaux de l’économie mondiale sont de plus en plus négatifs depuis des années, et seul l’indicateur du marché des actions pouvait apparaître comme positif.

Il y a beaucoup de gens qui supposent que les actions ont échappé au pire, après le référendum au Royaume-Uni, en raison du rallye du 4 juillet. Cependant, je dirais qu’ils ne devraient pas être trop à l’aise, vu le faible pic de volume d’actions échangées jusqu’à maintenant.

Ces types de rallye ne devraient pas être une surprise. Ils étaient fréquents au cours du crash sur les dérivés de crédit qui a frappé en 2008, à la suite des faillites de Bear Sterns et Lehman Brothers. En fin de compte, le marché action est un mauvais indicateur et les fondamentaux vont toujours gagner à la fin.

Comme le note Forbes dans une analyse étonnamment honnête, le moment Lehman de 2008 n’a pas été vraiment un moment du tout. Le crash des produits dérivés a été alimenté par de nombreuses faiblesses dans la structure de la bulle de la dette ; Lehman n’était qu’un élément avec un profil plus risqué, dans un désordre déjà chaotique. Lorsque la faillite de Lehman est devenue publique, les actions ont beaucoup plongé, à une vitesse assez semblable à celle qui a été enregistrée juste après le référendum sur le Brexit. Mais, une semaine plus tard, les actions étaient remontées et de retour près des mêmes sommets, très peu de temps avant que Lehman ne tombe.

La psychologie des investisseurs sur les marchés est toujours d’aller d’abord vers ce qu’ils connaissent et c’est ce qu’ils ont été conditionnés à faire, tout comme les chiens de Pavlov. Les investisseurs aujourd’hui, comme alors, ont été conditionnés à acheter après un repli, peu importe quoi. Bien sûr, une fois la réalité et les principes fondamentaux de retour, les actions sont reparties à la baisse seulement deux semaines plus tard.

Le Brexit ne va pas disparaître et les effets négatifs qu’il annonce sont encore à peine visibles à la population. Ce processus va peser activement sur les marchés dans les mois à venir, au fur et à mesure que les investisseurs vont continuer à perdre leur foi aveugle dans le système. Nous n’avons même pas encore commencé la partie et tout cela en supposant qu’il n’y aura pas d’autres moments catalysateurs au coin de la rue.

Au-delà de la mécanique de l’économie, les élites elles-mêmes sont souvent un bon test décisif, pour prédire ce qui est sur le point d’advenir dans le casino des marchés et en dehors.

Le fait que les médias financiers grand public soient maintenant inondés par des appels à des mesures extrêmes, en coordination avec la banque centrale et de nombreuses élites avertissant d’une plus grande crise, devrait être le sujet de préoccupation pour le public. Tout comme la Banque des règlements internationaux (BRI) et le Fonds monétaire international (FMI) ont averti d’un accident en 2007 et au début de 2008 qui s’est révélé exact, ils ont également mis en garde contre un accident en 2016. Post-Brexit, le chœur des avertissements des élites a chanté à l’unisson. Ils se sont rarement trompés sur une crise économique, justement parce que ce sont ces gens qui créent les conditions de cette crise en premier lieu.

George Soros continue de prétendre que le Brexit a « accéléré une crise financière sur les marchés », même après le dernier rallye boursier.

Bloomberg, à l’appui du président de la Banque centrale européenne Mario Draghi, a publié un article intitulé Draghi souhaite un New World Order que les populistes vont aimer haïr. Bloomberg plus tard a retiré le mot New dans le titre.

L’article répète un appel grandissant des banquiers centraux au monde entier, pour cesser de se préoccuper des politiques et des problèmes domestiques pour commencer à se coordonner au niveau mondial afin de faire face aux problèmes mondiaux. La BRI contrôle déjà la politique pour prendre des décisions pour toutes les autres banques centrales, comme c’est admis dans les infâmes Harpers exposant sur la BRI, dans un article intitulé Le règne sur le monde de l’argent [Article en haut de page]. Mais ce n’est jamais mentionné par Draghi ou Bloomberg.

Fait intéressant, la BRI fait maintenant la promotion non seulement d’une coordination mondiale des politiques, mais aussi de règles mondiales pour toutes les banques centrales. Si la BRI contrôle déjà les décisions politiques de la Réserve fédérale, la BCE, et de tous les autres banques centrales, alors pourquoi veulent-ils que des règles globales soient mises en place pour ces mêmes banques centrales?

