mardi 15 février 2011

Nieou-T'eou, Niu-Tou ou Fa-Jong Wei



Le maître de dhyana Fa-jong (582-657), de son nom de famille Wei, était originaire de Yen-ling dans la préfecture de Kiun. A l’âge de dix-neuf ans, il avait déjà étudié et pénétré à fond les classiques confucéens et les textes historiques. Alors qu’il étudiait le long soûtra de la Prajnâparamita, il eut la compréhension de la vacuité véritable. Un jour, il dit soudain en soupirant : « Les livres confucéens n’exposent pas la doctrine suprême, seule la claire vision donnée par la Prajna peut nous faire voguer hors de ce monde ». Après quoi, il mena une vie d’anachorète sur le mont Mao, où il devint moine bouddhiste. Il se rendit ensuite au mont Tête de buffle (Nieou-t’eou), et résida dans une grotte au pied d’une falaise située au Nord du temple Yeou-hi. On pouvait y voir l’étrange spectacle des oiseaux venant lui offrir des fleurs.
Source du texte (extrait de ) : Biographie de Nieou-T'eou Fa-Jong dans Tch'an, zen, racine et floraisons.


Bibliographie :
- Extinction de la contemplation, trad. Catherine Despeux, dans Tch'an, zen, racine et floraisons (pp.136-155). Ed. Hermès.
- L'Inscription sur l'esprit, trad. Catherine Despeux, dans Tch'an, zen, racine et floraisons (pp.156-166). Ed. Hermès.
Etudes :
Catherine Despeux, L'école tch'an de Nieou-t'eou, dans dans Tch'an, zen, racine et floraisons (pp. 103-124). Ed. Hermès.
Anonyme, Nieou-t'eou Fa-Jong (tiré de la Transmission de la lampe), trad. de Catherine Despeux dans Tch'an, zen, racine et floraisons (pp.125-135). Ed. Hermès.


"Soyez sans point de vue, pas même celui d'être un homme"

I
La grande Voie, Vide profond, immensité silencieuse, obscure et sublime, échappe à la connaissance de l'esprit et est inexprimable par les paroles.
Et voici, à présent, deux personnes exposant la vraie réalité, le maitre Jou-li "Entré dans le Principe" et le disciple surnommé Yuan-men "Porte causale", Maitre Jou-li, plongé dans la grande immensité silencieuse, ne disait mot, lorsque soudain Yuan-men se dressa sur ses pieds et lui demanda :
"Qu'est-ce dont que l'esprit ? En quoi consiste l'apaisement de l'esprit ?
- Vous n'avez nu besoin de poser l'esprit, encore moins de le contraindre  s'apaiser; en cela consiste l'apaisement.
- S'il n'y a pas d'esprit, comment connaitre la Voie ?
- La Voie n'est pas une chose à laquelle on puisse penser, comment concernerait-elle l'esprit ?
- Si l'on ne peut y penser, comment la garder constamment présente ?
- Penser, c'est donner existence à l'esprit. Donner existence à l'esprit, c'est tourner le dos à la Voie. Si l'on ne pense pas, l'on est sans esprit. Sans esprit, l'on demeure dans la Voie véritable.
- Les êtres vivants ont-ils un esprit ou non ?
- Considérer que les êtres vivants ont un esprit, c'est être dans la vue inversée. C'est uniquement parce qu'un esprit est posé au sein du vide d'esprit, que les pensées fausses apparaissent.
- Qu'est-ce donc le vide d'esprit ?
- Etre sans esprit, c'est être vide d'objet. Le vide d'objet correspond à la nature vierge, laquelle n'est autre que la grande Voie.
- Comment éliminer les pensées fausses des êtres ?
- Posséder les notions de pensées fausses et d'élimination de ces pensées, c'est n'avoir toujours pas abandonné ces pensées fausses.
- Peut-on, sans les éliminer, être en union avec le principe de la Voie ?
- Parler d'être en union ou pas, c'est n'avoir toujours pas abandonné les pensées fausses.
- Que dois-je faire ?
- Rien. C'est cela".


