Grégoire Palamas (1296 - 1359), saint de l'Église orthodoxe et reconnu par l'Église catholique romaine (fêté le 14 novembre), a développé dans sa pensée cet adage des Pères, selon lequel Dieu s'est fait homme, pour que l'homme devienne Dieu. Il résume une longue tradition à ce sujet, à laquelle il se veut fidèle et qui touche à la question la plus fondamentale du christianisme, celle du salut ou de la déification de l'homme.
Source (et suite) du texte : wikipedia
Bibliographie :
- Défense des saints hésychastes, Triade I,II et III, introduction, texte critique, traduction et notes par J. Meyendorff, volumes 30-31, 1973.
- De la déification de l'être humain, traduit par M.-J. Monsaingeon et J. Paramelle, coll. "Sophia", L'Age d'Homme, 1990.
- Douze homélies pour les fêtes, introduction et traduction de Jérôme Cler, coll. "L'échelle de Jacob", Paris, 1987.
- Traité apodictiques sur la procession du Saint-Esprit, traduction et notes par Emmanuel Ponsoye, Les Éditions de l'Ancre, Paris-Suresnes, 1995.
- Deux homélies sur la Transfiguration dans : Joie de la Transfiguration d'après les Pères d'Orient, coll. "Spiritualité Orientale", Abbaye de BelleFontaine, 1985.
- Philocalie des Pères Neptiques. Tome B, volume 3 : De Grégoire Palamas à Calliste et Ignace Xanthopouloi, notices et traduction par Jacques Touraille, Abbaye de Bellefontaine, 2005.
Etudes :
Lison, J., L’Esprit répandu. La pneumatologie de Grégoire Palamas, Éditions du Cerf, 1994.
Mantzaridis, G. I., La doctrine de saint Grégoire Palamas sur la déification de l’être humain, dans Saint Grégoire Palamas. De la déification de l’être humain, coll. “Sophia”, L’Age d’homme, 1990.
Meyendorff, J., Introduction à l’étude de Grégoire Palamas, coll. “Patristica sorbonensia” Éditions du Seuil, 1959.
Meyendorff, J., Saint Grégoire Palamas et la mystique orthodoxe, coll. “Points Sagesses” 168, Paris, Éditions du Seuil, 2002.
Staniloae, D., "La vie et la doctrine de Saint Grégoire Palamas", Sibiu 1938.
Rublev, Transfiguration (début 15e) |
Une lumière incréée.
Puisque d'autre part le Seigneur transfiguré resplendit et qu'il montra cette gloire, cet éclat et cette lumière, et qu'il viendra à nouveau tel que les disciples le virent sur la montagne, est-ce à dire qu'il a acquis une lumière nouvelle qu'il n'avait point auparavant, et qu'il la gardera pour l'éternité ? Loin de nous ce blasphème. En effet, celui qui dit cela attribue trois natures au Christ, la divine, l'humaine et celle de cette lumière; voilà pourquoi le Christ a manifesté non pas un autre éclat, mais celui qu'il possédait invisiblement. Il possédait, caché sous sa chair, l'éclat de la nature divine. Cette lumière est donc celle de la divinité, et elle est incréée. Lorsque le Christ fut transfiguré, disent les théologiens, "ce n'est pas en acquérant ce qu'il n'était pas, mais en se montrant à ses disciples tel qu'il était, en leur ouvrant les yeux et en se faisant voir à ces aveugles".
Sens-tu que les yeux qui voient dans l'ordre naturel sont aveugles à l'égard de cette lumière ? Cette lumière n'est donc pas sensible, et ceux qui la voyaient ne la voyaient pas simplement de leur yeux sensibles, mais d'un regard transformé par la puissance de l'Esprit divin. Ils furent donc changés, et ainsi ils virent le changement qui, par l'action de Dieu, avait affecté notre nature, du fait de son union au Verbe de Dieu, non pas tout récemment, mais dès le moment où le Verbe l'avait assumée.
C'est aussi pourquoi celle qui l'avait conçu et enfanté de manière extraordinaire, tout en restant vierge, reconnut le Dieu incarné enfanté par elle; Le reconnurent pareillement Syméon, qui le reçut dans ses mains comme un nouveau-né, et la vieille Anne qui vint à sa rencontre. C'est que la puissance divine brillait comme à travers des lames de verre, resplendissant pour ceux donc les yeux ont été purifiés. (...)