Ils font cela parce que le but, la fin du jeu, est de le faire accepter aux masses et même qu’elles exigent une banque centrale mondiale, que ce soit sous la forme de la BRI ou du FMI, ou peut-être toutes les deux combinées en une seule entité. Encore une fois, les élites utilisent la stratégie hégélienne problème-réaction-solution pour manipuler le public selon les volontés du contrôle globaliste.

La BRI a été mise en place il y a longtemps pour ce moment-là. En mai, par exemple, le chef économiste de la BRI Claudio Borio a fait valoir qu’un nouvel ordre monétaire mondial était nécessaire pour remplacer le système dollar. Ce nouveau système permettrait d’éviter la crise, en règlementant toutes les banques centrales nationales en vertu de règles qui les forceraient à agir de manière coordonnées, apparemment sous l’administration de la BRI elle-même. Maintenant, il semblerait que les banquiers centraux ont les débuts de leur crise, qu’ils envisagent clairement de mettre à profit.

Dans un autre article récent, Bloomberg appelle les banques centrales à « dire au revoir à leur parti pris domestique » ; faisant valoir que les économies nationales sont maintenant si entrelacées que les banques centrales ont toutes besoin de travailler selon un seul jeu de lignes directrices, en appui de l’économie mondiale plutôt qu’en appui de chaque économie nationale individuelle.

Le jour après le vote du Brexit, la Chine a déclaré sa volonté de faire travailler en étroite collaboration la Banque d’infrastructure asiatique d’investissement (AIIB) et la Banque mondiale. Pendant des années, j’ai souligné que les Chinois n’avaient jamais eu l’intention de faire de l’AIIB un système de lutte contre le FMI ou la Banque mondiale et que les Chinois travaillaient avec les globalistes, pas contre eux. Maintenant, nous en avons la confirmation ouverte.

Le Premier ministre chinois a également mis en garde contre un  effet papillon conduisant à une crise après la Brexit, et a appelé à « une meilleure coordination » entre toutes les économies du monde.

Les fonctionnaires de l’Union européenne vont tout faire pour suggérer la formation d’un super-État européen, dans le sillage du référendum au Royaume-Uni. Ce système servirait essentiellement à effacer les frontières politiques et les frontières souveraines, pour faire de l’UE une entité unique pour tout englober, y compris une seule armée européenne.

Les appels amplifiés pour la centralisation totale et un Nouvel Ordre Mondial se font plus pressants et je crois qu’ils sont une alerte rouge que quelque chose de très laid est sur le point de se produire.

Considérez ceci : les banques centrales ne pourront jamais gagner le soutien du public pour une politique centralisée à l’échelle mondiale ou une autorité économique mondiale, à moins de prouver leurs talents si un accident devait effectivement avoir lieu. L’accident n’a pas nécessairement besoin d’être immédiat et total, comme certains activistes du mouvement de la liberté le supposent. Il est plus susceptible d’être progressif et micro-géré, bien qu’aboutissant encore à un niveau de souffrance dans certaines régions, que l’on n’a pas vu depuis la Grande Dépression.

Une plus grande coordination bancaire nécessite plus de chaos et des exemples de politiques contradictoires, ce qui va probablement prendre la forme d’une guerre des monnaies entre certaines nations. Les élites doivent évoquer un théâtre, où certaines banques centrales travaillent à contre-emploi et gâchent toute reprise potentielle. Ils pourront alors faire valoir au public qu’une autorité internationalement reconnue et qui obéit à un système bancaire mondial unique est nécessaire pour éviter que ce genre de chose ne se reproduise jamais [Un modèle déjà éprouvé lors de la création de la Fed aux USA, où certaines crises avaient été artificiellement crées par pénurie de monnaie juste avant, pour rendre plus naturel ce projet de banque centrale, NdT].

Le concept des banques centrales travaillant à l’échelle mondiale plutôt que pour leur pays ne pourrait être vendu aux masses que si une catastrophe financière était déclenchée à l’échelle mondiale, qui surpasse les capacités de tout État-nation seul. Chaque initiative de banquier central suggérée après le Brexit nécessite une implosion financière afin de se justifier.

Dans mon prochain article, j’énumérerai les nombreuses raisons pour lesquelles je crois que le plan globaliste de centralisation et de Nouvel Ordre Mondial est voué à l’échec. Cela ne signifie pas, cependant, que de vastes efforts et des sacrifices ne seront pas nécessaires dans un avenir proche de notre part. Pour le moment, la vigilance est notre meilleure défense. Les élites nous disent exactement ce qui va se passer à travers leur comportement et leurs déclarations. Il est temps, pour ceux qui sont au courant du dessein plus global, de commencer à écouter si on n’y est pas déjà et se préparer en conséquence.

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