lundi 7 avril 2014

Johannes Cassianus ou Jean Cassien

Johannes Cassianus, appelé communément Jean Cassien, dit « le Romain » ou « le Roumain », est né entre 360 et 365 en Scythie (actuelle Roumanie) et mort entre 433 et 435 à Marseille. C'est un moine et homme d'Église méditerranéen qui a marqué profondément les débuts de l’Église en Provence au Ve siècle. Il est le fondateur de l'abbaye de Saint-Victor de Marseille.
Il a laissé une œuvre doctrinale importante, dont les Institutions cénobitiques (écrit vers 420) et les Conférences, ouvrages consacrés à la vie monastique, qui ont profondément influencé le monachisme occidental du Ve siècle à nos jours, notamment en raison de leur reprise dans la règle de saint Benoît, mais aussi parce qu'ils s'appuyaient sur l'expérience que fit Cassien du grand monachisme oriental, celui des déserts de Palestine et d’Égypte. Cassien établit un pont entre le monachisme d’Orient et celui d’Occident. (...)
Jean Cassien s'est fortement inspiré de l'œuvre d'Evagre le Pontique, qu'il a probablement rencontré à Nitrie, notamment en ce qui concerne la prière et la théorie des huit principaux vices. Il est également influencé par Origène, dont il a lu le Traité des principes et dont il développe la doctrine des quatre sens de l'Écriture, par saint Jean Chrysostome, saint Augustin, saint Basile et saint Jérôme.
Source (et suite) du texte : wikipedia
Autre biographie par Laurence Freeman : Méditation chrétienne

 
Bibliographie :
- Conférences (426-429), Ed. du Cerf, trois tomes, 1955-1971
- Institutions cénobitiques (430), Ed. du Cerf, 1965
- Traité de l' Incarnation, Ed. du Cerf, 1999
- La Vie spirituelle à l'école des Pères du désert, choix de textes, Ed. du Cerf, 2010
Etudes :
Jean-Yves Leloup, Les Collations de Jean Cassien, ou L'unité des sources, Ed. Albin Michel, 1992
En ligne :
Conférences, trad. Cartier, 1868 : Abbaye Saint Benoit


Chassons donc de notre coeur, avant la prière , tout ce qui pourrait la troubler, afin de suivre ce précepte de l'Apôtre : « Priez sans cesse » (I Thess., V, 17) (Conférence 9, 235)(...)

Pour prouver que nous n'avons pas cette maladie des choses de la terre , il ne suffit pas de renoncer à ce que nous ne pourrions pas faire, quand même nous le voudrions , et d'éviter ce qui serait évidemment condamné par les personnes spirituelles comme par les gens du monde mais il faut encore sacrifier avec courage et fermeté tout ce que nous pourrions faire sous un prétexte honnête ; car , en vérité, ces choses qui semblent si petites et si indifférentes aux religieux n'occupent et n'appesantissent cependant pas moins leur esprit que les affaires plus importantes qui troublent et enivrent les hommes du monde. Ces riens ne leur permettent pas de se dégager de la terre pour ne respirer qu'en Dieu, la Vie, le Bien suprême, dont la séparation doit leur sembler plus cruelle que la mort.
Lorsque notre âme sera fixée dans cette paix, et libre de tous les liens des passions humaines, lorsque notre coeur sera fermement attaché à Dieu , le souverain Bien, nous accomplirons le précepte de l'Apôtre : « Priez sans cesse (I Thess. , V , 17), et en tout lieu élevez vos mains pures, sans colère et sans contestations. » (I Tim., II , 8.) Cette pureté parfaite de l'âme la rend, pour ainsi dire, sur cette terre même , semblable aux anges; et tout ce qu'elle entend, tout ce qu'elle dit, tout ce qu'elle fait, devient pour elle une prière très-pure et très-sincère. (239)(...)

