mardi 24 janvier 2017

Obama, côté obscur



Michel Collon teste les médias : Trump, un monstre pour l'establishment ? (Investig'Action, le 23 janvier 2017)




Obama, côté obscur (RTS, Nouvo, 18 janvier 2017)


Ce qu’Obama lègue à l’Afrique : terrorisme, guerre civile & expansion militaire 
Par Eric Draitser, analyste géopolitique indépendant, New-York, le 18 janvier 2017 -  MintPress / Le Partage


New York — Comme prévu, les médias capitalistes débitent leurs rétrospectives vomitives de la présidence d’Obama, hypnotisant ainsi les US-Américains à l’aide de contes de fées sur les exploits progressistes du Président de l’Espoir et du Changement.

Mais au milieu de la mémoire sélective et de la double pensée qui se font passer pour une expertise sophistiquée au sein de la matrice des médias contrôlés, n’oublions pas qu’en Afrique, le nom de Barack Obama est désormais synonyme de déstabilisation, de mort et de destruction.

Les lamentations collectives des libéraux se changent en un rugissement assourdissant à la moindre évocation du fait qu’Obama est plus un pécheur qu’un saint, mais peut-être serait-il utile de revoir les faits et les archives plutôt que la mythologie soigneusement construite et que l’on commence désormais à imprimer dans les livres d’histoire sous l’appellation d’héritage.

Le futur de l’Afrique est entre les mains des Africains


11 juin 2009 : Barack Obama en compagnie du président du Ghana, John Atta Mills.

Durant l’été 2009, à peine six mois après son investiture, le président Obama a prononcé un discours devant le parlement du Ghana, visant à donner le ton de la politique africaine de son administration. S’adressant à une foule de centaines de personnes, dans la capitale ghanéenne, il parlait en fait à des millions d’Africains du continent et de la diaspora. Si Obama représentait l’espoir et le changement pour les habitants des USA, c’était doublement vrai pour les Africains.

Lors de ce discours largement oubliable, Obama déclara :

« Nous devons partir de la simple prémisse selon laquelle le futur de l’Afrique est entre les mains des africains… l’Occident n’est pas responsable de la destruction de l’économie du Zimbabwe de la dernière décennie, ni des guerres dans lesquelles des enfants sont engagés comme combattants ».

La prospérité, la fin de la corruption et de la tyrannie, de la pauvreté et des maladies, a-t-il dit, « ne peuvent être atteintes que si vous prenez la responsabilité de votre futur. Et ce ne sera pas facile. Cela prendra du temps et des efforts. Il y aura des souffrances et des revers. Mais je peux vous promettre que l’Amérique sera avec vous tout au long du chemin, en tant que partenaire, en tant qu’ami ».

Bien qu’il était le Premier Président Noir™, les mots et les actes d’Obama vis-à-vis de l’Afrique incarnaient parfaitement « le fardeau de l’homme blanc » — le désir d’aider ces pauvres gens, dont la pauvreté, la corruption, la maladie et la violence doivent être le fruit d’une sorte de déficience naturelle. Bien entendu, cinq siècles de colonialisme, combinés à l’arrogance impériale d’Obama n’y étaient pour rien.


Des femmes portant des robes traditionnelles affublées de l’effigie d’Obama, chantant son nom, après son discours à Accra, au parlement du Ghana, le 11 juin 2009.

Mais prenons pour argent comptant les mots d’Obama afin d’évaluer s’il a respecté ou non ces objectifs grandioses et idéalistes durant ses deux mandats.

Obama a insisté à plusieurs reprises sur la pression pesant sur  l’Afrique, affirmant que les USA et l’Occident ne pouvaient pas régler ses problèmes à sa place. Au lieu de cela, affirma-t-il, les USA seraient un « partenaire » et un « ami ». Et pourtant, moins de deux ans après avoir juré de laisser les Africains résoudre leurs problèmes, des avions de l’US/OTAN larguaient des bombes sur la Libye afin de soutenir des terroristes affiliés à Al-Qaïda qui se chargeraient par la suite de renverser et d’assassiner brutalement Mouammar Kadhafi, qui était peut-être le plus important défenseur de l’indépendance et de l’autosuffisance de l’Afrique.

