mercredi 16 février 2011

Mazu Daoyi ou Ma-tsou



"D'une allure étrange et peu ordinaire, il avait la démarche d'un buffle et le regard d'un tigre. Il pouvait toucher son nez de la pointe de sa langue et deux rides circulaires marquaient la plante de ses pieds". (...)
Né à l'ouest de la Chine, en Sseu-tchouan, Ma-tsou (709-788) entra très jeune dans les ordres et reçut sa premières instruction d'un patriarche qui aurait été un descendant spirituel du cinquième patriarche.  A la mort de son maître, Ma partit vivre en ermite sur le mont Heng, une des cinq montagnes sacrées de la Chine. C'est là qu'eut lieu la rencontre fameuse qui fit de lui le disciple de Houai-jang (677-744), lui-même disciple du sixième patriarche, qui avait établi son monastère sur le mont Nan-yue. Voyant le jeune moine absorbé nuit et jour en zazen, Nan-yue lui demanda quel but il visait :
- Devenir un Bouddha.
Le maître pris alors un morceau de brique et se mit à le frotter sur une pierre. Décontenancé, Ma ne put s’empêcher, au bout d'un moment, de lui demander :
- Que voulez-vous donc faire avec cette brique ?
- Je la polis pour en faire un miroir.
- Comment pouvez-vous espérer faire un miroir avec un brique ?
- Et toi, comment peux-tu espérer devenir un Bouddha en restant assis jour et nuit ?
- Alors que dois-je faire ?
- Il en est comme d'un buffle attelé à une charrette.
Sil la charrette n'avance pas, est-ce elle que tu frapperas ?
Ma-tsou ne trouvant rien à répondre, le maître poursuivit :
- Désires-tu apprendre à être assis en zazen, ou bien à être assis en Bouddha ? Si tu veux apprendre à être assis en zazen, sache que le zazen ne relève ni de la position assise ni de la position allongée. Si tu veux apprendre à être assis en Bouddha, sache que le Bouddha n'a pas de caractéristiques déterminées. Au sein du dharma de la non-demeure, ne t'occupe ni d'obtention ni d’attachement. Si tu t'assois en Bouddha, tu tues le Bouddha. Si tu t'attaches à la position assise, tu n'atteindras pas la vérité absolue. (...)
Extrait de : les maître zen de Jacques Brosse. Ed. Fayard.


Bibliographie :
- Les entretiens de Mazu, maître chan du VIIIe siècle, trad. Catherine Despeux. Ed. Les deux océans, 1980.
Etudes générales : 
voir sous Bibliographie Bodhidharma.


Un moine demanda un jour à Mazu : « Comment doit-on cultiver la Voie ? »
- Mazu répondit : La Voie ne relève pas de la culture. Si l’on dit que la Voie peut être cultivée, une fois la culture accomplie, il y a à nouveau destruction, et l’on est semblable à un auditeur. Si l’on dit que la Voie ne peut être cultivée, l’on est semblable à un être ordinaire.
- Le moine : « Par quelle sorte de compréhension peut-on atteindre la Voie ? »
- Mazu : La nature propre est originellement parfaite. Celui qui ne stagne pas dans les phénomènes bons ou mauvais est appelé « celui qui cultive la Voie ». » S’attacher au bien, rejeter le mal, contempler la vacuité, entrer en contemplation (samâdhi), tout cela n’est que créations (de l’esprit). Ceux qui cherchent la Voie à l’extérieur s’en éloignent sans cesse de plus en plus. Qu’ils épuisent les pensées du Cœur de ce triple monde ; mais qu’une seule pensée subsiste dans le Cœur, et la racine fondamentale de la transmigration dans le triple monde demeure. Lorsque cette seule pensée disparaît, la racine fondamentale de la transmigration est éliminée et l’on obtient le trésor précieux et suprême du Roi de la Loi. Depuis d’innombrables kalpa, les pensées fausses des êtres ordinaires, leurs ruses, leur fausseté, leur orgueil et leur arrogance sont unis au corps de l’Unité. Il est dit dans le (Vimalakirti) soûtra : « Ce corps est un assemblage de nombreux dharma. Quand il naît, ce sont seulement les dharma qui naissent ; quand il périt, ce sont seulement les dharma qui périssent. Quand ces dharma naissent, ils ne disent pas : je nais ; quand ils périssent, ils ne disent pas : je péris. »
Lorsque la pensée d’avant, la pensée d’après et la pensée du milieu ne sont pas reliées entre elles, chaque pensée est dans l’extinction (nirvâna) et l’on appelle cela : « Samâdhi du sceau de l’océan » (sagaramudrasamâdhi), qui englobe toutes choses, pareil à l’océan auquel retournent les cent mille cours d’eau différents, et qui tous sont l’eau de l’océan à la saveur unique et comprenant toutes les saveurs.