XI
Yuan-men se leva et demanda : "Comment peut-on marcher, rester debout, assis ou couché, sans conserver la notion d'un corps ?
- Il vous suffit de marcher, de rester debout, assis ou couché, pourquoi poser la notion d'un corps ? 
- Mais comment peut-on réfléchir sur le juste principe sans poser cette notion ? Tant que l'on s'accroche à l'existence d'un esprit, ce dernier existe même en l'absence de réflexions. Mais si l'on comprend ce qu'est l'affranchissement de l'esprit (wou-sin), il y a affranchissement de l'esprit même lorsque les réflexions apparaissent. Pourquoi ? Parce qu'il en est de même que pour le maître de dhyana assis dans le calme et laissant les pensées apparaître, ou  le vent violent soufflant de toutes parts sans un esprit."
Extrait de : Extinction de la contemplation dans Tch'an, zen, racine et floraisons. 


La nature de la conscience ne vient de nulle part
A quoi bon connaissance et idées ?
originellement, pas une seule vérité
alors, pourquoi parler de pratique ?

Allées et venues sans fin,
chercher sans trouver ,
autant ne rien faire .
alors, la paix étincelante

La passé est espace vide.
La connaissance est la perte du principe.
Diffuse ta lumière sur le monde.
Éveillé et pourtant obscur.

Si la dynamique du sans esprit est obstruée,
on manque la vérité.
Les choses viennent puis se résorbent,
a quoi bon l'introspection ?

Lorsque toute émergence est libre,
les choses sont l'éveil même.
Pour purifier la conscience
encore faudrait-il la trouver.

A travers le temps et l'espace, pas d'éveil.
C'est la grande profondeur.
La connaissance est inconnaissance
La connaissance saisit l'essentiel.

Utiliser la conscience pour apaiser la conscience
est le plus grand des égarements
dans l'oubli de la naissance et de la mort
émerge la nature originelle.

Le principe absolu ne peut être expliqué,
il n'est ni lié ni libéré.
Frémissant et accordé au monde,
Sa présence crève les yeux.

Lorsqu'il n'y a pas d'objet face à vous,
Dans ce rien, la totalité des mondes!
Ne l'examinez pas à l'aide de la sagesse
car sa substance même est obscure et vide.

Les pensées surgissent et disparaissent,
celle qui précède est identique à celle qui suit.
Lorsque celle qui suit ne s'élève pas,
la pensée qui précède s'évanouit.

Présent, passé, futur, il n'y a rien.
Pas de conscience, pas de Bouddha.
Les êtres libérés, la conscience ouverte
se manifestent à partir de cette liberté.

Ils distinguent alors profane et sacré,
leur confusion fleurit
coupant les cheveux en quatre, ils dévient.
A chercher la vérité, tu quittes la Voie.

La guérison consiste à rejeter profane et sacré.
Alors, pure clarté étincelante.
Aucun besoin d'habileté et de travail,
agis comme un enfant.

Dans cette vivacité,
connaissance silencieuse,
tranquillité dégagée de vues
dans l'obscurité de ta demeure.

Vif et sans errance
L'esprit est silencieux et paisible,
tous les phénomènes réels et éternels,
ont jaillis d'une grande profusion non différenciée.

Allant et venant, assis, debout,
sans attaches,
n'affirmant aucune direction,
peut-il encore y avoir naissance et mort ?

Il n'y a plus ni unité, ni dispersion,
lenteur ou rapidité.
Tranquillité et lumière sont naturelles
et ne peuvent être expliquées.

La conscience est authentique.
Plus besoin de mettre fin au désir,
la nature étant spatiale
laisse la conscience aller où elle veut.

Ni limpide, ni nimbée,
ni profonde, ni superficielle,
dès l'origine cela échappait au temps
et cela n'a pas de futur.

Alors, insoumis,
c'est la conscience originelle
qui originellement n'est pas,
car l'origine est à cet instant même.

L'éveil a toujours existé,
pas besoin de le préserver.
Les tourments n'ont jamais existé
Pas besoin de les éliminer.

L'intuition s'illumine d'elle-même
toutes les vérités ne sont que cela,
il n'y a ni retour ni don,
arrête la contemplation, oublie de retenir.

Permanence, félicité, pureté et ego ne surgissent pas.
Le corps essentiel, le corps de félicité, le corps de transformation sont là depuis toujours.
Les six organes des sens touchent leur royaumes.
La discrimination n'est pas la connaissance.

Dans la conscience focalisée, nulle distraction
Les myriades de conditions s'harmonisent,
la conscience et la nature originelle se fondent,
unis mais sans dépendance.

Sans produire quoi que ce soit, accordé aux phénomènes,
goûte partout la tranquillité
l'éveil vient de l'absence d'éveil
ainsi éveille-toi au non-éveil!