Étant donné les dizaines de milliers de morts et la destruction et la dissolution totales de la Libye en milices tribales belliqueuses et multiples gouvernements fragmentés que l’on a du mal à qualifier de légitimes, il est particulièrement exaspérant qu’Obama se soit exprimé à l’ONU, déclarant que la guerre des USA et de l’OTAN contre la Libye avait été un succès. Un mois avant la torture abjecte et l’assassinat de Kadhafi, Obama déclara de manière arrogante, le 20 septembre 2011 :

« Voilà comment la communauté internationale doit travailler au 21ème siècle — plus de nations portant la responsabilité et les coûts de la réponse à des défis mondiaux. D’ailleurs, il s’agit là de la raison d’être même des Nations Unies. Chaque nation représentée ici aujourd’hui peut être fière des vies innocentes que nous avons sauvées en aidant les Libyens à se réapproprier leurs pays. C’était la bonne chose à faire ».

Oui, le même président qui deux années auparavant proclamait que « le futur de l’Afrique est entre les mains des Africains » se fit le champion des forces militaires française, britannique, italienne et US et de l’imposition de leur volonté sur un État d’Afrique indépendant et prospère, le transformant en un État chaotique, sanglant et en faillite. Voilà pour l’Espoir et le Changement.

Mais, bien sûr, l’histoire tragique de la Libye ne s’arrête pas à la destruction de la Jamahiriya arabe libyenne et à l’assassinat de Kadhafi. Au lieu de cela, la guerre contre la Libye ouvrit les vannes du trafic d’armement, du terrorisme et de la déstabilisation de tout le continent africain. Selon un rapport de 2013 du groupe d’experts du Conseil de sécurité de l’ONU :

« Les affaires, avérées et en cours d’investigation, de transferts illicites d’armes depuis la Libye, en violation de l’embargo, concernent plus de 12 pays et comprennent de l’armement lourd et léger, dont des systèmes portables de défense aérienne, des petites armes et munitions, des explosifs et des mines ».

Le rapport continuait, avertissant que « des flux illicites depuis le pays alimentent [sic] des conflits existants en Afrique et au Levant, et enrichissent les arsenaux d’un éventail d’acteurs non-étatiques, dont des groupes terroristes ».


Une photo de 2011 exposant les dommages infligés à la ville de Sirte, en Libye. Les militants d’ISIS contrôlent la ville depuis août 2015.

« La prolifération d’armes provenant de Libye continue à un taux alarmant ».

Effectivement, ces armes en provenance de la Libye ont directement alimenté la guerre civile au Mali, facilité l’ascension de Boko Haram au Nigeria, aidé le groupe terroriste Al Qaïda au Maghreb islamique, et entrainé la création de gangs terroristes et d’escadrons de la mort au Burkina Faso, en République Centrafricaine, et ailleurs sur le continent. En effet, la guerre d’Obama contre la Libye fut la première salve d’une déstabilisation à l’échelle continentale dont les conséquences sont toujours ressenties aujourd’hui, et continueront à l’être pendant des années, sinon des décennies.

Avec ces faits troublants en tête, revenons au discours d’Obama au Ghana, ou il affirma hautainement que l’Occident n’était pas responsable des problèmes de l’Afrique. Naturellement, n’importe quel étudiant du colonialisme et de l’histoire de l’Afrique réfuterait immédiatement de telles déclarations. On se demande si dans des décennies, tandis que l’héritage de guerres et de terrorisme que les politiques d’Obama auront laissé sera encore ressenti, un autre président se tiendra devant l’Afrique et la blâmera encore pour ne pas avoir résolu elle-même ses propres problèmes.

Obama : le visage souriant du néocolonialisme


Barack Obama, avec son sourire™, avant son discours devant le parlement du Ghana, le 11 juin 2009.

Si les crimes d’Obama contre la paix en Afrique se limitaient à la guerre en Libye et à ses conséquences, nous pourrions simplement les qualifier de bévue aux proportions historiques. Mais Obama avait bien plus de sang à verser en Afrique pendant qu’il y étendait l’empreinte militaire des USA.

La première de ces initiatives visant à faire croître la présence militaire US en Afrique fut l’expansion du Commandement US en Afrique, appelé AFRICOM. En juin 2013, Ebrahim Shabbir  Deen du Centre Afro-Moyen-Orient basé à Johannesburg, soulignait que :

« [AFRICOM] s’est débrouillé pour s’immiscer subrepticement au sein des différentes armées d’Afrique. Cela a principalement été accompli à l’aide de partenariats armée-à-armée que le centre de commandement a établi avec 51 des 55 États d’Afrique. Dans de nombreux cas, ces partenariats impliquent des militaires africains cédant le commandement opérationnel à AFRICOM ».

