mardi 2 décembre 2014

Alain Cugno

Alain Cugno, né en 1942, est un philosophe français, ancien élève de l'ENS de Saint-Cloud et docteur d'État. Il a longtemps enseigné la philosophie en khâgne, au lycée Lakanal (Sceaux).
Il est l'auteur, notamment de L'Existence du mal et de La Blessure amoureuse, qui contient en particulier une relecture de la conception kierkegaardienne du désespoir. Sa pensée est centrée sur les idées de geste et de mouvement, plutôt qu'organisée en système. En ce sens, on peut la rapprocher de l'entreprise phénoménologique, même si l'étendue de ses références est beaucoup plus vaste. Fort d'une solide culture catholique, Alain Cugno participe au comité de rédaction de la revue Projet à laquelle il contribue régulièrement et, épisodiquement, à la revue Études (c'est ainsi qu'il écrit un essai sur L'indifférence en 2004). Il a aussi un engagement intellectuel autour des problématiques de la justice et des prisons. Il est ainsi vice-président de la Fédération des associations réflexion action prison et justice.
Alain Cugno tient une chronique intitulée La libellule et le philosophe pour le magazine mensuel Terre sauvage.

Bibliographie :
Saint Jean de la Croix, Ed. Fayard, 1979
- L'air, Ed. Seuil, 1999
- Au cœur de la raison : raison et foi, Ed. Seuil, 1999
- L'existence du mal, Ed. Seuil, 2002
- La blessure amoureuse : essai sur la liberté affective, Ed. Seuil, 2004
- De l'angoisse à la liberté. Apologie de l'indifférence, Ed. Salvator, 2009
- La libellule et le philosophe (2011), rééd. poche, Albin Michel, 2014
- Comment s'y prendre pour vivre, Ed. Iconoclaste, 2014
En ligne :
Entretien : Actu philosophia (De l'angoisse à la liberté)

Les combats et les victoires ne valent que dans l'instant. Il en résulte l'impression que l'oubli reprend le dessus et se referme doucement sur l'eau qu'elle engloutit. Mais ces instants n'appartiennent pas au temps. Les victoires ne lui sont pas soumises, elles sont définitives et irréversibles. Elles ne nous trahissent jamais. Mais c'est nous qui les perdons de vue : nous ne les éprouvons plus et nous ne savons plus les vivre, c'est-à-dire les quitter pour autre chose. Car tel est le paradoxe : si nous essayons de retenir ce que nous avons compris, nous le perdons, mais si nous acceptons de le perdre, de ne plus y "faire attention", il nous donne à vivre. Oublier est en ce domaine sûrement la meilleure manière de faire mémoire, parce que la chose comprise ne surgit plus que dans l'acte, dans l'intelligibilité propre à l'acte. Il y a en effet une intelligibilité, une intelligence qui ne se trouve que dans l'acte et qui ne peut être transposée dans un autre registre (langagier par exemple) qu'au prix des plus grandes difficultés. Si l'on nomme d'ailleurs philosophie cette transposition, ce travail d'élucidation de ce que les actes savent, alors il devient évident que la philosophie n'est pas nécessaire pour vivre et même bien vivre. (...)

Il n'y a rien d'autre dans la philosophie que la construction d'outils langagiers suffisamment performants pour pouvoir forcer jusqu'à cette profondeur où l'enfance a couru tous les dangers et inauguré toutes les profondeurs. Il n'y a de retour à l'enfance que par la culture la plus vive et la plus sophistiquée. (...)
Il m'aura fallu de très longues années pour m'apercevoir que la philosophie n'était rien d'autre que la conquête de l'enfance par les moyens les plus développés.
Extrait de : La blessure amoureuse (Introduction et ch. 1, Le jeu de l'existence)
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Oui, la méditation III est à cet égard extrêmement importante ; c’est le moment où Descartes découvre l’idée de parfait en lui, c’est le moment où il découvre non pas qu’il a une idée de parfait en lui mais que c’est l’idée de parfait qui l’a engendré : c’est la même chose de dire « je suis » et de dire « j’ai l’idée de parfait en moi ». Ainsi, on fait totalement éclater les limites d’une idée, on troue le domaine des idées pour se précipiter dans le domaine de l’être. C’est pour cela qu’à la fin de la troisième Méditation Descartes jubile ; il dit qu’il n’y a aucun moyen d’être plus heureux, en cette vie, que de découvrir ce qu’il vient de découvrir.

Ce détour par Dieu m’amène à une question circonstancielle : est-ce que ton ouvrage comporte une critique implicite des injonctions contemporaines qui nous demandent d’être immédiatement nous-mêmes, comme si notre propre singularité ou notre ipséité nous était d’emblée donnée, sans aucune médiation ?
Oui. Je pense que la volonté d’être soi-même ne rejoint pas le soi, ni la singularité ; en voulant être soi, on ne rejoint pas ce fait hallucinant qu’être moi soit tombé sur moi.

Donc l’ipséité n’est pas immédiatement donnée ?
L’ipséité n’est pas immédiatement donnée, mais on ne peut pas non plus dire qu’elle soit construite ; elle est l’objet d’un travail pour retrouver ce qui est là et que nous ne voyons pas, un travail pour voir ce qui est tellement près que nous ne le voyons pas. On est immédiatement soi, mais voir cette immédiateté n’est jamais immédiat mais demande que l’on fasse un très long périple pour revenir à ce qui a été donné ; il faut que je sorte de moi-même, que j’accède au langage, aux pratiques sociales, aux croyances, aux mythologies, au symbolique, etc., et une fois que je suis parvenu là, je peux effectuer ce voyage de retour vers cette singularité qui, certes, est immédiate, mais qui est une immédiateté sans fond. C’est une immédiateté en abîme.

Ce que tu dis m’évoque un schéma néoplatonicien où on retrouverait ce qui est le plus intime de nous-mêmes mais au terme d’une conversion vers soi.

C’est du néoplatonisme, c’est de l’épistrophè au sens du demi-tour vers l’origine. Le moment du demi-tour est celui où on passe dans l’être.
Source : Actu Philosophia (Interview De l'angoisse à la liberté, 2009)




Hors-champs par Laure Adler
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Les Racines du ciel par Frédéric Lenoir, Leili Anvar
L'entomologie comme art de philosopher (09.11.2014)
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Alain Cugno et Isabelle Raviolo - Alain Cugno, un philosophe dans la cité (Continents intérieurs, 02.10.2014)



L'interprétation (Projet EEE, 2014)



L'Homme meilleur ennemi de la Nature (Congrès RNF 2013)


Définition de l'étique (Fondation Ostad Elahi, 2010)


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