Une lumière surnaturelle
Voici ce que dit le divin Luc : "L'aspect de son visage devint différent, et son vêtement d'un blanc fulgurant" (Luc 9,29), car il n'aperçoit aucun point de comparaison pour tout ce qui s'accomplit sur la montagne. Marc décrit bien les vêtements, mais en disant "resplendissant, aussi blancs que neige", il a montré lui aussi que les images et les exemples sont déficients par rapport à la contemplation de ces vêtements.
Si la neige est blanche, elle n'est pas par ailleurs resplendissante, car elle a toujours une surface irrégulière, composée qu'elle est de bulles légères, à cause du mélange d'air qui est au dedans. (...) Donc, comme la blancheur de la neige ne suffit pas à indiquer le charme de cette contemplation, le mot "resplendir" a été ajouté, en outre, l'évangéliste montra par là que cette lumière est extraordinaire, elle par qui ces vêtements sont devenus brillants et blancs. Cette lumière-là a recouvert les vêtements, comme il est normal, ou plutôt les a changés, ce qui n'est pas le fait d'une lumière sensible. Et ce qui est encore plus extraordinaire, c'est qu'après les avoir changés, elle les a alors gardés inchangés, comme il apparut peu après. (...)
Une lumière qui n'est pas l'essence divine
Cette lumière divine est donnée avec mesure, elle admet le plus et le moins, selon la dignité de ceux qui la reçoivent, quand elle est partagée sans être fractionnée. (...)
Quant à l'essence de Dieu, elle est absolument indivisible et insaisissable, et aucune essence n'admet le plus et le moins. Ce sont les Messaliens maudits qui eux, s'imaginent que l'essence divine se fait voir à ceux qui, parmi eux, en sont dignes. Quand à nous, nous détournant des hérétiques de jadis et de maintenant, nous croyons, comme on nous l'a enseigné, que les saints voient et reçoivent en participation le royaume, la gloire, la splendeur, la lumière ineffable et la grâce divine, mais non l'essence de Dieu.
Extraits de : Transfiguration du Seigneur, Première Homélie, dans : Joie de la Transfiguration.
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Le corps n'est pas mauvais en soi
C'est aux hérétiques, frère, qu'il sied de parler ainsi, aux hérétiques qui disent que le corps est une chose maligne, qu'il est une confection du Malin. Quand à nous, nous pensons que le mauvais esprit est dans les pensées corporelles, mais qu'il n'y a pas de mauvais esprit dans le corps, puisque le corps n'est pas une chose mauvaise. (...)
Extrait de : Triade, I,1,1.
"Plus que Dieu"
Comme l'âme communique la vie au corps animé, ainsi Dieu qui habite dans l'âme théophore lui communique la lumière. Cependant, l'union du Dieu tout-puissant avec ceux qui en sont dignes transcende cette lumière : Dieu, tout en demeurant tout entier en lui-même, habite tout entier en nous par sa puissance suressentielle et nous communique non pas sa nature, mais sa propre gloire et son éclat. Cette lumière est donc divine et les saint l'appellent justement "Divinité", car elle est source de déification.
Extrait de : Triade I,3,23.
Corps spirituels
Avec la victoire de l'esprit, leur corps deviendra tellement subtil qu'il n'apparaitra plus du tout comme matériel et ne s'opposera plus aux énergies intellectuelles. C'est pourquoi, ils jouiront de la lumière divine avec leurs sens corporels eux-mêmes.
Triade, I,3,36.
Connaissance des êtres et vision mystique
Au contraire, nous ne pouvons posséder Dieu en nous, fréquenter Dieu dans la pureté, nous confondre dans la lumière sans mélange, à la mesure des possibilités de la nature humaine, à moins que, purifiés par la vertu, nous sortions de nous-mêmes, ou plutôt que nous nous dépassions nous-mêmes, en abandonnant avec la sensation tout ce qui est sensible, nous élevant au dessus des pensées, des raisonnements et de la connaissance qu'ils procurent, pour nous abandonner entièrement à l'énergie immatérielle et intellectuelle de la prière, pour rencontrer l'ignorance qui surpasse toute connaissance, pour nous y remplir de la beauté resplendissante de l'Esprit, afin de contempler invisiblement les privilèges de la nature du siècle immortel. Comprends-tu dans quel abîme la philosophie tant vantée de l'intelligence se trouve abandonnée ? Ses principes, en effet, proviennent de la sensation, son but consiste en la connaissance que l'on acquiert indépendamment de la pureté et qui ne purifie pas elle-même des passions. Au contraire, le principe de la contemplation spirituelle est le Bien qui découle de la pureté de la vie, c'est aussi une connaissance vraie et authentique des êtres et de la réalité qui ne provient pas des études, mais apparaît avec la pureté et peut seule distinguer ce qui est véritablement bon et utile de ce qui ne l'est pas. La fin vers laquelle tend la contemplation spirituelle est le gage du siècle à venir, l'ignorance qui dépasse la connaissance et la connaissance qui dépasse tout concept, la participation mystérieuse au Mystère et la vision inexprimable, la contemplation et la saveur mystique et cachée de la lumière éternelle.