D’ailleurs, si c’est le président George W. Bush qui a été responsable de la mise en place de l’AFRICOM, c’est Obama qui en a fait une force militaire continentale au sein de laquelle les forces militaires nationales ont été assujetties. En effet, Obama a réussi à transformer les nations africaines, et particulièrement leurs forces armées, en des filiales intégralement possédées par le Pentagone et par le complexe militaro-industriel des USA. Mais tout va bien, puisqu’Obama l’a fait avec le sourire et en usant de la crédibilité d’enfant « natif » du continent.

De la même manière, Obama est directement responsable du bain de sang en cours au Sud-Soudan, où il a encouragé le séparatisme qui mena à la création de ce pays et la guerre civile prévisible qui s’ensuivit. Obama déclara en 2011, à propos de l’indépendance formelle du Sud-Soudan : « Aujourd’hui est un rappel de ce qu’après les ténèbres de la guerre, la lumière d’une nouvelle aube est possible. Un fier drapeau vole au-dessus de Juba, et la carte du monde a été redessinée ».  Mais Obama a peut-être parlé trop vite, puisque les ténèbres que la guerre durent encore sur ce pays où une « nouvelle aube » semble aussi probable que l’admission par Obama de son erreur.

Et tandis qu’Obama, comme à son habitude, parlait poétiquement de l’indépendance et de la liberté, la réalité est que son soutien du Sud-Soudan relevait plus de l’obtention d’un avantage géopolitique sur la Chine que d’idéaux supérieures.


Le ministre de la défense des USA Robert Gates, le vice-président de l’état-major interarmées Gen. James Cartwright, le Commandant sortant du Commandement américain en Afrique Gen. William Ward, et le nouveau commandant du Commandement américain en Afrique Gen. Carter Ham, de gauche à droite, lors de la cérémonie de passation du Commandement américain en Afrique (AFRICOM), à la mairie de Sindelfingen, près de Stuttgart, en Allemagne, le 9 mercredi 9 mars 2011.

De la même façon, Obama a fait usage des capacités étendues de l’armée US et de la CIA en Afrique afin d’augmenter grandement la présence du Pentagone et de Langley en Somalie. Comme Jeremy Scahill l’a souligné dans The Nation, en décembre 2014 :

« La CIA gère un programme d’entraînement au contreterrorisme pour des agents des renseignements et des opérateurs en Somalie, visant à établir une force de frappe indigène capable de mener des opérations de capture et des opérations de ‘combat’ ciblé contre des membres d’Al Shabab, un groupe islamique militant lié à Al Qaïda.

Dans le cadre de l’expansion de son programme de contreterrorisme en Somalie, la CIA utilise aussi une prison secrète implantée dans les sous-sols du siège de l’Agence Nationale de Sécurité (NSA) de Somalie… certains des prisonniers ont été capturés dans les rues du Kenya et transférés en avion à Mogadiscio ».

Il faut souligner que les politiques — les crimes contre la paix — exposées ici ne représentent qu’une fraction des 8 années de la politique d’Obama sur ce continent ; un bilan complet des crimes d’Obama contre l’Afrique nécessiterait une analyse volumineuse. L’objectif, ici, était d’illustrer le fait que l’homme qui s’est présenté en Afrique comme un ami l’était autant que le bourreau est celui du condamné.

Si cela avait été prononcé par quelqu’un d’autre que le premier président noir des USA, il y aurait peut-être eu un tollé vis-à-vis du viol et du pillage du continent, de la militarisation et de la déstabilisation de l’Afrique. Et pourtant, au cours des 8 dernières années, nous avons pu observer le silence assourdissant des libéraux dont les idéaux et les valeurs ne vont pas au-delà de ce que leur loyauté au parti autorise.

Glen Ford, directeur exécutif du Black Agenda Report, l’a magnifiquement et précisément exprimé en expliquant qu’Obama ne représentait pas un moindre mal, mais le mal « le plus efficace ». Et en ce qui concerne l’Afrique, ce fut doublement vrai. Qui d’autre qu’Obama aurait pu détruire des nations, alimenter le terrorisme, piller des richesses, militariser et déstabiliser ce continent entier tout en affichant un sourire hypnotique ?

Mais pour les Africains, les dents parfaites d’Obama et son sourire toxique dissimulent une langue fourchue. Quant à l’héritage africain d’Obama, on le retrouve dans les charniers de Libye, du Nigeria et d’ailleurs.

Eric Draitser

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