8. L'ABBÉ ISAAC. Il est impossible de comprendre toutes les sortes de prières, sans une grande contrition de coeur , une véritable pureté d'âme et une lumière spéciale du Saint-Esprit. Il y a autant de prières qu'il y a dans l'âme, ou plutôt dans les âmes , de dispositions et d'états. Aussi tout en reconnaissant que notre esprit est trop grossier pour discerner toutes ces différences de la prière, nous tâcherons de les expliquer, autant que nous le permettra notre peu d'expérience.
La prière se modifie selon le degré de pureté de l'âme , selon les dispositions et les circonstances où elle se trouve; et il est certain que personne ne peut toujours prier de la même manière. On prie autrement lorsqu'on est dans la joie ou dans la tristesse et l'abattement, dans la consolation ou dans l'épreuve; lorsqu'on demande à Dieu le pardon de ses péchés ou l'abondance de sa grâce, l'acquisition d'une vertu ou la guérison d'un vice; lorsqu'on pense au feu de l'enfer et à la terreur du jugement, ou lorsqu'on est enflammé du désir et de l'espérance des biens du ciel ; lorsqu'on est dans le malheur et les dangers ou qu'on est dans la paix et l'assurance ; lorsque Dieu nous révèle le secret de ses mystères ou qu'il nous laisse dans l'aridité et la stérilité de toute vertu.
9. Après vous avoir parlé de la qualité de la prière, non pas autant que le demande la grandeur du sujet, mais autant que le permet le peu de temps que nous avons et la faiblesse de notre esprit , nous aborderons maintenant une difficulté plus grande, en expliquant l'une après l'autre les quatre sortes de prières que distingue saint Paul, lorsqu'il dit : «  Je recommande avant tout d'offrir des supplications, des oraisons, des demandes et des actions de grâces. » (I Tim., II,1.) Cette distinction de l'Apôtre n'est certainement pas inutile : Cherchons donc d'abord ce que signifient les mots de supplications, d'oraisons , de demandes et d'actions. (241-242) (...)
La quatrième, enfin, convient à ceux qui ont arraché de leur coeur tout ce qui peut blesser la conscience, et qui contemplent, dans la paix et la pureté de leur âme, les miséricordes et les grâces que Dieu leur a faites, qu'il leur accorde ou qu'il leur prépare, s'abandonnant à ces élans d'amour, à cette prière de feu, que l'homme ne saurait ni exprimer ni comprendre. L'âme qui est parvenue à ce degré de pureté, et qui déjà y est enracinée, ne néglige pas pourtant les autres prières ; elle va souvent de l'une à l'autre comme une flamme rapide ; elle offre à Dieu des prières ineffables que l'Esprit-Saint vivifie à notre insu , par des gémissements inénarrables , et elle conçoit tant de choses à la fois , qu'elle ne pourrait en un autre instant, non-seulement les exprimer, mais même les repasser dans son souvenir. (245) (...)

(L'ABBE ISAAC). Beaucoup croient ainsi, par habitude, qu'il faut adorer sous la forme d'une image la majesté incompréhensible et infinie de Dieu, bien persuadés qu'ils ne pourront jamais fixer leurs pensées, et bien faire leurs prières, s'ils n'ont pas toujours dans leur esprit et devant les yeux une image à laquelle ils offrent leurs supplications. C'est l'erreur que l'Apôtre condamne, en disant « Ils ont changé la gloire incorruptible de Dieu en la ressemblance de l'image de l'homme corruptible. » (Rom., I, 23.) Jérémie dit aussi : « Mon peuple a changé sa gloire en une idole. » (Jér., II, 11.)
Quoique cette erreur ait pour beaucoup l'origine que nous venons de dire, d'autres, cependant, la partagent sans avoir jamais été souillés des superstitions païennes; c'est qu'ils interprètent mal ce passage de la Genèse : « Faisons l'homme à notre image et ressemblance. » Leur ignorance et leur simplicité les font tomber dans l'hérésie des anthropomorphites, qui soutiennent avec une coupable opiniâtreté que la substance simple et infinie de la Divinité a une forme et une figure humaine. Celui qui sera instruit des dogmes catholiques détestera cette doctrine païenne, et pour prier saintement, non-seulement il ne donnera à la Divinité aucune forme corporelle, ce qui serait un blasphème, mais encore il effacera de son esprit l'idée de toute action et de toute parole capable d'altérer la vérité. (Conférence 10, 272)(...)

