lundi 14 mars 2011

Shunryu Suzuki Roshi ou Shogaku Shunryu



Shunryu Suzuki (en religion Shōgaku Shunryū) (18 mai 1904 - 4 décembre 1971) était un moine de l'école Zen Sōtō né dans la préfecture de Kanagawa au Japon. Il fut admis comme disciple de Gyokujun So-on-roshi, un maître zen qui avait été le disciple de son père. Il étudia à l'université bouddhique Komazawa, puis aux monatères d'Eihei-ji et de Sojiji.
Suzuki a souvent été confondu avec le maître Zen D.T. Suzuki, ce qui lui faisait dire : "Non, il est le grand Suzuki et moi, je suis le petit."
En 1958, à cinquante-trois ans, maître Zen déjà profondément respecté au Japon, Shunryu Suzuki partit pour les États-Unis et s'installa à San Francisco. Sous sa direction, sept centres de méditation ouvrirent en Amérique dont le Zen Mountain Center, premier monastère Zen hors d'Asie.
Esprit zen, esprit neuf a été conçu par une disciple de Suzuki, Marian Derby, qui a rassemblé des enseignements donnés par son maître à Los Altos. Trucy Dixon et Richard Baker (successeur de Suzuki) ont mis en page et supervisé sa publication.
Suzuki est décédé au centre zen de San Francisco en 1971.
Source du texte : wikipedia


Bibliographie :
- Esprit zen, esprit neuf. Ed. Poitn Sagesse, 1977.
- Libre de soi, libre de tout. Ed. Seuil, 2011.


La plupart d’entre nous veulent savoir ce qu’est le moi. Vaste problème. J’essaie de comprendre pourquoi vous avez ce problème. ll me semble que la tentative de vous comprendre est une tâche sans fin et que vous n’apercevrez jamais votre moi. Vous trouvez difficile de vous asseoir sans penser, mais il vous sera plus difficile encore d’essayer de penser à votre moi. Vous ne parviendrez sans doute jamais à une conclusion, et si vous persévérez dans vos efforts, vous deviendrez fou et ne saurez que faire de ce moi.

Votre culture est basée sur l’idée de progrès personnel. Cette idée de progrès relève plutôt du domaine scientifique. Le progrès, cela signifie qu’au lieu de se rendre au Japon en bateau, on peut désormais y aller en Jumbo Jet. La notion de progrès suppose donc une estimation, une comparaison qui est aussi la base de notre société et de notre économie. Je comprends que vous rejetiez l’idée de civilisation, mais vous ne rejetez pas l’idée de progrès. Vous essayez toujours d’améliorer quelque chose. Peut-être la plupart d’entre vous s’assoient-ils pour améliorer leur zazen, mais les bouddhistes ne font pas grand cas de l’idée de progrès.
En pratiquant zazen dans le but de vous améliorer, vous tentez peut-être de vous connaître d’un point de vue plutôt psychologique. La psychologie vous renseignera sur certains aspects de vous-même, mais elle ne vous dira pas exactement qui vous êtes. Elle ne proposera qu’une des nombreuses interprétations de votre esprit. Si vous consultez un psychologue ou un psychiatre, vous recueillerez à l’infini de nouvelles informations sur vous. Ces consultations, le temps qu’elles dureront, vous apporteront peut-être un certain soulagement. Vous vous sentirez peut-être délesté du fardeau que vous portez, mais dans le zen, nous comprenons le moi d’une manière bien différente.

Tôzan [Dongshan], le fondateur de l’école chinoise du zen sôtô disait : « N’essayez pas de vous voir objectivement. » En d’autres termes, n’essayez pas de chercher sur vous-même une information qui soit la vérité objective. Ce n’est qu’une information. Tôzan dit que le véritable moi est très différent de toute information que vous découvrirez. Le vrai moi est d’un tout autre ordre. « Je vais mon propre chemin. Où que j'aille, c’est moi que je rencontre ».
Tôzan rejette votre tentative de vous agripper à des informations sur vous-même et vous enjoint de continuer seul en n’utilisant que vos propres jambes. Quoi que les gens puissent dire, vous devez suivre votre voie mais, en même temps, vous devez pratiquer avec d’autres. C’est un autre point capital : se rencontrer soi-même suppose de pratiquer avec d’autres.

