dimanche 13 novembre 2011

Jean Borella



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Jean Borella est né à Nancy le 21 mai 1930. Père d'ascendance italienne. Mère lorraine. A reçu une éducation catholique. Son père, aviateur militaire de carrière, est tué dans un accident d'avion en 1937. Etudes secondaires classiques. Reçoit l'enseignement de Georges Valin, puis durant trois ans, celui de Guy Bugault et de Raymond Ruyer dont il suit les cours à l'université de Nancy. Acquis dès lors à la doctrine platonicienne et à la perspective métaphysique du védânta que Valin lui a révélée, il passe les examens de la licence de philosophie en 1953. De cette année date également sa rencontre avec Guénon dont la lecture confirme et ordonne ce qu'il savait déjà. En 1954, il se marie avec une jeune fille d'origine polonaise. Professeur de philosophie à Gérardmer en 1957, il réussit le concours d'agrégation en 1960. En 1962, il est nommé professeur en "Lettres supérieures" à Nancy où il enseignera la philosophie et le français jusqu'en 1977. Nommé alors à l'université de Nancy, il succède à Georges Valin dans l'enseignement de la métaphysique. En 1982, il soutient sa thèse de doctorat d'Etat, à l'université de Paris X-Nanterre. (...)
Source (et suite) du texte sur son blogue : Jean Borella
Autre biographie : wikipedia


Bibliographie :
- La Charité profanée. Subversion de l'âme chrétienne, Paris, Éditions du Cèdre, 1979.
- La crise du symbolisme religieux, Lausanne-Paris, l'Âge d'homme, 1990.
- Ésotérisme guénonien et mystère chrétien, Lausanne-Paris, l'Âge d'homme, 1997.
- Symbolisme et réalité, Ad Solem, 1997.
- Histoire et théorie du symbole, Lausanne-Paris, l'Âge d'homme, « Delphica », 2004.
- Lumières de la théologie mystique, Lausanne-Paris l'Âge d'homme, 2002.
- Le Mystère du signe. Histoire et théorie du symbole, Paris, Éditions Maisonneuve & Larose, 1989.
- Penser l'analogie, Ad Solem, 2000.
- Le poème de la création, Ad Solem, 2002.
- Problèmes de gnose, L'Harmattan, 2007.
- Un homme une femme au Paradis, Ad Solem, 2008.
En ligne :
Esotérisme guénonien et mystère chrétien (larges extraits)
Divers articles son blogue :  Jean Borella


Connaissance et réalisation.
A la mémoire de Georges Vallin (1921-1983)

Sauf erreur, l’expression de réalisation spirituelle, ou encore de réalisation métaphysique, est d’origine guénonienne. Elle apparaît pour la première fois dans l’Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues, publiée en 1921.

Elle signifie d’abord que la véritable connaissance, celle dont parlent les grandes traditions sacrées d’Orient ou d’Occident, y compris la tradition platonicienne, n’est pas d’ordre purement théorique, mais qu’elle implique pour être complète, une réalisation correspondante par laquelle le connaissant, c’est-à-dire le gnostique, s’unit, et même à la limite, s’identifie à ce qu’il connaît, la connaissance étant alors, au sens plein de ce terme, l’acte commun du connaissant et du connu. Et, puisque l’Objet connu est ici de nature purement métaphysique dans la mesure où il dépasse toute nature déterminée, et même la première de toutes qui est l’Etre ou détermination ontologique primordiale – symbolisée par le point noir sur la page blanche et vide – la réalisation correspondant à un tel « Objet » peut être dite justement métaphysique, c’est-à-dire supra-naturelle, ou encore spirituelle en tant que l’esprit désigne en effet tout ce qui transcende l’ordre des déterminations de la nature.

