Nicolas Koutsikas, Eric Nadler et Bob Cohen, Armes chimiques sous la mer (France, 2013)
Cachées depuis des décennies, les décharges d'armes chimiques sous-marines livrent un peu de leur secret grâce à cette enquête : un scandale militaire hérité de deux guerres mondiales et une véritable menace pour l'homme et pour l'environnement.
De véritables bombes à retardement dorment au fond des mers et des océans de toute la planète. Plus d’un million de tonnes d’armes chimiques héritées des deux guerres mondiales nous menacent encore aujourd’hui. De 1917 à 1970, pour se débarrasser des stocks explosifs et hautement toxiques, les armées des grandes puissances mondiales les ont déversés dans les océans. Le contenu de ces armes, des poisons mortels encore actifs, s’échappe peu à peu dans la mer, menaçant les pêcheurs, les baigneurs, les poissons et tout l’écosystème.
Comment vous êtes-vous intéressé au sujet des armes chimiques au fond des océans ?
J’avais connaissance depuis une quinzaine d’années de la présence d’armes chimiques en mer Baltique. Mais mon travail a réellement commencé avec la découverte, en 2009, du livre Poisons d’État du journaliste talien Gianluca Di Feo. Cette enquête sur les armes chimiques expérimentées et mises au point sous Mussolini montre qu’une course effrénée à l’armement chimique a eu lieu pendant la Seconde Guerre mondiale. La paix revenue, les Alliés, ne sachant que faire de cet arsenal, ont décidé de le jeter à la mer, notamment dans l’Adriatique et en Méditerranée. Nous avons étendu nos recherches à d’autres pays : États-Unis, Allemagne, Japon, etc.
Avez-vous rencontré des obstacles lors de vos investigations ?
La France est le seul pays où je me suis trouvé face à un mur. Parmi les États concernés, c’est aussi l’un des seuls qui soit absent de ce documentaire. Un silence qui se remarque ! Personne n’a voulu répondre à mes questions ni m’aider. Les médecins ont par exemple refusé de me donner des explications sur les effets des armes chimiques sur l’homme. Pourtant, il existe une décharge au large de Saint-Tropez dans une fosse sous-marine. Mais cent ans après la Première Guerre mondiale et l’utilisation du gaz moutarde, personne n’est en mesure d’expliquer ce que la France a fait de son arsenal chimique. Il n’existe aucune trace.
Quelles peuvent être les conséquences de ces dépôts d’armes chimiques et quelles sont les solutions envisagées ?
Les conséquences sur l’environnement et sur l’homme sont difficiles à déterminer car le secret défense et la guerre froide ont empêché les recherches. Mais des chercheurs indépendants ont par exemple constaté des modifications dans l’ADN des poissons dans l’Adriatique et en mer Baltique. Pour l’heure, l’Union européenne ignore ce sujet. La priorité serait de dresser une cartographie des décharges, y compris sur terre et dans les lacs, d’évaluer les zones dangereuses pour la pêche et le tourisme, et de nettoyer certains dépôts où les bombes corrodées commencent à libérer leur poison.
Source (et suite) du texte : Arte
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