Toute conscience est conscience de quelque chose. Parler de "conscience sans objet" est-ce alors parler pour ne rien dire ?
lundi 1 août 2011
Nyushül Khen Rinpoche ou Jamyang Dorje
Nyoshül Khen Rinpoché (né en 1932, décédé au cours de l'été 1999) était l'un des maîtres les plus estimés de la tradition de la Grande Complétude (Dzogchen) du bouddhisme tibétain ; il était aussi respecté pour sa parfaite connaissance des textes de cette école que prisé pour ses qualités proprement spirituelles et humaines et pour la facilité avec laquelle il savait inspirer à ses auditeurs de saisissants aperçus métaphysiques.
C'est dans ce recueil du Chant d'illusion que l'on trouvera la plus vivante expression des lumières qu'il avait retirées d'une vie de contemplation. Le style même des poèmes est empreint de sa marque singulière, combinaison de la plus profonde humanité (jusqu'à l'humour le plus incongru, jusqu'à la familiarité la plus touchante) et d'une extrême élévation spirituelle.
L'introduction de ce volume comporte, sur ce maître hors du commun et sur certains de ses prédécesseurs, des indications biographiques qui donneront au lecteur un aperçu du monde fascinant des ascètes et mystiques du Tibet. Quant à la pensée, riche mais parfois d'une haute densité, qui s'exprime dans les poèmes, un essai qui leur fait suite l'éclaire à la faveur d'un parcours au travers de plusieurs grands textes de la philosophie bouddhique tibétaine, à ce jour parfaitement inconnus en France.
Le traducteur des poèmes et auteur de cet essai, Stéphane Arguillère, directeur de programme au Collège international de philosophie, fut élève de Nyoshül Khen Rinpoché durant les douze dernières années de la vie du maître, et personne n'était plus qualifié pour faire entendre, avec la plus scrupuleuse fidélité et la plus profonde intelligence des textes, la voix de l'auteur dans cette version française de ses poèmes.
Quatrième de couverture du Chant d'Illusion.
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Bibliographie :
- Le Chant d'Illusion et autres poèmes, traduit du tibétain, présenté et annoté par Stéphane Arguillère, Ed. Gallimard, Connaissance de l'Orient, 2000.
1
L'océane profusion des objets de connaissance
Est de vous perçue en son mode-d'être, la vacuité,
Tenpai Nyima, vous qui êtes indistinct
Du seigneur Longchen Rabjam,
Au lotus de vos pieds, j'adresse mon hommage,
2
C'est à toi, ma mère, excellente Paldzom,
Que j'offre cette épître.
Ecoute un instant sans distraction !
3
Franc d'inconfort, moi,
L'esprit à l'aise,
Sans souci je m'abandonne au délassement.
Mère, est-ce que tu vas bien ?
4
En cette région occidentale du monde,
les hommes nombreux de l'engeance blanche et rouge
Rivalisent en spectacles de prodiges divers.
Planant dans le ciel, ou dans l'eau,
Comme des poissons, évoluant...
5
Ils ont asservis les quatre éléments
Et se livrent ainsi à des joutes de miracles.
Myriades d'aimables beautés versicolores,
Pareilles aux figures de l'arc-en-ciel,
Ces spectacles innombrables
ne sont au fond que faux-semblants de notre esprit.
6
Tout cela n'est bel et bien qu'un songe
Et les tâches, et celui qui s'y affaire, jeux puérils !
Tandis qu'on s'y livre, on n'en saurait venir à bout;
Elles sont achevées quand on les délaisse,
Comme des châteaux de sable.
7
En outre, toutes choses dans le Cycle et son Dépassement,
On les pense durables mais elles sont caduques,
A l'examen, formes vides, qui sans exister pourtant apparaissent;
on les croit réelles mais elles sont irréelles,
A y bien regarder, elles ne sont que fantômes illusoires.
8
Observe donc les objets qui adviennent au-dehors,
Plus trompeurs que faux-semblants,
Ils sont, comme l'eau d'un mirage,
A l'évidence un songe, une hallucinations magique,
pareille au reflet de la lune dans l'eau, pareille à l'arc-en-ciel.
9
Au dedans, observe ton esprit :
Même s'il capte l'attention quand on n'y prend garde,
A l'examen, sa "nature propre" est introuvable;
Un rien qui se donne pour quelque chose, vide et transparent;
On ne peut le définir en disant : "c'est cela !",
Ce quasi-néant bouillonnant.
10
Regarde ce qui vient au jour
Dans chacune des dix orients :
Quel qu'en soit l'aspect,
La Réalité, son essence,
Est la vacuité, esprit de l'abîme.
11
Toutes choses étant de la nature du vide,
Puisque c'est le vide qui observe le vide,
Qui videra ce qui est à vider ?
12
L'illusion magique est témoin de l'illusion magique,
Et l'égarement observe l'égarement :
Dès lors que faire des nombreuses catégories Telles que le "vide" et le "non-vide" ?
13.
Quoiqu'on fasse, cela est permis,
Et de quelque manière que l'on repose, ce bienheureux
Délassement est la spacieuse essence de l'esprit,
L'Idée de la grande et vaste sphère;
C'est le mode-d'être de toutes choses.
Telle est la parole du Seigneur Né du Lotus
Et du siddha Saraha.
14.
"Dualité", "non-dualité" et ainsi de suite,
Tous ces tableaux, fictions extrémistes,
Laisse-les comme les remous d'un fleuve
S'effacer naturellement en eux-mêmes.
15.
L'imagination, grand démon d'inintelligence,
Nous précipite dans l'océan du Cycle des existences.
Quand on se départit de ces constructions imaginaires,
C'est l'ineffable au delà de l'entendement.
(...)
Extrait du poème Le miroir des clefs (59 versets) dans : Le Chant d'Illusion et autres poèmes, trad. Stephane Arguillère
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Autres extraits : buddhachannel
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