jeudi 20 septembre 2018

Hasta la muerte ou le sens de la vie



L'INVITÉ DES MATINS  par Guillaume Erner
Régis Debray : Hasta la muerte ou le sens de la vie 20/09/2018

* * *

Bernard Crettaz animera une soirée sur le thème, 
Se réapproprier la mort, 
le 16 novembre 2018 à 20h dans la campagne genevoise

Infos et inscription : Dialogue en mortalité


Quand la mort s’invite au café, ça parle énormément
Par Eric Budry, le 15 septembre 2018  - TdG

Comment parler de la mort à un enfant? Faut-il toujours suivre les volontés du défunt? Un Café mortel aide à y répondre. Poignant.


Bernard Crettaz, assis au centre, et Inès Légeret (debout) ont animé samedi un Café mortel, un moment intense de partage d'expériences et d'émotions liées au deuil.

Depuis que le sociologue Bernard Crettaz a lancé le concept en 2004 peu après sa retraite universitaire, ses Cafés mortels n’ont cessé d’attirer et d’intriguer en Suisse et ailleurs. Comment? On pourrait donc parler collectivement de la mort, du deuil et de la souffrance dans notre société qui en a fait un tabou? Eh bien oui, on peut. Et c’est sans doute la meilleure façon d’apprivoiser un peu notre angoisse face au mystère de la mort et à s’y préparer, autant que faire se peut.

Samedi matin, ils étaient une grosse vingtaine à avoir répondu à l’invitation du Service des pompes funèbres de la Ville de Genève. Réunis à la Maison de quartier du Plateau – à un jet de fleurs du cimetière Saint-Georges – ils sont reçus par Bernard Crettaz et Inès Légeret (du Service des pompes funèbres), qui encadreront les échanges. La venue du fondateur est en fait exceptionnel, puisqu’il a cessé d’animer ces rencontres en 2013.

Parler avec son cœur

«Ici, il faut parler avec son cœur et ses tripes, conseille Inès Légeret. Ce n’est pas le lieu pour faire des théories; et nous ne sommes pas là non plus pour donner des conseils.» Message entendu dès le premier témoignage. Fabienne, une sexagénaire, évoque sa première confrontation avec la mort: «J’avais six ans et ma grand-mère adorée venait de mourir, explique-t-elle. La famille a voulu me protéger et m’empêcher de la voir. Du haut de mes six ans, je n’étais pas d’accord. Qu’est-ce que ces adultes tentaient de me cacher? Ils étaient surtout démunis et n’avaient pas de mots pour expliquer cela à une enfant. Cela est resté douloureux.»

En fin de rencontre, c’est un homme qui racontera son traumatisme dans les mêmes circonstances. «J’avais six ans également. Des adultes m’ont alors dit: «Ta grand-mère est partie, mais elle va revenir». J’ai mis 32 ans avant de pouvoir parler du mal que m’a fait ce mensonge… Et quand c’est venu, j’en ai longuement pleuré.»

Mentir, cacher la vérité aux enfants «pour leur bien», voilà qui ne peut que déplaire à Bernard Crettaz: «Je vous le dis franchement, moi je suis pour une révolution mortuaire, réagit-il. Je suis pour que les enfants participent à tout ce que nous vivons. Je suis de Vissoie, dans le val d’Anniviers. Moi, la mort, je suis tombé dedans tout petit. Mes parents m’ont donné le mode d’emploi. J’ai appelé cela le tiroir de la mort. J’aimerais pouvoir partager cela avec les petits citadins.»

La peur de se tromper

Voilà qui serait bien utile à beaucoup de gens. Car on peut se retrouver bien seul et démuni face à une perte. Que peut dire une grand-mère à sa petite-fille de 4 ans après le suicide de sa mère. «Je lui ai dit que sa mère était partie chez les anges, explique cette femme, la voix étranglée par l’émotion. J’ai voulu qu’elle participe pleinement aux funérailles. Vous pensez que j’ai bien fait?»

Réponse d’Inès Légeret: «Bien sûr que vous avez bien fait. Vous avez agi en fonction de ce que vous ressentiez.» Questionnement de Bernard Crettaz: «Auriez-vous pu amener votre fille ici?» «Oui, mais je ne l’ai pas fait car sa grande sœur, qui vit les choses différemment, a pensé que ce ne serait pas bon pour elle.»

Les volontés du défunt

Les témoignages se succèdent. Comme souvent lorsqu’il est question d’émotions, ce sont les femmes qui s’expriment. Les quelques hommes présents sont très attentifs, mais restent cois. La gestion des funérailles pose visiblement de nombreux problèmes et fait resurgir les conflits familiaux plus ou moins secrets.

Cette femme raconte ainsi n’avoir pas suivi l’injonction de son frère, qui ne voulait pas la présence d’un membre de la famille à son enterrement. «Finalement, nous lui avons désobéi, dit-elle. Et aujourd’hui, je pense que nous avons bien fait.»

Commentaire de Bernard Crettaz: «Il y a deux précautions à prendre pour ses proches avant son décès. La première, c’est de laisser un carnet d’épargne. Car des obsèques ont un coût. La seconde, c’est de laisser la liberté à ceux qui restent de s’organiser comme ils le souhaitent. En effet, ce n’est pas parce qu’on est mourant qu’on ne dit pas de connerie. Alors, oui, il faut parfois désobéir pour ne pas se laisser piéger. Mais il faut dans ce cas faire un rite de désobéissance.»

Il est comme cela, Bernard Crettaz, pragmatique, déculpabilisant et superbement pertinent. La mort avec lui, ce n’est pas la fin. C’est une leçon de vie. (TDG)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...