mardi 16 mai 2017

Ondes gravitationnelles et musique des sphères



Science publique par Michel Alberganti
Club Science publique : Existe-t-il une musique des astres ? avec Sylvie Vauclair et Claude-Samuel Lévine.

Tout a changé en 1962 avec la publication d’un article écrit par trois astrophysiciens américains au sujet de leurs observations du Soleil. Ils avaient alors découvert des mouvements étranges dans l’atmosphère de notre étoile. En 1970, un autre astrophysicien américain, Roger Ulrich donne une explication à ce phénomène. Pour lui, ces mouvements de vibration à la surface du Soleil sont des « ondes acoustiques stationnaires piégées ». Ainsi, le Soleil produit une musique intérieure qui reste confinée dans sa sphère. Mais il est possible de les détecter grâce aux vibrations visibles à sa surface. Troublante découverte de la réalité physique de la musique des sphères des philosophes antiques.
Voilà donc le Soleil transformée en une source sonore très précise puisqu’il s’agit d’un sol dièse... Autre paradoxe de l’astrophysique, nous n’entendons pas cette note mais nous la voyons grâce à des instruments très précis. Et si toutes les étoiles du cosmos produisaient leur propre note de musique ? Et si cette note révélait des informations précieuses sur leur âge, leur composition et leur masse ? Le concert céleste prendrait alors une signification scientifique tout en restaurant l’idée de l’harmonie cosmique rêvée dans l’Antiquité.
Source : FC

* * *



Yves Meyer, Ondes gravitationnelles et musique des sphères (UnivNantes, 15 mai 2017)

La récente détection des ondes gravitationnelles, en 2015, a bouleversé notre vision et interprétation de l'Univers. Le "père" de la théorie mathématiques des ondelettes, Yves Meyer, récent prix Abel 2017, revient et nous explique ce que cela change dans le domaine de l'astrophysique.



Une fois par mois environ, une alerte nous est envoyée. Elle vient du fond de l'Univers et nous annonce qu'un événement gravitationnel cataclysmique s'y est produit. Mais, jusqu'en septembre 2015, les scientifiques ne savaient ni détecter, ni interpréter, ni comprendre ces signaux. Tout changea le 14 septembre 2015, à 5h51 du matin (heure de New York) : pour la première fois l'homme a détecté le passage d'une onde gravitationnelle et en a compris le message. Une onde gravitationnelle est une vibration de l'espace-temps. Une nouvelle astrophysique est née et notre connaissance de l'Univers en sera à jamais bouleversée. Nous entendons l'Univers.

En fait ce n'est pas l'homme qui a perçu cette vibration, c'est un algorithme mis au point par Sergey Klimenko (University of Florida). Les nouveaux algorithmes qui ont permis la détection des ondes gravitationnelles font partie de l'analyse temps-fréquence. L'analyse temps-fréquence (qui sera au coeur de cet exposé) a été créée par Eugène Wigner (en 1940), puis développée par Dennis Gabor (en 1960) et Kenneth Wilson (en 1987), trois prix Nobel de physique. Les motivations de ces chercheurs n'étaient pas la détection des ondes gravitationnelles, mais (1) la mécanique quantique, (2) l'analyse du signal de parole et (3) la théorie de la renormalisation. L'analyse temps-fréquence a été récemment perfectionnée par Henrique Malvar (signaux audio), par Patrick Flandrin et par Stéphane Jaffard.

Les ondes gravitationnelles sont des vibrations de l'espace-temps. Leur existence a été prédite par Albert Einstein. Ce sont des déformations de la géométrie de l'espace temps, de la forme géométrique de l'univers. Ces déformations se propagent dans l'univers sous la forme d'une vibration. Une onde gravitationnelle est déclenchée par un événement gravitationnel cataclysmique. La fusion entre deux trous noirs qui s'est produite il y a un milliard trois cents millions d'années a déclenché l'onde gravitationnelle qui a atteint la terre le 14 septembre 2015, après avoir traversé une grande partie de l'Univers. Einstein pensait que les ondes gravitationnelles sont trop ténues pour pouvoir être détectées. Par ailleurs Einstein ne croyait pas en l'existence des trous noirs. La détection, le 14 septembre 2015, d'une onde gravitationnelle constitue la première preuve directe de l'existence des trous noirs. La déformation des longueurs se produit lorsque l'onde gravitationnelle rencontre le détecteur. L'espace-temps se déforme pendant quelques millisecondes. La déformation des longueurs ne dépasse pas le dix-millième du diamètre du proton. Grâce à des calculs théoriques basés sur les équations d'Einstein, Thibault Damour a montré qu'une onde gravitationnelle est un signal modulé en fréquence (un chirp). L'algorithme qui a permis de détecter les ondes gravitationnelles a bénéficié de toutes ces avancées et a été élaboré par Sergey Klimenko, University of Florida.

Yves Meyer est membre de l'Académie des Sciences, Foreign Associate of the National Academy of Sciences (USA), Foreign Honorary Member of the American Academy of Arts and Sciences (USA). Ancien élève du lycée Carnot de Tunis, et lauréat du concours général de grec et de mathématiques, il est passé par l'École normale supérieure et fut reçu major à l'agrégation de mathématiques. Il a été élu à l'Académie des sciences le 15 novembre 1993. Il a été nommé membre senior de l'Institut universitaire de France en 1991 pour une durée de cinq ans. Il a été professeur de mathématiques à l'École polytechnique de 1980 à 1986, à l'université Paris-Dauphine de 1985 à 1995 et est professeur émérite à l'École normale supérieure de Cachan. Du point de vue de la recherche, c'est un spécialiste de la théorie des ondelettes, qu'il a développée avec Jean Morlet, Alex Grossmann, Ingrid Daubechies et Stéphane Mallat notamment. Il a reçu le prix Carl-Friedrich-Gauss au congrès international des mathématiciens à Hyderabad en 2010. Enfin, Yves Meyer remporte en 2017 le prix Abel de mathématiques (équivalent d'un prix Nobel), pour son rôle central dans le développement de la théorie mathématique des ondelettes.
Source : FC

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...