Extrait de : Triade I,3,42.
Nature eschatologique de la lumière
N'est-il pas évident qu'il n'y a qu'une seule et même lumière divine : celle que les apôtres virent au Thabor, celle que les âmes purifiées contemplent dès maintenant et celle qui est la réalité même des biens éternels à venir ?
Extrait de : Triade I,3,43.
La voie de l'hésychasme
Il y délie son âme, dans la mesure du possible, de tout lien matériel et attache son esprit à la prière ininterrompue à Dieu. Par elle, il se concentre tout entier en lui-même et trouve un moyen nouveau et mystérieux pour monter aux cieux : ce qu'on peut appeler l'insaisissable ténèbre du silence initiateur. Avec une joie mystérieuse, il y attache soigneusement son esprit dans un calme absolument simple, total et plein de douceur, dans un repos et un silence véritable et il vole au-dessus de toutes les créatures. Sortant ainsi tout entier de lui-même et se donnant tout entier à Dieu, il voit la gloire de Dieu et contemple la lumière divine qui ne tombe absolument pas sous les sens, en tant que sens, mais constitue la vision bien-aimée et sainte des âmes et des esprits sans tache. Sans cette lumière, aucun esprit ne peut voir en se servant de son sens intellectuel, dans l'union avec ce qui le dépasse, de même qu'aucun oeil corporel ne voit sans lumière sensible.
Extrait de : Triade I,3,46.
Le corps peut devenir Esprit
De même la joie spirituelle qui vient de l'esprit dans le corps n'est pas du tout corrompue par la communion au corps, mais transforme le corps et le rend spirituel, parce qu'alors il rejette tous les mauvais appétits de la chair, ne tire plus l'âme vers le bas, mais s'élève avec elle, de sorte que l'homme tout entier devient Esprit, suivant ce qui est écrit : Celui qui est né de l'Esprit est Esprit (Jean, III, 6,8). Et tout cela est évident par expérience.
Extrait de : Triade II,2,8.
Lumière et ténèbre chez Denys
Il identifie donc ténèbre et lumière, vision et absence de vision, connaissance et ignorance. Comment cette lumière est-elle une ténèbre ? Par la surabondance de l'épanchement lumineux, dit-il. C'est donc une lumière au sens propre et une ténèbre par transcendance, parce qu'elle est invisible à ceux qui essaient de l'approcher et de la voir par l'activité des sens ou de l'intelligence.
Extrait de : Triade II,3,51.
Dieu par la grâce
Comment voit-il sans voir ? Parce que, dit-il, il voit d'une façon supérieur à la vision : il connait et il voit, au sens propre de ces termes, tandis qu'il ne voit pas par transcendance, car il ne voit avec aucune de ses énergies intellectuelles et sensibles. Par le fait même qu'il ne voit pas et ne connait pas, c'est à dire par le fait même de dépasser toute activité cognitive, un tel homme se trouve au-dessus de la vision et de la connaissance et agit d'une façon qui nous dépasse, il dépasse l'humanité, il est déjà Dieu par la grâce, il est uni à Dieu et voit Dieu par Dieu.
Extrait de : Triade II,3,52.
Une réalité unique
La réalité qui transcende toute puissance intellectuelle, puisqu'il est impossible de la comprendre, est au-dessus de tous les êtres; une telle union est donc au-dessus de toute connaissance, bien qu'on l'appelle "connaissance" par métaphore; elle n'est donc pas non plus intelligible, même si on l'appelle ainsi; car comment peut-on considérer comme intelligible ce qui est au-dessus de toute intelligence ? De par sa transcendance, on pourrait tout aussi bien l'appeler "ignorance" et même plus proprement que "connaissance"; elle ne sera donc, ni une partie, ni un aspect de la connaissance, de même que le Suressentiel n'est pas un aspect de l'essentiel, la connaissance en générale ne pourrait donc la contenir, et cette connaissance en général, une fois divisée, ne la posséderait pas comme une de ses parties; on pourrait plutôt y voir, en effet, un aspect de l'ignorance, mais non de la connaissance; de par sa transcendance elle est aussi ignorance, c'est-à-dire qu'elle est au-dessus de l'ignorance. Cette union est donc une réalité unique. Quel que soit le nom qu'on lui donne, union, vision, sensation, connaissance, intellection, illumination, il ne s'applique pas à elle en propre, ou bien il lui appartient proprement à elle seule.
