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Quand la mémoire traumatique devient un enjeu face à la justice, Hélène Romano (ITéle, 2015)
Outreau: du mensonge et de la manipulation des masses
Par Céri, le 25 mai 2015 - Donde Vamos
Voilà, le procès de Rennes a démarré. J'avais dénoncé la propagande qui se mettait déjà en place avant l'ouverture des débats. Après une semaine, le constat est triste: la plupart des médias ne font que reproduire fidèlement l'argumentaire fallacieux des avocats de la défense. Pire : ils passent sous silence des éléments essentiels à la compréhension de ce procès et de ce qui s'y déroule. Le parti pris est criant et la déontologie largement piétinée.
Pour mieux faire le tour de la question de cette manipulation des masses, tout comme lors des premiers procès d'Outreau, on va examiner quelques éléments clés de cette stratégie. Le but est de pousser les français à s'identifier à Daniel legrand et pas aux victimes, et d'éviter au maximum de parler du fond du dossier.
1. Daniel Legrand, LA victime
Jusqu'à ce que Jonthan et Chérif Delay témoignent de ce qu'ils ont vécu, et rappellent que selon eux, "Daniel Legrand était là" lors de scènes de viols collectifs, Chérif ayant même précisé que dans ses souvenirs, Daniel Legrand a été victime deux fois et agresseur une fois, les médias unanimes nous présentaient Daniel Legrand comme la seule et unique victime de cette affaire. Il n'y avait tout simplement pas de place pour les victimes.
On a eu droit à moult reportages sur le terrain de foot de Wimereux, à sa complainte sur sa "carrière" brisée (ce qui ne laisse pas d'étonner quand on connait sa consommation de stupéfiants à l'époque où il dit avoir été un espoir du foot français), à des tirades larmoyantes sur son lourd traitement contre ses "hallucinations", mais aussi contre sa dépendance à l'héroïne (qu'il a niée au procès), au détail de sa vie misérable, entre son écran d'ordinateur et sa télé. Avant que les enfants Delay ne livrent des témoignages bouleversants et d'une sincérité absolue, tout l'espace médiatique était réservé à Daniel Legrand et à sa terrible histoire d'acquitté.
C'est seulement le vendredi 15 mai sur France Inter que Dupond Moretti, l'un des six avocats de Daniel Legrand, a pour la première fois évoqué les 12 enfants reconnus comme victimes. Car en effet, pendant 10 ans et jusqu'à ce vendredi, de victimes il n'a jamais été question.
Et puis, on a eu droit à une nouveauté: depuis jeudi, quand Chérif a témoigné, les avocats de la défense et un certain nombre de médias ont commencé à placer sur le même plan les souffrances de Daniel Legrand et celles des enfants Delay, ce qui est une véritable insulte aux victimes. Parce que, selon ses avocats qui refusent d'envisager qu'il puisse être victime, le seul problème qu'a connu leur client dans sa vie est d'avoir été condamné en première instance au procès de Saint-Omer. Il n'a jamais été reconnu victime de proxénétisme, de viols collectifs, n'a pas été maltraité par les services sociaux durant toute son adolescence avant d'être jeté à la rue le jour de ses 18 ans.
On peut même dire que, comparé à Chérif Delay qui a aussi eu quelques ennuis judiciaires, Daniel Legrand a plutôt bénéficié d'un traitement de faveur: il n'a pas fait de prison quand il a été pris au retour des Pays-Bas avec 130 grammes d'héroïne, alors qu'il en était déjà à son quatrième voyage. Je suis curieuse de savoir quelle peine aurait reçue Chérif pour le même délit.
2. De la victime menteuse à la victime manipulée
Comme il devenait impossible de continuer à traiter les enfants Delay et les autres victimes de menteurs, la défense et certains médias (Le Figaro, le Monde, France Inter et la Voix du Nord essentiellement) se sont mis à dire que ces victimes étaient "manipulées" et "instrumentalisées" par une "petite bande de révisionnistes", de "complotistes", de "conspirationnistes" qu'on assimile allègrement à Alain Soral. Il y a là de quoi anihiler tout esprit critique chez le lecteur/spectateur. Autant nous traiter nazis, comme cela a été fait pour le juge Burgaud.
Alors d'une part, à ma connaissance, les personnes qui sont venues en aide aux frères Delay, et qui sont nombreuses car l'administrations les a réellement laissés tomber, ont toutes évité au maximum de parler de l'affaire avec eux tellement cela était perturbant pour eux.