On est spontanément enclin à considérer une telle réalisation comme concernant essentiellement le sujet connaissant. C’est lui qui se réalise, c’est-à-dire qui devient ce qu’il est réellement, grâce à l’utilisation de moyens appropriés, techniques de concentration, exercices de méditations, récitations de formules sacrées et de prières, qui produisent dans l’homme certaines transformations profondes de son être, et, par la grâce desquelles il s’éveille progressivement à une réalité dont il n’avait jusque là aucune conscience véritable. Toutes les doctrines spirituelles parlent à ce propos d’une nouvelle naissance, de l’ouverture d’un nouvel œil, l’œil du cœur. Mais la nouveauté n’est évidemment que du côté du pèlerin spirituel, le processus de transformation ontologique que désigne le mot même de réalisation ne concerne que le sujet connaissant, étant entendu que l’Objet métaphysique, quant à lui, subsiste dans sa permanent actualité, et préexiste à toute connaissance effective que l’on prend de Lui.

Cette vue n’est certainement pas fausse, et cependant elle implique une sorte d’illusion. Si elle veut aller jusqu’au bout de sa rigueur, la doctrine métaphysique doit mettre en question ce schéma provisoire, que la critique philosophique, et singulièrement le fondateur même du criticisme philosophique Emmanuel Kant, n’a pas manqué de dénoncer. Le métaphysicien, nous dit-on, semble jouir d’un privilège exorbitant. Il est à la fois dans la Caverne et hors de la Caverne : dans la Caverne puisqu’il affirme clairement la nécessité d’une réalisation, c’est-à-dire d’une transformation radicale de notre être et de notre connaissance en vue d’accéder à la véritable Réalité – ce qui implique évidemment une sortie hors de la Caverne de notre état présent, et donc précisément que nous nous y trouvons ; mais il faut bien qu’il soit en même temps hors de la Caverne, puisque le même philosophe prétend parler du véritablement Réel, comme s’il en avait quelque connaissance, comme s’il était Dieu Lui-même se racontant à nous, et nous assure à son propos toutes sortes de précisions dont la connaissance, par définition platonicienne, ne saurait pourtant que nous échapper. C’est un fait que le discours métaphysique a lieu dans la Caverne, qu’il s’exprime à l’aide de mots humains qu’après tout nous sommes capables de comprendre, mais c’est pour nous dire que, si nous voulons comprendre de quoi il s’agit, il nous faut justement quitter la scène de ce monde pour aller « là-haut ». Si Platon avait raison, nous ne devrions pas l’entendre, et puisque nous l’entendons, c’est qu’il a tort. Tout le travail de critique philosophique consistera alors à rendre compte, de diverses manières, de cette singulière illusion. La critique de la raison pure se ramène ainsi à une « herméneutique » du discours métaphysique. Victime d’une illusion constitutive, ce discours, en effet, ne sait pas ce qu’il dit. Inutile d’argumenter contre lui. Il faut seulement l’interpréter afin de lui montrer la vérité de ses paroles et lui apprendre qu’en croyant connaître l’Etre divin, la raison humaine ne fait qu’hypostasier son exigence d’absolu (1).

Il existe pourtant une autre critique de la raison métaphysicienne qui semble avoir totalement échappé à l’attention de Kant et des maîtres du soupçon, une critique mise en œuvre par Platon lui-même, du Parménide au Sophiste, et dont nous voudrions montrer qu’elle est seule à la mesure de son objet. A vrai dire, aucun métaphysicien digne de ce nom ne l’a ignorée, et c’est ce dont témoigne, aujourd’hui encore, à sa manière, la notion guénonienne de réalisation métaphysique. Cette critique consiste à dénoncer le caractère généralement chosiste de toute conception métaphysique en tant précisément qu’elle pose son objet comme un objet (Gegenstand), c’est-à-dire comme quelque chose qui appartient à l’ordre des choses ; conception qui, en d’autres termes, n’envisage le mode de réalité de ce dont elle parle que d’après celui de l’existence des objets dont elle fait ordinairement l’expérience. Or, c’est assurément là l’erreur métaphysique fondamentale, celle que nous pourrions appeler de « blocage ontologique ». (...)
Source, notes et suite du texte : blogue Jean Borella



















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