(L'ABBE ISAAC). Voici cette règle que vous cherchez , cette formule de la prière , que tout religieux qui désire se souvenir continuellement de Dieu, doit s'accoutumer à méditer sans cesse dans son coeur, en en bannissant toute autre pensée ; car il ne pourra jamais la retenir s'il ne s'affranchit de toute inquiétude et de tous soins corporels. C'est un secret que nous ont laissé quelques-uns de nos anciens Pères, et que nous ne disons qu'au petit nombre de personnes qui le désirent avec ardeur.
Cette formule qui vous rappellera toujours Dieu, et dont vous ne devez jamais vous séparer , est celle-ci : « Mon Dieu, venez à mon aide ; hâtez-vous, Seigneur, de me secourir. Deus in adjutorium meum intende; Domine; ad adjuvandum me festina. » (279)(...)
Ainsi, nous devons sans cesse adresser à Dieu cette courte prière , afin de n'être pas abattus par l'adversité, ou orgueilleux dans la prospérité. Oui , méditez sans cesse ce verset dans votre coeur, récitez-le pendant votre travail , au milieu de vos occupations et lorsque vous êtes en voyage. Que votre esprit s'en nourrisse , en dormant, en mangeant, en subissant toutes les nécessités de la nature; que sa méditation devienne pour vous comme une formule puissante et salutaire qui non-seulement vous préservera de toutes les attaques du démon, mais encore vous purifiera des vices et de la contagion de la terre , pour vous élever à la contemplation des choses invisibles et célestes, et vous faire arriver à cette ineffable ardeur de la prière, que bien peu connaissent. Endormez-vous en récitant ce verset , de manière que, par habitude , vous le disiez encore pendant votre sommeil ; et lorsque vous vous réveillerez, que ce soit la première chose qui se présente à votre esprit. Dites-le en vous agenouillant, dès que vous quittez votre lit, et qu'il vous accompagne ainsi d'action en action pendant tout le cours de la journée. Méditez-le selon le précepte divin : « soit que vous reposiez dans votre maison, soit que vous soyez en voyage , soit que vous dormiez , soit que vous vous leviez. Ecrivez-le sur vos lèvres et sur votre porte ; gravez-le sur les murs de votre demeure et au plus profond de votre âme», afin qu'il en découle naturellement, lorsque vous vous mettez en prière, et qu'il vous accompagne ensuite comme une oraison fervente et continuelle dans toutes les occupations de votre vie.
11. Que l'âme s'attache donc à ces paroles, jusqu'à ce qu'à force de les méditer, elle éloigne et rejette cette abondance, cette richesse de pensées qui pourraient l'occuper, et qu'elle parvienne, en se renfermant dans la pauvreté de ce verset, à cette première des béatitudes de l'Évangile : « Bienheureux les pauvres d'esprit, parce que le royaume des cieux est à eux. (283)(...)

14. L'ABBÉ ISAAC. Ce que nous avons dit dans notre première conférence sur la prière , répondrait suffisamment à votre demande; mais je résumerai en peu de mots les moyens de fixer notre coeur. Il y a trois choses qui l'empêchent de s'égarer : la veille, la méditation et la prière; en s'y appliquant fidèlement et généreusement , l'âme devient ferme et inébranlable. On ne pourra cependant y parvenir sans le travail des mains, qu'on doit faire non pas par intérêt , mais pour se rendre utile à la communauté , afin qu'en l'affranchissant de toutes les inquiétudes et de tous les besoins de la vie , nous puissions accomplir le précepte de l'Apôtre : Priez sans cesse. Celui qui ne prie que quand il est à genoux, prie bien peu ; mais celui qui, à genoux, laisse son esprit s'égarer sans cesse, ne prie pas du tout. Aussi, avant de prier, nous devons nous mettre dans les dispositions où nous voulons nous trouver pendant la prière; car l'état où nous serons alors, dépend nécessairement de celui où nous étions auparavant; et selon les pensées que nous avions, nous ramperons sur la terre ou nous nous élèverons vers le ciel. (288)
Extrait de : Conférences (9 et 10)
Source : Abbaye de Saint-Benoit
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