Personne ne les a poussés à aller à ce procès, ce sont eux qui ont muri leur décision. Il n'était de toute manière pas question de les pousser dans ce sens, au vu des ennuis que cela allait entraîner, et dont le moindre n'était pas de se faire à nouveau traiter de menteurs. Car il était prévisible que la défense n'allait encore une fois reculer devant rien pour décrédibiliser les parties civiles, les victimes.
Quant à cette accusation d'être des "complotistes", je ne peux que m'esclaffer de rire: qui voit des complots partout, dans cette affaire ? Il me semble que ce sont bien les avocats de la défense et les acquittés qui disent qu'au final, toute l'affaire tient à "un enfant fou" et à "une mythomane", qui auraient réussi à faire croire à la justice, à la police et aux services sociaux que 19 innocents devaient être traînés aux assises. Ce sont eux qui insinuent que des dizaines d'enfants et leurs assistantes maternelles auraient monté une cabale pour nuire à des gens qu'ils ne connaissaient pas, selon leur version des choses.
Et ce sont encore les mêmes qui voient aujourd'hui un complot des gens qui soutiennent ces victimes, pour faire accuser Daniel Legrand et dire que "les acquittés sont coupables".
C'est comme quand Me Delarue nous explique doctement que l'on veut "refaire le match". C'est faux et il le sait: nous, nous sommes bien au procès de Daneil Legrand. Et ce ne sont pas les avocats des victimes qui ont rappelé les acquittés à la barre, histoire de bien "refaire le match". Ce n'est pas nous qui parlons sans cesse des acquittés, histoire de faire oublier les charges qui pèsent contre Daniel Legrand.
Enfin, il faut souligner qu'aucun de ces "complotistes" n'a été invité à donner son point de vue sur les plateaux de ces émissions.
3. Répéter des mensonges même quand on sait qu'il s'agit de mensonges
Depuis 10 ans maintenant,on nous répète qu'Outreau est "une histoire d'inceste". On a même Aubenas qui nous invente le concept d' "inceste dans le huis clos d'une cage d'escalier". Sauf qu'on n'y est toujours pas: dans l'affaire d'Outreau, on a 12 victimes, de cinq fratries différentes. Ca fait déjà un sacré inceste. On a aussi quatre coupables, dont deux condamnés aussi pour proxénétisme. On n'ira pas plus loin, mais il est évident qu'on n'est pas juste dans "une histoire d'inceste". Cela, c'est du "révisionnisme judiciaire".
Lors des audiences, il a une fois de plus fallu revenir sur l'histoire du "Dany legrand". En effet, la défense dit que ce nom donné par Dimitri Delay à son assistante maternelle n'avait rien à voir avec Daniel Legrand, qui se serait donc retrouvé tout à fait par hasard dans le dossier. Sauf qu'on a encore dit cete fois-ci que ce "Dany Legrand" correspondait bien à Daniel Legrand, car il n'y avait pas que cet élément contre lui.
Il a aussi été dit et redit, comme c'est le cas depuis 10 ans, que le juge Burgaud a "soufflé" des noms à Myriam Badaoui, qu'il a "mis le doigt" sur les photos des accusés, qu'il n'a pas tout retranscrit dans les PV d'auditions. Sauf qu'une fois de plus, le greffier de Burgaud, qui avait quelques inimitiés envers lui, a encore confirmé qu'il n'a aucun souvenir de manipulations de ce type. Et il a même précisé que les avocats des accusés étant présents lors de ces auditions, ils avaient tout loisir de souligner des dysfonctionnements aussi graves. Ce qui n'a pas été fait, évidemment.
Eh bien figurez-vous que dans les médias qui nous ont parlé de ces audiences, c'était comme si la question n'avait jamais été abordée. On a par exemple Karine Duchochois, une des acquittés, qui nous explique sur BFM que le juge Burgaud "soufflait" des noms à Myriam Badaoui. C'est je crois Montesquieu qui disait "calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose".
Mais BFM n'est pas le seul média qui a repris encore une fois de plus la plaidoirie de la défense, telle quelle. Mais on nous répète beaucoup de stupidités, comme le fait que Daniel Legrand sera "rejugé encore une fois pour les mêmes faits", ce qui est faux: il n'a jamais été jugé pour les faits qui lui sont reprochés cette fois, puisqu'il n'a été jugé que pour des faits qu'il aurait commis une fois majeur. On nous dit que ce sont un syndicat de magistrats et une association "jusqu'auboutistes" (sic.) qui ont fait en sorte que ce procès ait lieu. C'est faux évidemment: ce procès a lieu aujourd'hui parce qu'il n'a pas eu lieu il y a 10 ans, et cela en raison d'un "accord" passé entre le parquet et les avocats des acquittés, et cela dans le dos des parties civiles qui n'étaient même pas au courant de ces tractations de couloir.