Triade II,3,33.
La lumière : organe et objet de la vision.
La contemplation de cette lumière est une union, bien qu'elle ne dure pas chez les imparfaits. Mais l'union avec la lumière est-elle autre chose qu'une vision ? Et puisqu'elle s'accomplit avec l'arrêt de l'activité intellectuelle, comment s'accomplirait-elle, sinon par l'Esprit ? Car c'est dans la lumière qu’apparaît la lumière et c'est dans une lumière semblable que se trouve la faculté visuelle; puisque cette faculté n'a d'autre moyen d'agir, ayant quitté tous les autres êtres, c'est qu'elle devient elle-même tout entière lumière et s'assimile à ce qu'elle voit; elle s'y unit sans mélange, étant lumière. Si elle se regarde elle-même, elle voit la lumière; si elle regarde l'objet de sa vision, c'est aussi de la lumière; et si elle regarde le moyen qu'elle emploie pour voir, c'est là encore de la lumière; c'est cela l'union : que tout cela soit un, de sorte que celui qui voit n'en puisse distinguer ni le moyen, ni le but, ni l'essence, mais qu'il ait seulement conscience d'être lumière et de voir une lumière distincte de toute créature.
Extrait de : Triade II,3,36.
Accessible à l'expérience
Lorsque tu entends parler, ô le meilleur des hommes, de l'énergie déifiante de Dieu et de la grâce théurgique de l'Esprit, ne te presse point, ne cherche pas pourquoi elle est ceci ou cela et pourquoi elle ne l'est pas; sans elle tu ne pourra être uni à Dieu conformément aux Pères qui nous en ont parlé; tiens-toi plutôt aux oeuvres qui te permettront de l'atteindre; c'est alors, en effet, que tu la connaîtras selon tes possibilités, car, selon Basile, celui-là seul connait les énergies de l'Esprit, qui a appris ce qu'elles sont par l'expérience; quant à celui qui recherche la connaissance avant les oeuvres, s'il a confiance en ceux qui on l'expérience, il obtient une certaine image de la vérité; mais s'il cherche à la concevoir par lui-même, il se trouve privé de l'image elle-même; ensuite, il se gonfle d'orgueil, comme s'il avait trouvé, et souffle sa colère contre les gens d'expérience, comme s'ils étaient dans l'erreur. Ne te presse donc par, mais suis les hommes d'expérience, par tes oeuvres, ou au moins par tes paroles, en te contentant des manifestations extérieurs de la grâce; la déification, en effet, est au-dessus de tout nom. Voila pourquoi, nous qui avons beaucoup écrit sur l'hésichia, tantôt sur l'exhortation des Pères, tantôt à la demande des frères, n'avons jamais osé écrire sur la déification. Mais puisque aujourd'hui il faut parler, nous parlerons, nous dirons des paroles pieuses, par la grâce du Seigneur, mais impossibles à démontrer, car même exprimée en paroles, la déification reste ineffable : pour parler comme les Pères, on ne peut lui donner un nom que d'après les hommes qui l'ont reçue.
Extrait de : Triade III, 1, 32.
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Le dépassement supracéleste
(...); non seulement ils acquièrent la participation et la contemplation de la gloire trinitaire, mais encore celles de la lumière de Jésus, celle qui fut aussi révélé aux disciples sur le Thabor. Jugés dignes de cette vision, ils reçoivent en effet, une initiation, car cette lumière est aussi une lumière déifiante, ils s'en rapprochent réellement et communient les premiers à ses lumières déifiantes. C'est pourquoi le vraiment bienheureux Macaire appelle cette lumière nourriture des êtres supracélestes (Hom. XII, 14 (PG, XXXIV, 565B)
Extrait de : Triade, I,3,5.
Dieu apparaît aux êtres créées.
Celui qui a reçu cette lumière, en se concentrant sur lui-même, perçoit continuellement dans son esprit la même réalité que celle dont il s'est agi jadis, lorsque les enfants des Juifs ont donné un nom au pain qui descendait d'en haut, dans le désert, en l'appelant manne. Quelle est cette réalité ? C'est celle-là même qui pour eux porte le nom de "lumière".
Extrait de : Triade II,3,9.
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