mardi 1 août 2017

Free ride dans les alpes suisses



La Liste de Jérémie Heitz (novembre 2016)
Site officiel : Jérémie Heitz


Jérémie Heitz : « Je ne voulais pas skier à la queue leu leu entre les piquets »
Par Nicolas Guillermin, le 2 janvier 2017 - L'Humanité


Dans la face de l'Ober Gabelhorn

Skieur de l’extrême, le Suisse Jérémie Heitz a gravi quinze sommets de 4 000 mètres avant de les dévaler sur ses deux planches. De cette expédition, il a fait un film – la Liste – primé au festival Montagne en scène. Ce passionné de grands espaces nous raconte son incroyable projet.

Comment vous est venue cette idée de descendre 15 sommets de plus 4 000 mètres ?

Jérémie Heitz Je suis né dans les Alpes. J’ai été attiré par l’histoire de Sylvain Saudan, pionnier du ski extrême. C’est le premier homme à avoir pris ses skis et descendu des itinéraires d’alpinisme il y a cinquante ans à Chamonix. Dans la Liste (1), j’ai voulu raconter et rendre hommage à ces précurseurs tout en montrant l’évolution du ski de pente raide.

En quoi l’évolution du matériel a-t-elle permis de descendre des pentes qui ne l’étaient pas ?

Jérémie Heitz Toutes les pentes que j’ai choisies ont déjà été skiées. Donc c’était possible. Mais, à l’époque, ils avaient des skis droits de 2,20 m en bois, et des chaussures moins rigides que maintenant. Aujourd’hui, les skis sont en fibres pour absorber les chocs, beaucoup plus stables, avec des formes qui permettent d’aborder plus facilement les pentes.

La qualité de la neige est essentielle pour réussir une descente aussi périlleuse…

Jérémie Heitz On aborde ces pentes avec une autre qualité de neige qu’à l’époque et c’est cela qui nous permet de skier plus vite. La plupart des faces que j’ai descendues restent glacées une grande partie de l’année et on doit attendre des conditions très spéciales, au printemps, pour que la neige colle à la pente et qu’elle soit skiable. Lors des ascensions, j’observe la qualité de cette neige, je regarde sa structure, le nombre de couches. Et, bien sûr, il nous est arrivé plusieurs fois de rebrousser chemin car les conditions n’étaient pas réunies, neige trop dure ou trop de glace, trop de neige ou trop de vent…

Vous avez déjà descendu des pentes de plus de 50 degrés ?

Jérémie Heitz Oui, jusqu’à 60 degrés.

Au lieu de faire des courbes, votre signature, c’est d’aller quasiment tout droit…

Jérémie Heitz Non, je fais des courbes ! (Rires.) Bon, c’est vrai que j’en fais moins que les autres… C’est comme ça que je me fais plaisir. Je viens du ski alpin, du super-G, que je pratiquais au niveau national en Suisse… J’ai appris des techniques qui me permettent d’aller plus vite dans des passages compliqués.

Pourquoi avoir choisi le ski extrême dans le Freeride World Tour qui reprend en janvier plutôt que le ski alpin classique ?

Jérémie Heitz Le ski dans un environnement sauvage m’a toujours attiré. Le freeride, c’est la partie récréative du ski. Au lieu de skier à la queue leu leu entre les piquets, j’ai voulu découvrir autre chose.

Parmi ces quinze sommets, quel a été le plus difficile ?

Jérémie Heitz C’est l’Ober Gabelhorn, 4 063 mètres. La difficulté principale est un mur de 400 mètres de dénivelé. C’est une face très impressionnante, un triangle blanc très raide. Elle ressemble à celle du Cervin mais elle est encore plus belle. C’est un mur de glace vif, très bleu pendant l’été et il faut des conditions très spéciales pour le skier. Et on a eu cette fenêtre dans les deux ans qu’a duré ce projet alors que certains skieurs la regardait depuis dix ans…

Ressentez-vous de la peur quand vous descendez ?

Jérémie Heitz Je suis sur des skis depuis que j’ai l’âge de 2 ans. C’est une évolution constante. J’ai 27 ans aujourd’hui. Pour moi, c’est une suite logique de descendre ces sommets. Je ne me drogue pas à l’adrénaline, c’est de la curiosité, un jeu mental qui me permet de mieux me connaître. Ces descentes sont l’aboutissement d’un long travail, de beaucoup d’entraînements durant l’été : fitness, équilibre, cardio… J’ai peur comme tout le monde, mais il n’y a rien de négatif dans la peur et le stress, ce sont des sensations qui rendent attentif aux pièges et à l’inconnu. Je me poserai des questions le jour où je n’aurai plus peur.

Est-il vrai que votre prochain projet est de descendre des 8 000 m dans la chaîne de l’Himalaya ?

Jérémie Heitz Je suis juste allé là-bas pour voir avec un copain, Samuel Anthamatten, qui skie aussi dans la Liste. Après les Alpes, ce serait une évolution logique. Mais les montagnes sont deux fois plus hautes. On ne sait pas si c’est possible. Il faudrait vivre longtemps là-bas pour s’acclimater et charger le sang en globules rouges en altitude pour descendre sans oxygène…

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