mercredi 30 octobre 2013

Esther ou Etty Hillesum




Esther « Etty » Hillesum, née le 15 janvier 1914 à Middelbourg, en Zélande, aux Pays-Bas et décédée le 30 novembre 1943 au camp de concentration d’Auschwitz en Pologne, est une jeune femme juive connue pour avoir, pendant la Seconde Guerre mondiale, tenu son journal intime (1941-1942) et écrit des lettres (1942-1943) depuis le camp de transit de Westerbork.
Source (et suite) du texte : wikipedia
Autre biographie : Les amis d'Etty Hillesum


Bibliographie :
- Une vie bouleversée suivi de Lettres de Westerbork, Éd. du Seuil, 1995
- Les écrits d'Etty Hillesum, Journaux et lettres (édition intégrale), 1941-1943, Ed. du Seuil, 2008
En ligne :
Site dédié : Les amis d'Etty Hillesum / citations articles
André Comte Sponville, Etty Hillesum "J'aurai aimé être son amant" : Clé
Anne Ducrocq, Etty Hillesum, Une vie bouleversante : Clé


De fait, ma vie n'est qu'une perpétuelle écoute "au-dedans" de moi-même, des autres, de Dieu. Et quand je dis que j'écoute "au-dedans", en réalité c'est plutôt Dieu en moi qui "est à l'écoute". Ce qu'il y a de plus essentiel et de plus profond en moi écoute l'essence et la profondeur de l'autre. Dieu écoute Dieu.

La vie est pleine de sens dans son absurdité, pour peu que l’on sache y ménager une place pour tout et la porter tout entière en soi dans son unité; alors la vie, d’une manière ou d’une autre, forme un ensemble parfait. Dès qu’on refuse ou veut éliminer certains éléments, dès que l’on suit son bon plaisir et son caprice pour admettre tel aspect de la vie et en rejeter tel autre, alors la vie devient en effet absurde : dès lors que l’ensemble est perdu, tout devient arbitraire.

Le grand obstacle, c’est toujours la représentation et non la réalité. La réalité, on la prend en charge avec toute la souffrance, toutes les difficultés qui s’y rattachent - on la prend en charge, on la hisse sur ses épaules et c’est en la portant que l’on accroît son endurance. Mais la représentation de la souffrance - qui n’est pas la souffrance, car celle-ci est féconde et peut vous rendre la vie précieuse - il faut la briser. Et en brisant ces représentations qui emprisonnent la vie derrière leurs grilles, on libère en soi-même la vie réelle avec toutes ses forces, et l’on devient capable de supporter la souffrance réelle, dans sa propre vie et dans celle de l’humanité.

Je hais l’excès de mots. Je voudrais n’écrire que des mots insérés organiquement dans un grand silence, et non des mots qui ne sont là que pour dominer et déchirer le silence. En réalité, les mots doivent accentuer le silence.

Il faut oublier des mots comme Dieu, la Mort, la Souffrance, l'Éternité. Il faut devenir aussi simple et muet que le blé qui pousse ou la pluie qui tombe. Il faut se contenter d'être.
Ai-je déjà tellement progressé que je puisse dire sans tricherie : j'espère être envoyée dans un camp de travail pour pouvoir faire quelque chose pour ces filles de seize ans que l'on  déporte ? Pour pouvoir dire d'avance aux parents qui restent ici : ne vous inquiétez pas, je veillerai sur vos enfants.
Quand je dis aux autres : rien ne sert de fuir ou de se cacher, nous n'y échapperons pas, partons et essayons de faire encore ce que nous pourrons pour les autres - je donne beaucoup trop l'impression de me résigner. Il y transparaît tout autre chose que ce que je veux dire. Je n'ai pas trouvé le ton qui convienne à ce sentiment parfait et rayonnant qui est en moi et qui inclut toute souffrance et toute violence.

Il n'y a pas de poète en moi, il n'y a qu'un petit morceau de Dieu qui pourrait se muer en création poétique. Il faut bien qu'il y ait un poète dans un camp, pour vivre en poète cette vie-là (oui, même cette vie là !) et pouvoir la chanter.
La nuit, étendue sur mon châlit au milieu de femmes et de jeunes filles qui ronflaient doucement, rêvaient tout haut, pleuraient tout bas et s'agitaient (les mêmes qui affirmaient dans la journée : "Nous ne voulons plus penser", "Nous ne voulons plus sentir, sinon nous allons devenir folles"), j'étais souvent prise d'un attendrissement infini et je demeurais éveillée, laissant défiler devant mes yeux les événements et les impressions toujours trop nombreuses d'une journées toujours trop longues, et me disant : "Puissé-je être le coeur pensant de cette baraque." Je voudrais l'être de nouveau. Je voudrais être le "coeur pensant" de tout un camp de concentration. Or me voilà alitée ici, mais désormais patiente et apaisée, et je me sens même un peu mieux (non, je ne me force pas, je me sens vraiment mieux), et je lis les lettres de Rilke sur Dieu, Uber Gott et chaque mot m'en parait lourd de sens, j'aurais pu écrire ces lettres, et si je les avais écrites, je les aurais voulues exactement ainsi. Je me sens de nouveau assez forte pour partir, je ne pense plus en terme de projets ou de risques, advienne que pourra, et tout sera bien.
Extraits de : Une vie bouleversée
Commande sur Amazon : Une vie bouleversée. Journal (1941-1943)



L'absence de haine n'implique pas nécessairement l'absence d'une élémentaire indignation morale. Je sais que ceux qui haïssent ont pour cela de bonnes raisons. Mais pourquoi devrions-nous toujours choisir la voie la plus facile, la plus rabattue ? Au camp j'ai senti de tout mon être que le moindre atome de haine ajouté à ce monde, le rend plus inhospitalier encore.

La saloperie des autres est aussi en nous. Et je ne vois pas d'autres solutions que de rentrer en soi-même et d'extirper de son âme toute cette pourriture. Je ne crois plus que nous puissions corriger quoi que ce soit dans le monde extérieur que nous n'ayons d'abord corrigé en nous. L'unique leçon de cette guerre est de nous avoir appris à chercher en nous-même et pas ailleurs.

Un jour si je survis à tout cela, j'écrirai sur cette époque de petites histoires qui seront comme de délicates touches de pinceau sur un grand fond de silence.

La vie et la mort, la souffrance et la joie, les ampoules des pieds meurtris, le jasmin derrière la maison, les atrocités sans nombre, tout est en moi et forme un ensemble puissant et je l'accepte comme une totalité invisible et je commence à comprendre de mieux en mieux pour mon propre usage sans pouvoir encore expliquer la logique de cette totalité. Je voudrais vivre longtemps pour être un jour en mesure de l'expliquer aux autres. Mais si cela ne m'est pas donné eh bien, un autre le fera à ma place, un autre reprendra le fil de ma vie là où il se sera rompu.
Extrait de Lettres de Westerbock
Source (et autres extraits) : les montreurs d'image
Commande sur Amazon : Une vie bouleversée. Journal (1941-1943)




Ceci est mon journal (15 épisodes)
Lecture croisée du Journal d'Hélène Berr et d'Une vie bouleversée d'Etty Hillesum



Les Racines du ciel par Frédéric Lenoir
Etty Hillesum avec Cécilia Dutter (2011)



Claire Jeanteur, Etty Hillesum, Le Journal d'une âme (2009)
Commande du DVD : La procure





André Bossuroy, Etty Hillesum (2009)

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