Quand vous voyez quelqu’un pratiquer sincèrement, c’est vous-même que vous voyez. Si vous êtes impressionné par la pratique d’une personne, vous vous direz peut-être : « Oh, elle s’en sort très bien. » « Cette personne » n’est ni elle ni vous, mais se situe au-delà. Mais qu’est-elle donc en ce cas ? Après y avoir songé un peu, vous vous direz peut-être : « Elle est là-bas et je suis ici. » Pourtant, quand sa pratique vous impressionnait, ce « elle » n’était ni vous ni elle. Quand quelque chose vous touche, il s’agit au fond du vrai vous. J’hésite à prononcer ce « vous » ; il condense cependant la pure expérience de notre pratique. Tant que vous essayez de vous améliorer, vous entretenez l’idée d’un moi central et votre pratique est erronée. Ce n’est pas celle que nous avons en vue.
Quand vous videz votre esprit, que vous renoncez à tout et pratiquez seulement zazen l’esprit ouvert, alors, quoi que vous voyiez, vous rencontrez votre soi. Ce « soi » se situe par-delà « elle », « lui » ou « moi ». Tant que vous vous accrochez à l’idée du moi et tentez d’améliorer votre pratique ou de découvrir quelque chose, tant que vous tentez de créer un moi amélioré, supérieur, votre pratique s’égare. Comme vous n’avez pas le temps d’atteindre le but, vous allez finir par vous lasser et par décréter : « Le zen ne vaut rien. J’ai pratiqué le zen pendant dix ans sans faire aucun progrès ! » À l’inverse, si vous venez ici seulement pour vous asseoir avec des élèves sincères, vous retrouver parmi eux, et que vous continuez dans cette voie, c’est notre pratique. Vous pouvez faire ce genre d’expériences où que vous soyez. Comme l’a dit Tôzan: « Où que j'aille, c’est moi que je rencontre. » S’il voit de l’eau, c’est lui qu’il voit. Cette vision de l’eau lui suffit, même s’il ne se voit pas lui-même dans l’eau.

Vous comprendre ne consiste donc pas à vous saisir objectivement ou à puiser des informations à diverses sources. Si les gens estiment que vous êtes fou : « D’accord, je suis fou ! » Si l’on dit que vous êtes un mauvais élève - c’est peut-être vrai : « Je suis un mauvais élève, mais je fais de mon mieux. » Cela suffit. Quand vous vous asseyez de cette façon, vous acceptez votre moi et, avec votre moi, vous acceptez tout. Quand vous êtes confronté à toutes sortes de problèmes énervants, vous vous asseyez avec vos problèmes. À ce moment-là, c’est vous. Si vous tentez d’évacuer vos problèmes, c’est déjà une pratique erronée.
Si vous vous accrochez à une idée que vous forgez, par exemple un moi ou une réalité objective, vous vous perdrez dans le monde objectif engendré par votre esprit Comme ce processus se reproduit sans cesse, il n’a pas de fin. Créer des mondes variés et les voir défiler est certes captivant, mais vous devriez éviter de vous perdre dans vos créations.

L’autre aspect de notre pratique est que nous pensons et agissons. Notre but n’est pas de ressembler à une pierre. La vie quotidienne est notre pratique. Au lieu d’être soumis au mental, à l’imagination ou à une activité émotionnelle, nous pensons, au vrai sens du terme. La pensée nous vient de notre vrai moi lequel embrasse tout. Avant que nous y pensions, les arbres, les oiseaux et toutes les choses pensent. Et quand elles pensent, elles poussent des grognements ou des trilles. C’est leur pensée. Et nous n’avons nul besoin de penser plus que cela. Si nous voyons les choses comme c’est, la pensée est déjà là. Cette sorte de pure pensée est celle que nous avons dans notre pratique, si bien que nous sommes toujours libres de nous-mêmes. Nous pouvons voir les choses comme c’est et, en même temps, les penser. Parce que nous ne nous accrochons à aucun schéma de pensée particulier, il n’existe pour nous ni vraie ni fausse voie.
Extrait de : Libre de soi, libre de tout
Source : UBE






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