Bref retour sur cette boutade de Woody Allen citée par André Comte Sponville pour un article sur le néant (voir le post précédent).
En voici au moins trois lectures possibles :
(1) La boutade est absurde (c'est ainsi que le comprend le philosophe matérialiste) :
S'il n'y a rien, il n'y aura ni moquette, ni paiement et pas non plus de Woody Allen ou de discours.
Le rien est alors compris au sens fort.
(2) La boutade est fausse.
Woody Allen a payé le bon prix puisqu'il aura acheté une moquette illusoire avec un chèque illusoire.
Le rien est seulement réduit à l'illusion (qui possède une certaine réalité).
(3) La boutade est vraie :
Woody Allen n'a pas seulement sorti son carnet de chèque (...) mais il ne s'est pas aperçu que tout cela relevait de l'illusion. Il aura donc trop payé non pas de son argent mais de sa personne.
Le rien est également réduit à l'illusion mais une partie de Woody Allen y échappe, celle qui prend conscience de cette illusion. Comme dans le cas du rêve (lors d'un rêve lucide, l'observateur ne se réduit pas au personnage du rêve).
Peut-être que ce qui nous fait sourire dans cette boutade provient de la juxtaposition des différents sens, même si on n'en a pas forcément conscience. (Juste sous la conscience les pensées se bousculent).
Comprendre une proposition c'est peut-être pouvoir faire émerger ces différences : la lire à la fois comme pourvue et dépourvue de sens, comme absurde, vraie et fausse en mettant à jour les différentes conditions de vérités qui la détermine (par un jeu de perspectives ou de définitions). C'est seulement ensuite que l'on fera un choix en fonction du contexte de sa profération ou de sa réception. (L'avantage secondaire sera aussi de pouvoir discuter de manière plus argumentée en cas de désaccord.)
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