dimanche 19 avril 2015

Un double-circuit financier au service de la spéculation

MAJ de la page : La nouvelle organisation du monde


La nouvelle organisation du monde : un double-circuit financier au service de la spéculation
Liliane Held-Khawam, le 18 avril 2015

Le monde de la finance marche sur la tête. Nous avions les banques qui créent de la monnaie grâce à nos dettes. Il y a quelques semaines, la BNS annonçait qu’elle ponctionnerait nos dépôts bancaires. Et aujourd’hui nous avons la Confédération suisse qui émet des emprunts obligataires sur 10 ans avec un rendement négatif. Enfin, en même temps l’Etat mexicain s’endette en euros sur 100 ans !

Qui dit mieux ? Des emprunts à vie ? Pourquoi pas ? En tout cas, la crise a bon dos. Austérité, confiscation et peut-être la fin de la propriété privée cohabitent avec l’euphorie, l’enrichissement illimitée, le siphonage du patrimoine local par le marché financier mondial avec la bénédiction d’autorités devenues complices. Il faut le dire haut et fort. Cette crise pour laquelle le citoyen et les entreprises locales n’en finissent plus de laisser emplois et chemise est une assise sur laquelle prospèrent des marchés financiers partis à la conquête de la planète. Le marché des obligations d’Etat est une clé de voûte de cet enrichissement systématique et le rendement négatif des emprunts y contribue…

Le marché obligataire est l’investissement préféré des Caisses de pensions et des assurances-vie qui sont la pierre angulaire des investisseurs de longue durée. Poser des rendements obligataires négatifs après avoir imposé les dépôts bancaires par un taux d’intérêt négatif revient à s’en prendre directement à nos retraites. On cherche à les rabattre vers des marchés plus spéculatifs et surtout celui des actions s’ils veulent gagner de l’argent et survivre…

Une opulence illimitée basée sur la spéculation pure

Voici 3 graphiques qui montrent l’explosion des bourses alors même que les gouvernants répètent à l’envie leurs difficultés à gérer la crise ambiante. On voit clairement comment les bourses de New York, Francfort et Zürich ont évolué depuis 2008. Edifiant tellement la croissance saute aux yeux.


Que font ces personnes pour obtenir de telles performances alors que la paupérisation s’installe dans leur pays ? Ils spéculent toujours plus et toujours plus vite. De puissants logiciels de trading de haute fréquence sont là pour maximiser encore et toujours leurs gains. Il faut dire qu’ils sont soutenus en permanence par des politiques monétaires, financières et publiques des banques centrales et autres gouvernements. Une aide illimitée avec pour assise l’économie réelle des gens normaux artisans, entrepreneurs ou salariés.

Cette formidable plus-value boursière (triplement aux Etats-Unis et en Allemagne depuis 2009) est annoncée avec une excellente nouvelle. Wall Street va distribuer 1000 milliards de dollars en dividendes pour l’année 2014.

La déflation est le lot des acteurs locaux.

Pendant ce temps, les acteurs locaux qui n’ont pas accès au marché financier mondial dépérissent. Ils sont séchés sur place par une concurrence sur-vitaminée par les largesses du marché financier mondial et une production exotique à bas coûts voire esclavagiste.

Impossible de faire le poids. Les prix dégringolent toujours plus entraînant avec eux, marges bénéficiaires, niveau salarial et pouvoir d’achat. Cela s’appelle « déflation ». Tout économiste cherche à l’éviter. Nos banques centrales qui ont pour mission de maintenir une progression des prix à + 2% par an sont en échec.

Voici une carte qui parle mieux que des mots. Seuls 3 pays de la zone euro sont en vert. Ils bénéficient –encore- d’une petite inflation de 0.1 à 0.6%.


La Suisse qui n’est pas évaluée sur cette carte est, selon les chiffres de l’Office fédérale de la statistique, en déflation depuis mai 2011. Ce sont 4.6 points qui manquent pour que les objectifs de la BNS soient réalisés. Cette déflation est très grave dans la mesure où elle exprime l’assèchement de la masse monétaire de proximité (locale).

Elle contraste fortement avec l’euphorie et la pléthore de liquidités du marché financier international. Nous sommes bel et bien devant un double circuit financier. Des ressources illimitées pour les uns. Une austérité et une confiscation du patrimoine pour les autres.

Un chiffre seul illustre cette aberration, près de 50 millions d’américains sur 300 bénéficient de « food stamps »,(Department of Agriculture (USDA)) , l’équivalent de la soupe populaire…

En Suisse aussi la paupérisation ne cesse de progresser. Les personnes âgées en sont les principales victimes. Le taux de pauvreté des plus de 65 ans peut atteindre les 18% alors que celui de ceux qui sont à risque de le devenir va jusqu’à 29% …. Ce sont donc 47% des plus de 65ans qui flirtent avec la pauvreté une fois à la retraite.

Un double-circuit financier

Cette situation financière et économique schizophrénique entre les bénéficiaires des marchés financiers et le simple citoyen s’est installée de manière structurelle. La gouvernance publique soumise au puissant feu roulant du lobbying de la finance mondialiste a réussi à légaliser un spectaculaire double-circuit financier. L’un déborde de liquidités qui se multiplient sans aucun mérite ni contrepartie connus. Il nage dans une abondance surréaliste et voit exploser sa croissance par des bénéfices jamais égalés. Il est transnational. Son indicateur est cette bourse flamboyante, extravagante et sans base réelle ou réaliste.

Les banques centrales avec leurs assouplissements quantitatifs, la défense du taux-plancher (BNS) et autres pratiques boursières telles que les REPOS y sont pour beaucoup dans cette flambée boursière doublée de spéculation endémique. Ils nourrissent copieusement ce circuit transnational par une stratégie qui lui est systématiquement bénéfique.

Le deuxième circuit est régional (local). Il est réservé au fruit du travail des individus et des PME/PMI. Il est lié à l’économie réelle de proximité. Ce canal financier est asséché, miné par une gouvernance publique déflationniste. Il inclut des établissements financiers qui n’ont pas bénéficié du label « too big to fail ». Il est soigneusement siphonné au fur et à mesure des crises provoquées par le premier circuit transnational (par exemple, loi too big to fail).

Pourtant c’est le circuit financier local et national qui donne la crédibilité et la consistance au transnational. Ce sont les excédents des balances de paiement des pays, l’épargne en réserve et les capitaux de retraite qui font que la haute finance va courtiser ou pas un pays X. Quelqu’un a dit un jour qu’un pays comme la France qui bénéficie de rendements obligataires très avantageux profitait encore de la garantie offerte par l’épargne du peuple.

La Suisse qui dispose de centaines de milliards d’excédents de balance de paiements, de 700 milliards de capitaux de retraite et de non moins importantes épargnes intéresse particulièrement les marchés financiers.Dans un timing parfait, le Conseil fédéral a assoupli l’Ordonnance sur la prévoyance professionnelle vieillesse (Annexe1), survivants et invalidité juste avant d’envoyer le signal fort sur le rendement négatif obligataire à 10 ans devenu une impasse.

Ce circuit financier mondial, véritable table de casino géante a pourtant un talon d’Achille. Le peuple. Il n’est strictement rien sans lui. Que celui-ci se rebelle, qu’il retire son argent des banques, qu’il fasse la grève des impôts ou qu’il dénie la reconnaissance de la monnaie bancaire et c’est tout le système qui s’écroule…

Liliane Held-Khawam

Annexe 1: Assouplissement des normes de gestion des caisses de pension assouplissement ordonnance LPP/


Source : Liliane Held-Khawam

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