Celui qui demeure dans le vaste océan se fond à tous les cours d’eau, celui qui se baigne dans ce vaste océan utilise toutes les eaux. Alors que l’auditeur est à la fois égaré et éveillé, l’être ordinaire est à la fois égaré et éveillé. L’auditeur n’a pas compris que le Cœur saint ne comporte fondamentalement ni causalité, ni degrés, ni pensées fausses. Ainsi il cultive la cause pour réaliser le fruit et demeure pendant vingt mille, quatre vingt mille kalpa dans le samâdhi de la Vacuité. Bien qu’il soit déjà éveillé, cet éveil est un égarement. Tous les bodhisattva considèrent cela comme subir les souffrances de l’enfer. L’auditeur, ayant sombré dans la Vacuité et stagnant dans l’extinction (nirvâna), ne voit pas la nature de Bouddha.
Si un être de racine supérieure rencontre un ami de bien (Kalyanamitra) capable de le diriger, il comprendra par ses paroles qu’il n’y a pas d’étapes ni de stades et sera subitement éveillé à sa nature originelle. Il est dit dans un soûtra : « Les êtres ordinaires ont le cœur inversé, les auditeurs non. » Ainsi on parle d’éveil par rapport à l’égarement, mais puisqu’il n’y a originellement pas d’égarement, il n’y a pas non plus d’éveil. Tous les êtres, depuis un nombre incommensurable de la kalpa, ne sont jamais sortis du samâdhi de l’essence de la doctrine (dharmatâ). Tout en résidant en permanence dans ce samâdhi, ils mangent, se vêtissent, discutent, répondent. En définitive, le fonctionnement des organes des sens et tous les actes sont l’essence de la doctrine. Ceux qui ne savent pas retourner à la source s’attachent aux noms, poursuivent les phénomènes, de sorte que s’élèvent passions erronées et pensées fausses, et ils cultivent toutes sortes de karma. Mais pour qui est capable en une seule pensée de retourner à la source, son être entier devient le Cœur saint.
Que chacun d’entre vous parvienne à son propre Cœur, ne vous attachez pas à mes paroles. Même si j’étais éloquent et parlais de sujets aussi innombrables que les grains de sable du Gange,  le Cœur n’augmenterait pas ; même si aucun discours n’étais prononcé, le Cœur ne diminuerait pas. Ce qui parle d’obtention, c’est votre Cœur, ce qui parle de non-obtention, c’est aussi votre Cœur. De même si vous multipliez votre corps, émettez de la lumière, faites des dix-huit miracles, cela ne vaut pas de faire retourner le moi à la cendre éteinte. Les cendres éteintes, même arrosées, sont sans vitalité, comme un auditeur qui cultive fictivement la cause pour réaliser le fruit. La cendre éteinte, pas encore arrosée, a vraiment de la force, comme le bodhisattva dont le karma et la Voie sont mûrs et purs, et qui n’est pas affecté par tous les maux. Ainsi, si je commence à parler du Tripitaka, de l’enseignement puissant du Tathâgata, je parlerai sans fin pendant des kalpa aussi innombrables que les grains de sable du Gange, ce sera comme un crochet qui sans cesse vous accroche. Mais si vous avez pris conscience du Cœur saint, il n’y aura pas d’autre affaire, et vous vous tiendrez constamment dans ce trésor précieux.
Extrait de : Les entretiens de Mazu, maître chan du VIIIe siècle, trad. Catherine Despeux.
Editions Les deux océans, 1980.
Source du texte : Kalyanamitra

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