Il serait laborieux de lister ici tous les mensonges véhiculés par les six avocats de Legrand et par les acquittés. Pour cela, je vous renvoie vers un site dédié à décrypter lesdits mensonges: "Outreau, une mise au point".
4. Oublier d'évoquer des faits essentiels
Afin de bien manipuler l'opinion, il faut aussi taire les faits qui sont gênants pour les avocats de la défense et pour les acquittés. Ainsi, un certain nombre de journalistes ont conclu de l'audition du juge Burgaud que son instruction avait été "mise en pièce" ou même "saccagée", ce qui n'a pas du tout été l'impression des témoins qui se trouvaient sur place.
Certes, le juge Burgaud a reconnu quelques erreurs, mais on doit rappeler que ni la commission d'enquête parlementaire ni l'Inspection générale des Services Judiciaires n'ont trouvé de faute à lui imputer. Ni à lui, ni à ses collègues.
On a aussi oublié de rappeler tous les éléments à charge contre Daniel Legrand, rappelés par Patrice Burgaud au début de son audition. Pourtant, ces éléments sont bien réels et n'ont jamais pu être démontés par la défense.
Un bel exemple de partialité flagrante est l'article rédigé dans Le Figaro, au soir de la journée où on a vu le témoignage de Chérif Delay, mais aussi d'un policier et de deux "experts" qui avaient des témoignages contradictoires. Le témoignage de Chérif a été très lourd, très fort, à tel point que beaucoup ont du sortir de la salle. C'était un témoignage bouleversant parce qu'on a compris toute sa souffrance, pendant les faits mais aussi après. A la fin de cette journée, que choisit de mettre en avant l' "envoyé spécial" du Figaro? "L'émouvant témoignage du policier qui conforte la défense". Oui, vous avez bien lu: ce qui était "émouvant" pour Stéphane Durant Souffland, grand ami de Dupont Moretti, c'était le témoignage de ce policier, le seul à avoir une parfaite mémoire des faits bien qu'il n'ait travaillé que 48 h sur cette affaire, quand les Legrand ont été placés en garde-à-vue. Que disait ce policier? Que selon lui le dossier concernant les Legrand, qui était alors très parcellaire, était vide.
Pourtant, Chérif a dit que Legrand était là pendant des scènes de viols, en tant que victime et en tant que coupable, au soir de la coupe du monde de 1998. Il a aussi réitéré ses accusations contre plusieurs acquittés. Mais cela, c'est accessoire pour le journaliste du Figaro, qui préfère insister sur une phrase pourtant anodine de l'assistante maternelle de Jonathan, qui a dit qu'un jour, entendant parler d'un "Legrand", a demandé s'il s'appelait comme cela parce qu'il était grand ou parce que c'était son nom.
Tollé du côté de la défense et de ses groupies comme Aubenas ou Durand Soufflant, alors que la dame était bien incapable de remettre cette phrase en contexte. Mais pour le chroniqueur du Figaro, "si Jonathan pose la question, c'est qu'il est au courant de son apparition". C'est pathétique, car à l'époque Jonathan n'avait que 5 ou 6 ans à l'époque.
Durant Souffland revient ensuite sur la grande théorie du complot de la défense: la "tata connexion". Car selon Dupond Moretti et ses copains, ce sont les tatas (les assistantes maternelles qui ont accueilli les enfants) qui ont monté toute l'histoire en poussant les enfants à raconter n'importe quoi. Un délire qui n'a évidemment jamais été confirmé par aucun élément, mais qu'on nous répète à l'envi.
Je suis journaliste moi-même, et je dois dire que cette manière de "travailler" (si on peut qualifier de travail ces copiés-collés de la plaidoirie de la défense) fait honte à toute la profession. Parce que beaucoup de gens son lucides sur cette affaire, et qu'ils se rendent bien compte qu'on cherche à instrumentaliser l'opinion publique. D'après moi, ces articles totalement subjectifs et même souvent mensongers devraient être étudiés de près en cours de déontologie dans les écoles de journalisme. Les lecteurs et spectateurs de ces médias devraient s'indigner d'être traités comme du bétail ignare par des journalistes acquis à la cause de la défense.
Source : DondeVamos
Lire aussi sur Donde Vamos : Affaire Outreau: le rouleau compresseur de la propagande entre en action (9 mai 2015)
Voir aussi le site dédié : Outreau une mise au point
MAJ :
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