Quant au gain et à la perte
pourquoi les qualifier?
tout ce qui est vivant
a toujours été présent.

Sache que la conscience est absence de conscience
la maladie passée, plus de remède.
Lorsque tu es confus, libère-toi.
Eveillé, tout est comme avant.

Dès l'origine, il n'y a rien à obtenir.
A quoi bon se détacher du monde?
Lorsque quelqu'un prétend voir des démons,
On peut toujours parler de vide, il les voit [quand même]!

Ne détruit pas les émotions des êtres,
enseigne-leur simplement à dissoudre l'intention.
Lorsque l'intention disparaît, l'esprit est aboli.
Lorsque la conscience est abolie, tout est non-agir.

A quoi bon confirmer l'espace ?
Naturellement, la clarté est établie.

Ayant complètement éteint naissance et mort,
L'esprit profond s'installe dans le principe,
ouvrant les yeux et voyant les formes,
la conscience est accordée au monde.

A l'intérieur de la conscience, pas de mondes.
A l'intérieur des mondes, pas de conscience.
Mais si tu utilises la conscience pour abolir le monde
Tous deux seront perturbés.

La conscience paisible et le monde tel qu'il est:
rien à saisir ni à abandonner.
Le monde s'effondre dans la conscience,
La conscience se dissout dans le monde.

Quand ni l'un ni l'autre n'apparaît,
il y a tranquillité et clarté sans limite.
Le reflet de l'éveil paraît
sur les eaux éternelles de l'esprit.

Naturellement simple de coeur et d'esprit
sans s'établir dans le proche ou le lointain,
indifférent à la faveur ou à la disgrâce,
tu ne choisis pas ta demeure.

Tous les liens s'estompent soudainement,
L'oubli s'installe,
Le jour éternel bascule dans la nuit,
la nuit éternelle se fond dans la clarté.

Extérieurement non conventionnels,
Intérieurement spacieux et authentiques,
ceux qui ne sont pas perturbés par le monde
sont établis dans la grandeur et la stabilité.

Dépourvus de toute vue, même celle d'être né,
dans la présence et sans notions,
pénétrant tout chose,
infiltrant la totalité depuis toujours.

Penser mène au manque de clarté.
Cela noie et trouble le corps.
Utiliser la conscience pour arrêter l'activité
la rend encore plus capricieuse.

Les dix mille vérités sont partout
Mais il n'y a qu'une voie d'accès,
elle n'entre ni ne sort,
au-delà de la quiétude et de l'agitation.

La pénétration des auditeurs et des éveillés pour soi
Ne peut l'expliquer.
En fait, il n'y a pas un seul objet à saisir.
Seule existe la sagesse merveilleuse.

Ton visage originel est illimité.
L'esprit ne peut le saisir.
L'éveillé authentique ne connaît pas l'éveil.
Le vide n'est pas vide.

Tous les bouddhas du passé, du présent et de l'avenir
Chevauchent ce principe essentiel.
La pointe d'un cheveu
Contient la totalité des mondes.

Ne t'attache à rien,
Laisse ta conscience libre,
Ne la fixe nulle part
et sa clarté spatiale émerge spontanément.

Paisible, sans produire de dualité,
Libéré dans l'espace-temps illimité,
Ton action ne laisse aucune trace,
Aller ou venir ne fait aucune différence.

Le soleil de la connaissance est paisible,
La lumière du Samadhi étincelante.
Illuminant ce jardin sans forme
Brillant sur la cité du Nirvana.

Dans l'Un , plus de relation à l'objet.
La conscience est investie et installée dans la substance.
Sans te lever de ton siège,
Tu te reposes paisiblement dans une salle vide.

Prendre du plaisir au Tao est apaisant.
Libre de vagabonder, détendu au sein de la réalité,
Sans agir et sans atteindre quoi que ce soit,
Sans dépendre de rien, tu te manifestes naturellement.

La conduite et les états d'esprit illimités
Sont tous sur la même voie,
Si tu ne les scindes pas par la conscience,
Toute chose demeure dans l'indifférencié.

Sachant que le né et le non-né sont un,
L'éternité apparaît.
Le sage accède à l'ultime
Sans le secours du verbe.

Le chant de la conscience (SIN MING), extrait de "Poetry of Enlightment" Dharma Drum Pub.
Source du texte : Non dualité
A noter l'existence d'une meilleure traduction (de Catherine Despeux) dans Tch'an, zen, racine et floraison sous le titre L'inscription sur l'esprit.
 

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